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Premières faveurs divines
À partir de l’âge de
vingt ans, Dina semble s’établir dans une étroite union avec Dieu.
Elle bénéficie de quelques faveurs divines qu’elle ne comprend pas
et qui l’effraient un peu. Elle écrit: “À certains moments, la
voix de Jésus se faisait entendre au fond de mon cœur. Sa lumière
présentait aux yeux de mon imagination des tableaux que je ne
connaissais pas. Au sujet de cette voix et de ces tableaux, j’ai
prié beaucoup. J’étais assurée que c’étaient là les enseignements de
mon divin Maître: ce qui parle d’obéissance, d’humiliation, de
renoncement ne peut venir que de lui. La faveur que j’implorais
était de ne pas me laisser prendre aux pièges du démon qui est
capable d’inventions si rusées et si habiles, de ne pas être victime
des chimères de mon imagination...”
Un jour le Seigneur lui
enseigna comment reconnaître ses interventions à Lui, et comment
faire la différence entre sa voix divine et celle du démon qui veut
jouer les imitations: “Le Sauveur ne se fait entendre que dans le
recueillement, la paix, le silence. Sa voix est si douce que, en
l’âme, tout doit se taire; c’est une mélodie suave. Le langage
satanique est bruyant: c’est l’agitation, la précipitation, le
trouble, la brusquerie.”
Jésus donna deux guides
à Dina: l’Hostie et l’Étoile: “L’Hostie, c’était Lui-même;
l’Étoile, c’était sa Sainte Mère. Il me représenta un chemin
d’épines dans lequel il était passé le premier et où il désirait me
voir marcher. D’abord les épines étaient peu nombreuses; elles se
multipliaient à mesure que j’avançais... Et je voyais sans cesse
l’Hostie et l’Étoile, qui figuraient Jésus et Marie, au-dessus de ma
route, un peu en avant de moi...
Cela se produisait
dans mon imagination; le tableau était net et clair. Aux heures où
Jésus me le présentait, je l’apercevais plus fidèlement que je
voyais une image matérielle avec les yeux de mon corps... Mon
Seigneur m’apprit que j’avais une mission à remplir... Il me montra
la nécessité et l’importance de m’y préparer... Je compris que le
salut d’un grand nombre d’âmes y était attaché.
Par une lumière très
vive il m’enseigna la valeur inestimable de la moindre des grâces
parce qu’elle est un don de Dieu. Aucun des bienfaits divins ne
peut-être appelé petit, mais notre langage humain est si pauvre que,
lorsque nous avons parlé des faveurs extraordinaires et frappantes
que sont les grandes grâces, il nous reste des termes moindres pour
les grâces journalières qui se multiplient à chaque seconde. Je vis
la multitude des dons que je recevais comme une chaîne précieuse,
composée d’anneaux; une infidélité cassait un anneau et rompait la
chaîne. Et là, Jésus me dit que mon manque de correspondance à une
seule grâce pourrait me faire manquer ma mission.
Je saisis comment le
plus léger refus pouvait me priver d’une immense quantité de grâces;
après un premier manquement, la volonté a moins de résistance... Par
contre, la correspondance à l’inspiration sainte attire un autre
secours du ciel... Par ma faute, il m’était possible de compromettre
ma mission... Et toutes ces âmes qui attendaient la lumière de ma
fidélité! Je renouvelai à Jésus ma ferme résolution de répondre à
ses désirs. J’étais confiante en son amour, en sa bonté, et
confondue en ma misère extrême. Mon doux Maître me dit:
– Je veux me servir
de toi parce que tu n’es rien; je veux prouver ma puissance par ta
faiblesse.
Cette dernière
phrase, il me l’a répétée en d’autres circonstances par des mots qui
reviennent toujours à cette idée:
– C’est justement
parce que tu es incapable et faible que je me sers de toi, afin que
mon action seule apparaisse.
Il mit en mon cœur
le désir ardent et sincère du mépris, de l’humiliation, ces biens
sans prix que le monde abhorre parce qu’il ne connaît pas leur
valeur cachée... Chaque matin et chaque soir, je disais la supplique
suivante: “Mon Dieu, accordez-moi la grâce d’être méprisée et
humiliée autant que vous pouvez vouloir que je le sois, et que tous
ceux qui me mépriseront et m’humilieront ne soient pas coupables.”
Je pensais d’abord
que cette prière était celle du renoncement total à la jouissance
ici-bas; ce fut tout le contraire: juste à partir du moment où mon
âme ne souhaitait que le sacrifice, elle fut enivrée de bonheur.
C’est ici le secret de l’amour divin. Je me trouvai dans une sainte
indifférence à l’égard de tout.
Jésus me
familiarisait avec l’idée de la souffrance. Il se servit encore d’un
tableau. Sa main tenait une croix. Une première fois il entra le
pied de la croix dans mon cœur. Plus tard, il l’enfonça davantage.
Enfin, il la plaça en entier, avec les deux bras, en l’entrant
profondément; il avait fallu déchirer. Ce dernier acte figurait que
le Sauveur, avec sa croix, régnait en moi. Puis il entoura mon cœur
d’une couronne d’épines, symbole de la sienne.
Il m’initia à la vie
d’union avec lui. Au commencement, il me semblait qu’il était à mes
côtés, qu’il marchait près de moi. Ensuite, je le trouvai en moi.
J’aimais à causer intérieurement avec lui quand je sortais seule sur
la rue... Puis il me donna son esprit pour remplacer le mien; son
jugement afin que j'apprécie les objets, les évènements, les
personnes, à la manière qu'il désirait. Ensuite, il mit sa volonté à
la place de la mienne.. J'éprouvais la passion de la sainteté...
L’idéal divin m’apparaissait comme exigeant de moi que je devienne
une très grande sainte. Je n’étais pas capable de désirer moins.
Jésus commença ainsi
à me brûler de ses flammes d’amour... Ces grandes faveurs me
détruisaient moi-même de plus en plus. La réparation envers le Cœur
divin outragé, le zèle du salut des âmes me devenaient deux devoirs
impérieux... Je compris, par une grâce, que je devais consoler Notre
Seigneur et prier pour l’amendement des âmes aveuglées. Matin et
soir, régulièrement, je priais pour les prêtres, les religieux, les
religieuses. Les personnes consacrées ont une si lourde
responsabilité. Elles ont la meilleure part; elle reçoivent les
grâces de choix de l’Époux. Puissent les moissonneurs répondre en
tout, partout et toujours, aux vœux du divin Semeur.
Mes prières se
généralisaient à toutes les intentions, à l'infini, selon la
puissance et l'amour de Jésus. Je priais en union avec
Notre-Seigneur et la Très Sainte Vierge… pour tous les êtres, au nom
de tous, en esprit d'adoration envers la Trinité sainte et de
louanges vis-à-vis des anges et des saints…
À la même époque, Dina
fut admise dans le Tiers-Ordre de Saint Dominique. Après un an de
probation elle fut admise à la profession et reçut le nom de Sainte
Catherine de Sienne.
Dina put terminer ses
études musicales à New-York. Cette période fut celle des concerts.
Elle travaillait avec acharnement, se demandant quel pouvait être le
but de son travail musical. Jésus lui répondit:
– Tes connaissances
musicales protégeront ta vocation; mais tu feras du bien surtout par
tes écrits... Oui, au couvent, tu te livreras à un travail
littéraire. |