Les Paraboles

2-Les songes de Nabuchodonor

2-1-Le premier songe: la statue monumentale

2-1-1-Le roi interroge ses magiciens

La seconde année du règne de Nabuchodonosor, Nabuchodonosor eut des songes qui lui troublèrent le sommeil. Le roi fit appeler les magiciens, les astrologues, les enchanteurs et les Chaldéens[1], pour qu'ils lui interprêtent  ses songes. Ils vinrent, et se présentèrent devant le roi. Le roi leur dit:

― J'ai eu un songe; mon esprit est agité, et je voudrais connaître le sens de ce songe.

Les Chaldéens répondirent au roi en langue araméenne:

― Ô roi, vis éternellement! Dis le songe à tes serviteurs, et nous en donnerons l'explication.

Le roi reprit la parole et dit aux Chaldéens:

― La chose est pour moi décidée: si vous ne me faites connaître le songe et son explication, vous serez mis en pièces, et vos maisons seront réduites en un tas d'immondices. Mais si vous me dites le songe et son explication, vous recevrez de moi des dons et des présents, et de grands honneurs. C'est pourquoi dites-moi le songe et son explication.

Ils répondirent pour la seconde fois:

— Que le roi dise le songe à ses serviteurs, et nous en donnerons l'explication.

Le roi reprit la parole et dit:

— Je m'aperçois, en vérité, que vous voulez gagner du temps, parce que vous voyez que ma décision est prise. Si donc vous ne me faites pas connaître le songe, la même sentence vous enveloppera tous; vous voulez vous préparer à me dire des mensonges et des faussetés, en attendant que les circonstances soient changées. C'est pourquoi dites-moi le songe, et je saurai si vous êtes capables de m'en donner l'explication.

Les Chaldéens répondirent au roi:

— Il n'est personne sur la terre qui puisse dire ce que demande le roi, et jamais roi, quelque grand et puissant qu'il ait été, n'a exigé une pareille chose d'aucun magicien, astrologue ou Chaldéen. Ce que le roi demande est difficile; il n'y a personne qui puisse le dire au roi, excepté les dieux, dont la demeure n'est pas parmi les hommes.

Là-dessus le roi se mit en colère, et s'irrita violemment. Il ordonna qu'on fasse périr tous les sages de Babylone. La sentence fut publiée, les sages étaient mis à mort, et l'on cherchait Daniel et ses compagnons pour les faire périr. Alors Daniel s'adressa d'une manière prudente et sensée à Aryoc, chef des gardes du roi, qui était sorti pour mettre à mort les sages de Babylone. Il prit la parole et dit à Aryoc, commandant du roi:

— Pourquoi la sentence du roi est-elle si sévère?

Aryoc exposa la chose à Daniel. Et Daniel se rendit vers le roi, et le pria de lui accorder du temps pour donner au roi l'explication. Ensuite Daniel alla dans sa maison, et il instruisit de cette affaire Ananias, Misaël et Azarias, ses compagnons, les engageant à implorer la miséricorde du Dieu des cieux, afin qu'on ne fît pas périr Daniel et ses compagnons avec le reste des sages de Babylone.

2-1-2-Intervention de Daniel

Alors le secret fut révélé à Daniel dans une vision pendant la nuit. Et Daniel bénit le Dieu des cieux. Daniel prit la parole et dit:

— Béni soit le Nom de Dieu, d'éternité en éternité! A lui appartiennent la sagesse et la force. C'est lui qui change les temps et les circonstances, qui renverse et qui établit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux qui ont de l'intelligence. Il révèle ce qui est profond et caché, il connaît ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure avec lui. Dieu de mes pères, je te glorifie et je te loue de ce que tu m'as donné la sagesse et la force, et de ce que tu m'as fait connaître ce que nous t'avons demandé, de ce que tu nous as révélé le secret du roi.

Après cela, Daniel se rendit auprès d'Aryoc, à qui le roi avait ordonné de faire périr les sages de Babylone, et il lui parla ainsi:

— Ne fais pas périr les sages de Babylone! Conduis-moi devant le roi, et je donnerai au roi l'explication.

Aryoc conduisit promptement Daniel devant le roi, et lui parla ainsi:

— J'ai trouvé parmi les captifs de Juda un homme qui donnera l'explication au roi.

Le roi prit la parole et dit à Daniel, qu'on nommait Baltassar:

— Es-tu capable de me faire connaître le songe que j'ai eu et son explication?

Daniel répondit en présence du roi et dit:

— Ce que le roi demande est un secret que les sages, les astrologues, les magiciens et les devins, ne sont pas capables de découvrir au roi. Mais il y a dans les cieux un Dieu qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nabuchodonosor ce qui arrivera dans la suite des temps. Voici ton songe et les visions que tu as eues sur ta couche: sur ta couche, ô roi, des pensées te sont venues touchant ce qui sera après ce temps-ci; et celui qui révèle les secrets t'a fait connaître ce qui arrivera. Si ce secret m'a été révélé, ce n'est point qu'il y ait en moi une sagesse supérieure à celle de tous les vivants, mais c'est afin que l'explication soit donnée au roi, et que tu connaisses les pensées de ton cœur.

2-1-3-Ce que signifie la statue monumentale

Ô roi, tu regardais, et tu voyais une grande statue. Cette statue était immense, et d'une splendeur éclatante; elle était debout devant toi, et son aspect était terrifiant. La tête de cette statue était d'or pur; sa poitrine et ses bras étaient d'argent; son ventre et ses cuisses étaient d'airain; ses jambes, de fer; ses pieds, en partie de fer et en partie d'argile. Tu contemplais cette statue, lorsqu'une pierre se détacha sans le secours d'aucune main, frappa les pieds de fer et d'argile de la statue, et les broya. Alors le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or, furent brisés ensemble, et devinrent comme la balle qui s'échappe d'une aire en été; le vent les emporta, et nulle trace n'en fut retrouvée. Mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne, et remplit toute la région.

Voilà le songe. Nous en donnerons l'explication devant le roi.

Ô roi, tu es le roi des rois, car le Dieu des cieux t'a donné l'empire, la puissance, la force et la gloire. Il a remis entre tes mains, où qu'ils habitent, les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux du ciel, et il t'a fait dominer sur eux tous: c'est toi qui es la tête d'or. Après toi, il s'élèvera un autre royaume[2], moindre que le tien; puis un troisième royaume[3], qui sera d'airain, et qui dominera sur toute la terre. Il y aura un quatrième royaume[4], fort comme du fer. De même que le fer brise et rompt tout, il brisera et rompra tout, comme le fer qui met tout en pièces. Et comme tu as vu les pieds et les orteils en partie d'argile de potier et en partie de fer, ce royaume sera divisé; mais il y aura en lui quelque chose de la force du fer, parce que tu as vu le fer mêlé avec l'argile. Et comme les doigts des pieds étaient en partie de fer et en partie d'argile, ce royaume sera en partie fort et en partie fragile. Tu as vu le fer mêlé avec l'argile, parce qu'ils se mêleront par des alliances humaines; mais ils ne seront point unis l'un à l'autre, de même que le fer ne s'allie point avec l'argile.

Dans le temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et qui ne passera point sous la domination d'un autre peuple; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera éternellement. C'est ce qu'indique la pierre que tu as vue se détacher de la montagne sans le secours d'aucune main, et qui a brisé le fer, l'airain, l'argile, l'argent et l'or. Le grand Dieu a fait connaître au roi la suite des événements. Le songe est véritable, et son explication est certaine.

Alors le roi Nabuchodonosor tomba sur sa face et se prosterna devant Daniel, et il ordonna qu'on lui offrît des sacrifices et des parfums. Le roi adressa la parole à Daniel et dit:

— En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les secrets, puisque tu as pu découvrir ce secret. Ensuite le roi éleva Daniel, et lui fit de nombreux et riches présents. Il lui donna le commandement de toute la province de Babylone, et l'établit chef suprême de tous les sages de Babylone.

Daniel pria le roi de remettre l'administration de la province de Babylone à Sidrac, Misac et Abdénago, tandis que lui, Daniel resterait à la cour du roi. (Daniel, chapitre 2)

2-2-Le deuxième songe de Nabuchodonosor

2-2-1-Un grand arbre

C’est Nabuchodonosor lui-même qui raconte:

— Moi, Nabuchodonosor, je vivais tranquille dans ma maison, et heureux dans mon palais. J'ai eu un songe qui m'a épouvanté; les pensées dont j'étais poursuivi sur ma couche et les visions de mon esprit me bouleversèrent. J'ordonnai qu'on fît venir devant moi tous les sages de Babylone, afin qu'ils me donnassent l'explication du songe. Alors accoururent les magiciens, les astrologues, les Chaldéens et les devins. Je leur dis le songe, et ils ne m'en donnèrent point l'explication. En dernier lieu, se présenta devant moi Daniel, nommé Baltassar d'après le nom de mon dieu, et qui a en lui l'esprit des dieux saints. Je lui dis le songe:

— Baltassar, chef des magiciens, qui as en toi, je le sais, l'esprit des dieux saints, et pour qui aucun secret n'est difficile, donne-moi l'explication des visions que j'ai eues en songe. Voici ces visions de mon esprit, pendant que j'étais sur ma couche: je regardais, et voici, il y avait au milieu de la terre un arbre d'une grande hauteur. Cet arbre était devenu grand et fort, sa cime s'élevait jusqu'aux cieux, et on le voyait des extrémités de toute la terre. Son feuillage était beau, et ses fruits abondants fournissait de la nourriture pour tous les êtres vivants. Sous son ombre les bêtes des champs s'abritaient et, dans ses rameaux, les oiseaux du ciel faisaient leur demeure.

Dans les visions de mon esprit, que j'avais sur ma couche, je regardais, et je vis aussi un saint veilleur qui  descendait des cieux. Il cria avec force et parla ainsi: “Abattez l'arbre, et coupez ses branches; secouez le feuillage, et dispersez les fruits; que les bêtes s’enfuient de dessous lui , et que les oiseaux quittent sa ramure! Laissez cependant en terre le tronc où se trouvent les racines, mais liez-les avec des chaînes de fer et d'airain. Qu'il soit trempé de la rosée du ciel, et qu'il ait sa part d’herbe avec les animaux de la terre. Qu’on change son esprit, et qu’à la place d’un esprit humain on mette un esprit animal, et que sept temps passent sur lui. Cette sentence est un décret de ceux qui veillent, cette résolution est un ordre des saints, afin que les vivants sachent que le Très Haut domine sur le règne des hommes, qu'il le donne à qui il lui plaît, et qu'il y élève le plus vil des hommes.”

Voilà le songe que j'ai eu, moi, le roi Nabuchodonosor. Toi, Baltassar, donnes-en l'explication, puisque tous les sages de mon royaume ne peuvent me la donner; toi, tu le peux, car tu as en toi l'esprit des dieux saints. (Daniel 4, 1 à 15)

2-2-2-Daniel explique: le roi va devenir fou

Daniel est inquiet: doit-il dire la vérité au roi? S’il le fait, ne met-il pas sa propre vie en danger? Le roi remarqua la perplexité de Daniel, et l’encouragea à lui dire la vérité.

Alors Daniel, nommé Baltassar, fut un moment stupéfait, comme égaré dans le trouble de ses pensées. Le roi reprit et dit:

— Baltassar, que le songe et l'explication ne te troublent pas!

Et Baltassar répondit:

— Mon Seigneur, que le songe soit pour tes ennemis, et son explication pour tes adversaires! L'arbre que tu as vu, qui était devenu grand et fort, dont la cime s'élevait jusqu'aux cieux, et qu'on voyait de tous les points de la terre, cet arbre, dont le feuillage était beau et les fruits abondants, qui portait de la nourriture pour tous, sous lequel s'abritaient les bêtes des champs, et parmi les branches duquel les oiseaux du ciel faisaient leur demeure, c'est toi, ô roi, qui es devenu grand et fort, dont la grandeur s'est accrue et s'est élevée jusqu'aux cieux, et dont la domination s'étend jusqu'aux extrémités de la terre.

Le roi a vu l'un de ceux qui veillent et qui sont saints descendre des cieux et dire: “Abattez l'arbre,et détruisez-le; mais laissez en terre le tronc où se trouvent les racines, et liez-le avec des chaînes de fer et d'airain. Qu'il soit trempé de la rosée du ciel, et qu'il ait sa part d’herbe avec les animaux de la terre. Qu’on change son esprit, et qu’à la place d’un esprit humain on mette un esprit animal, et que sept temps passent sur lui. “

Voici l'explication, ô roi, voici le décret du Très Haut, qui s'accomplira sur mon Seigneur le roi: on te chassera du milieu des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des champs, et l'on te donnera comme aux boeufs de l'herbe à manger; tu seras trempé de la rosée du ciel, et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu saches que le Très Haut domine sur le règne des hommes et qu'il le donne à qui il lui plaît. L'ordre de laisser le tronc où se trouvent les racines de l'arbre signifie que ton royaume te restera quand tu reconnaîtras que celui qui domine est dans les cieux. C'est pourquoi, ô roi, puisse mon conseil te plaire! Mets un terme à tes péchés en pratiquant la justice, et à tes iniquités en usant de compassion envers les malheureux, et ton bonheur pourra se prolonger.

2-2-3-Le songe va s’accomplir 

Toutes ces choses se sont accomplies sur le roi Nabuchodonosor. Au bout de douze mois, comme il se promenait dans le palais royal à Babylone, le roi prit la parole et dit:

— N'est-ce pas ici Babylone la grande, que j'ai bâtie, comme résidence royale, par la puissance de ma force et pour la gloire de ma magnificence?

La parole était encore dans la bouche du roi, qu'une voix descendit du ciel:

— Apprends, roi Nabuchodonosor, qu'on va t'enlever le royaume. On te chassera du milieu des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des champs, on te donnera comme aux boeufs de l'herbe à manger; et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu saches que le Très Haut domine sur le règne des hommes et qu'il le donne à qui il lui plaît.

Au même instant l’oracle s'accomplit sur Nabuchodonosor. Il fut chassé du milieu des hommes, il mangea de l'herbe comme les boeufs, son corps fut trempé de la rosée du ciel. Ses cheveux poussèrent comme les plumes des aigles, et ses ongles comme les griffes des oiseaux.

2-2-4-Nabuchodonosor retrouve la raison

— Après le temps marqué, moi, Nabuchodonosor, je levai les yeux vers le ciel, et la raison me revint. J'ai béni le Très-Haut, j'ai loué et glorifié celui qui vit éternellement, celui dont la domination est une domination éternelle, et dont le règne subsiste de génération en génération. Tous les habitants de la terre ne sont à ses yeux que néant: il agit comme il lui plaît avec l'armée des cieux et avec les habitants de la terre, et il n'y a personne qui résiste à sa main et qui lui dise: Que fais-tu?

Quand la raison me revint, la gloire de mon royaume, ma magnificence et ma splendeur me furent aussi rendues. Mes conseillers et mes grands me redemandèrent; je fus rétabli dans mon royaume, et ma puissance ne fit que s'accroître.

Maintenant, moi, Nabuchodonosor, je loue, j'exalte et je glorifie le roi des cieux, dont toutes les œuvres sont vraies et les voies justes, et qui a le pouvoir d’abaisser ceux qui se conduisent avec orgueil. (Daniel, chapitre 4)

2-3-Trois jeunes hommes: Sidrac, Misac et Abdénago dans la fournaise

2-3-1-La statue d’or, nouvelle idole de Nabuchodonosor

Le roi Nabuchodonosor fit une statue d'or, haute de soixante coudées et large de six coudées. Il la dressa dans la vallée de Dura, dans la province de Babylone. Puis il fit convoquer les satrapes, les intendants et les gouverneurs, les grands juges, les trésoriers, les jurisconsultes, les juges, et tous les magistrats des provinces, pour qu'ils se rendissent à l’inauguration de la statue qu'il avait élevée. Ainsi les satrapes, les intendants et les gouverneurs, les grands juges, les trésoriers, les jurisconsultes, les juges, et tous les magistrats des provinces, s'assemblèrent pour la dédicace de la statue qu'avait élevée le roi Nabuchodonosor et ils se placèrent debout, face à la statue érigée par le roi. Alors, un héraut cria à haute voix:

— Voici ce qu'on vous ordonne, peuples, nations, hommes de toutes langues! Au moment où vous entendrez le son de la trompette, du cor, de la cithare, de la flûte, du psaltérion, de la cornemuse, et de toutes sortes d'instruments de musique, vous vous prosternerez et vous adorerez la statue d'or qu'a élevée le roi Nabuchodonosor. Quiconque ne se prosternera pas et n'adorera pas sera jeté à l'instant même au milieu d'une fournaise ardente.

En conséquence, lorsque tous les peuples entendirent le son de la trompette, du cor, de la cithare, de la flûte, du psaltérion, et de toutes sortes d'instruments de musique, tous les peuples, les nations, les hommes de toutes langues se prosternèrent et adorèrent la statue d'or qu'avait élevée le roi Nabuchodonosor.  (Daniel 3, 1 à 7)

2-3-2-Trois jeunes hommes fidèles à leur Dieu

À cette occasion, et dans le même temps, des hommes de Chaldée s'approchèrent pour calomnier les Juifs. Ils s’adressèrent au roi Nabuchodonosor:

— Ô roi, vis éternellement! Tu as donné un ordre d'après lequel tous ceux qui entendraient le son de la trompette, du cor, de la cithare, de la flûte, du psaltérion, de la cornemuse, et de toutes sortes d'instruments, devraient se prosterner et adorer la statue d'or. Quiconque ne se prosternerait pas et n'adorerait pas serait jeté au milieu d'une fournaise ardente. Or, il y a là quelques Juifs à qui tu as remis l'administration de la province de Babylone, Sidrac, Misac et Abdénago, et ces hommes ne tiennent aucun compte de toi, ô roi; ils ne servent pas tes dieux, et ils n'adorent point la statue d'or que tu as élevée.

Alors Nabuchodonosor, irrité et furieux, donna l'ordre qu'on amenât Sidrac, Misac et Abed Nego. Et ces hommes furent amenés devant le roi. Nabuchodonosor prit la parole et leur dit:

— Est-il vrai, Sidrac, Misac et Abed Nego, que vous ne servez pas mes dieux, et que vous n'adorez pas la statue d'or que j'ai élevée? Maintenant tenez-vous prêts, et au moment où vous entendrez le son de la trompette, du cor, de la cithare, de la flûtee, du psaltérion, de la cornemuse, et de toutes sortes d'instruments, vous vous prosternerez et vous adorerez la statue que j'ai faite; si vous ne l'adorez pas, vous serez jetés à l'instant même au milieu d'une fournaise ardente. Et quel est le dieu qui pourrait vous délivrer de ma main?

Sidrac, Misac et Abdénago répliquèrent au roi Nabuchodonosor:

— Nous n'avons pas besoin de te répondre là-dessus. Notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise ardente, et il nous délivrera de ta main, ô roi. Quoiqu’il en soit, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n'adorerons pas la statue d'or que tu as élevée.

2-3-3-La fournaise de feu

Alors Nabuchodonosor fut rempli de fureur, et, changeant de visage, il  tourna ses regards contre Sidrac, Misac et Abdénago. Il reprit la parole et ordonna de chauffer la fournaise sept fois plus qu'il ne convenait de la chauffer. Puis il commanda à quelques-uns de ses plus vigoureux soldats  de lier Sidrac, Misac et Abdénago, et de les jeter dans la fournaise ardente.

Ces hommes furent donc liés avec leurs caleçons, leurs tuniques, leurs manteaux et leurs autres vêtements, et jetés au milieu de la fournaise ardente. Comme, sur l'ordre du roi, la fournaise avait été surchauffée, la flamme tua les hommes qui y avaient jeté Sidrac, Misac et Abdénago. Sidrac, Misac et Abdénago, tombèrent liés au milieu de la fournaise ardente. Or voici que ces trois hommes se promenaient au milieu des flammes, louant Dieu et le bénissant. (Daniel 3, 1 à 25)

2-3-4-Cantique de Sidrac, Misac et Abdénago[5] 

Alors Azarias se leva et ouvrant la bouche au milieu du feu, il dit:

— Soyez béni, Seigneur, Dieu de nos pères, votre nom est digne de louange et de gloire à jamais. Car vous êtes juste dans tout ce  que vous nous avez fait, et toutes vos œuvres sont justes; vos voies sont droites, et vos jugements sont équitables. Car vous avez rendu des jugements équitables dans tous les maux que vous avez fait venir sur nous, et sur la ville sainte de nos pères, Jérusalem. C'est par un juste jugement que vous avez fait tout cela, à cause de nos péchés. Car nous avons péché et commis l'iniquité en nous écartant de vous, et nous avons mal agi. Nous n'avons pas écouté vos commandements et nous ne les avons pas observés, et nous n'avons pas agi selon que vous nous l'aviez commandé, afin que nous fussions heureux. Tout ce que vous avez fait venir sur nous, tout ce que vous nous avez fait, c'est par un juste jugement que vous l'avez fait. Vous nous avez livrés aux mains d'ennemis injustes, d'apostats acharnés contre nous, et d'un roi injuste, le plus méchant de toute la terre.

Et maintenant nous n'osons plus ouvrir la bouche: honte et opprobre à vos serviteurs, et à tous ceux qui vous adorent. Ne nous livrez pas pour toujours, pour l’amour de votre Nom, et ne détruisez pas votre alliance. Ne nous retirez pas votre miséricorde, à cause d'Abraham votre ami, d'Isaac votre serviteur, et d'Israël votre saint, auxquels vous avez promis de multiplier leur descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le rivage de la mer.

Car, Seigneur, nous sommes réduits à rien devant toutes les nations, et nous sommes aujourd'hui humiliés par toute ta terre, à cause de nos péchés. Il n'y a plus en ce temps pour nous ni prince, ni chef, ni prophète, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation, ni encens; ni endroit pour apporter devant vous les prémices et trouver miséricorde. Mais, Seigneur, puissions-nous être reçus, le cœur contrit et l'esprit humilié, comme vous recevez tout holocauste de béliers et de taureaux, ou de mille agneaux gras. Qu'il en soit ainsi de notre sacrifice devant vous aujourd'hui, et de notre soumission envers vous, car il n'y a pas de confusion pour ceux qui se fient en vous.

Maintenant, nous vous suivons de tout notre cœur, nous vous craignons et nous cherchons votre visage. Ne nous confondez pas, mais traitez-nous selon votre douceur, et selon l'abondance de votre miséricorde. Délivrez-nous par vos prodiges, et donnez, Seigneur, gloire à votre nom. Qu'ils soient confondus tous ceux qui maltraitent vos serviteurs, qu’ils soient couverts de honte par la perte de toute leur puissance, et que leur force soit brisée. ainsi ils sauront que vous êtes le Seigneur, le seul Dieu, et le glorieux souverain de toute la terre!

Cependant les serviteurs du roi qui avaient jeté ces trois hommes dans la fournaise, ne cessaient de la chauffer avec du naphte, de l'étoupe, de la poix  et du bois sec. Les flammes s'élevaient de quarante-neuf coudées au-dessus de la fournaise; s'étant élancées, elles brûlèrent les Chaldéens qui se trouvaient près de la fournaise. Mais l'Ange du Seigneur était descendu dans la fournaise avec Azarias et ses compagnons, et il écartait la flamme de feu. Il fit du centre de la fournaise comme un endroit où soufflerait une brise matinale: le feu ne les toucha même pas, il ne leur fit aucun mal et ne leur causa pas la moindre douleur. Alors ces trois jeunes hommes, d'une seule voix, louèrent, glorifièrent et bénirent Dieu dans la fournaise, en chantant ce cantique:

Soyez béni, Seigneur, Dieu de nos pères, digne d'être loué, glorifié et exalté à jamais. Que soit béni votre nom saint et glorieux, digne de suprêmes louanges et de gloire à jamais. Soyez béni dans le temple de votre sainte gloire, digne de suprême louange et de gloire à jamais. Soyez béni, vous  dont le regard pénètre les abîmes, et qui êtes assis sur les Chérubins; vous êtes digne de suprême louange et exaltation éternelle. Soyez béni au firmament du ciel, digne de louange et de gloire à jamais. Alors tous les trois, du fond de la fournaise, se mirent à chanter, à louer et à glorifier Dieu en disant:

Œuvres du Seigneur, bénissez toutes le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Anges du Seigneur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Cieux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Eaux et tout ce qui est au-dessus des cieux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Puissances du Seigneur, bénissez toutes le Seigneur; louez-le, et exaltez-le à jamais.

Soleil et lune, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Astres du ciel, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Pluies et rosées, bénissez toutes le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Vous tous les vents, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Feux et chaleurs, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Froid et chaleur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Rosées et givres, bénissez le Seigneur louez-le et exaltez-le à jamais.

Gelées et frimas, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Glaces et neiges, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Nuits et jours, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Lumière et ténèbres, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Eclairs et nuages, bénissez le Seigneur! louez-le et exaltez-le à jamais.

Que la terre bénisse le Seigneur; qu'elle le loue et l'exalte à jamais !

Montagnes et collines, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Plantes de la terre, bénissez toutes le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Sources et fontaines, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Mers et fleuves, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Monstres marins et tout ce qui s'agite dans les eaux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Oiseaux du ciel, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Bêtes sauvages et troupeaux, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Et vous les enfants des hommes, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Qu'Israël bénisse le Seigneur; qu'il le loue et l'exalte à jamais !

Prêtres du Seigneur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Et vous serviteurs du Seigneur, bénissez le Seigneur louez-le et exaltez-le à jamais.

Esprits et âmes des justes, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Saints et humbles de cœur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.

Ananias, Azarias et Misaël, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais. Car il nous a tirés du schéol, et délivrés de la puissance de la mort; il nous a sauvés du milieu de la fournaise de flamme brûlante, et tirés du milieu du feu.

Célébrez le Seigneur, car il est bon, car sa miséricorde dure à jamais.

Vous tous, hommes pieux, bénissez le Seigneur, le Dieu des dieux; louez-le et célébrez-le, car sa miséricorde dure à jamais.[6]  (Daniel 3, 26 à 90)

Alors le roi Nabuchodonosor fut dans la stupeur et se leva précipitamment. Il prit la parole et dit à ses conseillers:

— N'avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés?

Ils répondirent au roi:

— Certainement, ô roi!

Il reprit et dit:

— Eh bien, je vois quatre hommes sans liens, qui marchent au milieu du feu, en toute liberté, et qui n'ont point de mal; et le  quatrième ressemble à un fils des dieux.

Nabuchodonosor s'approcha de l'ouverture de la fournaise ardente, et prenant la parole, il appela:

— Sidrac, Misac et Abdénago, serviteurs du Dieu suprême, sortez et venez!

Sidrac, Misac et Abdénago sortirent du milieu du feu. Les satrapes, les intendants, les gouverneurs, et les conseillers du roi s'assemblèrent; ils virent que le feu n'avait eu aucun pouvoir sur le corps de ces hommes, que les cheveux de leur tête n'avaient pas été brûlés, que leurs caleçons n'étaient point endommagés, et que l'odeur du feu ne les avait pas atteints. Nabuchodonosor prit alors la parole et dit:

-Béni soit le Dieu de Sidrac, de Misac et d'Abdénago, lequel a envoyé son ange et délivré ses serviteurs qui ont eu confiance en lui, et qui ont violé l'ordre du roi et livré leur corps plutôt que de servir et d'adorer aucun autre dieu que leur Dieu!

Voici maintenant l'ordre que je donne: tout homme, à quelque peuple, nation ou langue qu'il appartienne, qui parlera mal du Dieu de Sidrac, de Misac et d'Abdénago, sera mis en pièces, et sa maison sera réduite en un tas d'immondices, parce qu'il n'y a aucun autre dieu qui puisse délivrer comme lui. Après cela, le roi fit prospérer Sidrac, Misac et Abdénago, dans la province de Babylone. (Daniel 3, 91 à 97)

2-3-5-Proclamation du roi Nabuchodonosor

Le roi Nabuchodonosor à tous les peuples, nations et langues qui habitent sur toute la terre: la paix vous soit donnée en abondance! Il m'a paru bon de faire connaître les signes et les prodiges que le Dieu Très-Haut a  opérés envers moi. Que ses signes sont grands et que ses prodiges sont puissants! Son règne est un règne éternel et sa domination subsiste d'âge en âge. (Daniel 3, 98 à 100)

2-4-L’aventure du roi Balthasar[7] 

Le roi Balthasar donna un grand festin à ses grands au nombre de mille, et il but du vin en leur présence. Excité par la boisson il fit apporter les vases d'or et d'argent que son père Nabuchodonosor[8] avait enlevés du Temple de Jérusalem, afin que le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, s'en servissent pour boire.

Alors on apporta les vases d'or qui avaient été enlevés du Temple, de la maison de Dieu à Jérusalem; et le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, s'en servirent pour boire. Ils burent du vin, et ils louèrent les dieux d'or, d'argent, d'airain, de fer, de bois et de pierre.

C’est à ce moment qu’apparurent les doigts d'une main d'homme qui écrivaient, en face du chandelier, sur l’enduit de la muraille du palais royal. Le roi vit cette extrémité de main qui écrivait. Le roi changea soudain de couleur, et ses pensées le troublèrent; les jointures de ses reins se relâchèrent, et ses genoux se heurtèrent l'un contre l'autre. Le roi cria avec force qu'on fît venir les astrologues, les Chaldéens et les devins. Le roi prit la parole et dit aux sages de Babylone:

— Quiconque lira cette écriture et m'en donnera l'explication sera revêtu de pourpre, portera un collier d'or à son cou, et aura la troisième place dans le gouvernement du royaume.

Tous les sages du roi entrèrent, mais ils furent incapables de lire l'écriture et d’en donner l'explication au roi. Sur quoi le roi Balthasar, fut très effrayé, il changea de couleur, et ses grands furent consternés. Mais la reine, attirée par le bruit des paroles du roi et de ses grands, entra dans la salle du festin, et prit ainsi la parole:

— Ô roi, vis éternellement! Que tes pensées ne te troublent pas, et que ton visage ne change pas de couleur! Il y a dans ton royaume un homme qui a en lui l'esprit des dieux saints; et du temps de ton père, on trouva chez lui des lumières, de l'intelligence, et une sagesse semblable à la sagesse des dieux. Aussi Nabuchodonosor, le roi ton père[9] avait-il établi Daniel, qu’il avait appelé Baltassar, chef des magiciens, des astrologues, des Chaldéens, des devins, parce qu'on trouvait chez lui un esprit supérieur, de la science et de l'intelligence, la faculté d'interpréter les songes, d'expliquer les énigmes, et de résoudre les questions difficiles. Que l’on fasse venir Daniel, et il donnera l'explication.

Alors Daniel fut introduit devant le roi. Le roi prit la parole et dit à Daniel:

— Es-tu ce Daniel, l'un des captifs de Juda, que le roi, mon père, a amenés de Juda? J'ai appris sur ton compte que tu as en toi l'esprit des dieux, et qu'on trouve chez toi des lumières, de l'intelligence, et une sagesse extraordinaire. On vient d'amener devant moi les sages et les astrologues, pour qu'ils lisent cette écriture et m'en donnent le sens; mais ils n'ont pas pu me donner la signification de ces mots. J'ai appris que tu peux donner des explications et résoudre des questions difficiles; maintenant, si tu peux lire cette écriture et m'en donner l'explication, tu seras revêtu de pourpre, tu porteras un collier d'or à ton cou, et tu auras la troisième place dans le gouvernement du royaume.

Daniel répondit en présence du roi:

— Garde tes dons, et accorde à un autre tes présents; je lirai néanmoins l'écriture au roi, et je lui en donnerai l'explication. Ô roi, le Dieu suprême avait donné à Nabuchodonosor, ton père, l'empire, la grandeur, la gloire et la magnificence; et à cause de la grandeur qu'il lui avait donnée, tous les peuples, les nations, les hommes de toutes langues étaient dans la crainte et tremblaient devant lui. Le roi faisait mourir ceux qu'il voulait, et il laissait la vie à ceux qu'il voulait; il élevait ceux qu'il voulait, et il abaissait ceux qu'il voulait. Mais lorsque son cœur s'éleva et que son esprit s'endurcit jusqu'à l'arrogance, il fut précipité de son trône royal et dépouillé de sa gloire; il fut chassé du milieu des enfants des hommes, son cœur devint semblable à celui des bêtes, et sa demeure fut avec les ânes sauvages; on lui donna, comme aux boeufs, de l'herbe à manger, et son corps fut trempé de la rosée du ciel, jusqu'à ce qu'il reconnût que le Dieu Très-haut domine sur la royauté des hommes et qu'il élève à la royauté qui bon lui semble.

Toi, Balthasar, son fils, tu n'as pas humilié ton cœur, quoique tu aies eu connaissance de ces choses. Tu t'es élevé contre le Seigneur des cieux; les vases de sa Maison ont été apportés devant toi, et vous vous en êtes servis pour boire du vin, toi et tes grands, tes femmes et tes concubines; tu as loué les dieux d'argent, d'or, d'airain, de fer, de bois et de pierre, qui ne voient point, qui n'entendent point, et qui ne savent rien, et tu n'as pas glorifié le Dieu qui a dans sa main ton souffle et toutes tes voies. C'est pourquoi, ce matin, il a envoyé cette extrémité de main pour tracer ces mots: MENÉ,THEQÉL et PHARSIN. Voici ce que signifient ces mots:compté, pesé, et divisé.

Et voici l'explication de ces mots:

— Compté: Dieu a compté ton règne, et y a mis fin.

— Pesé: tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger.

— Divisé: ton royaume sera divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses.

Alors, aussitôt, Balthasar donna des ordres, et l'on revêtit Daniel de pourpre; on lui mit au cou un collier d'or, et on publia qu'il aurait la troisième place dans le gouvernement du royaume.

Cette même nuit, Balthasar, roi des Chaldéens, fut mis à mort. Et Darius, le Mède, s'empara du royaume: il était alors âgé d’environ soixante-deux ans. (Daniel chapitre 5)

2-5-Daniel dans la fosse aux lions

Darius[10] le Mède, était devenu roi à l’âge de soixante deux ans. Il jugea opportun de réorganiser son royaume.

Darius, le Mède, trouva bon de répartir son royaume entre cent vingt satrapes, lesquels  devaient être soumis à trois ministres, (dont l’un était  Daniel) Ces satrapes devaient leur rendre des comptes afin que les intérêts du roi ne fussent point lésés. Or Daniel, à cause de la supériorité de son esprit, surpassait tous les autres ministres et les satrapes; et le roi pensait le mettre à la tête de tout le royaume. Aussi les ministres et les satrapes cherchèrent-ils une occasion d'accuser Daniel relativement à son administration. Mais ils ne purent trouver aucune occasion, ni aucune chose à reprendre, parce qu'il était intègre, et qu'on n’apercevait chez lui rien de répréhensif, ni rien de mauvais. Et ces hommes se dirent: nous ne trouverons aucun sujet d’accusation contre ce Daniel, à moins que nous n'en trouvions une dans la loi de son Dieu.

Alors, les ministres et les satrapes se précipitèrent chez le roi, et lui parlèrent ainsi:

— Roi Darius, vis éternellement! Tous les ministres du royaume, les intendants, les satrapes, les conseillers, et les gouverneurs sont d'avis qu'il soit publié un édit royal, avec une sévère obligation disant que quiconque, dans l'espace de trente jours, adressera des prières à quelque dieu ou à quelque homme, autre que toi, ô roi, sera jeté dans la fosse aux lions.

Maintenant, ô roi, confirme la défense, et écris le décret, afin qu'il soit irrévocable, selon la loi des Mèdes et des Perses, qui est immuable. Le roi Darius écrivit donc un document portant cette interdiction.

Lorsque Daniel eut connaissance du décret, il se retira dans sa maison, où les fenêtres de la chambre supérieure étaient orientées dans la direction de Jérusalem. Trois fois le jour il se mettait à genoux, il priait, et il louait son Dieu, comme il le faisait auparavant. Alors ces hommes accoururent, et ils trouvèrent Daniel qui priait et invoquait son Dieu. Puis ils se présentèrent devant le roi, et lui dirent au sujet de l’interdiction royale:

— N'as-tu pas écrit, ô roi, une défense disant que quiconque dans l'espace de trente jours adresserait des prières à quelque dieu ou à quelque homme, excepté à toi, ô roi, serait jeté dans la fosse aux lions?

Le roi répondit:

— La chose est certaine, selon la loi des Mèdes et des Perses, qui est immuable.

Ils prirent de nouveau la parole et dirent au roi:

— Eh bien, Daniel, l'un des captifs de Juda, n'a tenu aucun compte de toi, ô roi, ni de la défense que tu as écrite, et il fait sa prière trois fois le jour.

Le roi fut très affligé quand il entendit cela; il prit à cœur de délivrer Daniel, et jusqu'au coucher du soleil il s'efforça de le sauver. Mais ces hommes insistèrent auprès du roi, et lui dirent:

— Sache, ô roi, que la loi des Mèdes et des Perses ne souffre aucune dérogation et exige que toute défense ou tout décret confirmé par le roi soit irrévocable.

Alors le roi donna l'ordre d’amener Daniel, et de le jeter dans la fosse aux lions. Le roi prit la parole et dit à Daniel:

— Puisse ton Dieu, que tu sers avec persévérance, te délivrer!

On apporta une pierre, et on la mit sur l'ouverture de la fosse; le roi la scella de son anneau et de l'anneau de ses grands, afin que rien ne fût changé au sort de Daniel. Le roi se rendit ensuite dans son palais; il passa la nuit à jeun, il ne fit point venir de concubine auprès de lui, et il ne put se livrer au sommeil. Le roi se leva au point du jour, avec l'aurore, et il se rendit en toute hâte à la fosse aux lions. S'approchant de la fosse, il appela Daniel d'une voix triste. Le roi prit la parole et dit à Daniel:

— Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu, que tu sers avec persévérance, a-t-il pu te délivrer des lions?

Et Daniel dit au roi:

— Sire, longue vie au roi! Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m'ont fait aucun mal, parce que j'ai été trouvé innocent devant lui; et devant toi non plus, ô roi, je n'ai rien fait de mauvais.

Alors le roi fut très joyeux, et il ordonna qu'on fît sortir Daniel de la fosse. Daniel fut retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu'il avait eu confiance en son Dieu. Le roi ordonna que ces hommes qui avaient accusé Daniel fussent amenés et jetés dans la fosse aux lions, eux, leurs enfants et leurs femmes; et avant qu'ils fussent parvenus au fond de la fosse, les lions les saisirent et brisèrent tous leur os. Après cela, le roi Darius écrivit à tous les peuples, à toutes les nations, aux hommes de toutes langues, qui habitaient sur toute la terre:

— Que la paix vous soit donnée avec abondance! J'ordonne que, dans toute l'étendue de mon royaume, on ait de la crainte et de la frayeur pour le Dieu de Daniel. Car il est le Dieu vivant, et il subsiste éternellement; son royaume ne sera jamais détruit, et sa domination durera jusqu'à la fin. C'est lui qui délivre et qui sauve, qui opère des signes et des prodiges dans les cieux et sur la terre. C'est lui qui a délivré Daniel de la puissance des lions. C’est ainsi que Daniel prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne de Cyrus, le Perse. (Daniel 6)

2-6-Le dieu Bel n’est qu’une tromperie

Le but de Daniel est de lutter contre les tentations auxquelles le peuple juif est exposé, mêlé qu’il est avec les peuples païens. Daniel va montrer que les idoles ne sont rien qu’une supercherie pour tromper les gens.

Le roi Astyage avait été réuni à ses pères, et Cyrus le Perse avait reçu le royaume. (Daniel 13, 65)

Or Daniel mangeait à la table du roi, et il était honoré plus que tous les autres familiers. Il y avait chez les Babyloniens une idole nommée Bel pour laquelle on dépensait chaque jour douze mesures de fleur de farine, quarante brebis et six petits tonneaux de vin. Le roi aussi vénérait cette idole, et il allait chaque jour l'adorer. Mais Daniel adorait son Dieu. Un jour le roi dit à Daniel:

— Pourquoi n'adores-tu pas Bel?

Daniel lui répondit:

— Parce que je ne vénère pas des idoles faites de main d'homme, mais le Dieu vivant qui a fait le ciel et la terre et qui exerce sa puissance sur toute chair.

Le roi lui dit:

— Est-ce que Bel ne te semble pas un être vivant? Ne vois-tu pas tout ce qu'il mange et boit chaque jour?

Daniel répondit en souriant:

— Que le roi ne se fasse pas d’illusion; ce dieu est fait d’argile en dedans et d'airain à l'extérieur, et il n'a jamais rien mangé.

Le roi irrité appela les prêtres de Bel et leur dit:

— Si vous ne me dites pas qui est celui qui mange ces offrandes, vous mourrez. Mais si vous me démontrez que c'est Bel qui les mange, Daniel mourra, pour avoir blasphémé contre Bel.

Or il y avait soixante-dix prêtres de Bel, sans compter leurs femmes et leurs enfants. Et le roi se rendit avec Daniel au temple de Bel. Les prêtres de Bel dirent:

— Nous allons sortir maintenant, et toi, ô roi, tu feras placer les mets et apporter le vin, après l'avoir mélangé; puis tu fermeras la porte, tu y apposeras ton sceau pour que personne ne puisse l’ouvrir. Et quand tu entreras demain matin, si tu ne trouves pas que tout a été mangé par Bel, nous mourrons; ou bien ce sera Daniel qui aura menti contre nous. Ils étaient sûrs d’eux parce qu'ils avaient fait sous la table une ouverture secrète, par laquelle ils s'introduisaient régulièrement pour consommer les offrandes.

Lorsqu'ils furent sortis et que le roi eut fait mettre les aliments devant Bel, Daniel commanda à ses serviteurs d'apporter de la cendre, et il la répandirent par tout le temple en présence du roi seul, puis tout le monde sortit. On ferma la porte et on la scella avec l'anneau du roi, et ils s'en allèrent. Pendant la nuit, les prêtres entrèrent selon leur coutume avec leurs femmes et leurs enfants, et ils mangèrent et burent tout ce qu’il y  avait là.

Dès le point du jour, le  roi et Daniel  allèrent voir. Le roi dit à Daniel:

— Les sceaux sont-ils intacts?

Daniel répondit:

— Ils sont intacts, ô roi.

Dès qu'il eut ouvert la porte et regardé la table, le roi s'écria à haute voix :

— Tu es grand, ô Bel, et il n'y a pas la moindre tromperie en toi.

Alors Daniel se mit à rire et, retenant le roi pour qu'il n'entrât pas plus avant, il lui dit:

— Regarde le pavé, considère ces traces de pas.

— Je vois des marques de pas d'hommes, de femmes et d'enfants, répondit le roi qui entra dans une grande colère.

Alors il fit saisir les prêtres, leurs femmes et leurs enfants, et ils lui montrèrent les portes secrètes par où ils s'introduisaient pour manger ce qui était sur la table. Il les fit mettre à mort et livra Bel au pouvoir de Daniel, qui détruisit l’idole ainsi que son temple. (Daniel 14, 1 à 22)

2-7-L’affaire du grand dragon

Il existait là aussi un grand dragon que les Babyloniens vénéraient. Le roi dit à Daniel :

— Diras-tu encore que celui-ci n’est que de l'airain? Vois, il vit, il mange et boit. Maintenant, tu ne pourras pas dire que ce n'est pas un dieu vivant. Adore-le donc. Daniel répondit:

— J'adore le Seigneur, mon Dieu, car lui seul est un Dieu vivant; mais celui-ci n'est point un dieu vivant. Toi, ô roi, donne-moi la permission, et je tuerai ce dragon sans épée ni bâton.

Le roi dit:

— Tu as ma permission.

Alors Daniel prit de la poix, de la graisse et des poils, il fit bouillir le tout ensemble et en fit des boulettes qu'il jeta dans la gueule du dragon. Le dragon les mangea et creva. Daniel dit alors:

— Regardez ce que vous vénériez! (Daniel 14, 23 à 27)

La suite de ce texte n’est peut-être qu’une nouvelle mouture du paragraphe 2-5 de la présente étude. (Chapitre 6 du Livre de Daniel) Peu importe! L’enseignement est toujours le même: Dieu sauve toujours ceux qui se confient en Lui. 

En apprenant cela, les Babyloniens furent scandalisés. Ils se rassemblèrent contre le roi et dirent:

— Le roi est devenu juif! Il a détruit Bel, fait mourir le dragon et massacré les prêtres.

Ils vinrent donc trouver le roi et lui dirent:

— Livre-nous Daniel, sinon, nous te ferons mourir, toi et ta maison.

Devant cette violence et ces menaces le roi leur livra Daniel. Ils le jetèrent dans la fosse aux lions, et là il demeura six jours. Dans la fosse, il y avait sept lions, et on leur donnait chaque jour deux corps (humains) et deux brebis; mais alors pour qu’ils dévorent Daniel, on ne leur donna rien.

Le prophète Habaquq était en Judée. Il avait fait cuire une bouillie et émietté du pain dans une terrine, et il allait aux champs porter cette nourriture à ses moissonneurs. L'ange du Seigneur dit à Habaquq:

— Porte le repas que tu as dans tes mains et porte-le à Babylone, à Daniel, qui est dans la fosse aux lions.

Habaquq répondit:

— Seigneur, je n'ai jamais vu Babylone, et je ne connais pas cette fosse. 

Alors l'ange le prit par le haut de la tête, et, l’ayant soulevé par les cheveux, il le déposa à Babylone, au-dessus de la fosse, avec l'agilité d’un esprit. Et Habaquq cria:

— Daniel, serviteur de Dieu, prends le repas que Dieu t'envoie.

Daniel répondit:

— Ô Seigneur, vous vous êtes souvenu de moi, et vous n'avez pas abandonné ceux qui vous aiment.

Daniel se leva et mangea, et l'ange du Seigneur reposa aussitôt Habaquq là où il l’avait saisi. Le septième jour, le roi vint pour pleurer Daniel; s’étant approché de la fosse, il regarda: Daniel était assis au milieu des lions. Alors le roi s’écria d’une voix forte:

— Vous êtes grand, Seigneur, Dieu de Daniel, et il n'y a pas d'autre dieu que vous! 

Et le roi fit retirer Daniel de la fosse aux lions. Puis il fit jeter dans la fosse ceux qui avaient voulu le perdre: aussitôt ils furent dévorés sous ses yeux, en un instant. Alors le roi dit:

— Que tous les habitants de la terre entière craignent le Dieu de Daniel, car c'est lui qui est le Sauveur, qui fait des signes et des prodiges sur la terre, lc’est ui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions! (Daniel 14, 28  à 42)


[1] Autrement dit des magiciens, des astrologues.

[2]  L’Empire Mède

[3]  L’Empire des Perses

[4] L’Empire d’Alexandre le Grand

[5] Saint Jérôme, dans son texte latin, juste avant le verset 24, indique: “Ce qui suit, je ne l’ai pas trouvé dans les livres en hébreu.”

[6] Juste après ce verset 90, Saint Jérôme indique: ”Le morceau qui prend fin à cet endroit ne se trouve pas dans l’hébreu; le texte que nous donnons est une traduction faite sur l’édition (grecque) de Théodotion.”

[7] ou “Le châtiment de ceux qui commettent des sacrilèges”

[8] Balthasar n’est pas le fils de Nabuchodonosor, mais probablement le fils de Nabonide. Il fut le dernier souverain de l’empire babylonien. L’auteur de cette histoire se soucie peu de l’Histoire réelle. Il veut seulement montrer qu’il ne faut pas se moquer de Dieu.

[9] Nabuchodonosor n’est pas le père de Balthasar. L’erreur a été signalée dans la note ci-dessus. Le but de l’auteur de ce texte est d’enseigner, et non de faire un travail d’historien.

[10] Certains commentateurs pensent que, dans ce récit fictif et sous ce nom de Darius, deux personnages sont confondus: Darius 1er et Gobryas, lieutenant de Cyrus.

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