Nous voici donc arrivés à l’une des périodes les plus
importantes de la vie du Chanoine Roland.
Il était devenu prêtre et, la popularité acquise par
ses sermons ; ses conférences hebdomadaires pour les prêtes qu’il réunissait en
séminaire chez lui ; sa vie austère, ses missions et la lutte qu’il engagea pour
endiguer la pauvreté et la misère enfantines, firent de lui un prêtre respecté
par les uns, haï par les autres, mais aussi un prêtre très recherché par les
âmes désireuses d’approfondir leur vie spirituelle.
L’exemple de sa vie était pour beaucoup un gage
d’approfondissement, une garantie de succès dans les voies spirituelles.
Ceci explique le grand nombre de personnes qui se sont mises sous sa direction.
Il y avait, bien entendu des prêtres et des religieuses, — de Reims, et même
d’ailleurs —, mais aussi d’autres personnes du monde. À tous, et à chacun en
particulier, il prodiguait ses sages conseils, voir même des admonestations
fermes et redondantes. C’est que Nicolas Roland, comme en toute autre chose, ne
transigeait pas dès qu’il s’agissait de la gloire de Dieu et du salut des âmes.
À une dame du monde, « une dame de qualité »,
qui était sa dirigée, et qui l’interrogeait sur l’utilité, voir l’opportunité de
suivre une retraite spirituelle, il n’a pas hésité à lui prescrire des consignes
bien précises, comme s’il s’agissait d’une religieuse :
— « Tâchez d’y être encore plus recueillie dans
l’intérieur qu’à l’extérieur. Entrez dans les dispositions de silence,
d’oraison, de présence de Dieu, d’humilité, dans lesquelles a été la sainte
Vierge en ces saints jours, afin de recevoir dans votre cœur son divin Fils.
Unissez-vous aussi aux dispositions du Saint Enfant. Demandez avec larmes et
gémissements, quelque part au pur amour, à la sainte pureté, à l’innocence, et à
l’esprit de pénitence qu’Il est venu répandre sur la terre. Paraissez, devant
ses yeux divins, avec la confusion d’une épouse qui Lui a gardé si peu de
fidélité. Enfin, soyez surtout humble, pénitente, recueillie »
.
Car, comme sainte Thérèse d’Avila l'affirme, « lorsque le Seigneur commence à
nous donner quelque vertu, nous devons la cultiver avec le plus grand soin, et
ne pas nous exposer au danger de la perdre »
.
Et comme Monsieur Roland en est conscient, il
continue, en bon pédagogue qu’il était, à insinuer dans l’âme de sa dirigée, les
consignes maîtresses conduisant à une vraie vie spirituelle.
« Humilité, pénitence, esprit de recueillement,
d’oraison et attention perpétuelle sur vous-même — poursuit-il — ce sont
trois choses que vous devez toujours avoir devant les yeux, comme trois moyens
de salut, pour vous très nécessaires et très assurés »
.
Outre ces conseils qui démontrent clairement le zèle
de Nicolas Roland pour la perfection et le salut des âmes, il faut relever et
expliquer une phrase employée dans cette lettre de direction : « Unissez-vous
aux dispositions du Saint Enfant ».
Vers les années 1668 ou 1669, nous ne le savons pas
exactement — les Carmélites de Beaune et le chanoine Alphonse Hannesse avancent
la date de 1675 ou 1676 —, Nicolas Roland fit un pèlerinage à Beaune, pour prier
et se consacrer au Saint Enfant-Jésus, sur la tombe de sœur Marguerite du
Saint-Sacrement
,
carmélite qui fut, au début de XVIIe siècle la vulgarisatrice
de la dévotion à l’Enfance de Jésus.
Nous ignorons qui a pu le renseigner sur les faits
survenus au Carmel de Beaune. Il est possible, toutefois, de penser que son
oncle et parrain Mathieu Beuvelet aura put l’en informer, alors que Nicolas
était jeune étudiant à Paris.
Sachant que Nicolas Roland séjourna un certain temps à
Saint-Sulpice, nous pouvons aussi conjecturer que les successeurs de
Jean-Jacques Olier se soient chargés de cette tâche. Il convient de rappeler que
leur fondateur fit lui aussi le pèlerinage de Beaune, du vivant de sœur
Marguerite du Saint-Sacrement.
Mais, il reste encore un certain nombre d’autres
pistes qui sont aussi valables, comme par exemple Madame la Conseillère
Roland,
sa tante ou bien les Carmélites, installées à Reims depuis 1633.
Une autre possibilité encore, l’une de ses sœurs,
Adrienne ou Barbe, qui avait « envoyé le manteau à la sainte Vierge » du
Carmel de Beaune, comme nous le verrons plus loin.
Ce qui est certain c’est qu’il se prit d’une grande
vénération pour cette âme extraordinaire que fut Marguerite du Saint-Sacrement,
dont la tombe, malgré les siècles passés, continue, encore de nos jours, d’être
visitée par de nombreux fidèles.
Il nous reste aussi un témoignage important sur ce
pèlerinage. Il nous est fourni par celle qui fut sa servante pendant de
nombreuses années : « il fit un long voyage à Beaune, pour se
consacrer à l’Enfance de Notre-Seigneur, et, à son retour, on vit un avancement
tout sensible dans la vertu, car il parut à toutes les personnes qui le
connaissaient, comme un homme de l’autre monde, quoiqu’il n’eut, pour lors, que
26 ans ou environ »
.
Comme quoi, la compagnie, voir même le voisinage des
saints est bénéfique aux âmes de bonne volonté ! ... Il est donc
compréhensible que la compagnie, les sages conseils et la vie même de Nicolas
Roland fussent recherchés par ceux de ses contemporains qui avaient le désir
sincère de progresser dans les voies qui, plus sûrement, conduisent à Dieu.
Revenu de Beaune, heureux d’un avancement tout
visible, il était donc normal et même naturel que le Théologal de Notre-Dame
de Reims, veuille insuffler dans les âmes qu’il dirigeait, ce même amour pour
l’Enfance du Sauveur.
Mais, quelque temps après son pèlerinage, les sœurs de
l’Enfant-Jésus de Reims, reçurent du Carmel de Beaune, une image du Saint
Enfant ; une de ses images que les Carmélites envoyaient à ceux qui en faisaient
la demande expresse. Certaines de celles-ci ont pu, d’ailleurs, avoir sœur
Marguerite comme artiste, lorsque la maladie lui laissait quelques
moments de répit.
Content de cet envoi, Nicolas Roland ne peut
s’empêcher de leur écrire et de leur faire partager sa joie ; une joie sincère,
voir presque naïve :
— « À la Révérende mère Thérèse de Jésus,
sous-prieure du monastère des Carmélites de Beaune.
[Reims 1676]
Ma Révérende mère, que l’amour du Saint
Enfant-Jésus et de sa sainte Mère soit toujours dans nos cœurs.
Je vous suis si obligé, à votre Révérende Mère et à
toute votre Communauté, du beau présent qu’il vous a plu me faire, que je n’ai
point de paroles pour vous exprimer la reconnaissance de mon cœur. Je prierai
donc le Saint Enfant qu’il soit lui-même mon remerciement et encore plus qu’il
soit votre récompense. Son image a été trouvée admirablement belle et je l’ai
reçue sans qu’il soit arrivé d’accident, qu’un peu d’ordure attachée sur son
visage, qu’on a ôtée facilement. Vous l’aviez si proprement accommodée qu’il ne
pouvait pas se gâter. J’espère établir en cette ville une confrérie
en son honneur où on l’exposera tous les 25e...
Elle est à présent dans un oratoire qui lui était
préparé depuis longtemps, mais pour la placer avec plus de décence, je fais
faire une niche de sculpture qui sera toute dorée, de laquelle je vous enverrai
le dessein. On lui donnera aussi une couronne et un sceptre d’argent et une robe
de brocart d’or afin qu’il n’ait pas sujet d’envier la condition de son petit
frère qui est chez vous, quoiqu’en qualité d’aîné et d’original. Je crois que le
vôtre sera beaucoup plus riche. J’ai rendu votre présent à ma sœur
qui a envoyé le manteau à la sainte Vierge ; elle l’a reçu avec bien de la joie,
elle vous en remercie bien cordialement. Je vous conjure, votre Révérende mère
et toute votre Communauté, de ne me pas oublier devant le Saint Enfant et au
tombeau de son épouse. Priez-le aussi, je vous en prie, qu’il me fasse quelque
part des vertus de son enfance et qu’il lui plaise répandre la dévotion à cet
aimable état de sa vie et l’imitation de ses vertus dans les cœurs de fidèles de
ce pays. Je me promets qu’il produira cet effet par sa sainte image que vous
m’avez envoyée, si vous me secourez de vos prières, m’imaginant que votre
monastère pourrait être appelé l’origine et le berceau de la dévotion à
l’Enfance du Fils de Dieu en France. Tout ce qui en vient à vertu particulière
pour porter à cette dévotion.
Souvenez-vous donc toujours, ma Révérende mère, des
misères d’un pauvre pécheur, qui ose néanmoins se dire dans le Sacré Cœur de
Jésus et de Marie.
ma Révérende mère
votre très humble et très obéissant serviteur
N. Roland P. I.
Mes remerciements
particuliers, s’il vous plaît, à votre Révérende mère, à la chère Sœur Françoise
de la Mère de Dieu, à la Sœur Claire et à toutes les ouvrières qui ont travaillé
à l’image du Saint Enfant-Jésus, les assurant que j’aurai un souvenir
particulier d’elles au Saint Sacrifice »
.
Quelles remarques peut-on faire sur cette belle
lettre ?
Il ressort, en tout premier lieu une grande joie et,
comme il n’a pas lui-même « des paroles pour l’exprimer », il supplie le
divin Enfant « d’être Lui-même son remerciement et encore plus, qu’il soit
votre récompense ».
Joie encore parce que l’image est belle et qu’elle est
arrivée intacte, malgré « une ordure attachée à son visage, qu’on a ôté
facilement ».
Il y a ensuite la volonté explicite de vouloir « établir
en cette ville une confrérie en son honneur » consacrée à la Sainte Enfance.
Autant que nous le sachions, cette confrérie n’a jamais vu le jour — Nicolas est
mort bien jeune — sauf si nous tenons compte de la suite de la phrase où il est
dit « où on l’exposera tous les 25e ». En effet, encore de nos jours,
cette promesse est respectée au sein de la Communauté du Saint Enfant-Jésus de
Reims. Tous les 25 du mois, il y a adoration devant le Saint-Sacrement et des
prières spéciales en l’hon-neur de l’Enfance de Jésus.
Il est question aussi de la façon dont l’image sera
exposée et même des aménagements qui y seront apportés « pour la placer avec
plus de décence » et, pour ce faire Nicolas Roland fera même « faire une
niche de sculpture qui sera dorée » ; et, en guise de contrat moral envers
les Carmélites de Beaune, il « enverra le dessein » de celle-ci.
Toutefois, il veut déjà donner à ses bienfaitrices un
avant goût de son projet : « on lui donnera aussi une couronne et un sceptre
d’argent et une robe de brocart d’or afin qu’il n’ait pas sujet d’envier la
condition de son petit frère qui est chez vous, quoiqu’en qualité d’aîné et
d’original », confie-t-il, non sans humour.
Mais, Nicolas sait très bien que le « Petit Roi de
Grâce » qui est à Beaune, chez les Carmélites, est très visité et qu’il
reçoit de riches présents, raison pour laquelle il comprend que « l’aîné et
original », par la force des choses, « sera beaucoup plus riche ».
La communion des saints reste pour Nicolas l’un des
meilleurs vecteurs de charité, car « quand deux ou trois prient », ils
touchent plus facilement le Cœur de Dieu. Cette préoccupation sera constante
dans ses lettres : « je vous conjure, votre Révérende mère et toute votre
Communauté, de ne me pas oublier devant le Saint Enfant et au tombeau de son
épouse
.
Priez-le aussi qu’il me fasse quelque part des vertus de son enfance », car,
celui qui ne devient pas comme un enfant, celui qui n’acquiert pas un esprit
d’enfant — la petite voie — difficilement verra Dieu, car Jésus lui-même
l’a dit : « laisser venir à moi les petits enfants »
.
Toutefois, Nicolas ne demande pas des prières sans retour, lorsqu’il demande :
« souvenez-vous donc toujours des misères d’un pauvre pécheur » ; il
promet lui aussi des prières et plus encore, il aura « un souvenir
particulier d’elles au Saint Sacrifice ».
Une dernière remarque, concernant l’influence déjà
explicite de saint Jean Eudes et de la dévotion aux deux Cœurs :
« souvenez-vous d’un pauvre pécheur qui ose, néanmoins se dire dans le Sacré
Cœur de Jésus et de Marie ». Très souvent, dans ses lettres, Nicolas Roland
emploiera ce renvoi aux sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, en alternance avec le
Saint Enfant-Jésus.
Et pour terminer cette parenthèse sur le Carmel de
Beaune et sœur Marguerite du Saint-Sacrement, il est bon de signaler que
quelques fois le saint Théologal recommandait à ses pénitentes la lecture de la
“Vie” de la Vénérable Carmélite :
« Souvenez-vous d’abréger les entretiens du parloir
; faites vos lectures dans les fondements de la vie spirituelle, continuant
aussi la vie de sœur Marguerite. Mais ne lisez pas en courant, à votre
ordinaire. Lisez toujours le même chapitre deux fois de suite et, quand vous
aurez achevé le livre, vous le recommencerez une seconde fois pour arrêter votre
avidité et votre curiosité qui demandent toujours quelque chose de nouveau.
Arrêtez-vous aussi en lisant, de temps en temps, pour goûter et vous appliquer
ce que vous aurez lu. »
Ceci prouve l’estime et la dévotion que Nicolas Roland
avait pour la jeune Carmélite de Beaune et, aussi la considération qu’il avait
pour les écrits mystiques, car Marguerite du Saint-Sacrement en est une. La
suite de la lettre le prouve : il recommande la lecture de Rodriguez, dont les
écrits sont de vrais chefs-d’œuvre de la théologie mystique.
Il lui arrivait aussi de recommander la lecture de la
biographie de Gaston de Renty pour lequel il avait également une admiration
marquée.
« Vous pouvez continuer à lire Rodriguez : le
“Traité de la conformité à la volonté de Dieu”, auquel vous pourrez ajouter
ensuite celui de la “Présence de Dieu” qui est du même auteur, comme
aussi ce qui est dans “Les exercices du chrétien intérieur”, touchant ces
deux exercices. Et quand vous aurez lu ces choses à loisir, vous reprendrez la
vie de la Sœur Marguerite et vous lirez les fondements de la vie spirituelle »
.
Très souvent dans ses lettres il fait référence à la
sainte Enfance. Mais la preuve la plus éclatante de cette dévotion, est le titre
même qu’il choisit, pour la Communauté qu’il fonda et dont le diocèse et la
Ville de Reims peuvent encore, à ce jour, s’enorgueillir.
Nous arrêtons là cette parenthèse concernant la
dévotion au Saint Enfant-Jésus, afin d’aller vers le Nicolas Roland médecin
des âmes, directeur spirituel recherché et mystique dans l’âme et dans ses
conseils éclairés de direction.
4
C’est, maintenant, en sa qualité de prêtre et de
médecin des âmes, que nous allons le suivre, pas à pas, que nous allons
l’écouter et nous nourrir, de son enseignement.
Pour ce faire, nous utiliserons ses lettres de
direction et quelques autres documents qui peuvent, non pas prouver — car nous
ne voulons pas nous ériger, ni en donneur de leçons ni un expert que nous ne
sommes pas — mais démontrer chez Nicolas Roland cette inclination, comme
on disait communément au XVIIe siècle, pour le mysticisme.
Voyons, en premier lieu, et selon lui, de quelle
manière doit-on se choisir un directeur spirituel :
« Vous pouviez — écrit-il à l’une de ses
futures dirigées, religieuse de son état — sans le jeter au sort, vous
déterminer à écrire ou non dans la vue de Dieu. Ce n’est pas à moi à vous
déterminer à prendre un directeur ou non, il faut que ce soit Dieu qui le fasse
; beaucoup moins à vous déterminer à moi, parce que les directeurs doivent
attendre de la Providence les âmes qui leur sont adressées, sans s’ingérer
d’eux-mêmes dans leur conduite.
Je vous dirai seulement deux choses : la première
est que la direction semble être si nécessaire pour avancer dans la vie
spirituelle, qu’on ne s’en doit pas priver, à moins qu’il n’y ait une espèce
d’impossibilité de trouver une personne qui ait rapport à notre grâce ; la
seconde, que vous me paraissez être une des âmes qui ont le besoin de direction.
Quoiqu’il vous semble avoir une douleur suffisante
des péchés véniels ordinaires que vous confessez, vous ne devez pas cependant
vous y fier tout à fait, et c’est un très bon conseil, pratiqué par presque
toutes les âmes qui ne commettent que des péchés véniels d’infirmité ou de
faiblesse, que d’ajouter un péché passé dans lequel on ne retombe plus ; cela
peut servir à humilier, et sert toujours à assurer la validité de la confession.
Je crois qu’ayant sur vos fautes la lumière que
vous me marquez, vous pouvez faire votre examen en fort peu de temps. Vous avez
raison de remarquer qu’au moment où vous avez été infidèle, une faute attire une
autre, que la lumière diminue, et que Dieu vous fait connaître, dès le moment
que vous êtes tombée, quoique dans des fautes qui semblent petites, qu’Il veut
que vous retourniez à Lui incontinent.
Vous ferez très bien de tâcher, dans les
conversations, de mourir de plus en plus à vous-même, ne disant pas les choses
qui pourraient vous faire paraître. Il faut cependant que cela se fasse sans
trop de gêne et d’inquiétude, sans devenir à charge aux autres par notre trop
grand silence, la charité nous obligeant à contribuer à une conversation
chrétienne et religieuse, cela s’entend après le repas et aux heures seulement
qui sont destinées à la récréation. Je dis qu’on est obligé, quand on se trouve
dans ces temps, à une conversation religieuse, car, quand elle devient profane
et mondaine, vous n’êtes plus obligée à y contribuer, et c’est ce qui me fait
vous dire que si l’obéissance vous oblige à rester l’après-dîner avec votre
communauté, vous ferez très bien de vous retirer en vous-même, le plus que vous
pourrez, et de vous retirer même, si vous le pouvez, en un lieu d’où vous
n’entendrez point les discours séculiers et les nouvelles que vous me marquez,
d’autant qu’il n’est que trop vrai que les idées de ces sortes de choses nuisent
beaucoup aux âmes que Dieu appelle à la pureté de son amour, et qui sont encore
tendres comme est la vôtre.
Si vous n’avez pas assez de générosité pour dire
vos sentiments sur certaines choses aux personnes qui sont au-dessus de vous,
vous devez au moins vous abstenir d’approuver ou de donner lieu de croire, par
une certaine manière d’agir, que vous approuvez des choses qui seraient contre
la régularité ou la perfection. Il vaut beaucoup mieux vous exposer à être
mortifiée, et vous devez tellement vous remplir l’esprit que Dieu est le Seul
que vous devez contenter, que toutes les réprimandes des créatures ne vous
touchent qu’autant que vous croyez y avoir donné sujet devant Dieu. En sorte que
ces mortifications, bien loin d’être appréhendées, doivent faire votre joie,
lorsqu’elles vous arrivent sans votre faute ou pour la défense de la justice.
Il faut que vous tâchiez de simplifier votre esprit
qui est beaucoup trop raisonnant et trop réfléchissant. Lorsque l’on fait une
chose qui de soi-même est bonne, et qu’on l’a entreprise dans la vue de Dieu, il
ne faut pas que les pensées de vanité qui peuvent venir dans la suite empêchent
de la continuer. Saint Bernard répondait, en cette occasion, à ces sortes de
pensées : “Je n’ai pas commencé cette bonne œuvre pour toi, je ne la quitterai
pas non plus pour toi”.
Vous pouvez simplement parler de l’oraison, lorsque
vous jugez que cela est utile aux autres ou à vous-même, et pour les pensées de
vanité que vous avez, chassez-les comme des mouches.
À Dieu. Priez pour moi et souvenez-vous qu’il faut
bien du vide dans une âme, afin que Dieu y fasse la plénitude ; que votre Époux
est jaloux, et que la moindre infidélité blesse ses yeux divins ; enfin, que le
Royaume de Dieu ne consiste ni en pensée, ni en parole, mais dans la fidélité,
la violence continuelle à ses inclinations, dans la désoccupation de toute
créature, dans le renoncement à soi-même et dans l’amour pour les trois chères
compagnes du Sauveur : la pauvreté, le mépris et la douleur »
.
Nous avons choisi cette lettre, parce qu’elle
contient, à notre humble avis, presque tous les ingrédients d’une
véritable direction spirituelle. Nous y trouvons des consignes et des conseils
aussi clairs et aussi motivés et motivants que dans les écrits de sainte Thérèse
d’Avila, particulièrement ceux que la sainte Réformatrice prodigua à ses Filles
et qui sont contenus dans le “Chemin de la Perfection”.
Il nous faut aussi remarquer l’humilité et la sagesse
de Nicolas Roland, quand il dit : “ce n’est pas à moi à vous déterminer à
prendre un directeur ou non, il faut que ce soit Dieu qui le fasse”, car en
matière spirituelle, rien ne se fait au hasard, tout est œuvre de Dieu,
“parce que les directeurs doivent attendre de la Providence les âmes qui leur
sont adressées, sans s’ingérer d’eux-mêmes dans leur conduite”. C’est clair
et précis. Mais ces précisions et, malgré que le saint prêtre semble avoir été
tiré au sort par la religieuse, ne l’empêche nullement de commencer de la
conseiller, de lui montrer le chemin à suivre, car il est pleinement convaincu
que “la direction semble être si nécessaire pour avancer dans la vie
spirituelle, qu’on ne s’en doit pas priver”, d’autant plus que sa
correspondante lui semble “être une des âmes qui ont le plus besoin de
direction”. Et Nicolas ne refusera jamais, sa vie durant, d’œuvrer pour le
bien et le salut des âmes que le Seigneur lui enverra.
Répondant à la lettre qu’il reçut de cette religieuse,
il insiste sur certains points qui n’ont d’autre but que celui de la mettre sur
la voie de l’humilité, du détachement, de la mort à elle-même, de la
mortification, de la simplicité ; mais ceci avec prudence, “que cela se fasse
sans trop de gêne et d’inquiétude, sans devenir à charge aux autres”, qui ne
comprendraient peut-être pas les changements brusques et qui pourraient la taxer
de vaniteuse, voir même prétentieuse, car, “lorsque l’on fait une chose qui
de soi-même est bonne, et qu’on l’a entreprise dans la vue de Dieu, il ne faut
pas que les pensées de vanité qui peuvent venir dans la suite empêchent de la
continuer”.
Et voici venir un conseil que Nicolas peut donner, en
connaissance de cause, car il le vécut en lui-même toute sa vie :
“souvenez-vous qu’il faut bien du vide dans une âme, afin que Dieu y fasse la
plénitude ; que votre Époux est jaloux, et que la moindre infidélité blesse ses
yeux divins ; enfin, que le Royaume de Dieu ne consiste ni en pensée, ni en
parole, mais dans la fidélité, la violence continuelle à ses inclinations, dans
la désoccupation de toute créature, dans le renoncement à soi-même et dans
l’amour pour les trois chères compagnes du Sauveur : la pauvreté, le mépris et
la douleur”.
Cette seule lettre aurait pu, à notre avis, démontrer
le mysticisme de l’homme de Dieu qu’était Nicolas Roland, mais, une autre lettre
encore va nous y aider grandement, car les principes même de la vie spirituelle,
de la vie en Dieu y sont expliqués clairement. Lisons-la :
« Ma chère Fille, il faut souvent
considérer :
1 — la petitesse de la créature pour s’en
désoccuper ;
2 — notre propre misère et bassesse pour
nous humilier ;
3 — apprendre à connaître Notre-Seigneur
Jésus-Christ, sa vie, ses paroles et ses mystères pour nous en remplir ;
4 — les perfections de Dieu pour nous unir à
Lui.
Quand vous voyez quelque personne qui fait des
fautes, vous devez : vous humilier, considérant que si Dieu lui faisait le quart
des grâces que vous en recevez, et s’Il lui donnait autant de lumières qu’à
vous-même, elle en ferait un tout autre usage ; remercier Dieu de ce qu’Il vous
préserve de les commettre, étant certaine que, s’Il vous laissait à vous-même,
vous en commettriez cent fois plus ; prier Dieu pour elle.
Faire souvent réflexion sur ces trois mots :
fidélité, violence et gémissement.
1 — Soyez fidèle à Dieu, aussi bien dans les
petites choses que dans les plus grandes ;
2 — Faites-vous violence pour être fidèle,
et comme on ne peut être fidèle et se faire violence si Dieu ne nous assiste de
sa grâce, pour l’obtenir ;
3 — Il faut gémir par l’oraison.
Regardez Dieu seul en toutes choses, et toutes
choses en Dieu.
Aimez Dieu en tout et par-dessus tout, et n’aimez
rien que pour Lui.
Ne cherchez, ne souhaitez et ne vous attachez à
rien qu’à la volonté de Dieu. Tâchez de l’accomplir parfaitement. Rendez-vous
indifférente pour tout le reste. À mesure que l’on est abandonné au bon plaisir
de Dieu et conforme à sa volonté, on avance en sainteté.
Toute notre perfection consiste à aimer Dieu, et si
vous me demandez quel est le plus grand saint dans le ciel, on vous répondra que
c’est celui qui a le plus aimé Dieu. Aimez-Le donc de toutes vos forces et
jusqu’à vous dessécher, pour ainsi dire, à force de L’aimer. Il est si aimable,
si peu connu et si peu aimé, si persécuté, si méprisé par les mœurs et les
maximes des mondains ! Aimez-Le donc pour tous ceux qui ne L’aiment point. Je
suis tout à vous »
.
Nous pensons que tout commentaire à ce texte, serait
presque un affront. En effet, il est d’une beauté extraordinaire, d’une
limpidité cristalline, d’un enseignement thérèsien sans faille, ce qui prouve,
une fois encore les qualités de direction spirituelle dont était animé le
chanoine Roland.
Combien belle est cette phrase où il dit “regardez
Dieu seul en toutes choses, et toutes choses en Dieu” ! Elle est, à elle
seule, tout un programme de vie spirituelle.
Dans la direction spirituelle, Nicolas Roland n’hésite
pas à « sermonner » ses dirigés, lorsque ceux-ci se montrent réticents ou
ne suivent pas les conseils qu’il leur donne ou encore, quand il juge que le
besoin de les « secouer » dans leur torpeur se fait sentir. En voici un
exemple :
« Ma très chère Fille en Notre-Seigneur, je
vous écris ce mot par la charité dont je suis animé pour le bien de votre âme,
et par l’autorité que vous me donnez vous-même sur votre conduite.
Je vous avoue que je n’ai pas été satisfait de
votre peu d’avancement, depuis un grand moment, de vous voir si peu correspondre
aux desseins de Dieu sur vous. Rentrez en vous-même et vous souvenez de la
sainteté de votre état et profession. Ne vous laissez pas aller à une piété de
boutade et de saillies, mais vivez dans une grande abnégation de vous même.
Ne jugez et ne condamnez personne. Laissez-vous
juger et condamner par les autres, mais en silence, et par hommage aux desseins
de la Providence. Mon Dieu ! quand comprendrez-vous combien vaut, devant Dieu,
le mépris des créatures ! Quoi donc ? La grâce ne sera-t-elle pas la maîtresse ?
Ne vous souvenez-vous pas qu’une seule grâce vaut le Sang d’un Dieu ? J’attends
cela de vous, et que vous ne fassiez plus le personnage de maîtresse, comme si
vous étiez quelque chose, mais celui de disciple et d’humble épouse de
Jésus-Christ. C’est dans son amour crucifié que je suis tout à vous »
.
C’est clair, précis, concis, et sans appel. C’est une
« mise en place » qui, à priori, ne demande qu’à être mise en pratique,
si tant est que l’humilité habite le cœur qui la reçoit.
Des lettres comme celle-ci, Nicolas Roland en écrivit
d’autres, et, même de plus « fermes » que celle-ci. Cela était normal, vu
que lui seul connaissait les cœurs auxquels se destinaient ces lettres, car
comme il le dit en commençant celle-ci, il était toujours “animé pour le bien
de votre âme, et par l’autorité que vous me donnez vous-même sur votre conduite”.
Cette autorité lui donnait le droit, voir même l’obligation d’admonester,
sévèrement, quand il le fallait, les âmes que le Seigneur avait mises sous sa
direction.
Voici encore une autre lettre où il apprend à une
Sœur, religieuse de l’Ordre de Notre-Dame, à vivre sa journée dans l’intimité de
Dieu, malgré le travail quotidien :
« Ma chère Fille, que votre principale
maxime soit de servir Dieu avec ferveur, vous souvenant dès le moment de votre
réveil, soit le matin ou de nuit, que tout ce que nous pouvons faire pour la
gloire et le service de Dieu est bien au-dessous de ce que nous Lui devons, à ce
titre même de simple créature, sans compter ce à quoi nous Lui sommes obligés en
qualité de ses épouses, du nombre desquelles vous avez le bonheur d’être, par un
choix particulier de son amour, et non point par hasard, ni inclination de votre
jeunesse, ni poursuites de vos parents.
Que tous les jours de votre vie soient donc de
nouveaux jours de ferveur ! Dès le point de votre réveil, souvenez-vous des
paroles de l’Époux : “Venez, ma colombe, au trou de la pierre”, c’est-à-dire de
son côté, puiser de l’amour de son cœur pour en remplir le vôtre, afin de
conserver son souvenir le reste du jour.
Allez à l’Office divin, entendez la sainte Messe,
vaquez et conversez dans l’esprit de victime destinée à être égorgée sans cesse,
par la mort à vous-même, à tous vos sens et passions, ce que vous obtiendrez par
la fidélité à la sainte oraison, si vous y êtes fidèle : 1° à n’y jamais
manquer ; 2° à ne rien épargner pour vous la rendre fructueuse.
Dans le reste du temps de vos exercices, et parmi
les emplois et offices, n’épargnez pas les points de lecture spirituelle, courts
et succincts : le livre de l’Imitation ou d’autres livres de sentences
sont tout propres pour cela. Que les oraisons jaculatoires soient votre
entretien fréquent ! mais je souhaiterais que vous les fassiez sur les principes
qui doivent animer nos actions et entretiens, c’est-à-dire selon les occasions
que vous en avez journellement, comme par exemple quand vous voyez ou entendez
quelque misère, souffrance, pauvreté corporelle ou spirituelle dans les autres,
que vous disiez en vous-même : O mon Dieu, pourquoi gratifiez-vous ainsi votre
chétive créature, que vous la préserviez de telle peine ou indigence ? Quelle
reconnaissance vous dois-je, ô mon Dieu ! ou autre semblable »
.
Cette lettre est bien plus longue. Nous ne la
transcrirons pas complètement, car cet extrait est suffisant pour démontrer une
fois de plus, s’il en était besoin, toute l’étendue de la sagesse ascétique dont
la direction spirituelle proposée par Nicolas Roland était empreinte et tout
entière axée sur l’ensei-gnement proposé par les meilleurs maîtres spirituels de
son temps.
“Que tous les jours de votre vie soient donc de
nouveaux jours de ferveur”, car, comme l’a écrit sainte Catherine de Sienne,
« dans toute affaire de vertu il faut de la persévérance ; sans la
persévérance, l’on n’arrive pas au terme de son désir, l’on n’atteint pas la fin
pour laquelle on a commencé d’agir. Non, sans persévérance, on ne parviendra
jamais au but que l’on cherche ; sans persévérance, l’on ne réalisera jamais
l’objet de son désir »
.
“Puisez de l’amour de son Cœur pour en remplir le
vôtre, afin de conserver son souvenir le reste du jour”, étant donné que,
« un cœur épris de l’amour de Dieu ne saurait être vaincu, car Dieu même est sa
force »
,
comme nous l’enseigne encore sainte Catherine de Gênes.
C’est seulement “par la mort à vous-même, à
tous vos sens et passions, ce que vous obtiendrez par la fidélité à la sainte
oraison, si vous y êtes fidèle : 1° à n’y jamais manquer ; 2° à ne
rien épargner pour vous la rendre fructueuse” — car, « celui qui veut
s’adonner à l’oraison — nous dit sainte Thérèse d’Avila — doit se figurer
qu’il entreprend de faire, dans un sol ingrat et couvert de ronces, un jardin
dont la beauté charme les yeux du Seigneur »
.
“N’épargnez pas les points de lecture spirituelle”.
Sur ce point, nous avons déjà vu quelles lectures le saint Prêtre conseillait à
ses dirigés. Nous pouvons y ajouter, comme nous l’indique la lettre ci-dessus,
le livre de l’Imitation de Jésus-Christ, qui était très prisé au
XVIIe siècle et qu’à l’heure actuelle, un bon nombre de spirituels
continuent d’utiliser avec profit.
Les conseils de Nicolas Roland sont tous calqués sur
cette doctrine spirituelle qui touche l’âme au plus profond d’elle-même, que
fait vibrer le cœur sensibilisé à l’amour de Dieu. Pour que cet amour ne puisse
pas être distrait ou remplacé, comme saint Jean de la Croix et sainte Thérèse
d’Avila il conseille le détachement des choses du monde et des personnes, la
famille y comprise :
« J’ai reçu la vôtre, ma chère fille ; ce que je
puis vous dire sur celle-ci est que vous ne vous laissiez jamais préoccuper
l’esprit par aucune créature »
,
car, c’est encore saint Jean de la Croix qui le dit, « l’affection et
l’attachement que l’âme porte à la créature la rend semblable à cette créature,
et plus est grande l’affection qu’elle lui porte, plus aussi elle lui est égale
et semblable, car l’amour établit la ressemblance entre celui qui aime et
l’objet aimé »
.
Nicolas Roland met en garde contre les créatures, mais
aussi contre le monde et ses attraits :
« Ma chère fille, ce que je peux vous dire,
touchant les sentiments sur l’esprit du monde, c’est de vous persuader de n’y
point adhérer en ne vous contentant pas de l’avoir quitté à l’extérieur en vous
renfermant dans un cloître, mais d’en fuir toutes les maximes, et de vous donner
garde d’un certain esprit qui se glisse même parmi les personnes consacrées à
Dieu, et qui est un piège que le diable tend »
.
Comparons, maintenant ce sage conseil, à ceux
qu’au-raient pu donner des mystiques “confirmés”.
Sainte Thérèse d’Avila, parlant aux douze sœurs du
Carmel de Saint-Joseph d’Avila, leur donne ce conseil qui se rapproche assez de
celui donné par Nicolas Roland :
« Notre époque interdit, à ceux qui sont chargés de
donner l’exemple, de ne laisser paraître aucune imperfection. Si leur vertu
n’est pas ferme, s’ils ne comprennent pas bien ils sont obligés de fouler aux
pieds tous les biens de la terre, s’ils ne sont pas détachés des choses
périssables, et appliqués aux choses éternelles, leurs faiblesses transpireront,
quoi qu’ils fassent pour les dissimuler »
.
Mais ses enseignements ne s’arrêtent pas là.
Inlassablement, dans ses écrits, elle exhorte ses Filles à un complet
détachement des choses du monde :
« Lorsque Dieu montre clairement à une âme ce
qu’est le monde et le peu qu’il vaut, ainsi que l’existence d’un autre monde, la
différence qu’il y a entre les deux, l’éternité de l’un, le songe rapide de
l’autre ; lorsqu’il lui dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur ou la
créature ; lorsque l’âme connaît cela, non seulement par son intelligence ou par
la foi, mais par son expérience ce qu’elle gagne à aimer le Créateur, ce qu’elle
perd à aimer la créature, ce qu’est l’un, ce qu’est l’autre ; lorsqu’elle voit
encore beaucoup d’autres vérités que le Seigneur enseigne à ceux qui
s’abandonnent à sa conduite dans l’oraison ou qu’il daigne instruire, alors elle
aime d’une manière beaucoup plus parfaite que ceux qui ne sont pas élevés à cet
état »
.
Une seule voie, celle de l’amour, conduit à Dieu. Pour
y parvenir, il faut grimper au sommet de la montagne, ne tenant pas compte des
ronces, de la pierraille des sentiers, des obstacles nombreux et, presque
toujours pénibles, il faut se persuader, comme nous l’enseigne saint Jean de la
Croix, que, « si l’on veut marcher dans cette voie qui mène à Dieu, il faut
que le cœur soit consumé par l’amour de Dieu et purifié de tout ce qui est
créature. C’est dans cette purification que l’on met en fuite le démon qui
exerce son pouvoir sur l’âme à cause de son attachement aux choses temporelles
et corporelles »
.
Il y aurait encore d’autres lettres à citer et à
commenter éventuellement, pour, peut-être, mieux étayer notre propos. Mais, le
but de ce travail, comme nous l’avons déjà dit par ailleurs, n’est point de
prouver une affirmation, mais tout simplement de faire une suggestion, de faire
prendre conscience, à ses propres filles, s’il en était besoin, d’un aspect du
bienheureux Nicolas Roland qui, quant à nous, n’a été exploité que d’une
manière tout à fait superficielle.
Notre conviction est bien que Nicolas Roland fut un
mystique de son temps, un ascète de haut vol et un directeur d’âmes hors pair,
comme nous avons, humblement, essayé de vous le démontrer. C’est, en tout cas,
ce que nous ressentons dans notre fort intérieur, à chaque fois que nous lisons
ses lettres ou tout autres écrits.
Pour en terminer, nous rappellerons, s’il en était
besoin, que Nicolas Roland fut le directeur spirituel d’un saint rémois, un
saint que le monde entier connaît : saint Jean-Baptiste de La Salle,
continuateur de son œuvre et de sa spiritualité.
Que peuvent les saints produire sinon d’autres
saints !…
Il est encore bon de rappeler ici une pensée de l’un
des “enfants” que produisit saint Jean-Baptiste de La Salle, le bienheureux
frère Arnould : « Les saints se forment, non pas par des œuvres
extraordinaires, mais par leur fidélité à bien faire ce que Dieu veut »
.
Nous arrivons à la fin de notre exposé.
Quelle conclusion en tirer, quelles suggestions
faire ?
Notre état de laïc peut sembler limiter quelque peu la
mise en avant de consignes ou de suggestions de vie spirituelle, mais il permet
tout de même de dire, sans ambages, que la doctrine de Nicolas Roland reste
d’actualité, qu’elle peut être suivie par toutes les âmes de bonne volonté, même
en cette fin de XXe siècle. Nous dirions même qu’elle est aussi
nécessaire à notre époque qu’à celle où vécut le bon chanoine.
En effet, quand nous comparons notre époque à celle où
vécut le bienheureux, nous y trouvons une foule immense de points communs ; un
nombre impressionnant de problèmes dont nous souffrons actuellement.
Du tant de Nicolas Roland on souffrait du manque de
bons prêtres. De nos jours, nous souffrons du manque de prêtres.
Du temps de Nicolas Roland, les “âmes saintes”,
ces “paratonnerres de la divine justice” étaient nombreuses. De nos
jours, elles le sont tout autant, même si elles vivent dans l’ombre, retirées du
monde, priant pour leurs frères, dans la solitude et le secret.
Au XVIIe siècle, la “voie lactée”
des saints et des âmes d’exception est significative :
Saint Vincent de Paul, saint Jean Eudes, saint
François de Sales, sainte Jeanne de Chantal, sainte Marguerite Marie Alacoque,
saint Claude La Colombière, la Vénérable Marguerite du Saint-Sacrement,
Jean-Jacques Olier, Adrien Bourdoise, Mathieu Beuvelet (oncle et parrain de
Nicolas Roland), le père de Condren, le laïc Gaston de Renty, et tant d’autres
qui ont étoilé le firmament spirituel de l’odeur de leur sainteté.
En cette fin de XXe siècle, la
constellation des âmes saintes n’est pas moins nombreuse, heureusement,
d’ailleurs, car il faut bien qu’il y en ait qui prient pour ceux qui ne prient
pas ou ne prient plus. C’est cela aussi la communion des saints.
Mais le salut n’est pas une œuvre solitaire, l’affaire
de quelques privilégiés : il est l’œuvre de tous, car Jésus a bien voulu avoir
besoin de la contribution de chacun de nous lors de son suprême holocauste,
alors, ensemble, mettons-nous à l’œuvre et, avec l’aide de Dieu, soyons
solidaires les uns des autres, en élevant vers le ciel nos cœurs et nos prières,
afin que “le monde soit sauvé”, afin que tous, tout autant que nous sommes, nous
puissions un jour, à l’heure de Dieu, chanter ensemble, dans la patrie céleste,
le “Sanctus” que les anges chantent sans discontinuer, devant le trône du
Très-Haut.
Priez pour moi. Merci.
Alphonse Rocha
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