Deuxième partie
LES LETTRES
DE Marie Lataste
(1822-1847)

9
Comment Dieu se communique à l'âme

 

Plus tard, le 30 août 1843 (Lettre 16), Marie Lataste tentera, par obéissance, d'expliquer à son directeur ce qui se passe en elle quand Dieu lui "parle". En réalité, "ce ne sont point des paroles qui me sont adressées, ni des pensées qui me sont inspirées; ce sont des clartés brillantes, des vues, des connaissances que j’ai reçues dans l’oraison. Vous vous rappelez la différence que j’ai mise entre le Tabernacle Admirable, le sein et le Cœur de Dieu. C'est dans le sein de Dieu que j’ai reçu ces communications. Je puis les réduire à trois points. Je ne sais si je pourrai bien me faire comprendre; je m’expliquerai le plus clairement que je pourrai..."

 

Marie écrit "qu'il s'agit d'abord de Dieu infiniment grand et infiniment incompréhensible dans son être et dans ses perfections. Ensuite, il s'agit des relations entre Dieu et l'âme élevée jusqu’à lui par l’union la plus intime. Enfin, il s'agit de l’état d'une âme[1] dépouillée de la grâce sanctifiante, de son retour à Dieu et de ses combats après sa conversion." Marie qui discerne la disproportion infinie qui existe entre Dieu et l'homme va essayer de préciser sa pensée:

 

"Dans la première communication la simple vue et la connaissance de Dieu offrent quelque chose de si grand, de si parfait... de si infini, si au dessus de ce que l'esprit de l'homme est capable de comprendre... que toutes les facultés de son âme sont débordées, et que son cœur est ému par divers sentiments qu'il chercherait inutilement à contenir.

 

C'est en vain que l'esprit demande des expressions pour rendre les choses même telles qu'il les conçoit et les comprend... Il est obligé de reconnaître qu'il ne peut rien dire de plus digne sur Dieu que d’avouer et de proclamer Dieu au dessus de tout ce que l’esprit de l'homme peut comprendre ou concevoir. Dieu est un tout qui ne peut être compris. Il remplit tout par son immensité. Tout vient de lui et retourne à lui... Tout proclame les perfections de Dieu, tout publie sa gloire, tout annonce son existence... En un mot, Dieu est un être infiniment grand, infiniment incompréhensible dans son être et ses perfections. Seul, il peut se comprendre lui-même.

 

Voici la deuxième. Quand il plaît à Dieu d’élever une âme, il se communique à elle, il la fait participer à sa sainteté, à sa sagesse, à sa force; il l’éclaire de ses lumières, il la remplit de la vertu de son Esprit, il se découvre à elle, il la transporte et la fait monter jusque dans le cercle de l’adorable Trinité...

 

L'âme, se voyant comblée des bienfaits immenses du Très-Haut, les reçoit avec les sentiments de la plus profonde reconnaissance... Elle proclame surtout qu'elle se croit incapable de tout et qu'elle s’abandonne entièrement à Dieu... L'âme se perd dans le sein de Dieu et repose en lui: mais elle n’oublie pas... le sentiment de sa bassesse et de son néant.

 

Voici sur la troisième. Quand l'âme est dans le péché, elle se trouve plongée dans un abîme profond. Elle est là, environnée de ténèbres et victime des démons, ses ennemis... Cette âme, si belle et si noble par elle-même, est par son péché dans un état de noirceur et de laideur qui la rend hideuse aux yeux de Dieu, des anges et des saints. Elle est séparée de Dieu et éloignée de lui par une distance infinie. Cependant Dieu, toujours miséricordieux, ne veut point abandonner cette âme, malgré ses péchés... Il lui fait comprendre son malheur par la perte qu'elle a faite de son amitié... Il met tout en œuvre jusqu’à ce qu'il ait triomphé.

 

L'âme... lève ses yeux vers lui et lui jette ses supplications. Dieu descend près de cette âme, lui donne le repentir qui brise ses liens et... il la revêt de la robe blanche de l’innocence, par le pardon des échés qu'elle accuse au ministre du Sauveur Jésus. L'âme est pourtant encore tout près de l’abîme qu'elle vient de quitter... Elle rencontre mille obstacles, mille embarras qui l’empêchent d’avancer dans la route du bien... Dieu ne lui manque pas, heureusement; Dieu la soutient, nourrit son courage, et peu à peu elle fuit loin de l’abîme en marchant plus commodément vers le ciel.

 

Conclusion. J’ai vu enfin la disproportion qu'il y a entre Dieu et l'homme. En Dieu tout est infini; en l'homme tout est borné. Dieu se suffit à lui-même, il n’a besoin de personne... il est, il a été, il sera au siècle des siècles...

 

Mais l'homme ne s’est pas fait lui-même; il est l’ouvrage de Dieu, il a eu un commencement, il aura une fin; il tient tout de Dieu... il n'est rien en comparaison de Dieu... "


[1] Il s'agit ici d'une âme qui a péché et qui est donc dépouillée de la grâce sanctifiante, mais qui va se convertir.

   

 

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