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Heureux ceux
qui font la volonté de Dieu
Prenons un peu de
temps pour nous recueillir avant de retrouver Marie après les
noces de Cana. Dans le chapitre 11, versets 27 et 28, de son
Évangile, Luc écrit: "Or, comme il parlait ainsi, une femme,
élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: 'Heureux le sein
qui vous a porté, et les mamelles qui vous ont allaité'!" Mais
Jésus lui répondit: 'Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole
de Dieu et qui la gardent'!"
Tout d'abord, ces
paroles de Jésus nous déconcertent: ainsi Jésus semble rejeter
sa Mère? Non ce n'est pas possible. Marie fut bienheureuse
d'être la Mère du Sauveur. Et elle l'est toujours. D'ailleurs,
dans son Magnificat, elle le dit elle-même, et elle prophétise
que "tous les âges la diront bienheureuse". Donc Jésus ne
veut pas sous-estimer le bonheur de Marie, bien au contraire.
Jésus a une autre raison pour sembler diminuer le bonheur de sa
mère. Mais lequel ?

Philippe de Champaigne -
“Le sermon sur la montagne”
Jésus, le Verbe de
Dieu incarné est venu sauver le monde. Mais pourquoi le sauver?
Parce que l'Homme, depuis son péché, son refus d'obéir à Dieu,
c'est-à-dire de faire la volonté de Dieu, était tombé dans le
malheur. Dieu aimant toujours les hommes, ses créatures vivantes
et intelligentes, ne voulait pas les voir rejoindre le Menteur
dans son enfer, mais au contraire, les sauver. Comment Jésus,
Fils du Père, sauverait-il les hommes? En leur faisant
comprendre qu'il était venu "prendre sur lui le péché des
hommes", de tous les hommes. Jésus devait aussi conserver
aux hommes le don inestimable que Dieu leur avait fait: leur
liberté. En effet, Dieu qui aimait les hommes, voulait, en
retour, être d'aimé d'eux, car l'Amour exige la réciprocité. Et
on ne peut aimer que si on est libre.
On ne peut aimer
que si on est libre. Et Dieu veut l'amour libre des hommes,
amour qui ne peut se manifester qu'en le prouvant, c'est-à-dire
en faisant sa volonté. Chaque homme peut se dire:
— Dieu m'aime. En
retour, je dois L'aimer, et pour bien prouver que je L'aime, je
Lui obéis, je fais sa volonté, c'est-à-dire que je me garde du
péché, la source de tous les maux; car la volonté de Dieu, c'est
notre bonheur. Faire la volonté de Dieu, c'est être heureux.
Jésus a entendu la
remarque de la femme glorifiant le bonheur de Marie, Mère de
Jésus. Mais Jésus veut faire comprendre que le bonheur de Dieu
est destiné à tous les hommes; aussi élargit-il la remarque de
la femme à tous les hommes du monde: tous les hommes sont
heureux, tous, sans exception, s'ils font la volonté de Dieu.
Dieu nous a créés
pour que nous soyons heureux. Nous devrions méditer cette parole
à chaque instant de notre vie. Notre monde vit dans le malheur:
on ne parle que de misères, de famines, de cataclysmes, de
haines, de vengeances, de guerres, ô combien de guerres! Les
gens ont peur à cause des attentats et des crimes qui frappent
aveuglément. Notre monde ne connaît plus la paix, nos jeunes se
droguent, fument, passent trop de temps à des jeux vidéos ou à
regarder des films violents ou qui glorifient les dérives du
sexe. Et quand ils sont trop malheureux et qu'ils ne voient
aucune issue à leurs souffrances, les gens se suicident.
Pourquoi? Parce qu'ils vivent en permanence dans ce que le
Seigneur leur avait formellement interdit, ils vivent dans le
péché, le mal qui rend très malheureux.
Ce qui se passe de
nos jours, Jésus le savait et Il voulait nous éviter tous ces
malheurs. C'est pourquoi il insiste: "Heureux ceux qui
écoutent la parole de Dieu et qui la gardent!" Qui la
gardent, et la mettent en pratique...
"Heureux ceux
qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent!" Qui sont
ces "Heureux" qui écoutent la Parole de Dieu? Dieu veut le
bonheur de tous les hommes, ses créatures favorites. Adam et
Ève, avant leur faute étaient immensément heureux, et Dieu était
avec eux. Ce bonheur était destiné à tous les hommes, sans
exception, mais les hommes ont péché, les hommes ont fait le mal
et connu le malheur. Alors, le Verbe de Dieu s'est incarné, et
Jésus, le Fils de Dieu, Verbe de Dieu incarné est venu les
sauver tous et leur redonner le bonheur que volontairement ils
avaient perdu. Comment retrouver ce bonheur? En écoutant la
parole de Dieu et en la pratiquant, en faisant la volonté de
Dieu. Cela c'est très clair, et la Vierge Marie en est l'exemple
le plus sublime, puisque, en disant OUI à Dieu, elle est devenue
la femme la plus heureuse du monde, et "tous les âges la
disent bienheureuse."
Pourtant Jésus
insiste: le bonheur n'est pas réservé à la seule femme qui fut
sa Mère. Tous les hommes peuvent être les membres de sa famille,
et cette affirmation bouscula tellement ses disciples que trois
évangélistes rapportèrent la phrase qui les avait tant frappés.
Ainsi, dans le chapitre 12 versets 46 à 50 de Matthieu, nous
lisons: "Comme il parlait encore aux foules, voici que sa
mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler.
Quelqu'un lui dit: 'Voici votre mère et vos frères qui se
tiennent dehors, et ils cherchent à vous parler.' Jésus répondit
à l'homme qui lui disait cela: 'Qui est ma mère et qui sont mes
frères?' Et étendant la main vers ses disciples, il dit: 'Voici
ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père
qui est dans les cieux, celui-là est pour moi frère, sœur et
mère'." Marc, dans son chapitre 3, versets 31 à 35, écrit
exactement la même chose. Luc est plus bref: il écrit: "Sa
mère et ses frères vinrent le trouver, mais ils ne pouvaient
l'aborder à cause de la foule. On lui annonça: 'Votre mère et
vos frères se tiennent dehors, et ils désirent vous voir.' Il
leur répondit: "Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la
parole de Dieu et qui la mettent en pratique'." (Luc 8, 19 à
21)
Ainsi, Jésus est
entouré d'une telle foule que quelques membres de sa famille,
troublés par ce qu'on racontait sur lui, et qui étaient venus le
trouver, ne peuvent approcher. On prévient Jésus qui normalement
aurait dû être très heureux puisque "sa Mère" était là aussi.
Mais Jésus semble renier sa famille, y compris sa Mère. Il
montre tous ceux qui sont là, venus écouter sa parole et dit:
"Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu
et qui la mettent en pratique'." Ainsi nous sommes, tous et
toutes, la mère et les frères et sœurs de Jésus? Oui, mais à une
condition: faire partie de ceux qui écoutent la parole de Dieu
et qui la mettent en pratique.
Nous sommes revenus
à l'exigence fondamentale: "faire la volonté de Dieu". Marie
doit son bonheur à sa volonté affirmée de faire toute la volonté
de son Seigneur. Et nous, nous bénéficierons du même bonheur si
nous faisons la volonté de Dieu. Immédiatement nous nous
demandons: quel bonheur, et quelle volonté de Dieu? La volonté
de Dieu nous la trouverons dans le Décalogue (les dix
commandements) que Dieu donna à Moïse, sur la montagne; le
bonheur qui en résultera pour nous est résumé dans "Les
Béatitudes" de Jésus. Ainsi Marie, servante du Seigneur, obéit
d'abord à la Loi de Dieu avant de dire oui à une autre volonté
de Dieu, une demande plus personnelle destinée à la seule Marie.
Il en est de même pour nous: nous aussi nous devons obéir aux
commandements de Dieu, dans les circonstances particulières qui
sont celles de notre vie : nationalité, milieu social, métier,
etc., circonstances particulières qui sont les expressions de la
volonté de Dieu sur chacun de nous. Alors, malgré les épreuves
de la vie, nous serons heureux.
Les épreuves de la
vie? Même si nous vivons parfaitement les commandements de Dieu,
notre bonheur n'est donc pas complet? Le Seigneur nous a-t-il
caché quelque chose? Qu'est-ce que cela veut dire? Contemplons
d'abord La très sainte Vierge Marie. Elle est sans tache,
immaculée, elle s'est totalement donnée à Dieu et elle s'est
faite la Servante du Seigneur. Elle est heureuse. L'Incarnation
du Verbe de Dieu la rend encore plus heureuse et elle-même le
dit à sa cousine Élisabeth: "Toutes les générations me diront
bienheureuse." Le Très Haut avait en effet, fait en elle des
merveilles. Alors, pourquoi Marie eut-elle tant d'épreuves à
supporter, des épreuves allant jusqu'à des souffrances
spirituelles indicibles que le vieillard Siméon qualifiera de
glaive lui transperçant le cœur?
Ce glaive de
douleurs, Marie le reçut tout au long de la vie de Jésus, mais
spécialement durant sa vie publique, sa Passion et au pied de la
Croix sur laquelle son Fils mourait. Qui oserait dire que Marie
fut heureuse à ce moment-là? Nous sommes là devant un étrange et
profond mystère: est-il possible d'être heureux dans la
souffrance? Beaucoup de saints et de mystiques l'ont affirmé:
oui! on peut être heureux même quand on est broyé par de grandes
douleurs, si on reste uni au Seigneur, baigné dans son Amour,
sachant que toute souffrance offerte à Jésus Rédempteur est
comme une larme prise parmi les millions de larmes de Jésus,
larme offerte au Père, pleine des mérites de Jésus pour le salut
de toutes les âmes. Cela, tous les saints le savent et l'ont
vécu ; certains, comme sainte Thérèse d'Avila, redemandaient
même ces souffrances.
Les prophètes venus
avant Jésus ont connu aussi ces souffrances, ces persécutions.
Marie, en union avec son Fils, a connu en quelque sorte la
"somme" des souffrances portées par tous les hommes que son Fils
venait sauver, et ses souffrances, son glaive de douleurs, sont
comme la totalité des souffrances et des épreuves humaines
conséquences du péché.
Les souffrances des
hommes sont incontestablement la conséquences de leurs péchés,
mais il y a plus. Le péché est la plus profonde blessure qui
puisse exister dans le cœur d'un homme car il le coupe de Dieu,
la source du bonheur. Or nous savons que toute blessure, toute
plaie, quelle que soit son origine, doit être traitée, soignée,
anesthésiée, pansée. Et ces soins, indispensables, sont toujours
douloureux. Dans la vie d'un homme, ces soins sont les épreuves
qu'il rencontre dans sa vie et elles sont indispensables à sa
conversion.
Pourtant, nous
récrions-nous, Marie n'avait pas péché. Certes, mais quand on
aime quelqu'un on veut le rendre heureux, et si ce quelqu'un
rencontre de lourdes épreuves, on est content de pouvoir les
partager avec lui pour le soulager. Et l'on acquiert ainsi ce
que l'on appelle couramment les mérites. Jésus nous a mérité le
ciel, par les mérites infinis de sa vie et de sa Croix. Par
compassion, Marie a partagé les douleurs de Jésus, et, avec son
Fils, elle a aussi partagé les douleurs du Corps mystique du
Christ, son Église; nous savons que le Corps mystique du Christ
est constitué de tous les hommes de tous les temps. Marie unie à
son Fils a mérité cela: le partage de ses douleurs, mais aussi
de ses mérites et de sa joie, car ainsi, les plaies humaines
bien soignées, peuvent être cicatrisées, et les hommes peuvent
retrouver Dieu et son Amour. Certains théologiens disent parfois
que Marie est corédemptrice.
Pour nous, quand
nous souffrons, unis au Christ, nous travaillons avec Jésus et
Marie au salut des hommes. Cela aussi appartient au bonheur,
mais nous n'y pensons pas.
Maintenant revenons
à la source initiale du bonheur: les commandements de Dieu. Trop
souvent ces commandements sont présentés comme des obligations
négatives: tu ne feras pas ceci, tu ne feras pas cela. En
réalité, si nous les méditons profondément, nous découvrons que
les commandements de Dieu sont des conseils positifs qui tous
conduisent les hommes vers la paix préparant au bonheur. C'est
ce que nous allons essayer de faire, sous la conduite de Marie. |