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Ceux qui ont été témoins de l’histoire
de Benoîte et des évènements du Laus

Nous savons que Benoîte ne savait ni lire ni écrire: elle n’a donc laissé aucun écrit. Nous ne connaissons les événements du Laus que grâce aux manuscrits que nous ont laissés les contemporains ayant côtoyé Benoîte personnellement :

            – François Grimaud

            – Jean Peytieu

            – François Aubin, et

            – Pierre Gaillard

8-1-Les témoins qui ont écrit l’histoire du Laus

        8-1-1-François Grimaud (1620-1703)

François Grimaud, avocat et juge de la vallée de l’Avance, naquit vers 1620, à Gap où son père était procureur. Il fit ses études à Gap et devint avocat au parlement de Grenoble, puis Procureur vers 1662. De 1663 à 1667, il fut également juge dans la Baronnie d’Avançon. C’était un homme sérieux en qui ses concitoyens avaient confiance. C’est comme juge qu’il suivit les évènements et les apparitions du Vallon aux Fours en 1664 et qu’il fut témoin oculaire de la dernière apparition au Vallon aux Fours le 29 août 1664, le jour où la Dame révéla son nom : Dame Marie.

La fille de François Grimaud, Charlotte, sera guérie au Laus, d’un mal d’yeux, le 23 juin 1667 et il sentira lui-même les parfums. Il sera chargé par le vicaire général Lambert de s’occuper du temporel au Laus, et rédigera le compte-rendu précis des événements : c’est ce qu’on appelle aujourd’hui le “Manuscrit Grimaud”.

Le juge Grimaud intervint auprès de Benoîte au Vallon aux Fours, à cause des rumeurs qui circulaient depuis trois mois. Il vérifia les faits antérieurs et plaça Benoîte chez les Jullien, à Saint Étienne d’Avançon. Il était convaincu de la véracité des faits, et releva plus de soixante guérisons, durant les deux premières années du pèlerinage, de 1665 à 1667. Il mourut en 1703.

        8-1-2-Jean Peytieu (1640-1689)

Jean Peytieu, autre témoin oculaire des débuts des pèlerinages au Laus, dès Pâques 1665, était un prêtre du diocèse d’Embrun. Il fut l’un des directeurs du pèlerinage de mars 1669 jusqu’à sa mort le 19 mars 1689. Jean Peytieu naquit au Villard-Saint-Pancrace, près de Briançon, vers 1640. Devenu Docteur en théologie, il eut connaissance des rumeurs qui couraient sur les évènements du Laus. À Pâques 1665, il se rendit au Laus avec deux confrères. Il entendit les pèlerins parler de leurs guérisons après leurs vœux à la Vierge du Laus. Il fut très impressionné.

Il s’installa au Laus pendant le carême 1669 avec un confrère: Barthélémy Hermitte. En 1672 il envoya un rapport à son archevêque Mgr de Genlis, et à partir de 1684, il rédigea le “Journalier des merveilles de Notre-Dame”. Pendant vingt ans il participa à l’organisation et à la vie du pèlerinage, et passait des heures chaque jour au confessionnal. Il fut le confesseur de Benoîte pendant vingt ans. Son ministère fut accablant.

Complètement exténué il tomba gravement malade et dut interrompre son récit des évènements du Laus. Pour aider Jean Peytieu, Jean Magnin[1], sera envoyé au Laus où il sera chapelain, puis curé-prieur de Saint-Étienne d’Avançon. Jean Peytieu mourut au Laus à l’âge de 49 ans, le 19 mars 1689, jour de la saint Joseph en disant : “Je m’en va à l’agonie comme un époux à la noce.” Au moment de sa mort, tous les assistants sentirent un bon parfum les envelopper.

Pour rédiger ses écrits, Jean Peytieu bénéficia des témoignages directs et des informations orales de Benoîte et des pèlerins. Il vit ce qui se passait au Laus et, quand cela lui fut demandé, il le rapporta  fidèlement au vicaire général Lambert, ou à son évêque[2]. Il a le regard d’un prêtre ayant consacré sa vie au Laus qui perdit beaucoup en le perdant.

        8-1-3-François Aubin

François Aubin naquit probablement entre 1650 et 1655[3] dans la vallée de la Durance, peut-être à Chorges, le village familial. Sa famille, relativement aisée, était apparentée à la famille Rencurel. François savait lire et écrire. En 1675, attiré par la vie religieuse, il vint au Laus pour consulter Benoîte. Il fit un essai de vie cloîtrée, mais revint au Laus et s’établit à l’ermitage Notre-Dame des Alabres vers 1680. Désormais toute l’histoire de François Aubin, frère et ermite, sera liée à celle du pèlerinage du Laus. Il venait tous les jours au Laus pour servir les messes et accueillir les pèlerins. Il fut le principal confident de Benoîte qu’il accompagna à Marseille au moment de l’invasion savoyarde.

Sa vie devint difficile pendant la grande épreuve du Laus, de 1692 à 1712. Ainsi, en 1710, il avait reçu un ordre impératif des autorités d’Embrun:  le dimanche, il ne pourrait assister qu’à une seule messe; il devrait rejoindre ensuite son ermitage et y demeurer pendant toute la semaine. Enfin le Laus sortit de l’épreuve avec l’arrivée des prêtres de Sainte-Garde, et François Aubin entra avec Benoîte dans le Tiers-Ordre de Saint François de  Paule en 1716. Il mourut probablement entre la fin de 1730 et 1733.

François Aubin avait adhéré pleinement aux évènements du Laus. Ami et confident de Benoîte Rencurel, il assistera Pierre Gaillard lors de la rédaction de la Grande Histoire du Laus, qu’il recopiera intégralement.

        8-1-4-Pierre Gaillard (1621-1715)

Pierre Gaillard (1621-1715) consacra une grande partie de sa vie au Laus. Né à Grenoble en 1621, il fut ordonné prêtre en 1643. En 1660 il fut nommé vicaire général à Gap. Ses responsabilités l’obligeaient à se rendre souvent à Grenoble. C’est là qu’il se trouvait quand les rumeurs du Laus commencèrent à venir jusqu’à lui et le décidèrent à aller voir. En automne 1665, Antoine Lambert[4] demanda à Pierre Gaillard de faire construire une église au Laus. Confesseur de Benoîte, Pierre Gaillard allait tous les quinze jours au Laus où il s’installa définitivement en 1707. De 1707 à 1712 il rédigea la Grande histoire du Laus, de 1647 à 1712. Il a écrit tout ce qui s’était passé au Laus de 1647 à 1710.

Pierre Gaillard est d’abord un témoin oculaire. Il est présent avant la construction de l’église et il participe activement à sa construction. Il organise les pèlerinages, et il confesse beaucoup. Outre son expérience personnelle, il lit les travaux des autres témoins et se documente personnellement auprès des voisins, des pèlerins et de la famille de Benoîte: sa mère, ses sœurs, et de ses amies. Il est émerveillé par la netteté de la mémoire de Benoîte qui se souvient de tout “comme si la chose était arrivée le jour même...”

Pierre Gaillard a toute confiance en Benoîte qu’il admire profondément tout en la maintenant dans une profonde humilité. Il n’hésite pas à écrire : “Marie se sert d’une idiote (une ignorante) sans lettres, qui sait à peine sa croyance, d’une basse extraction, peu douée des dons de la nature, mais très éclairée des dons du Ciel, et plus encore que les plus habiles confesseurs.”

Pierre Gaillard consacrera plusieurs petits “traités” aux mortifications de Benoîte : jeûnes, veilles, disciplines, etc, pratiques très courantes à l’époque, ainsi qu’à ses souffrances.

Installé au Laus depuis 1707, Pierre Gaillard continua la rédaction de l’histoire du pèlerinage du Laus. Il mourut le 12 juin 1715, au Laus, âgé de 94 ans. Il fut enterré dans le cimetière de l’église du Laus. Nouvelle épreuve pour Benoîte qui voyait partir tous ceux qui l’avaient accompagnée avec tant de fidélité.

Pierre Gaillard avait été profondément influencé par la lecture des œuvres de sainte Catherine de Sienne. Il appréciait les Dominicains: il n’est donc pas étonnant qu’il ait incité Benoîte à entrer dans le Tiers-Ordre dominicain à l’automne 1666.

8-2-Autres témoins de la vie de Benoîte et du pèlerinage

        8-2-1-Barthélémy Hermitte (1640-1693)

On pense que Barthélémy Hermitte est né en décembre 1640, dans les Hautes Alpes. Il fut désigné pour constituer, avec Jean Peytieu, la première équipe des directeurs du Laus. Il signa de nombreux actes notariés et accompagna Benoîte à Marseille. Ce fut un confesseur très apprécié au Laus. Il mourut au Laus, pendant l’été 1693.

        8-2-2-Jean Javelly

Jean Javelly fut un prêtre remarquable, docteur en théologie, et en Droit civil et canonique de l’université de Valence. Compte tenu de sa compétence, il fut envoyé à Rome pour traiter des affaires du Comtat. Puis, ayant refusé l’évêché de Chalons-sur-Saône, il devint le conseiller juridique de l’archevâque d’Arles, Mgr Jaubert de Barrault.

        8-2-3-Charles de Genlis (1633-1714)

Charles de Genlis naquit en mars 1633 dans le diocèse de Noyon.  Il était le deuxième enfant d’une famille de treize. Il fut ordonné prêtre à Médan (région parisienne) le 18 décembre 1660. Charles, très cultivé connaissait saint Augustin à fond, mais, malheureusement, il fut guidé par un curé d’esprit janséniste. Il fut sacré archevêque vers le milieu de l’année 1670, et la pape lui confia le siège d’Embrun.

C’est en 1671 seulement que Mgr de Genlis commença à s’occuper des affaires de son diocèse. Il interdit qu’on cherche des querelles aux jansénistes et songea à ouvrir un séminaire près de la chapelle de Bon-Rencontre, à N.D. du Laus dont il avait entendu parler à Paris. Pourtant il ne croyait pas aux évènements du Laus, aussi Jean Peytieu et Barthélémy Hermitte lui conseillèrent-ils  d’aller voir, car “il fallait voir et entendre avant de condamner.” Quand il eut fait trois-quart d’heure d’oraison dans la chapelle de Bon-Rencontre, Mge de Genlis “dit qu’il n’était jamais entré dans une chapelle si dévote que celle de N.D. du Laus.” Puis il demanda à voir Benoîte.

Huit jours avant l’arrivée de Mgr de Genlis, la Vierge était apparue à Benoîte, et lui avait demandé d’être ferme dans ses réponses, “qu’elle parlerait comme le Saint-Esprit lui inspirera.” En fait, le prélat fit mettre Benoîte à genoux, et l’interrogea durant plus de trois heures. Benoîte ne se coupa jamais; elle fit même l’admiration de l’évêque. Dès lors, les directeurs donneront un nouvel élan aux constructions: achever l’église et construire la maison des prêtres dont les travaux durèrent de 1677 à 1682. Mgr de Genlis, archevêque d’Embrun, profondément religieux mais toujours un peu janséniste, avait réussi à ouvrir un séminaire dans son diocèse. Il décèdera le 3 novembre 1714, à l’âge de 82 ans.

        8-2-4-Raymond Juvenis

Parmi les autres amis fidèles du Laus, il faut citer l’écrivain et procureur du Roi, Raymond Juvénis. Dans son “Histoire des Alpes Maritimes, il relate les évènements du Laus entre 1664 et 1680. Il sera toujours pour Benoîte, un ami fidèle et sûr.

        8-2-5-François Malaval

François Malaval, écrivain de Marseille, fut appelé l’aveugle mystique. Il rencontra plusieurs fois Benoîte Rencurel et fit des séjours prolongés au Laus.


[1] Jean Magnin sera chapelain au Laus jusqu’à la mort de Barthélémy Hermitte. Il fut un soutien précieux pour Benoîte. Nommé curé-prieur à Saint-Étienne, il résidera souvent au Laus où il sera chargé des affaires temporelles.

[2] Le vicaire général Lambert lui demanda un rapport sur la guérison spectaculaire de Catherine Vial. Il fit un rapport officiel à Mgr de Genlis en 1672, puis à partir de 1684 il prit l’habitude de prendre des notes: c’est son Journalier.

[3] Les registres paroissiaux ont disparu ou ont été détruits lors de l’invasion austro-savoyarde de 1692, et pendant la révolution.

[4] Antoine Lambert administrait le diocèse d’Embrun depuis 1658. C’était un administrateur méthodique qui, à l’époque, travaillait à établir les Pères Trinitaires à Faucon, berceau de leur fondateur, saint Jean de Matha. Il soutiendra discrètement pendant quatre ans le développement des pèlerinages du Laus, conseillé par le jésuite André Gérard (1608-1686). Il mourra le 7 mars 1672.

    

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