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Portrait de Dina
Ce qui caractérise le
plus Dina Bélanger, c’est son humilité. Elle écrit: “Le sentiment
de mon indignité est indicible; je
suis
pénétrée de mon néant, je me sens faible, pauvre, impuissante. À
cause de cela ma confiance en Jésus est comme un océan sans horizon,
engloutissant l’abîme de mes misères. Je m’élance avec foi et amour
dans les régions de la Miséricorde infinie. La bonté de Dieu: voilà
mon assurance ferme et ma paix délicieuse.”
Les tempêtes
spirituelles sont nombreuses et parfois violentes. Pénibles à
supporter, elles accroissent cependant, en Dina, le sentiment de sa
faiblesse et de ses misères. Elle écrit: “Je comprends comment
l’amour réparateur des âmes converties, telle celle de
Marie-Madeleine, peut dépasser en intensité l’amour innocent des
âmes pures... Je comprends aussi qu’il soit salutaire quelquefois,
de tomber dans certaines fautes -plutôt irréfléchies que consenties,
c’est vrai, mais enfin humiliantes pour la volonté-, parce qu’alors
notre pauvre nature, déplorant sa fragilité, s’appuie avec plus
d’amour et de confiance sur Dieu, son unique force.”
Quand Jésus eut fait
entrer Dina dans les parterres infinies de la Très Sainte Trinité,
elle vit ses actions: “Oh! mes pauvres actions! Elles étaient
toutes entachées d’amour-propre, de vanité et de secrète recherche
de moi-même... J’avais besoin d’avouer ma misère; je dis à mon bon
Maître: “Mon Jésus, je suis bien coupable!” Jésus lui répondit:
— Ne te regarde pas
toi-même. Aie confiance en ma miséricorde. C’est justement parce que
tu es faible et misérable que je t’ai choisie...
Et Jésus fit comprendre
à Dina la nécessité pour elle de conserver le silence de
reconnaissance et d’humilité. Puis Il lui parla de sa gloire et de
l’heureuse faute:
— La gloire que mon
Père reçoit depuis la Rédemption est beaucoup plus grande, malgré
l’offense de l’homme, que si l’homme n’avait jamais péché, parce que
la réparation que je lui offre, à mon Père, est infinie, et elle
couvre infiniment toutes les offenses humaines. Chaque fois qu’une
âme s’unit à moi pour glorifier mon Père, elle lui rend par moi une
gloire infinie.
L'obéissance était la
grande règle du plus parfait de Dina qui s'est engagée à ne rien
refuser à Notre-Seigneur, et à ne se préoccuper que de Dieu seul.
Dina désire, pour la gloire de son Père et de l’adorable Trinité,
tout ce qu’une créature humaine peut souhaiter par l’Esprit et le
Cœur d’un Dieu. Et pour la consolation de son Cœur, elle désire le
salut et la sanctification de toutes les âmes, comme Dieu le désire
lui-même.
L’œuvre du salut des
âmes, c’est le travail du Seigneur, et cela, Dina l’a bien compris:
“Le Cœur de Jésus m’emmène à la conquête des âmes. C’est lui qui
fait tout le travail, et moi je lui donne mon ennui, mes petites
souffrances, je n’ai qu’à le laisser faire et à ne rien lui refuser.
Il m’a bien avertie, hier matin (24 septembre 1927), qu’on ne
va pas à la conquête des âmes sans de grandes fatigues ni sans
peines, mais tout est si bon avec lui et pour lui!”
Dina fut unie à Dieu
d'une manière exceptionnelle. Une telle perfection doit-elle nous
décourager? Certainement pas. Nous avons vu combien Dina, la
dernière année de sa vie, manifesta parfois ses faiblesses et ses
difficultés à vivre son extrême fatigue physique, cause d'une
véritable lassitude spirituelle. Mais elle s'accrochait à la volonté
de son Seigneur qui, prenant comme exemple les âmes consacrées,
réalisait pour elle un véritable cours d'union à Dieu. Ainsi, ayant
exprimé ses désirs: la Gloire du Père et de l'adorable Trinité, la
consolation du Cœur de Jésus, et la sanctification des âmes, Dina
"entendit" Jésus lui répondre:
— On ne m'aime pas
assez pour moi. On m'aime trop pour soi-même. Il y a si peu d'âmes
qui m'aiment pour moi dans l'amour qu'elles me donnent… Je suis
triste, dit encore Jésus, parce qu'il y a des âmes consacrées
qui m'aiment pour elles-mêmes; c'est parce qu'il y a tant de mes
prêtres qui cherchent leurs intérêts personnels avant les miens…
Trop d'âmes
religieuses et sacerdotales ne comprennent pas que les sacrifices
que je leur demande sont des flammes d'amour qui s'échappent de mon
Cœur divin pour attirer et sanctifier leur cœur humain.
Et à une question de
Dina concernant sa famille religieuse, Jésus dit:
— Il leur manque
(aux religieuses de Jésus-Marie) l'union avec moi. Un grand nombre
de mes épouses agissent trop souvent par elles-mêmes en oubliant de
s'appliquer à s'unir à moi. Je ne puis bénir leurs prières ni leur
travail comme je le veux, parce que l'attachement à leurs désirs
humains met obstacle à la plénitude de mes grâces.
— Que faut-il à
chacune de nous pour obtenir la grâce d'être bien unie à toi,
demande Dina.
Jésus reprit:
— Il faut me la
demander. Je la donne, ma grâce, à toute âme qui me la demande, et
surtout à toute âme religieuse qui est mon épouse ou qui veut le
devenir.
— De quelle manière
la demander?
— Que l'âme demande
simplement la grâce que je règne en elle comme je le veux…. Et y
correspondre avec beaucoup d'amour.
— Mais si l'on
tombe? s'inquiète Dina. Que faire?
— Se relever avec
beaucoup d'amour, toujours revenir à moi, compter sur moi… Comptez
sur moi sans jamais craindre de trop compter.
En septembre 1928,
Jésus parle de la joie associée à la souffrance:
— Je veux que dès
maintenant tu chantes avec moi le cantique éternel de mon Cœur sacré
glorieux. Laisse-moi rayonner en toi l’amour et la joie de
l’éternité...
Une âme ne peut pas
s’approcher de mon Cœur sans être heureuse, parce que je suis le
Foyer de la joie et du bonheur. Même dans les moments où j’associe
une âme plus intimement à ma Passion et à mes souffrances, je sais
changer pour elle en douceurs toutes les amertumes. Ma petite
Moi-même, je te garde dans mon Cœur et dans les profondeurs de
l’Essence de la Très Sainte Trinité; je veux donc que tu jouisses
comme moi, dès maintenant, dans la mesure où tu souffres avec moi,
dans la mesure de ton amour pour moi et de la consolation que tu me
donnes. La joie parfaite et constante en moi est la plus grande
preuve de l’union parfaite et constante avec moi. Tu m’aimes
sincèrement: c’est moi qui agis en toi et à ta place; je veux donc
le prouver par le rayonnement de ma joie divine...
Ma joie à laquelle
je te donne part peut se trouver dans les aridités, dans les
angoisses, dans les ténèbres, parce que c’est la joie de l’union
parfaite à ma volonté divine, c’est la joie dans mon amour, la joie
dans mon Cœur.
Souris... Souris à
tout quand même je te broie... Veux-tu, ma petite épouse, me laisser
rayonner au dehors la joie que je te donne intérieurement?...
Applique-toi à sourire à tout. Refoule en silence tes ennuis, tes
fatigues, tes douleurs morales ou physiques, et ne t’occupe qu’à me
plaire en souriant... Que la souffrance ne t’empêche pas de sourire
extérieurement comme tu me souris intérieurement; que la souffrance
ne te distraie pas de ma pensée.
Mais la joie dans la
souffrance est-elle vraiment possible? Et pourquoi la souffrance? À
cette universelle question des hommes: Jésus répond:
— La souffrance est
la rançon nécessaire du péché. Mais Dieu aime les âmes d’un amour si
grand qu’il met son bonheur à changer pour elles en jouissances
toutes leurs souffrances. Il veut que déjà sur la terre, les âmes
soient heureuses dans la souffrance par l’amour divin. C’est
pourquoi les âmes qui aiment Dieu véritablement trouvent tant de
bonheur dans la croix, malgré les répugnances de leur nature. C’est
qu’elles trouvent et aiment Dieu en tout ce qui les contrarie...
Les âmes ne sont
malheureuses qu’autant qu’elles s’éloignent de Dieu. Le grand désir
de mon Père et le mien, serait de voir toutes les âmes heureuses,
même sur la terre. Quand notre Justice divine afflige ou punit,
c’est toujours par amour, et toujours pour rapprocher les âmes de
Dieu, de leur souverain bonheur...”
Dina ne fut pas
épargnée par les attaques de Satan. Elle est restée très discrète
sur ce sujet, mais en avril 1925, après avoir prononcé son vœu du
plus parfait, elle confie pourtant: "Lutte pénible. Paix dans
l'obéissance. L'assaut a été terrible, mais aussi la grâce divine
très forte… Oh! Que le démon a de ruses!... Le démon est comme
enragé parce que l'action de Notre Seigneur en mon être lui arrache
des âmes et les conduit à Dieu. Que ma responsabilité est
grande!...Le démon, en essayant de me troubler et de m'attrister, me
dit que je ne suis pas généreuse et pas mortifiée. Je ne l'écoute
pas, le vilain ange de ténèbres… Je jette tous mes manques de
renoncement dans la miséricorde infinie…"
Le 15 juin 1925 elle
avoue: "Le démon ne m'oublie pas, mais Jésus est mon rempart
inexpugnable. Il ne se passe pas un seul matin sans que le vilain
ange de ténèbres ne me tende un piège pour me faire manquer ma
communion. Chaque soir, au moment de l'examen général, il revient à
l'assaut. Outre ces deux filets habituels, il se présente avec ruse
en d'autres temps; il se dissimule pour essayer de me tromper
mieux…"
Et le 23 juin 1925:
"Les attaques de l'ennemi sont plus violentes. Hier soir, tout à
coup, j'ai senti la présence du démon à côté de moi, à gauche, aussi
réellement que j'aurais constaté la présence d'un être visible.
J'éprouvais en même temps ses tentations d'enfer; il était là comme
un enragé multipliant ses pensées et ses actions diaboliques… Les
assauts étaient aussi rusés que forts. Je n'avais pas peur, car
Jésus et Marie étaient entre lui, le misérable, et moi…"
Alors Dina explique que
ce qui la sauve, c'est l'obéissance et l'Eucharistie. Pourtant le
démon la poursuit avec fureur. Elle éprouve sa présence effroyable,
mais sa rage ne peut la troubler puisqu'il ne peut l'atteindre en
Jésus et Marie.
Le 5 février 1927:
"L'action du démon est violente; ce vilain esprit voulait me faire
croire que je n'étais pas en état de grâce, et, par une ruse
nouvelle, il essayait de m'éloigner de la Sainte Vierge, de me
distraire de la pensée de ma céleste Mère et d'affaiblir ma
confiance en elle."
2 mai 1927: "Le
démon multiplie ses ruses… Pour essayer de me faire croire que je ne
suis pas en état de grâce, il agit comme une personne qui mettrait
un manteau sur les épaules d'une autre en lui disant: "C'est vous
qui l'avez fait, ce manteau," quand ce ne serait pas la vérité. De
même le démon essaie de me jeter des péchés mortels sur mon âme en
me disant: "Tu les as commis!"… Vendredi il s'y est pris d'une autre
manière: il a essayé d'agir comme Notre Seigneur…
Mais bientôt une
lumière suave me fit remarquer l'empressement, l'agitation, la
brusquerie qui accompagnaient la pensée distrayante, et à ce signe
infaillible, je reconnus que c'était là une tentation du mauvais
esprit." |