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Grandir dans la vie spirituelle
8-1-Le bonheur
en Dieu
Le 5 septembre 1843
(Lettre 18) Marie Lataste explique que son bonheur repose
entièrement sur sa soumission totale à la volonté de Dieu. Elle
revient sur ce que Dieu lui a fait goûter dans le Tabernacle
Admirable. Elle écrit: "Les lumières qui éclairent mon âme,
les grâces et la félicité qui l’enivrent en ces moments de la
méditation ont quelque chose de si divin, de si heureux, que
volontiers, si c’était possible, je passerais là ma vie et
l’éternité, car j’y possède l’objet de tous mes désirs, le
Sauveur Jésus. Je ne saurais jamais vous répéter... combien le
Seigneur est aimable dans ses communications avec l’âme; combien
il fait goûter à celui qui l’aime une félicité suprême jusque
dans les plus grandes tribulations!
Je le sens
bien... plus l’âme est libre et dégagée de tout ce qui n'est pas
Dieu, même des consolations de Dieu, plus elle est heureuse et
contente. Plus le cœur est vide de tout ce qui n'est pas Dieu,
plus il est rempli de la grâce et de la douceur de Dieu, et rien
ne saurait le rendre content s'il ne possède point Dieu...
Pour être
content, le cœur doit être indifférent à tout... Heureuse l'âme
établie dans cette indifférence dictée par l'amour de Dieu et le
mépris de soi... Je désire augmenter en moi cette indifférence,
cette soumission, cet abandon à la volonté de Dieu. C'est dans
ces sentiments que je trouve la paix, la force et la
confiance... Mes tribulations n'ont point disparu; mais je
goûte, même avec elles, des consolations qui m’enivrent de
félicité.
Oui, Monsieur,
je suis heureuse, je ne désire plus rien; mon bonheur, c'est
Dieu; il me suffit... ma félicité c'est Dieu et le repos en
Dieu..."
8-2-L'oraison
Pour mieux
comprendre Marie Lataste, le Père Darbins désire qu'elle lui
parle aussi de ses oraisons. Obéissante, le 7 septembre 1843
(Lettre 19) Marie lui écrit: "Vous m’obligez à vous dire ce
que j’éprouve dans mes méditations ces jours-ci. Je l’avoue,
c'est là chose assez difficile...
Lorsque je veux
faire oraison, je ne me sers point de livre ni de préparation...
Je me mets donc en oraison avec la seule disposition de recevoir
l’attrait qui me sera donné... Tôt ou tard, Dieu vient dire à
mon âme: 'Cherche moi.' Je le cherche et je le trouve. Dieu, en
effet, ne résiste pas à la soumission pleine et entière à sa
divine volonté.
Dieu se
communique à l’âme et se découvre à elle de plusieurs manières.
– Dieu
se communique à l’âme par sa seule présence, et l'âme ressentant
la présence sensible de Dieu repose en lui et suit l’attrait qui
lui est donné conformément à cette communication.
– Dieu
se communique aussi par les dons de sa grâce... L'âme en est
tout enivrée... Ses peines disparaissent parce qu'elle goûte un
bonheur ineffable dans la communication qui lui est faite.
– Dieu
se communique à l'âme en lui donnant des connaissances diverses,
par des lumières et des illuminations divines... ou bien par des
pensées qu'il lui inspire et des paroles qu'il lui fait
entendre.
– Dieu
se communique à l'âme en la faisant pénétrer dans le sein de son
immensité...
– Dieu
se communique encore à l'âme d’une manière plus parfaite en la
faisant pénétrer jusque dans son cœur. Je ne sais, Monsieur, si
vous comprenez ce que je veux dire. Je mets une grande
différence entre le sein et le Cœur de Dieu. Les communications
que Dieu fait à une âme dans son cœur sont les plus intimes, les
plus élevées, les plus parfaites. C'est là que l'âme trouve le
point de réunion de toutes les perfections de Dieu... Là, elle
voit et contemple les perfections divines... Le Cœur de Dieu,
c'est la source d’où jaillissent toutes les grâces, c'est la
plénitude de tous les biens... c'est là qu'il lui découvre la
réalité de sa substance dont il lui donne communication pour ne
faire qu'un avec elle... Là, Dieu parle un langage que les
hommes ne comprennent point; là, l'âme parle à Dieu un langage
dont elle n’a plus l’intelligence quand elle a cessé de
parler... Ce langage est caché, intime, mystérieux; il est en
forme de chant, et cependant il n'est point un chant. On
n’emploie pour ce langage ni le son de la voix ni celui des
paroles... Dans ce langage, l'âme et Dieu expriment
réciproquement leurs sentiments l’un pour l’autre... Le cœur de
l'âme, est si touché qu'il lui faut verser des larmes...
Dieu parle en
Dieu, c'est-à-dire en maître; Dieu parle en Père... et l’âme ne
peut parler que comme parle un sujet ou un esclave, comme parle
un petit enfant. Quand Dieu parle, il se fait écouter; quand il
a cessé de parler, c'est l'âme qui lui répond; mais cette
réponse ne dépend point d’elle, elle dépend de Dieu qui
l’inspire par un attrait que l'âme doit suivre avec une grande
humilité...
Ô bonheur
ineffable des communications de l'âme avec Dieu... Langage sans
paroles, entretiens muets et mystérieux par l’onction éternelle
de la Divinité, c'est-à-dire par le Saint-Esprit!... Ô, Dieu
plein de miséricorde, Dieu plein de tendresse, Dieu plein
d’amour, Dieu admirable, Dieu trois fois saint, que je vous aime
à jamais!
Il me semble que
le Sauveur Jésus m'a dit, il y a quelque temps: 'Ma fille, plus
une âme avance dans la soumission et la fidélité à Dieu et
l’humilité, plus elle avance dans la hiérarchie des
communications avec Dieu. Soyez-moi fidèle, soyez soumise à mon
Père, soyez humble.' C'est pour cela que je tâche de faire en
tout sa volonté et que je me défie complètement de moi-même. Le
Sauveur Jésus m'a dit encore qu'il y a deux sortes de
communications de Dieu à l’âme: la première sensible et la
seconde insensible. Quand Dieu fait connaître à l'âme les dons
et les grâces qu'il lui fait, il y a communication sensible;
quand il les lui cache, il y a communication insensible... Dieu
ne conduit pas toutes les âmes par le même chemin; il fait
suivre aux unes la route du Calvaire et place les autres sur le
Thabor, pour un temps, pour placer ensuite celles-ci sur le
Calvaire et celles-là sur le Thabor...
8-3-Un cours de
théologie mystique
Le Père Darbins,
curé et directeur spirituel de Marie Lataste devait se sentir
parfois débordé devant les "cours" de théologie et les
enseignements concernant la vie mystique que recevait sa
dirigée. Aussi, un jour, lui demanda-t-il d'interroger Jésus sur
l'entrée et les progrès d'une âme dans la perfection.
Marie Lataste lui
répondit le 10 septembre 1843. (Lettre 17) Voici les lumières
qu'il plut au Sauveur de lui donner à ce sujet: "Quand une
âme est en état de grâce et désire entrer et s’avancer dans la
perfection, elle s’humilie profondément devant Dieu. Elle
reconnaît que par elle-même elle n’est que péché, qu'il lui est
impossible de faire le bien et qu'elle a un besoin permanent et
continuel du secours de Dieu...
Comme Dieu ne
résiste point aux humbles, il inspire confiance à cette âme...
il l’attire vers lui, il souffle en elle peu à peu le feu d’une
charité qui croît de plus en plus... et qui fait que cette âme
ne désire que Dieu, ne cherche que Dieu, ne veut que Dieu... La
lumière qu'elle cherche n'est point celle du soleil, mais celle
de la grâce, qui est la lumière de Dieu éclairant les âmes...
Ainsi cette âme étouffe les sentiments de la nature, maîtrise
ses passions... pour ne suivre que celle de l’esprit de Dieu...
Plus elle avance
dans le chemin de la perfection... plus elle comprend qu'il n'y
a qu'un seul mal, le péché, parce qu'il éloigne de Dieu; qu'il
n'y a qu'un seul bien, Dieu et son amour...
L'âme... ne
cherche plus que Dieu et l’accomplissement de sa volonté. Elle
s’abandonne tout à Dieu... elle garde ses yeux attachés sur Dieu
et marche au souffle de la grâce vers la perfection... Elle peut
s’abandonner à Dieu... qui la conduira sûrement au port du
salut. Quelquefois Dieu paraîtra sommeiller: des tempêtes
surgiront... mais comme c'est toujours Dieu qui commande aux
vents déchaînés et qui les arrête par sa parole, l'âme est en
sûreté, son salut reposant sur la confiance qu'elle a dans le
Sauveur..."
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