Chapitre VI
Spécificités de la morale chrétienne
5
Les dons du Saint-Esprit
(Livre 9,
chapitre 6)
5-1-Que sont
les dons du Saint-Esprit?
Comme cela lui
arrive souvent Marie Lataste craint de ne pas rapporter
parfaitement les paroles de Jésus, et elle s'en excuse...
Pourtant elle exprime bien que la grâce sanctifiante communique
à l'âme les sept dons du Saint-Esprit: les dons de sagesse,
d’intelligence, de conseil et de force, le don de science et de
piété, et le don de la crainte du Seigneur. Elle dira
parfaitement que les dons du Saint-Esprit sont des inclinations
inhérentes à l'âme, nécessaires pour opérer le bien et obtenir
le salut. Les dons du Saint-Esprit sont inférieurs en dignité
aux vertus théologales, mais ils sont supérieurs aux vertus
morales. Jésus développe toutes ces notions:
"Les dons du
Saint-Esprit sont des habitudes infuses... car, par
la grâce, l'Esprit-Saint habite dans l'âme et y demeure avec ses
dons. Cette permanence du don est une réalité fixe qui demeure
dans l'âme, une inclination, qui la porte à agir selon la
tendance du don du Saint-Esprit."
Jésus estime que
les dons du Saint-Esprit devraient être appelés des inspirations
du Saint-Esprit, parce que ce mot indiquerait la nature même de
ces dons, une inspiration venue de l’extérieur. "Dans l'homme
il y a deux principes de mouvement: un principe intérieur, qui
est la raison; un principe extérieur, qui est Dieu... Plus le
principe du mouvement est considérable, et plus aussi l’objet
doit avoir une disposition mobile plus considérable. Ainsi, un
maître distingué, savant, érudit, élevé dans la doctrine,
demande nécessairement à son élève une intelligence qui soit à
la hauteur de son enseignement... Il faut donc qu'il y ait en
l'homme des perfections ou des vertus plus élevées par
lesquelles il soit disposé à recevoir en lui l’action de Dieu.
5-2-Les vertus
et les dons du Saint-Esprit
Les dons du
Saint-Esprit sont ces perfections et ces vertus qui soufflent
sur l'âme, afin qu'elle reçoive le mouvement que Dieu veut lui
donner. Les dons du Saint-Esprit élèvent l'homme à Dieu et le
disposent à recevoir le mouvement qu’il veut lui donner. Voilà
pourquoi les dons du Saint-Esprit sont inférieurs aux vertus
théologales. Les vertus théologales, en effet, attachent l'âme à
Dieu, tandis que les dons du Saint-Esprit ne font que la diriger
et la mouvoir vers lui. Voilà pourquoi aussi ils sont supérieurs
aux vertus morales, parce que les vertus morales ne font
qu’enlever les obstacles qui éloignent de Dieu, tandis que les
dons du Saint-Esprit dirigent véritablement et meuvent vers
Dieu."
Ces notions sont
difficiles; aussi Jésus, connaissant l'ignorance de Marie
Lataste dans ces domaines théologiques, prolonge-t-il ses
explications: "Les dons du Saint-Esprit sont nécessaires pour
opérer le bien et obtenir le salut. Les œuvres de l'homme sont
perfectionnées par la lumière naturelle qui est la raison, et
par la lumière surnaturelle donnée par les vertus théologales.
Mais cette perfection est encore imparfaite, puisque même avec
ces vertus vous ne connaissez et n’aimez Dieu qu’imparfaitement.
Par conséquent il faut à ces vertus une force différente
d’elles-mêmes pour les pousser à agir.
La raison,
insuffisamment éclairée par les vertus théologales, a besoin de
l’inspiration et du mouvement qui lui sont données par
l'Esprit-Saint... De même, l’éloignement des obstacles qui
l’empêchent d’aller à Dieu ne suffit pas à la volonté de
l'homme, il faut encore que cette volonté soit poussée vers
Dieu, c'est là l’œuvre des dons du Saint-Esprit... Il faut à
l'homme les dons du Saint-Esprit pour lui faire atteindre sa fin
dernière...
Les vertus
théologales et morales donnent à l'homme de nombreuses
connaissances... mais elles ne lui font point tout connaître...
Alors Dieu, qui est tout-puissant et qui connaît tout,
perfectionne en l'homme l'œuvre de sa grâce par les dons du
Saint-Esprit. Les vertus morales (théologales et cardinales)
sont au nombre de sept, de même on compte sept dons du
Saint-Esprit qui perfectionnent les œuvres de ces vertus.
Les vertus
théologales et morales reposent toutes dans la raison ou dans la
volonté, parce que la raison et la volonté sont, dans l'homme,
les seuls principes d’action." En résumé:
– La raison est
spéculative ou pratique, c'est-à-dire agissante. Dans la vue de
la vérité, la raison spéculative est perfectionnée par le
don d’intelligence, et la raison pratique par le
don de conseil.
– Dans le jugement
de la vérité, la raison spéculative est perfectionnée par le
don de sagesse, et la raison pratique par le don de
science.
– Les vertus
exercent la puissance de la volonté par rapport à Dieu, à soi et
aux passions. Cette puissance que développent les vertus est
perfectionnée par rapport à Dieu par le don de piété, par
rapport à soi par le don de force, et contre les passions
par le don de la crainte du Seigneur.
"Les dons du
Saint-Esprit sont tous donnés par la grâce sanctifiante, et ils
reposent sur la charité qui unit l'âme à Dieu. Celui qui a la
charité a en lui tous les dons du Saint-Esprit; mais celui qui
perd la charité, perd aussi les dons du Saint-Esprit,
c'est-à-dire qu'il n’éprouve point l’effet du souffle de
l'Esprit-Saint qui le pousse vers Dieu." (Livre 9, chapitre
6)
5-3-Mieux
connaître les dons du Saint-Esprit (Livre 9, chapitre 7)
5-3-1-Le
don de sagesse
Le Sauveur Jésus
voulut faire connaître chacun de ces dons à Marie Lataste. Au
sujet de la sagesse, il dit: "Il y a trois sortes de sagesse:
la sagesse incréée qui est Dieu, la sagesse incarnée qui est le
Fils de Dieu fait homme, et la sagesse humaine ou la sagesse de
l'homme.
– La sagesse
incréée, Dieu, ce sont les trois personnes divines, inséparables
les unes des autres, et qui par leur sagesse ont tout créé,
gouvernent et dirigent tout. L’esprit de l'homme ne peut
comprendre cette sagesse infinie, et l’apôtre,
ravi jusqu’au troisième ciel, en ayant aperçu l’éclat quelques
instants, n’en put presque rien dire...
– La sagesse
incarnée, seconde personne de la sainte Trinité, est le Fils de
Dieu fait homme, venu manifester la sagesse incréée par la
réparation du désordre causé par le péché.
– La sagesse
humaine, habitude de l'âme qui lui permet de goûter les choses
et de les juger se divise en deux: la sagesse selon le monde, la
chair et le péché, et la sagesse selon Dieu et venue de Dieu. La
première est la sagesse des méchants qui produit un goût et un
jugement dépravés; la seconde, celle des bons, est une habitude
qui produit un goût et un jugement parfaits de toutes choses.
C'est cette
sagesse des bons qui est le premier don du Saint-Esprit. Elle se
trouve dans tous ceux qui ont la grâce sanctifiante... La
sagesse, don du Saint-Esprit, consiste à goûter et à juger
sainement ce qui est à Dieu et en Dieu, comme ce qui est à la
vie, de la vie et dans la vie, pour opérer le salut en faisant
tout ce que Dieu a prescrit pour cela..."
Jésus va aller
encore plus loin dans ses explications. Il indique d'abord qu'il
y a une sagesse plus élevée, que certaines âmes reçoivent pour
monter plus haut dans la contemplation des mystères divins...
Mais cette sagesse est une grâce purement gratuite... Puis Il
décrit "les immenses avantages du don de sagesse. Celui qui a
le don de sagesse est chaste, pacifique, modeste, confiant à la
parole d’autrui, favorise le bien, pratique la miséricorde et
juge sans dissimulation. Car la sagesse ne fait pas seulement
contempler Dieu, elle éloigne du péché: par conséquent l'homme
sage est aussi un homme chaste. C'est aussi un pacifique, car...
tout en lui obéit à Dieu et à la raison... Il est modeste... il
est confiant, il aime à recevoir des conseils... Il favorise le
bien... et le fait lui-même avec empressement. Il est
miséricordieux, il a pitié de la faiblesse de son prochain et
lui porte secours selon ses facultés. Il juge sans
dissimulation... et donne des avertissements en termes
convenables et en circonstances opportunes pour ne point
augmenter le mal, mais le guérir complètement."
Jésus approfondit
les liens entre le don de Sagesse et d'autres dons. Marie
Lataste rapporte les paroles de Jésus: "La sagesse, premier
don du Saint-Esprit, affecte directement la puissance
intelligente de l'homme ainsi que les trois dons suivants: les
dons d’intelligence, de science et de conseil. Ces quatre dons
appartiennent à la connaissance surnaturelle de l'homme qui est
fondée sur la foi. Or, la foi se porte immédiatement sur la
vérité première qui est Dieu, puis sur... l’incarnation et
l’humanité du Sauveur, la rédemption de l'homme, sa
justification par la grâce, la création et le gouvernement du
monde, ainsi que sur la direction, fondée sur les règles données
par Dieu, des actes de l'homme... "
5-3-2-Le
don d'intelligence
L'homme découvre
d’abord l'objet de sa croyance pour avoir la foi, par le don
d’intelligence. Il doit ensuite porter sur l’objet de sa foi un
jugement droit, pour en comprendre la nécessité. Ce jugement
droit est formé, pour ce qui concerne Dieu, par le don de
sagesse, et pour ce qui concerne la créature, par le don de
science. Il faut encore que le don de conseil dirige
l’application particulière de chacun de ses actes.
Marie Lataste a du
mal à comprendre, mais Jésus s'explique davantage: "La
lumière naturelle qui permet à l'homme de diriger ses actes et
de les régler ne lui suffit point, parce qu'il est destiné à une
fin surnaturelle... Il lui faut une lumière surnaturelle...
communiquée par le don d’intelligence. Le mot intelligence
signifie la nature de l'âme; il indique aussi la faculté de
l'âme qui peut s'opposer à la volonté; enfin, c'est une
disposition à percevoir les principes premiers en tant qu'il
faut les affirmer ou les nier; par exemple: il faut aimer Dieu
et ne pas aimer le mal... C'est aussi le nom d'un don du
Saint-Esprit: l'intelligence.
Le don
d’intelligence surnaturelle est le don de la connaissance intime
de ce qui est en Dieu, et des actions à accomplir en vue de Dieu
et pour Dieu. Le don d’intelligence n'est pas un don
d’intelligence purement spéculative, il est aussi un don
d’intelligence pratique, car ce don ayant un rapport à la foi,
doit être comme la foi, spéculatif et pratique... Le don
d’intelligence... concerne aussi tout ce qui est lié à la foi,
comme, par exemple les bonnes œuvres, nécessairement réglées et
ordonnées par le don d’intelligence. Le don d’intelligence se
trouve dans tous ceux qui ont la grâce sanctifiante, car la
grâce sanctifiante dirige la volonté vers le bien... Quelquefois
pourtant il est enlevé en partie à ceux qui se trouvent en état
de grâce: ils peuvent opérer le bien, mais ils ne peuvent pas
pénétrer trop avant dans les secrets de Dieu et les vérités
sublimes de la foi. Cette élévation de leur esprit pourrait les
enorgueillir et causer leur ruine et leur perte. C'est ainsi, ma
fille, que tout est disposé pour le bien de vos âmes dans la
grâce de Dieu et les dons de son Esprit."
5-3-3-Les
dons de science et de conseil
Le don de
science fait connaître tout ce qui est de l’ordre de la
création et des devoirs que nous avons à remplir pour obtenir
notre fin surnaturelle. Ce don montre le chemin à suivre, les
dangers à éviter et l’usage que l'on doit faire des créatures.
Le don de science tend nécessairement à l’action.
Le don de
conseil est un don surnaturel qui dirige les actes de l'âme
connaissant ses devoirs, non par le raisonnement, mais par
l’inspiration du Saint-Esprit. Ce don de conseil fait donc
éviter le mal dans les actes et toujours opérer le bien. Ce don
de conseil mène l'âme dans toutes les actions qui tendent à la
vie éternelle. Jésus insiste: "Il vous est facile de
comprendre, ma fille, quelle perfection l’âme acquiert par ce
don, car elle a par lui la rectitude même de l'Esprit-Saint qui
dirige toutes choses sur la terre et dans le ciel."
5-3-4-Le
don de force
"Le don de
force, dit Jésus, est mis dans l'âme par le Saint-Esprit
pour qu'elle résiste vigoureusement à toutes les adversités de
la vie, de quelque nature qu'elles soient, pour les lui faire
traverser avec fermeté et l’empêcher de succomber sous leur
poids..."
Le don de force
aide l'âme à attaquer et à prévenir les difficultés de la vie;
il la porte à tout supporter sans attaquer jamais, et à tout
supporter aussi, pas seulement un jour, mais plusieurs années et
même jusqu'à la mort.
Jésus dit: "Vous
devez remarquer encore, ma fille, que le don de force ne doit
point faire dire à l'âme qui l’a reçu, que ce que le corps
éprouve n'est pas un mal, n'est pas une douleur, une souffrance;
il suffit pour que le don de force opère, que l'âme ne se laisse
pas aller à la tristesse, au point de quitter la voie du bien et
de la vérité.
Enfin, vous
devez remarquer que la grâce de Dieu se fait parfois tellement
sentir à l’âme, qu'elle oublie toutes les peines de son corps
pour n’éprouver qu'une entière et complète satisfaction, ce qui
lui permet de s’écrier qu'elle surabonde de joie au milieu de
toutes ses tribulations."
5-3-5-Le
don de piété
La pitié, don du
Saint-Esprit, porte, avec amour, à rendre à Dieu le culte qui
lui est dû, et à nous soumettre en tout à sa volonté. C'est
donc, non seulement un don pour aujourd'hui, mais aussi un don
de la vie future. Dieu est notre créateur, notre souverain
Maître et notre rédempteur. Il mérite donc tout notre amour. Le
don de piété nous porte à nous soumettre à toutes ses lois qui
sont des lois d'amour, à l’aimer et à nous donner entièrement à
lui. Jésus précise encore: "Ce don de piété vous portera à
rendre hommage aux saints parce qu'ils sont les temples
glorifiés de Dieu, à honorer surtout votre famille et à lui
demeurer toujours humblement soumise. Il vous portera à secourir
les pauvres dans les nécessités du corps comme dans celles de
l'âme, parce qu'il vous montrera en eux mon image... La piété
demeurera avec vous dans le ciel pour que vous demeuriez
toujours attachée et unie à Dieu."
5-3-6-La
crainte de Dieu
Jésus commence par
rappeler les diverses sortes de crainte: la crainte du pécheur
qui peut tomber dans le désespoir à la vue de la justice de
Dieu, la crainte des personnes qui redoutent les vengeances de
Dieu et qui, pour cela, accomplissent sa loi devenue pour elles
un pesant fardeau, la crainte des serviteurs qui craignent et
aiment Dieu comme un maître, craignant de lui déplaire à cause
des châtiments qu'ils pourraient encourir. Ces craintes sont
toujours imparfaites, voire mauvaises.
La vraie crainte
de Dieu est en réalité un amour. C'est la crainte des
enfants de Dieu qui aiment Dieu comme leur père, veulent
toujours accomplir sa volonté, cherchent à Lui être agréables à
Dieu, et redoutent par-dessus tout de Lui déplaire. Ils lui
offrent toutes leurs actions et tout ce qu'ils possèdent.
Jésus dit:
"Désirant l’aimer le plus parfaitement possible... ils soupirent
après le ciel, non pour être plus heureux... mais pour ne plus
offenser Dieu et l’aimer parfaitement. Ils sont vertueux non à
cause de la récompense qui les attend, mais pour plaire à
Dieu... S’ils tombent dans le péché, dans un moment de
faiblesse, loin de se décourager et de refroidir leur amour pour
Dieu, ils se relèvent avec courage... et vont se jeter entre les
bras paternels du Seigneur, ils lui demandent pardon et
s’engagent à l’aimer désormais davantage, à faire plus
fidèlement en tout sa volonté...
Ah! Ma fille,
combien ceux qui agissent ainsi sont peu nombreux. Cette crainte
filiale, c'est le Saint-Esprit qui la donne à l'âme. Ceux qui
ont cette crainte sont conduits par l'Esprit-Saint. Aussi toutes
leurs actions sont-elles les actions des véritables enfants de
Dieu...
Laissez-vous
conduire par l'Esprit-Saint; il est Esprit de vérité. Il vous
maintiendra dans la vérité, il vous attachera à la vérité, et
par lui vous serez unie à Dieu et vous trouverez en Dieu la
félicité." (Livre 9, chapitre 7)
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