« Comment vous dire
tout ce qui s’est passé dans mon âme depuis quinze jours, que
Notre-Seigneur répand sur cette misérable pécheresse? Non, cela
n’est pas en mon pouvoir, un tel langage ne peut être rendu par
une pauvre idiote... Je vais vous dire, cependant, à peu près
comme je le pourrai, ce que Jésus m’a fait entendre :
Ce divin Directeur
de mon âme m’a dit :
— Ma fille, ayez
plus d’abandon à ma conduite et plus de simplicité ; car je veux
vous nourrir moi-même du lait de mes consolations. Ces retours
inquiets, ces craintes d’illusion m’empêchent d’agir pleinement
sur vous.
Alors j’ai confessé
ma faute; il a pris une nouvelle puissance sur moi et m’a
découvert plusieurs secrets admirables de son infinie
miséricorde. Il a commencé à m’appliquer à sa souveraine
justice, me faisant voir les eaux de sa colère; mais en même
temps, il m’a commandé de les épuiser avec son divin Cœur, afin
qu’elles s’écoulent dans cet abîme.
Un autre jour,
Notre-Seigneur m’a fait voir la multitude d’âmes qui tombent
continuellement en enfer, en m’invitant de la manière la plus
touchante de secourir ces pauvres pécheurs et en me faisant voir
l’étroite obligation de l’âme religieuse envers ces pauvres
aveugles qui se précipitent dans l’abîme éternel et à qui sa
miséricorde ouvrirait les yeux, si des âmes charitables
demandaient pour elles grâce et miséricorde. Notre-Seigneur me
disait aussi que s’il demandait compte aux riches des biens
temporels qu’Il leur a confiés pour secourir les pauvres, avec
quelle bien plus grande sévérité Il demanderait compte à une
Carmélite, à l’âme religieuse, riche de tous les biens de son
Époux, possédant les trésors immenses des mérites de sa vie et
de sa Passion, quel usage elle en a fait et si elle a su puiser
dans ces trésors qui lui sont ouverts des richesses pour
secourir les pauvres pécheurs. Alors cet aimable Sauveur,
m’ouvrant ses trésors immenses composés des mérites de sa vie et
de sa Passion, ajouta :
— Ma fille, je vous
donne ma Face et mon Cœur. Je vous donne mon sang, je vous ouvre
mes plaies ; puisez et versez ! Achetez sans argent: mon sang
est le prix des âmes. Oh! quelle peine pour mon Cœur de voir que
des remèdes qui m’ont coûté si cher sont méprisés. Demandez à
mon Père autant d’âmes que j’ai versé de sang dans ma Passion.
Un autre jour,
Notre-Seigneur me présenta sa Sainte Croix en me disant qu’Il
avait enfanté tous ses enfants sur ce lit de douleur, me faisant
entendre que c’était par la croix portée pour son amour et par
la prière que j’obtiendrais la vie éternelle à des morts à la
grâce, dont Il désire si ardemment la résurrection. Oh, quel
désir je vois dans le Cœur de Jésus pour le salut des pécheurs !
Quelle vive connaissance Il m’a donnée sur l’efficacité de la
prière offerte pour ces âmes égarées. Mais que dirai-je de cette
vue que Notre-Seigneur m’a donnée sur ses plaies et sur son
sang ! Ah, pressons ces divines plaies par une ardente prière et
ce sang précieux coulera en abondance sur les pauvres pécheurs !
Un autre jour,
Notre-Seigneur a placé mon âme à la porte de l’éternité, ou du
moins à la porte du temps, pour aider les pécheurs agonisants à
se préparer au voyage si important du temps à l’éternité. Oh,
quand on pense que la justice de Dieu est toujours en exécution
sur les coupables et qu’on peut plaider leur cause et fléchir le
Souverain Juge, avec quel zèle on doit voler au secours de ces
condamnés à une mort éternelle, et qui ont peut-être encore une
heure de vie dans laquelle la divine miséricorde implorée pour
eux peut toucher leurs cœurs. Je me sens bien pressée de prier
pour ces pauvres âmes.
Maintenant, ma
Révérende Mère, je vous parlerai d’un mur de protection que
Notre-Seigneur m’a fait voir: un mur mystérieux qui protège la
France contre les traits de la justice divine. Oh, que cette
vision m’a remplie de reconnaissance envers l’excessive
miséricorde de Dieu ! Notre-Seigneur m’a fait entendre que ce
mur qui montait jusqu’au ciel, était l’exercice que je faisais
tous les jours, joint sans doute aux prières et aux mérites que
tant d’âmes pieuses offrent à Dieu pour le salut de la France —
qui consiste à offrir cent fois la Face adorable de
Notre-Seigneur à son Père, en l’honneur de tous les mystères
pour le salut de cette même France. Notre-Seigneur me dit qu’Il
me donnait cette vue pour m’engager à la persévérance. » |