CHAPITRE 11.

IL RETOURNE EN LOMBARDIE POUR PRENDRE SON FRÈRE JEAN-BAPTISTE.

Ainsi consolé par l'accueil bienveillant de l'évêque, Paul se détermina à aller de Pienza à Livourne dans l'espoir de trouver dans ce port un moyen de s'embarquer pour son pays. Il fit donc rapidement le trajet de Pienza à Pise et prit le canal de Livourne. II rencontra dans la barque deux ecclésiastiques dont il fut traité avec beaucoup de dureté, et même outragé avec inhumanité, en sorte que cette barque fut encore pour lui, non pas seulement une école, mais un grand exercice de patience. On ne doit pas s'étonner du reste qu'il ait été souvent exposé à des rencontres si pénibles : son étrange accoutrement choquait les idées des gens dépourvus de l'esprit de Dieu, tandis qu'il en excitait d'autres à la pitié et à la compassion, bien qu'ils ne fussent pas d'un naturel fort tendre ni fort sensible. Lorsqu'il fut arrivé à Livourne, il s'adressa à un groupe de personnes, demandant l'aumône. Un marchand la lui fit par commisération pour son extrême pauvreté. Paul sut depuis que c'était un juif. Au moyen de ce faible secours, il put prendre un léger repas le soir; le lendemain matin, ayant obtenu le passage gratuit d'un patron génois, il prit sa route par Gênes. Ce voyage fut encore pour lui une très rude pénitence. Le bâtiment était chargé de peaux de bœufs qui n'étaient pas encore bien sèches, et Paul étant le plus pauvre, eut en partage le lieu le plus incommode, c'est-à-dire, le plus voisin de ces peaux qui exhalaient une odeur insupportable. C'est là que, couché sur une planche, il reposait, ou pour mieux dire, il tourmentait pendant la nuit ses membres fatigués. A cette incommodité se joignait celle de ces insectes dont la délicatesse a tant d'horreur et de dégoût, mais qu'une âme plus mortifiée supporte avec patience par un motif de vertu. Si le repos était un tourment pour Paul, chétive aussi était sa nourriture. Il n'en avait d'autre que celle qu'il recevait de la charité des marins. Il ne la prenait du reste qu'avec peine, parce que cette mauvaise odeur et ces souffrances continuelles lui ôtaient l'appétit et lui donnaient du dégoût pour toute nourriture.

Finalement, la barque entra dans le port de Gênes. Tout le monde fut soumis à la quarantaine. Du port, Paul voyait, le soir, les palais de la ville illuminés. Comme pour aiguiser sa souffrance, son imagination lui représentait les commodités et les délices dont on y jouissait, et qui contrastaient si fort avec la misère où il était réduit. La nature ne put s'empêcher d'en ressentir de la peine; mais, tirant de sa sensibilité même l'occasion d'un grand mérite, Paul s'offrit humblement et sans réserve à la sainte volonté de Dieu, se résignant de tout cœur, pour l'amour de Dieu, aux incommodités et aux souffrances.

Lorsque la quarantaine fut expirée, de Gênes, il s'achemina vers Alexandrie pour avoir la consolation de se trouver de nouveau aux pieds de son évêque. A son arrivée, qui peut dire quelle fut la tendresse, la compassion de ce bon père, en apprenant toutes les vicissitudes du voyage de Paul? Ce sage prélat n'eut pas le moindre doute que l'œuvre de Dieu ne réussit un jour; c'est pourquoi, sur les instances de Paul, il donna aussi l'habit de la Passion à son frère Jean-Baptiste, qui le désirait ardemment. Il le reçut le 28 novembre 1721, qui était l'octave de la Présentation de la sainte Vierge. Les deux frères, après avoir laissé passer les mois les plus rigoureux de l'hiver, devaient ensuite se rendre ensemble là où Dieu les appelait.

   

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