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Les Noces de Cana
Par moments, quand
nous pensons à tous ces gens qui ne connaissent pas Dieu, ou qui
se moquent de Lui, ou L'insultent et L'outragent sans aucune
retenue, sans aucun respect pour ceux que cela blesse
profondément, nos cœurs saignent. Et nous avons envie de crier
les paroles de Jésus à Gethsémani : "Non ! Père ! Pas ça !
Père ! éloigne de moi ce calice !" Car nos cœurs ont trop mal,
lorsque la souffrance de Jésus au Jardin des Oliviers résonne
trop fortement en nous... Comme Jésus a dû souffrir durant son
agonie, lorsque Satan faisait défiler devant Lui les images de
notre monde qui rejette Dieu et méprise notre Sauveur! Notre
cœur s'unit au Cœur de Jésus agonisant et après avoir crié:
"Non ! Père ! Pas ça !" comme Jésus nous ajoutons, doucement :
"Mais que la volonté de Dieu se fasse !"

Charles Poerson (1609-1667) – Les Noces de Cana
Que la volonté de
Dieu se fasse... Alors là, nous ne comprenons pas du tout: la
volonté de Dieu n'est pas que ses enfants se perdent. Tous ses
enfants qu'Il crée avec amour et à chaque instant, Dieu ne peut
pas, en même temps, vouloir leur destruction ou l'enfer. Alors,
nous nous insurgeons: que se passe-t-il dans notre monde ? Jésus
nous a pourtant tous sauvés, cela, c'est notre foi... Il est
mort pour nous tous. Alors ?
Aujourd'hui le mal
satanique envahit tout, s'attaque à tout et la détresse de ceux
qui résistent est grande. Seigneur, où est ta vérité? Nous
disons bien: TA vérité. Mais comment la trouver, la vérité de
Dieu? Jésus, avec Toi à Gethsémani, nous sommes dans la
détresse. Certes, nous savons que notre souffrance n'est une
infime petite goutte de celle de Jésus à Gethsémani, alors nous
Te l'offrons Seigneur, mais cela ne nous console pas... Et notre
cœur a toujours mal, Seigneur. Mais nous devons continuer à
vivre avec Jésus et avec Marie...
Nous
retrouvons Jésus après son redoutable séjour au désert. Il doit
immédiatement commencer à prêcher sa Bonne Nouvelle et à former
ses futurs apôtres. Maintenant, il est temps. Nous pensons à ce
qu'Il a vécu jusqu'à ce jour: pendant combien de temps Jésus
travailla-t-il en Galilée affermissant sa réputation? Nous ne
savons pas. Pendant combien de temps, la préparation immédiate
de Jésus dura-t-elle avant sa rencontre avec Jean et les deux
disciples de Jean qui suivirent l'Agneau de Dieu? Nous ne savons
pas. Nos anciens n'avaient pas comme nous, un sens rigoureux de
la chronologie et nous devons rester sur notre faim. De même,
nous pouvons nous demander comment se fit le choix des derniers
apôtres, quand et selon quelles circonstances ? Nous ne savons
pas exactement; nous savons seulement que Jésus se fit
accompagner de ses premiers disciples pour aller aux Noces de
Cana. Ils étaient au moins quatre : Pierre et André, Jacques et
Jean. Il faut ajouter Philippe et Nathanaël qui furent choisis
trois jours avant que le groupe ne parte vers Cana, car
l'Évangile de Jean nous dit:
"Et le
troisième jour,
il se fit des noces à Cana en Galilée; et la mère de Jésus y
était. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples."
Avant de partir
pour les noces, Marie ne savait rien de Jésus. Mais depuis
qu'elle a appris qu'il serait aux Noces de leurs amis de Cana,
elle se réjouit et en parle à la famille de Joseph. Eux aussi
iront à ces noces, car ils espèrent que Jude et Jacques
trouveront là leurs futures femmes. Marie approuve: oui, ce
serait bien que ces amis de Jésus aillent à ces noces. Leur
avenir se jouera peut-être à Cana: il y aura tant de monde !
Marie prépare son
voyage; oh ! Cana n'est pas bien loin de Nazareth ; une
quinzaine de kilomètres, mais elle pense arriver un ou deux
jours avant la fête, puis rester plusieurs jours à Cana ; les
parents des jeunes mariés auront certainement besoin d'aide...
Et puis, il y aura Jésus ! Quel bonheur ! Marie exulte : "Son
âme bénit le Seigneur ! Son esprit exulte en Dieu son Sauveur !"
Le jour des noces
est enfin arrivé. La cérémonie à la synagogue s'est bien passée.
Tout le monde a félicité les deux jeunes mariés et tous les
invités, et ils sont nombreux car la famille des mariés est très
connue, appréciée et aimée, tous les invités se retrouvent chez
les parents de la maman des mariés. Tout le monde veut, en
effet, embrasser les deux jeunes et leur souhaiter beaucoup de
bonheur. De tous les environs de Cana, les amis présents se
regroupent pour le festin, un festin qui dure forcément
plusieurs jours, vues les distances à parcourir, à pied ou à dos
d'âne...
Le festin, qui
était particulièrement réussi, dura effectivement longtemps. Les
amis qui arrivèrent encore le lendemain étaient immédiatement
invités à se restaurer, selon l'usage, et à participer à la joie
de tous. Marie allait et venait, aidant les parents des mariés
qui étaient parfois bien bousculés. Elle allait aussi de temps
en temps vers les cuisines, pour indiquer au maître du festin,
bien débordé, les lieux où l'on pouvait avoir besoin de lui.
Bientôt Jésus arriva, mais il n'était pas seul. Marie alla
embrasser son Fils, salua ses nouveaux amis, puis elle reprit
discrètement son rôle auprès du maître du festin. Tout se
passait très bien quand, soudain, un des serviteurs présents
s'écria :
— Oh ! La ! La ! Il
n'y a presque plus de vin !
Il se précipita
vers le maître du festin qui, complètement affolé, alla trouver
les parents des mariés, lesquels se mirent à chercher dans toute
la maison pour trouver d'éventuelles outres pleines de vin...
Marie, ayant entendu la remarque du serviteur, s'en alla trouver
Jésus qui mangeait à une autre table, avec ses amis auxquels
Jude et Jacques s'étaient joints. Elle dit à Jésus :
— Ils n'ont plus
de vin...
Curieusement Jésus
ne sembla pas prendre la chose au sérieux, et répondit à Marie
que cela ne les concernait pas :
— Femme,
qu'est-ce que cela peut bien nous faire, à moi et à vous ? Mon
heure n'est pas encore venue.
Que se passa-t-il à
ce moment entre Jésus et Marie? Un regard, une transmission de
pensée, un instant de grande compassion pour des amis en
difficulté? Nous ne savons pas. Nous savons seulement que "la
mère dit aux serviteurs, en désignant Jésus :
— Faites tout ce
qu'il vous dira.
"Faites tout ce
qu'il vous dira !" Étonnant ! Marie savait donc que son Fils
pourrait faire un miracle... En avait-il fait à Nazareth, dans
l'intimité de sa vie avec Marie ? Nous ne savons pas. À Cana,
Jésus ne semble apparemment pas très intéressé par le manque de
vin, pourtant, il se lève et se dirige vers le patio de la
maison, où, nous dit l'Évangile, "il y avait là six urnes de
pierre destinées aux ablutions des Juifs et contenant chacune
deux ou trois mesures. Jésus leur dit : 'Remplissez d'eau ces
urnes.'"
Les serviteurs
s'étonnent, mais Marie leur fait signe d'écouter Jésus. Alors,
"ils les remplirent jusqu'au haut. Puis Jésus leur dit :
'Puisez maintenant, et portez-en au maître du festin.' Et ils en
portèrent." Les disciples de Jésus ne comprenant pas très
bien ce qui se passait s'étaient rapprochés des urnes et
suivaient attentivement le manège des serviteurs. Ils attendent
la réaction du maître du festin. "Dès que ce dernier
eut goûté l'eau changée en vin (il ne savait pas d'où venait ce
vin, mais les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient),
il interpella l'époux et lui dit : 'Tout homme sert d'abord le
bon vin, et après qu'on a bu abondamment, le moins bon ; mais
toi, tu as gardé le bon jusqu'à ce moment.'"
L'époux se leva et
lui aussi, se dirigea vers les urnes contenant l'eau, ou plutôt
maintenant, le vin, et goûta, lui aussi, l'eau changée en vin.
Il ne comprit pas ce qui s'était passé, mais le vin était
vraiment excellent. Il se tourna vers Jésus pour l'interroger,
mais Jésus qui avait rassemblé ses disciples, s'éloignait
discrètement.
"Tel fut, à Cana
de Galilée, le premier des miracles que fit Jésus, et il
manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui."
L'Évangile
poursuit : "Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa
mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que
peu de jours." (Jn 2, 1 à 12) Cela signifie probablement que
Jésus revint plus tard à Cana, peut-être le lendemain, pour
chercher quelques membres de sa famille. On ne peut rien dire de
plus, sauf supposer que Jude et Jacques, qui deviendra Jacques
le Mineur, choisirent alors de suivre Jésus. Cela ne semble pas
impossible: en effet, Jésus avait été leur compagnon pendant des
années. Ils appréciaient sa compétence, sa patience, et sa façon
bien à lui de rendre simples et compréhensibles les choses les
plus compliquées. Et le miracle que Jésus venait d'accomplir les
avait retournés.
Quant à la Vierge
Marie, elle retourna à Nazareth. À quoi pensait-elle ? Quels
étaient ses espoirs et ses craintes ? Avant de la quitter,
quelques mois plus tôt, Jésus lui avait laissé entendre qu'il
aurait à souffrir dans sa mission. Il lui avait aussi montré
qu'Il était UN avec le Père, dans l'Esprit. Marie conservait
toutes les paroles de son Jésus dans son cœur. Elle les méditait
souvent, mais elle avait encore du mal à réaliser que son Fils
était Dieu. Pourtant, depuis Cana, bien des choses
s'éclairaient. Certes elle était triste de ne plus vivre avec
Jésus, mais elle comprenait que Dieu est à tous les hommes, et
qu'elle devait toujours faire la Volonté de Dieu. Marie
comprenait que Jésus devait grandir devant les hommes, et
qu'elle-même, sa maman, elle serait de plus en plus l'humble
servante, toujours prête à répondre aux appels de Dieu. La
"servante du Seigneur" allait devenir de plus en plus servante
des hommes.
Marie resta-t-elle
à Nazareth après son retour des noces de Cana ? Ou bien les
circonstances de la vie de Jésus l'a conduiraient-elle à venir
aider l'équipe des disciples de Jésus ? Peut-être, mais dans une
extrême discrétion, une discrétion telle qu'aucun document ne
nous est resté de la vie de Marie. Les Évangélistes ne parleront
plus d'elle que très rarement avant qu'ils ne nous la présentent
au pied de la Croix. Avant la Croix, à deux ou trois reprises
seulement, et très brièvement, ils nous la montreront, mêlée aux
autres saintes femmes qui accompagnaient Jésus, mais rien de
plus. C'est dommage, car la Vierge Marie est, après Jésus, le
plus parfait modèle de vie que nous devrions imiter pour nous
sanctifier. Alors, malgré nos faibles informations, nous allons
essayer de la suivre jusqu'au Calvaire.
Nous allons essayer
d'accompagner Marie jusqu'au Calvaire où les Évangélistes nous
la montrent au pied de la Croix. Nous nous aiderons des quelques
rares phrases la concernant, cachées dans l'Évangile, mais nous
n'inventerons rien. De nombreux saints et mystiques, ont eu des
révélations concernant la vie de Marie; l'Église a multiplié les
fêtes magnifiant sa sainteté. Nous, nous nous conduirons comme
Jean le Baptiste qui disait, parlant de Jésus: "Il faut qu'il
croisse et que moi, je diminue." Nous découvrirons ainsi
toute l'humilité de la Vierge Marie.
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