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La mort de Joseph
Nous ne savons rien
de la mort de saint Joseph car l'Évangile est muet, comme il
l'est presque toujours sur ce qui concerne Joseph. De Joseph
nous ne connaissons que les ordres qu'il reçut de Dieu à travers
des songes. Nous savons aussi comment il obéit à la parole de
Dieu, et comment il fut, pour Jésus et Marie, un protecteur
particulièrement dévoué et efficace. Mais sur sa prière, son
union à Dieu, sa charité, son honnêteté: rien. Il était
simplement un juste, ce qui, dans le langage biblique, signifie
un saint. Joseph était un saint, ce qui est normal lorsque l'on
a reçu de Dieu une mission hyper-exceptionnelle, et que les deux
membres de sa famille, sont, ou bien Dieu Lui-même à travers
Jésus, ou bien l'Immaculée, le seul être humain préservé du
péché originel. À partir de ces quelques données, on peut
facilement imaginer ce que fut la mort de Joseph, entre Jésus et
Marie.

Rutilio MANETTI (attribué) – LA MORT DE SAINT JOSEPH
Tout d'abord on
peut supposer que Joseph, dans son cœur, devait se réciter à
lui-même ces quelques phrases du psaume 5, chose que nous aussi
nous devrions faire chaque jour, car ces paroles sont toujours
actuelles: "Pour moi, par ta grande miséricorde, j'irai dans
ta maison; je me prosternerai, dans ta crainte, devant ton saint
temple. Seigneur, conduis-moi, dans ta justice, à cause de mes
ennemis aplanis ta voie sous mes pas... Alors se réjouiront tous
ceux qui se confient en toi; ils seront dans une perpétuelle
allégresse, et tu les protégeras; ils se livreront à de joyeux
transports, ceux qui aiment ton nom. Car tu bénis le juste,
Yahweh." (Ps. 5, 8 et 9, 12 et 13)
Oui, pensait
Joseph, grâce à la Miséricorde de Dieu qui s'est manifestée à
chaque instant de ma vie, j'irai dans la maison du Seigneur.
Oui, les ennemis de Dieu ont cherché à me faire du mal, mais
toujours le Seigneur a aplani ma voie. Et maintenant Il me
remplit d'allégresse, car je vais à sa rencontre. Et "c'est
vers toi, Yahweh, que je crie; mon rocher, ne reste pas sourd à
ma voix, de peur que si tu gardes le silence je ne ressemble à
ceux qui descendent dans la fosse. Écoute la voix de mes
supplications, quand je crie vers toi, quand j'élève mes mains
vers ton saint sanctuaire. Ne m'emporte pas avec les méchants et
les artisans d'iniquité, qui parlent de paix à leur prochain;
mais qui n'ont que la malice dans le cœur." (Ps. 28 (27), 1
à 3)
Joseph, en effet,
appelle le Seigneur. Il a maintenant une cinquantaine d'années.
Depuis plus de vingt sept ans environ, il ne sait plus très
bien, Joseph est le gardien du Verbe de Dieu incarné. Il a tant
bénéficié des grâces de Dieu! Ces grâces, il les a senties tant
de fois, dans son travail, dans son rôle de conseiller à la
synagogue, et même dans son métier. Et surtout dans son rôle de
gardien de Jésus et de Marie. Joseph est tellement heureux...
Mais voici que depuis quelques jours il ressent une fatigue
anormale, une fatigue telle que Jésus lui a demandé de se
reposer. Joseph n'aime pas beaucoup cela: se reposer, mais il
sait que sa vie arrive à son terme: c'est normal, il est
maintenant un très vieux monsieur, et Jésus peut largement
prendre sa place: Marie ne manquera de rien...
Joseph est très
malade, et il se demande pourquoi le Seigneur ne l'appelle pas
plus vite à venir le rejoindre. Alors Joseph se plaint:
"Jusques à quand, Yahweh, m'oublieras-tu toujours? Jusques à
quand me cacheras-tu ta face? Jusques à quand formerai-je en mon
âme des projets, et chaque jour le chagrin remplira-t-il mon
cœur?
Regarde,
réponds-moi, Yahweh, mon Dieu. Donne la lumière à mes yeux, afin
que je m'endorme vite dans la mort"... Étrange, dans sa hâte
de rejoindre le Père, Joseph modifie les paroles du psaume. Mais
il a "confiance en sa bonté; et son cœur tressaille à cause
de son salut... et il chante Yahweh pour le bien qu'il lui a
fait. (Ps. 13 (12), 2 à 4)
Joseph prie, et se
plaint du silence de Dieu. Pourtant, Jésus va bientôt revenir et
il sait que son Jésus est le Fils de Dieu, le Fils du Père. Il
le sait, mais Jésus n'est pas là, près de lui: il est parti
depuis deux jours pour livrer un client dans une ville voisine.
Et Marie travaille dans le jardin... Joseph se plaint, mais
doucement, comme en rêve, car il sait que bientôt ceux qu'il
aime seront là. Et une joie inconnue domine soudain sa peine:
"Oui! quelle joie quand on m'a dit:
Nous irons à la maison du Seigneur! Maintenant notre marche
prend fin, devant tes portes, Jérusalem! C'est là que montent
les tribus du Seigneur... À cause de la maison du Seigneur notre
Dieu, je désire ton bien.
(du PS. 122, Vulg. 121)
Le cœur de Joseph souffrant mais
plein de joie tressaille soudain: il a entendu Jésus entrer dans
l'atelier et embrasser Marie qui revient avec ses légumes. Tous
les deux s'approchent de Joseph. Marie lui prend les mains, et
Jésus dépose un baiser sur son front. Ô le baiser de Jésus! Le
bonheur de Joseph est immense...
Jésus ne dit rien, mais pose sa main
sur le front de Joseph qui n'a plus mal. Jésus pourrait guérir
Joseph, son père adoptif, mais, pour Joseph, c'est l'heure de
Dieu qui vient. Et l'on ne modifie pas les heures de Dieu...
Voici Marie qui arrive avec une tasse de bon bouillon de
légumes. Joseph en boit quelques gorgées, puis rend la tasse à
Marie en la remerciant. Puis, il s'endort. Marie craint le pire,
mais Jésus lui dit:
— Ne crains pas, Maman, ce n'est pas
pour aujourd'hui.
Effectivement Joseph ne se réveillera
que le lendemain matin. Il s'inquiète:
— Jésus, mon travail, qui va le
faire? Et mes clients qui attendent?
Jésus le rassure:
— Ne crains pas, père. Tout ton
travail est achevé. Et tous tes clients sont livrés.
Joseph se rassure, car rien ne
l'étonne, venant de Jésus. Maintenant il s'inquiète pour Marie:
— Et ta Maman? Qui va s'occuper
d'elle? Je sais que toi tu feras tout ce que tu pourras, mais tu
dois aussi faire ta vie. Alors comment et de quoi vivra-t-elle?
Merveille de la charité de Joseph
qui, mourant, pense encore aux autres. Mais Jésus le rassure:
— Ne t'inquiète pas comme cela, père.
Tout ira bien pour elle.
Joseph sourit, ferme les yeux et
murmure: "Garde-moi ô Dieu, car près de toi je me réfugie. Je
dis à Yahweh: "Tu es mon Seigneur, toi seul es mon bien. "
(Ps. 16, 1 et 2)
Jésus approuve, puis chante pour
Joseph: "Yahweh, qui habitera dans ta tente? Qui demeurera
sur ta montagne sainte? Celui qui marche dans l'innocence, qui
pratique la justice, et qui dit la vérité dans son cœur."
(Ps. 15, 1 et 2)
— Ne crains rien, père. Le Seigneur
t'accueille. Sois confiant.
Jésus est assis tout près de Joseph;
il prend sa tête entre ses mains et la caresse tout doucement.
Bientôt il appelle Marie qui arrive, les yeux emplis de larmes.
Elle s'asseoit sur le lit de Joseph et lui prend les mains.
— Mon Joseph, merci pour tout ce que
tu as fait pour Jésus et pour moi. Tu as donné ta vie pour nous:
merci.
Joseph ne répond pas. Il ferme les
yeux et soudain s'écrie: "Ô mon Dieu! Comme c'est beau!
Quelle merveille! Vous tous, peuples, battez des mains, célébrez
Dieu par des cris d'allégresse! Yahweh est très haut,
redoutable, grand roi sur toute la terre...
Oh! Dieu monte à son sanctuaire au
milieu des acclamations; Yahweh, au son de la trompette. Chantez
à Dieu, chantez! chantez à notre Roi, chantez! Car Dieu est roi
de toute la terre; chantez un cantique de louange. Dieu règne
sur les nations, il siège sur son trône saint..."
(Ps. 47 -Vulg. 46-, 1 à 3, 6 à 9)
Le chant s'arrête net. Joseph vient
de partir vers son Seigneur. Jésus recouvre son visage d'un
voile et prend Marie dans ses bras.
-Maman! Ne pleure pas ainsi. Joseph,
l'époux que Dieu te donna est dans les bras du Père. Il est
infiniment heureux et il continuera à veiller sur toi quand je
serai parti.
Marie regarde Jésus, sans comprendre,
mais elle fait confiance à son Fils, son Dieu. |