Un peu de théologie.
Joseph, le juste par excellence,
est celui qui achève l’ancienne Alliance et ouvre la nouvelle Alliance. Quoique
cachée, sa place est unique, fondamentale. Saint Joseph est Ie lien qui
rattache Jésus à Abraham, et au-delà, à Adam. Il est, dans la foi, dans une
pauvreté et un dépouillement extraordinaires, le point de départ de l’Alliance
nouvelle, l’Alliance par excellence de Dieu avec l’homme. Le Père
Marie-Dominique Philippe estime que “de même qu’on ne peut rien saisir
divinement de l’histoire des hommes si on ne regarde Adam, de même qu’on ne peut
rien saisir du mystère d’Israël si on ne regarde la foi d’Abraham, de même on ne
peut rien saisir du développement de l’Église si on ne regarde le mystère de
Joseph.”
[1] C’est
l’Esprit-Saint qui l’a voulu ainsi. C’est également l’Esprit-Saint qui demande
aujourd’hui à l’Église de contempler le mystère de Joseph, pour essayer d’y
déceler la lumière qui lui permettra de retrouver un nouveau souffle de vie et
d’amour.
Ce que l’on découvre d’abord en
contemplant le mystère de Joseph, c’est que, “en choisissant Marie comme
épouse, Joseph devait vivre du même mystère d’abandon et de remise totale de
toute sa vie entre les mains du Père. En devenant son époux, il épouse l’oeuvre
de l’Esprit de Dieu en elle. Il vit de son secret, ce secret qui la relie si
personnellement à son Père.”
Pourtant Joseph ne fut pas toujours
sans inquiétude, et ce n’est pas immédiatement qu’il comprit l’oracle d’Isaïe
prophétisant qu’une vierge concevrait et enfanterait un fils. Quand il l’eut
compris, il voulut se retirer en silence. Mais Dieu en avait décidé autrement,
et c’est sans crainte qu’il prit chez lui, Marie”portant en elle Celui qui
doit sauver son peuple, et qui est le fruit de l’Esprit-Saint.”
Alors pour Joseph, c’est la joie,
“la joie de son coeur de pauvre. Il avait tout remis à Dieu, et Dieu lui
donne le centuple. Il avait choisi comme épouse Marie, et Dieu lui donne comme
épouse celle qui enfante le Sauveur... Dieu lui donne donc par Marie son Fils
bien-aimé pour qu’il soit aussi son fils... Et Joseph accepte de coopérer à
cette oeuvre unique à la manière dont Dieu le veut pour lui. Il accepte d’être
pauvre selon les exigences instinctives de la chair et du sang...” Joseph
recevra alors une autorité unique, de pauvre qui lui permettra d’avoir les
moeurs de Dieu. Parce que Dieu a confiance en Joseph. Et parce que Joseph a
confiance en Dieu, il accepte une situation humainement impossible à vivre.”Officiellement
il est l’époux de Marie et le père de Jésus... Il sait qu’il est le gardien
fidèle de la Vierge et de son Fils béni, le Fils de Dieu.”
Mais il doit cacher l’oeuvre du
Saint-Esprit en Marie et l’origine divine de Jésus. Il ne doit regarder que la
volonté du Père et vivre en conformité avec cette volonté du Père, dans un total
dépouillement. “Nous touchons là à ce qu’il y a de plus profond dans la
sainteté de Joseph... Il doit, dans ce dépouillement intérieur, aimer Marie
comme l’époux le plus tendre, le plus délicat, avec la plus grande force qui
soit, en exerçant sur elle son autorité; et il doit aimer Jésus comme un père,
en ne pensant qu’à lui et en ne vivant que pour lui, se considérant comme
responsable, en face du Père, de Marie et de Celui qu’elle porte en elle.”
Joseph dépasse son père David par
l’autorité royale que le Seigneur lui confie. On devine la grandeur d’âme de
Joseph pauvre et humble.
Le mystère de Joseph passe aussi
par Bethléem. C’est parce qu’il n’y avait plus de place à l’hôtellerie, parce
que ceux qui auraient dû être les premiers témoins de la réalisation de la
promesse faite à leurs pères n’ont montré qu’indifférence, “que Joseph est
resté seul avec Marie, et qu’il fut le seul témoin du mystère de la Nativité de
son Dieu fait homme.” Et Joseph déborde de joie. “Il est tellement en
admiration devant Marie, devant ses gestes, ses initiatives, qu’il déborde de
joie de savoir que le Père Lui-même est heureux de sa petite enfant et qu’il met
en elle toute sa complaisance.”
Un autre mystère concernant Saint
Joseph rejoint le mystère de la Croix. Joseph a pressenti la Croix. Après la
prophétie du vieillard Siméon “Joseph découvre que Marie est intimement liée
à son Fils dans sa propre mission: la mère doit vivre ce que le Fils doit vivre.
Si le Fils doit être ‘un signe en butte à la contradiction’, elle-même doit
accepter qu’un glaive -celui de la volonté du Père sur son Fils- transperce son
âme. Joseph la regarde alors avec encore plus d’amour, découvrant sa plus grande
vulnérabilité, car à travers cette prophétie il pressent tout ce qu’elle
souffrira. Sans savoir le détail de ses souffrances, il en pressent l’intensité
et la profondeur. Prophétiquement, il vit ce qu’elle devra vivre à la Croix. Et
il accepte cette volonté mystérieuse du Père. Marie lui est donnée, mais elle
est en premier lieu au Père et à son Fils. De nouveau il comprend combien il
doit la garder dans la pauvreté, sans avoir aucun droit sur elle, mais en
l’aimant avec encore plus de force et de tendresse, en l’aimant sous le souffle
de l’Esprit, dans sa douceur infinie...”
[2]
Marie et Joseph, réfugiés en Égypte
ont dû connaître le massacre des enfants de Bethléem. “Pour le coeur de Marie
et de Joseph, ce massacre dut être effrayant... C’est vraiment pour eux le
glaive... Pourquoi Dieu permet-il de telles injustices au moment où Celui qui
est le Prince de la Paix vient nous visiter? Joseph et Marie assistent,
impuissants à cette injustice, injustice à laquelle ils sont mêlés de si près:
c’est à cause de leur enfant que les autres enfants sont massacrés. Et cette
injustice qui provoque de telles souffrances les brise.”
Le mystère de la croix de Joseph se
poursuit à Jérusalem, lorsque, cherchant Jésus par toute la ville, il vit, avec
Marie, une véritable agonie... Jésus est la cause de cette agonie que Marie et
Joseph ne comprennent pas sur le moment. “Une agonie n’est agonie que
lorsqu’on n’en voit pas le sens, qu’elle est totalement obscure, opaque.... le
glaive, ici, est certes en premier lieu pour Marie, mais il est aussi pour
Joseph... Joseph souffre non seulement de l’absence de Jésus, mais encore de la
souffrance que cette absence cause dans le coeur de Marie.. Il porte ces deux
souffrances, ce double glaive qui n’en fait qu’un...” Comme Marie, Joseph
subit vraiment un martyre intérieur, mais un martyre porté dans l’amour.
Mystère du mystère de Joseph
pourrait-on dire! Joseph disparaît lorsque Dieu semble ne plus avoir besoin de
lui, quand sa fonction temporelle est achevée. “Ayant toujours été le
serviteur pauvre, il s’efface avec joie pour laisser Marie seule avec son
Fils... Et le testament de ce père si pauvre, c’est le silence, c’est la
disparition dans l’obéissance à la volonté du Père... Encore une fois Joseph ne
nous dit rien. Son nom s’efface, il se termine en Dieu, dans le Fils de Dieu.”
[1] Père
Marie-Dominique PHILIPPE “Le mystère de Joseph “ Éditions
Saint Paul (1997)
[2] Père
Marie-Dominique “Le mystère de Joseph” - Éditions Saint Paul
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