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Les titres donnés à Saint Joseph

Les saints et les auteurs qui ont longuement contemplé le mystère de l’Incarnation nous ont montré que la primauté de Saint Joseph sur tous les autres saints, après la Très Sainte Vierge, est fondée sur le rôle à part qu’il a joué dans ce mystère de l’incarnation. A cause de ce rôle éminent et unique, et parce que Saint Joseph a accueilli et reçu chez lui, l’Enfant venu d’ailleurs, né de la Sainte vierge, son épouse vierge dont il fut institué le gardien et le protecteur, on a donné de nombreux titres à Saint Joseph.

En voici quelques-uns :

Joseph, le Juste
Joseph, Fils de David, lumière des patriarches
Joseph, celui qui a cru
Joseph est Père
Joseph, un père dans une famille juive et un père dans les Cieux
L’époux de Marie et le chef de la Sainte Famille
Saint Joseph, modèle des humbles
Saint Joseph, modèle et secours des pauvres
Saint Joseph, modèle de ceux qui s’abandonnent à la Providence de Dieu
Joseph, gardien de Marie et de Jésus
Joseph, Patron de la vie intérieure, de la vie contemplative et de la vie cachée en Dieu
Joseph, Patron des Travailleurs
Joseph, Patron de la Bonne Mort
Joseph, Patron de l’Église universelle
Joseph, le Juste

Le mot “juste”,  pour un juif, signifiait généralement un observateur attentif de la Loi, un saint. Le juste, qui évoquait la droiture morale, exerçait un rôle social important, celui de sage du village.  La notion de justice était plus large, dans la société juive que notre point de vue juridique et moral. Elle était fidélité à soi et à la société à laquelle on appartenait. [1]

Pour les chrétiens d’aujourd’hui, quand on dit d’un homme qu’il est ‘juste’, cela signifie qu’il n’est pas seulement observateur de prescriptions légales ou religieuses, mais que c’est un croyant sincère qui vit pleinement de sa foi. Un ‘juste’, c’est un saint.

Parmi les justes, les saints de l’Ancien Testament, on peut citer, en vrac, Abel, le premier juste, Noé, homme intègre parmi ses contemporains, Abraham, Joseph ben Jacob, Moïse, Samuel, David, et tant d’autres jusqu’à Joseph, l’époux de Marie. Tous annonçaient le Messie, qui serait le Juste par excellence, le Sauveur promis à Eve, le Saint de Dieu, Jésus-Christ.

On peut penser, comme certains auteurs n’ont pas manqué de le faire, que la justice de Saint Joseph a puissamment évolué au contact de Jésus. “En suivant son Fils qui lui livrait l’authentique Tradition de Dieu, il s’engageait de plus en plus sur le chemin obligé de toute croissance dans la vie spirituelle.” [2] Alors, qu’est-ce être juste pour notre Joseph?

Joseph, est un juste. Le mieux pour définir Joseph, le ‘juste’, est de reprendre les expressions qualifiant les justes de la Bible, comme vient de le faire Daniel Foucher. Joseph, est fils de Dieu; il est innocent, incapable de nuire et miséricordieux. Joseph est un sage dont la bouche murmurait la sagesse et haïssait la parole mensongère. Et surtout, il craignait Dieu. Joseph était joyeux, mais discret. Il était heureux car le bonheur est promis à ceux qui ont faim et soif de la justice, à ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu, aux doux et aux humbles de coeur. Joseph était bon, loyal, droit, prudent, et surtout Joseph était pieux, fidèle, vivant de sa foi. Quel exemple pour nous!

Marie, enceinte, s’abandonne à la Providence. Elle sait, de plus, que son fiancé est un ‘juste’.  “Il appartenait à Dieu d’éclairer son avenir et de fixer la situation légale.”

Joseph est bouleversé: ”S’il cédait à un sentiment humain, au dépit, à la colère, à la jalousie, à l’indignation, il ferait un éclat, il romprait ses fiançailles, il dénoncerait Marie comme coupable et attirerait sur elle toutes les rigueurs de la Loi... la lapidation... Mais Joseph est un juste!...”  Il ne peut rester insensible au rayonnement qui émane d’elle. “Il semble que Joseph ait été pénétré d’une sorte de crainte révérentielle. L’Ange lui dit bientôt en effet: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse...” Joseph craignait donc, mais que pouvait-il craindre?

“Combien ces anxiétés, ces craintes, ces angoisses à peine exprimables, si douloureuses pour lui, sont bienheureuses pour nous! C’est dans de telles affres, dans une épreuve aussi rare, que se révèle un caractère. N’y eût-il que cela dans nos Évangiles, au sujet de Joseph, que ce serait assez pour légitimer notre admiration d’abord, notre culte ensuite. Il semble que Joseph  ait  achevé, par un combat intime d’une telle qualité, de mériter la haute fonction qui allait lui échoir, de père légal, de gardien, de protecteur, de nourricier, à l’égard de Marie et de son Jésus, en un mot de chef  incontestable de la Sainte famille.” [3]

“ Le songe délivrera Joseph. Quelle joie pour lui et bientôt pour Marie!”  Il ne fait pas de doute que Marie et Joseph aient alors pensé à la phrase du prophète Isaïe: “Voici qu’une vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel:  Dieu avec nous.”

D’autres auteurs ont interprété différemment l’embarras de Joseph. Joseph est un juste et il serait convaincu de l’innocence de Marie.  Connaissant la chasteté et la pureté de la vie de Marie, et étonné de ce qui était arrivé, “il cache par son silence ce dont il ignorait du mystère. “ Animé du même réflexe de recul il ne se sent pas digne d’habiter avec l’élue du Seigneur. “Comment aurait-il pu désirer Marie pour lui, après que Dieu l’eût appelée à son service?”  [4]

Il semble nécessaire de rapporter ici des remarques de plus en plus courantes chez nos exégètes modernes. “Pour eux, les évangiles de l’Enfance relèvent en partie du genre littéraire appelé midrash.“  Matthieu et Luc auraient élaboré des récits à partir des Écritures lues à la lumière de la foi de l’Église!!!... Le but des évangélistes n’est pas de faire œuvre d’historiens, mais de transmettre un message: “Jésus de Nazareth, mort et ressuscité, est vraiment Messie et Fils de Dieu. C’est Lui le Sauveur qui vient accomplir et donner un sens aux écritures. “ [5]

Ceci étant dit, il convient pourtant de citer ici le texte de Vatican II “Notre sainte Mère l’Église a tenu et tient formellement avec la plus grande confiance que les quatre Évangiles, dont elle affirme sans hésiter l’historicité, transmettent fidèlement ce que Jésus, le Fils de Dieu, durant sa vie parmi les hommes a réellement fait et enseigné pour leur salut éternel. Ils composèrent leurs écrits dans le but de nous faire éprouver la solidité des enseignements que nous avons reçus.”  [6]

Quant à moi, je crois, avec le Concile Vatican II,  à l’historicité des Évangiles.

Joseph, fils de David, lumière des patriarches

A plusieurs reprises, il est  rappelé dans l’Évangile que Joseph était de la lignée de David, descendant de David, contraint, lors du recensement ordonné par l’Empereur Auguste d’aller s’inscrire en Judée, dans la ville de David, à Bethléem, parce qu’il était de la maison de David.  L’Ange de Dieu lui-même, s’adressant à Joseph sur le point de renvoyer son épouse enceinte, lui dit: “Joseph, fils de David.” Joseph croira la parole de l’Ange. “Grand déjà quant à son Père David,  il devient grand quant à son Fils Jésus, le Messie attendu...”  [7]

Le nom de Joseph, en effet, arrive au terme d’une généalogie qui part des patriarches. Et à ces patriarches est attachée l’idée de paternité et de conduite d’un peuple. C’étaient aussi “les chefs successifs d’une unique lignée dans laquelle était déposée la foi en Dieu Créateur et Sauveur, avec le culte de ce vrai Dieu, et de laquelle sortirait le rejeton en qui l’humanité retrouverait la bénédiction divine.”  [8]

Les patriarches ont eu la grande fonction de garder la foi en la Promesse, d’accomplir les multiples fonctions de service de l’oeuvre de Dieu, de sauvegarder le peuple. Aussi les vertus caractéristiques des patriarches ont-elles été la foi et l’obéissance, une obéissance généreuse, courageuse et sans cesse abandonnée à la volonté de Dieu.

Saint Joseph peut être considéré comme la lumière des patriarches, car, la perfection de ses vertus patriarcales éclaire celles des anciens patriarches:

– ”Par la foi, Joseph est le témoin de la réalisation de la Promesse, que, par la foi, les patriarches n’avaient saluée que de loin.

– Il permet au Fils de Dieu de s’incarner dans la lignée où les patriarches s’engendraient seulement les uns les autres.

– Toute la vie de Joseph fut un service de l’oeuvre de Dieu, rôle éminent et très supérieur à celui des patriarches.”  Et ce service fut accompli, en toute humilité, et dans une obéissance parfaite à la volonté de Dieu. [9] 

Saint Joseph, lumière des patriarches a, dans cette optique, parfois été qualifié de nouveau Moïse. En effet, comme Abraham qui obéit à Dieu et quitta son pays pour aller dans un pays inconnu, comme Moïse qui, exilé à Madian reçut l’ordre de retourner en Égypte pour sauver ses frères exilés, comme son homonyme Joseph Ben Jacob qui fut, dans des conditions dramatiques envoyé en Égypte, pour sauver, quelques années plus tard, sa famille menacée de famine, Saint Joseph obéit à Dieu, sans tarder, alla, puis quitta l’Égypte, s’arrachant probablement aux nouveaux liens qu’il avaient tissés avec ses voisins ou ses clients.

Joseph est celui qui a cru

Joseph est grand parce qu’il a cru que Jésus était le vrai Fils de Dieu, engendré par l’Esprit, et il n’a pas craint de prendre chez lui son épouse, Marie. Lui, humble charpentier à Nazareth mais grand dans la foi, est devenu le père du Fils de l’Homme, Dieu avec nous, Celui en “qui habitera  la plénitude de la divinité”. (Col 2,9) Joseph a cru “sans avoir vu” et, à cause de sa confiance, il tiendra dans ses bras le Verbe de Dieu venu sauver les hommes, participant ainsi à la Rédemption du monde.

Saint Joseph est beaucoup plus qu’Abraham pourtant qualifié: “Père des croyants”. En effet, ”Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice.” [10] Cet éloge s’applique encore plus à Joseph. “Il a cru à Dieu... et c’est en cela qu’il est juste, et c’est pour cela qu’on rappelle sa justice au moment précis où il s’agit de recevoir Marie comme épouse. Il est le Juste  selon l’Ancien Testament, recherchant uniquement l’adhésion au mystère de Dieu; alors ce mystère lui est affirmé et il s’y donne, avançant dans sa justice.”  [11]

On ne connaît jamais ce qui se passe véritablement au fond du coeur de chaque être humain. Seul Dieu peut lire au fond de nos coeurs. Mais le peu que nous connaissons des deux contemporains étroitement associés au mystère de la Rédemption, l’un comme père du précurseur, l’autre qui deviendra le père légal de Jésus, nous permet de saisir le contraste existant entre ces deux hommes: Zacharie, l’homme qui douta, et qui devint muet, et Joseph, l’homme qui a cru, mais qui pourtant fut, tout au long des siècles, le Grand Silencieux.

“Rien de merveilleux ne peut survenir à Zacharie”  Il est âgé, et sa femme, stérile, est, elle aussi, avancée en âge... [12]

Joseph, au contraire, à la parole de l’Ange prit Marie, son épouse, chez lui. Puis, pour sauver l’Enfant menacé, toujours obéissant à la parole de l’Ange, “Joseph se leva, prit avec lui l’Enfant et sa Mère, et partit en Égypte.

Saint Joseph est père

Saint Joseph est père, quoique d’une paternité partielle, mais paternité destinée à mettre en relief l’humilité du mystère de l’Incarnation : père adoptif ou père nourricier de l’Enfant Jésus. C’est d’abord le père légal de Jésus, celui qui lui donnera son nom et lui permettra de s’insérer dans la société des hommes. C’est aussi, le père adoptif car “Saint Joseph a permis l’entrée dans l’humanité, chez lui, de quelqu’un qui n’était pas de chez lui.” Donc Saint Joseph est père nourricier, car le Fils de Dieu a voulu naître comme un pauvre petit enfant qui a besoin d’un père pour subvenir à ses besoins.[13] 

Saint Joseph est également père putatif, “titre merveilleux parce qu’il est vraiment celui qui permet au Fils de Dieu de s’insinuer en cachette dans son univers... et de couvrir l’Incarnation et la maternité divine: mode archi-humble, mode réparateur de l’orgueil.”

Enfin, on a parfois donné à Saint Joseph le titre de “père douloureux”. [14] L’Évangile, en effet, rapportant la scène du Recouvrement de Jésus au Temple fait dire à Marie: “Ton père et moi nous te cherchions tout affligés.”  On peut également remarquer que “toutes les fonctions paternelles de Saint Joseph se sont accomplies dans une obéissance douloureuse, perpétuellement pénible, traquée: dans la nuit il se lève, dans la nuit, il fuit.”

Joseph, un père dans une famille juive et notre père dans les Cieux

“A Nazareth, aux yeux de tous, Joseph est le ‘père’.  (Jésus était, croyait-on, le fils de Joseph. Lux III, 23) ... Le père chez les juifs, avait une grande autorité. Il était, au sens fort, le chef, et sa femme l’appelait ‘Baal’, Seigneur, ou ‘Adon’,  Maître. “ La famille, c’était la ‘Maison’ du père. Et les enfants étaient sa propriété: il pouvait en disposer à son gré, et même les vendre comme esclave si cela devenait nécessaire... S’ils commettaient une faute grave, le père pouvait même les condamner à mort. Toutefois, à l’époque de Jésus, ce principe s’était assoupli, et le droit de vie et de mort exercé par le père ne pouvait s’appliquer que sous le contrôle des Anciens. Dans la ‘maison’ de Joseph, tout lui était donc soumis,  y compris Jésus.

“Le père de famille en Israël est l’image la plus complète du Père Éternel. Le respect que sa femme lui porte et que ses enfants lui doivent est tout proche de celui qu’ils rendent à Dieu... Tout ceci nous permet de voir, en Joseph, l’époux de Marie, un véritable patriarche au sens biblique du terme, c’est-à-dire une autorité voulue par Dieu, revêtue de la grandeur de Dieu, respectée presque à l’égal de Dieu. Marie et Jésus ont sûrement vécu sous l’autorité si belle de Joseph, comme il était prévu dans les plans de Dieu pour l’honneur de cette cellule humaine qu’est la famille...” [15]

Joseph, le Juste, avait dit ‘oui’ à Dieu qui lui demandait d’assumer la paternité de son propre enfant. Joseph, père légal, devra créer un premier lien avec ce fils adoptif, en lui donnant un nom : “Tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple.” De même que le ‘oui’ de Marie avait provoqué sa maternité, le ‘oui’ de Joseph engendre sa paternité.

Lorsque Jésus est né le ciel s’est réjoui. Daniel Foucher traduit la joie céleste “en plaçant sur la bouche de Dieu ce cri d’enthousiasme: ‘Je suis papa!... ‘ Joseph reprend à son compte ce refrain émerveillé: ‘Je suis papa, moi aussi! Nous sommes papa, ensemble; toutes proportions gardées et toute transcendance sauvegardée, Dieu et moi nous ne sommes qu’un.’ Dire ‘nous’ avec Dieu dans ces circonstances, telle est l’expérience mystique la plus haute qu’a éprouvée Joseph dans le dépouillement, la simplicité et la nudité d’une naissance.”  [16]

Joseph, l’époux de Marie et le chef de la Sainte Famille

Dans sa Somme Théologique  Saint Thomas d’Aquin explique qu’un véritable mariage est un mariage parfaitement constitué et entièrement vécu. Tel fut, à sa manière, le mariage entre Marie et Joseph: un vrai mariage.

Le mariage de Joseph et de Marie “fut parfaitement constitué par leur consentement à l’union conjugale... Le consentement de Marie fut vraiment celui d’une épouse... Le consentement de Joseph fut vraiment celui d’un époux prenant possession de son épouse par son propre engagement, mais un consentement si harmonisé à celui de son épouse, dans son abandon au dessein de Dieu, qu’il usera de son autorité maritale pour consacrer définitivement la virginité de son épouse par la consécration de sa virilité, et qu’il sera disposé à devenir le gardien de la Vierge Mère.” Marie et Joseph ont ainsi voué ensemble leur virginité.

L’épisode de la fuite en Égypte met en évidence le rôle de Joseph, chef de famille. C’est à lui que s’adresse le Seigneur. C’est lui qui prend en charge le destin de la famille et du bébé en danger.

“Dans son foyer  Joseph est le chef  incontesté. L’ordre de préséance, toujours respecté, est à l’inverse de l’ordre d’excellence.  Ainsi est affirmé le principe hors duquel toutes les sociétés sombrent dans l’anarchie: l’autorité se fonde sur le mandat divin, non sur une supériorité de force ou de talent perpétuellement remise en question par les hommes ou les évènements. Première leçon que Jésus puise à son foyer à l’exemple de Joseph.

Voici la seconde sur laquelle Il reviendra souvent, en son enseignement public: loin d’être un privilège, le pouvoir est un service, une charge plus qu’un honneur; l’humilité est donc plus nécessaire encore au maître qu’au sujet.”  [17]

Dans notre monde bouleversé et incohérent, Joseph joue le rôle de la Loi, celle du Père qui sépare (de la mère) et dont il est le témoin privilégié. “Il impose des limites, il marque les territoires... Il milite par sa seule présence pour que chacun soit reconnu dans son autonomie et sa liberté, mais aussi pour que chacun  ne trouve de sens à sa vie que dans le service de l’autre, de tous les autres sans discrimination, car sa relation exceptionnelle et singulière à Jésus durant sa vie terrestre nous ouvre à l’universel de ses frères. Joseph, l’époux de Marie et le père du Fils de Dieu, ne peut-il pas aujourd’hui comme hier nous permettre de nous reconnaître et de nous retrouver dans un monde qui a perdu tous ses repères? Il brille comme l’étoile polaire qui aide les gens déboussolés à se réorienter” [18]

Saint Joseph, modèle des humbles

Saint Bernard pense qu’il y avait en Marie un mystère si profond que, non seulement il l’ignorait, mais qu’il n’en était pas digne: “Joseph, se jugeant indigne et pécheur, se redisait à lui-même qu’il ne devait pas vivre plus longtemps  dans la familiarité  d’une femme si parfaite et si sainte. Il se sentait également déconcerté par la nouveauté d’une si grande merveille et par la profondeur d’un pareil mystère. Voilà pourquoi il songea à renvoyer secrètement Marie.”  (Homélies sur les louanges de la Vierge Marie)

Saint Joseph, modèle et secours des pauvres

Dans la grotte de Bethléem c’est la détresse la plus absolue. Saint François d’ASSISE, “en contemplant Jésus, Joseph et Marie, en fut si attendri et si ému qu’il renonça à toute espèce de bien; il laissa jusqu’à ses vêtements entre les mains de son père, et s’en alla épouser la Sainte pauvreté.” La pauvreté de Bethléem est une école où tout le monde peut s’instruire.

Pendant qu’Hérode faisait massacrer les Saints Innocents, Joseph fuyait en Égypte, sauvant ainsi, miraculeusement, le seul enfant visé par Hérode. “Jamais le rôle de Joseph, dans toute la vie de Jésus ne fut aussi efficace, et, devant Dieu, aussi glorieux. “

“C’est parce que Joseph était pauvre qu’il lui fut facile de partir au premier signal. Sa fortune n’était pas pour lui un embarras!... Il prend son bâton de voyage, une humble monture: un âne, et il s’en va avec Marie et l’Enfant-Dieu. Il passera inaperçu en raison de cette pauvreté même. Et parce que Joseph, outre sa pauvreté, pratique l’humilité et l’obéissance au plus haut degré, il obèit sans retard et sans murmure aux ordres célestes. Il sait que c’est notre devoir essentiel d’hommes d’obéir à la volonté de Dieu.”  [19] 

Saint Joseph, modèle de la vie intérieure et de la vie consacrée

Les deux vertus qui animent Saint Joseph et qui sont à la base de sa sainteté, celles qu’il vivra durant toute sa vie, sont la pauvreté et l’obéissance, celles qui, curieusement, seront, avec la chasteté, l’objet de ce que nous appelons les voeux de religion.

La pauvreté et l’obéissance, vertus de base du chaste Joseph, telles furent les armes qui suffirent à déjouer toute la puissance et toutes les ruses d’Hérode.” [20] Et peut-être aussi toute la puissance et toute la ruse de Satan?... Car “il entrait dans les voies de Dieu que Jésus, unique espoir du monde, ne se distinguât d’abord en rien des enfants de son peuple.

Joseph est abandonné à la Providence

A mesure que Joseph, l’homme juste et fidèle par excellence, découvrait la sublimité de sa vocation, il se faisait plus petit devant Dieu et se disposait à correspondre à ses desseins par un sacrifice total de lui-même: il était prêt d’avance à toutes les épreuves par lesquelles le Seigneur le ferait passer.

Et certes, Dieu ne devait pas les lui ménager.

Joseph, le silencieux

Le grand secret confié par Dieu à la fidélité de Joseph, Joseph le garde religieusement. BOSSUET  en parle dans son sermon Depositum custodi :

”Ce silence, d’une importance capitale aux yeux de Dieu et si cher à l’humilité du Juste, Saint Joseph ne le rompit jamais, et de même qu’il laisse ignorer aux hommes les mystères de la divine Sagesse, pareillement aussi il cache au monde sa dignité personnelle, ses vertus, ses labeurs, ses mérites et ses souffrances. Or, pendant qu’il se faisait si petit à ses yeux et aux regards du monde, songez comme il avait grandi  en face de ce Dieu qui fixe complaisamment les humbles et dédaigne les orgueilleux! Eh bien! Joseph ne serait jamais parvenu à un tel degré d’héroïsme sans la vertu de silence. Oh! la belle vertu! vertu d’autant plus chère à Dieu que le monde la méconnait...”

Joseph, gardien de Marie et de Jésus
Joseph, gardien de Marie. La virginité de Joseph [21]

Marie a fait vœu de virginité. Or elle est fiancée. Il faut donc que Joseph soit d’accord avec elle. En effet, chez les juifs, toute jeune fille devait se marier. “Ou le mariage, ou la tombe”  disait un adage palestinien.  Marie ne pouvait donc rester sans époux légal.  Or, nous savons maintenant que chez les Esséniens, on vivait déjà la vertu de chasteté. Le Père Lagrange a écrit: “Une simple conjecture fondée sur la suite des faits, suffit à expliquer comment le voeu de virginité de Marie se conciliait avec son propos de mariage, c’est que Joseph était dans les mêmes sentiments où vivaient alors tant d’Esséniens. Unie par le mariage à cet homme -Joseph- chaste comme elle, elle s’assurait une paix tranquille, dans une vie toute consacrée à Dieu, par deux âmes dignes de se comprendre et de s’aimer en Lui.”

Saint Augustin avait déjà écrit: “Marie appartient à Joseph et Joseph à la divine Marie, si bien que leur mariage est très véritable parce qu’ils se sont donnés l’un à l’autre. Mais de quelle façon se sont-ils donnés? Pureté, voici leur triomphe. Ils se donnent réciproquement leur virginité et, sur cette virginité, ils se cèdent un droit mutuel. Quel droit? De se la garder l’un à l’autre. Oui, Marie a droit de garder la virginité de Joseph et Joseph a droit de garder la virginité de Marie. Ni l’un ni l’autre n’en peut disposer, et toute la fidélité de ce mariage consiste à garder la virginité.”[22]

L’exemple de Marie et de Joseph montre que deux personnes peuvent être réellement mariées sans qu’intervienne une union charnelle. Marie et Joseph, mariés mais vierges, nous montrent que, dans le mariage, si l’amour spirituel est nécessaire, il peut aussi être suffisant.

Joseph, gardien de Jésus

Nous avons déjà souvent contemplé Joseph, gardien du Fils Éternel du Père. “Marie est le sanctuaire du travail du Saint-Esprit sur terre, mais elle-même est confiée à Joseph, ombre du Père Éternel.” Tout ceci se comprend bien dans le cadre de l’enfance et de l’adolescence de Jésus. Quand Jésus, adulte, devra commencer sa mission, Joseph aura disparu. Joseph aura-t-il pour autant, terminé sa mission? On répond spontanément oui. Et pourtant!

Comme plusieurs auteurs l’avaient déjà pressenti avant lui, André Doze pense que la tâche de Joseph devait, sous d’autres formes accompagner Jésus durant toute sa vie. Il était, notamment, mystérieusement présent lors de la Passion de Jésus. En effet, lorsque Jésus est mort sur la Croix, et que Marie, malgré le désarroi général, restait forte dans sa foi, “Dieu a voulu qu’un certain Joseph gardât le corps du Christ. Ce n’est pas un hasard. C’est Joseph qui, de toute éternité, doit garder le corps du Christ, comme l’Église commencera à le reconnaître le 8 décembre 1870, en le proclamant Patron de l’Église universelle. Discrètement, en ce Samedi Saint qui résume l’histoire de l’Église, c’est Joseph qui veille sur le Corps endormi du Bien-Aimé: le sein virginal de Marie, à lui confié, verra le commencement de l’engendrement du Fils unique. Le tombeau neuf, prêté par un certain Joseph, sera le seul témoin de l’achèvement de cet incomparable engendrement, notre seule espérance.”  [23]

Est-ce une des raisons qui ont fait de Saint Joseph le Patron de la Bonne Mort? Lui Joseph,  qui avait déjà été chargé, quelques années plus tôt,  d’aller annoncer aux justes attendant dans les Limbes, que le Paradis allait bientôt s’ouvrir?

Saint Joseph, Patron des humoristes

Non, n’ayez pas peur, votre mémoire n’est pas défaillante, et il est bien vrai que vous n’avez jamais encore entendu ce titre décerné à Saint Joseph. Alors, pourquoi cette fantaisie? C’est que je ne voudrais pas terminer ce long travail sans vous faire sourire un peu. On n’en parle guère, mais l’humour de Saint Joseph est pourtant bien connu de ceux qui le prient ou qui lui font des gentillesses. Ainsi je ne peux pas m’empêcher de raconter une histoire qui est arrivée à l’une de mes amies, sacristine dans une paroisse de Rueil Malmaison.

C’était quelques jours avant la fête de Tous les Saints. Monsieur le Curé, pour faire plaisir à ses paroissiens, avait décidé de sortir de leurs placards où on les avait enfermées trente ans auparavant, les statues des saints qui, autrefois, ornaient l’église et facilitaient la piété des pauvres gens.

Toutes les statues furent donc extraites par des hommes forts et de bonne volonté, nettoyées, et placées tout autour de l’autel. Tous les saints qui avaient été honorés étaient là. Tous, sauf Saint Joseph!

Alors mon amie de s’écrier:

 Mon Dieu, ce n’est pas possible, ils ont oublié Saint Joseph! Que faire?

Bien sûr, il n’était pas question d’en parler à Monsieur le Curé beaucoup trop occupé; et les hommes forts sont à leur travail. Et la Toussaint, c’est bientôt.

Alors mon amie, et une autre sacristine, toutes deux de la classe de celles que l’on appelle dédaigneusement: de faibles femmes, sont allées chercher Saint Joseph. Ce ne fut pas sans mal, ni sans difficulté. Puis on l’installa à la place d’honneur, à côté de la Sainte Vierge, et l’on attendit les réactions. Toutefois mon amie, dont la fille était au chômage depuis plus de deux ans, lui fit cette prière:

 Maintenant, tu as retrouvé ta femme. Alors tu pourrais me rendre un petit service, en échange: trouve donc du travail à ma fille...

Les fêtes de Toussaint passèrent. Personne ne remarqua rien, ou fit semblant de ne rien remarquer. Mais la semaine suivante, la fille de mon amie avait enfin trouvé du travail, et un travail qui lui convenait parfaitement. Saint Joseph ne fait jamais rien à moitié!

On pourrait raconter de nombreuses autres histoires. Mais notre propos n’était pas de faire une étude sur l’humour de Saint Joseph.

Saint Joseph, Patron de l’Église universelle

Comment conclure?

Saint Joseph a été proclamé Patron de l’Église, car c’est lui qui, indirectement, nous introduit tous auprès de Jésus et de Marie. En effet, on peut considérer que seule Marie, rencontrée au pied de la Croix, peut nous introduire chez elle, à Nazareth. Mais, si nous la suivons, si nous entrons avec elle dans sa maison, avec foi et amour, nous rencontrerons Joseph. Et “nous serons étonnés d’entrevoir, effectivement, dans la Sainte maison de Nazareth, ce que nous avions commencé à deviner le Samedi Saint. Et c’est là que nous pourrons commencer à deviner les secrets inconnus du Septième jour  (le Samedi Saint) et le rôle ignoré de Saint Joseph, fils de David, à qui Dieu a, de toute éternité, confié la garde de ce mystère tenu caché au long des âges et que Dieu manifeste maintenant à ses saints.” [24]


[1] Dictionnaire de spiritualité, tome 8

[2] “Notre père, Joseph le charpentier” Daniel FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[3] ”Saint Joseph”  de Mgr CRISTIANI. Éditions de l’Apostolat de la Presse (1962)

[4] Saint Bernard suppose que  Joseph eut connaissance de l’intervention divine en Marie. Cité par Daniel FOUCHER.

[5] ”Notre père, Joseph le Charpentier”  de Daniel F OUCHER - Editions de MONTLIGEON

[6] Vatican II “Dei Verbum” n° 19

[7]”Notre père, Joseph le Charpentier”  de Daniel  FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[8] ”Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. LALLEMENT - Éditions TÉQUI

[9] ”Mystère de la paternité de Saint Joseph” de D.J. LALLEMENT -  Éditions TÉQUI

[10] Rm (4, 3) et Gn (15, 6)

[11] “Mystère de la paternité de Saint Joseph” de D.J. LALLEMENT - Éditions TÉQUI

[12] ”Notre père, Joseph le Charpentier”  de Daniel FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[13]”Mystère de la paternité de Saint Joseph”  de D.J. LALLEMENT - Éditions TÉQUI

[14] “Mystère de la paternité de Saint Joseph “ de D.J. LALLEMENT - Éditions TÉQUI

[15]”Saint Joseph“  de Mgr CRISTIANI. Éditions de l’Apostolat de la Presse (1962) - Chapître III

[16] “Notre père, Joseph le Charpentier” Daniel FOUCHER - Éditions de MONTLIGEON

[17]  Albert BESSIÈRES, Cité par Daniel FOUCHER

[18] “Notre père, Joseph le Charpentier”  Daniel FOUCHERr - Éditions de MONTLIGEON

[19]”Saint Joseph “ de Mgr CRISTIANI - Éditions de l’Apostolat de la Presse (1962) - Chapître II

[20]“Saint Joseph “ de Mgr CRISTIANI - Éditions de l’Apostolat de la Presse (1962) - Chapître II

[21] ”Saint Joseph “  de Mgr CRISTIANI. Éditions de l’Apostolat de la Presse (1962)

[22]   Saint AUGUSTIN “De nuptiis et concupiscentia”  Cité par Daniel FOUCHER

[23] André DOZE ”Joseph, Gardien du Shabbat” -  Éditions des Béatitudes

[24] André DOZE ”Joseph, Gardien du Shabbat” -  Éditions des Béatitudes

   

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