« En sortant de mon
action de grâces, je m’empresse de vous écrire ce que
Notre-Seigneur vient, dans la sainte communion, de me faire
connaître.
Premièrement, il
veut absolument que je parle à Monseigneur l’archevêque ou à son
secrétaire, et que je dise de vive voix ce que le Seigneur m’a
révélé depuis quatre ans et demi; il m’assure, ce bon Maître,
qu’il mettra ses paroles en ma bouche :
— J’ai encore,
a-t-il ajouté, la verge en ma main, la verge de ma justice;
si on veut l’en arracher, qu’on y mette en la place l’œuvre
réparatrice ! Quant à vous, soyez fidèle à remplir votre
mission, et songez que c’est une grande chose que d’avoir à
manifester ma volonté. Si vous étiez infidèle à ma voix, vous
vous exposeriez à sentir vous-même les coups de cette verge ;
faites vos efforts pour l’arracher de mes mains.
Voilà à peu près,
ma très Révérende Mère, ce que Jésus m’a communiqué ; mais il
faut que je continue toujours à réciter cette prière, en union
avec lui : “Père saint, gardez en votre nom ceux que vous m’avez
donnés !” D’après ce qu’il m’a montré, c’est lui qui la dit en
moi, et moi, je la dis en lui. Oh! quelle tendresse il a pour
son Église ! Il me semble qu’il n’est occupé que d’elle; il veut
la sauver, la cacher dans le Nom adorable de son divin Père. Si
l’Église de France pouvait parler, elle demanderait à grands
cris l’œuvre réparatrice. Je la demande pour elle; car c’est son
rempart contre les traits de ses ennemis.
Ma Révérende Mère,
pour obéir au divin Maître, je vous prie très humblement de
vouloir bien solliciter pour moi la visite de Monseigneur. Si Sa
Grandeur avait trop d’occupations, elle voudrait bien m’envoyer
son secrétaire, qui rendrait compte de ce que je lui
communiquerais. »
« Ma Révérende
Mère, je vais vous faire un court extrait de mon petit plaidoyer
avec le secrétaire de Monseigneur l’archevêque, au sujet de
l’œuvre réparatrice. Je vous assure que Notre-Seigneur m’a bien
assistée, comme il me l’avait promis, car je n’ai été ni
troublée ni intimidée, et j’ai parlé avec la plus grande
facilité. Je vous dirai donc à peu près notre conférence.
Monsieur le
Secrétaire : — Ma sœur, je viens vous dire de la part de
Monseigneur qu’il a montré vos lettres aux membres de son
conseil, et que tous unanimement se sont prononcés contre
l’établissement de l’œuvre que vous demandez. Monseigneur a
prié, examiné sérieusement cette affaire, et il n’est pas
possible qu’il puisse agir comme évêque ; on ne reconnaît pas la
validité de votre mission.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, je ne prétends point importuner
Monseigneur par de nouvelles instances, ni soutenir mes
sentiments sur la mission que je crois m’avoir été imposée par
Notre-Seigneur pour le salut de la France. Mon intention a été
de remplir un devoir de conscience. Lorsque j’ai eu l’honneur de
parler à Sa Grandeur des communications que je croyais recevoir
de Dieu, elle me dit alors : “Mon enfant, soyez en paix; vous
n’êtes point dans l’illusion, je reconnais ici le cachet de
Dieu.” Monsieur, c’est d’après ces paroles, que j’ai reçues
comme venant du Saint-Esprit, que j’ai persévéré dans ma
mission.
Monsieur le
Secrétaire : — Ma bonne sœur, Monseigneur vous a dit cela
alors, c’est qu’il ne savait pas où cela irait. Depuis cette
époque il a examiné les choses, il a prié ; cela ne se peut pas.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, cela me suffit. Je ne veux que ce que
Sa Grandeur a décidé. Ma conscience m’a obligée à faire des
démarches pour l’Œuvre de la Réparation; maintenant je suis
parfaitement en paix. Mais je vous dirai que la raison pour
laquelle j’ai exprimé le désir de parler à Monseigneur a été de
me décharger de ma mission. Ainsi, puisqu’il vous envoie à sa
place, je veux faire en ce moment un acte de religion. Je dépose
ma mission aux pieds de l’autorité ecclésiastique; elle sera
responsable devant Dieu.
Monsieur le
Secrétaire : — Mais, ma bonne sœur, cette association dont
vous parlez est déjà établie.
Sœur
Saint-Pierre : — Je le sais bien, Monsieur ; mais l’Église de
Tours devrait en être dépositaire. Je l’ai sollicité auprès de
Monseigneur, il n’a pas jugé à propos de l’établir ; je me suis
soumise; et ce qui prouve qu’elle est bien dans la volonté de
Dieu, c’est que, sans aucun concours de ma part, elle a pris
naissance.
Monsieur le
Secrétaire : — Mais elle a ici beaucoup d’associés ; et
Monseigneur n’a-t-il pas approuvé à ce sujet un petit livre de
prières ?
Sœur
Saint-Pierre : — Cela est vrai, Monsieur ; mais il serait
nécessaire qu’il y eût à Tours une agrégation. L’œuvre a besoin
du concours et de la protection de Monseigneur l’archevêque.
Tous les yeux sont fixés sur lui, parce que c’est en son diocèse
qu’elle a été conçue.
Monsieur le
Secrétaire : — Ma sœur, je vous dirai en tout abandon que
cette œuvre établie à Langres ne va pas très bien ; on en a
parlé dans les journaux.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, je n’en suis point étonnée, car
Notre-Seigneur m’avait dit que cette œuvre serait traversée par
le démon. N’avez-vous pas vu qu’il en fut ainsi pour la dévotion
du Sacré-Cœur de Jésus et pour l’institution de la fête du
Saint-Sacrement ? Le Sauveur a communiqué à des âmes plus dignes
que moi, il est vrai, de pareilles missions ; mais elles ont été
persécutées.
Monsieur le
Secrétaire : — Ma sœur, toutes les œuvres de Dieu le sont ;
l’archiconfrérie du Sacré-Cœur de Marie l’a été aussi. Voilà une
belle œuvre qui renferme tout, car elle convertit les pécheurs.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, Notre-Seigneur savait bien qu’elle
existait quand il m’a demandé une autre confrérie, et il m’a
fait connaître que la première ne suffisait pas ; car, pour
obtenir le pardon d’une personne qu’on a offensé, il faut lui en
faire réparation d’honneur ; et le Seigneur m’a fait entendre
que la transgression des trois premiers commandements excitait
sa colère contre la France. Ainsi, Monsieur, si le bras séculier
et le bras ecclésiastique sont impuissants pour empêcher ces
désordres, il faut au moins qu’on en fasse à Dieu réparation.
Monsieur le
Secrétaire : — Ah ! ma bonne sœur, voilà la question. Vous
dites que Dieu exige cela ; mais nous n’en sommes pas sûrs ;
vous pouvez vous tromper.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, cela est possible ; cependant j’ai
bien peine à croire qu’une imagination puisse durer cinq ans
sans influence de personne ; car mes supérieurs, dans leur
sagesse, ne m’ont point soutenue dans ces idées ; ils m’ont même
défendu d’y penser. Ils n’ont point voulu être juges dans cette
affaire. Monsieur le supérieur en a toujours référé au jugement
de Monseigneur.
Monsieur le
Secrétaire : — Eh bien, ma bonne sœur, soyez parfaitement
tranquille ; vous avez fait votre devoir en faisant connaître
ces communications à Monseigneur. Maintenant je vous dis de sa
part : Ne repensez plus à tout cela, désoccupez-en tout à fait
votre esprit.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, Monseigneur ne me défend pas sans
doute de demander à Dieu l’accomplissement de ses desseins ?
Monsieur le
Secrétaire : — Non, mais sans demander l’œuvre.
Sœur
Saint-Pierre : — Monsieur, je vous prie d’assurer Monseigneur de
mon obéissance à ses ordres.
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