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La Vierge Marie, une éducatrice admirable

Benoîte Rencurel avait poussé un peu comme une fleur sauvage. Elle avait des qualités naturelles, mais n’avait reçu aucune éducation. Elle était appréciée de ses maîtres et de ses amies, mais la jeune fille de dix sept ans était complètement inculte. Pourtant le Seigneur allait lui confier une tâche redoutable, une mission exceptionnelle : elle aurait bientôt à rencontrer de grands personnages, à inciter des pécheurs à se convertir, à s’expliquer sur des sujets divers et complexes. Comment fera-telle ? Qui fera son éducation ?

La réponse est simple: la sainte Vierge. Pendant 54 ans, la Vierge Marie assistera Benoîte, la formera, ouvrira son esprit et viendra l’éclairer lorsque ce sera utile. Pour Benoîte, Marie se révélera être  une éducatrice admirable.

9-1-La préparation de Benoîte à sa mission

Dès le début des apparitions, celle que Benoîte appelle “La Dame” commence une longue œuvre d’éducation. La Dame forme le caractère de Benoîte, trop vive, trop sensible, trop impatiente aussi. Elle lui apprend à obéir à ses ordres, à accepter les petites contrariétés en esprit de sacrifice. Elle lui demande aussi de prier beaucoup, et de communier plus souvent. Cette formation va durer six mois. Benoîte recevra aussi des lumières importantes sur la gravité du péché, sur la Miséricorde de Dieu qui veut sauver tous les pécheurs, sur la connaissance des cœurs. Car la Dame a averti Benoîte que le Laus serait un lieu de conversion et qu’elle, Benoîte, aurait la mission d’accueillir les pèlerins et les pécheurs.

Avant même que l’église fut bâtie, Benoîte passait souvent ses nuits en prières dans la petite chapelle. Elle gémissait et pleurait aussi quand elle voyait le peu d’amendement chez les pécheurs, mais Marie l’avertit “que les prières qu’on faisait à Jésus ne lui étaient point agréables quand on se chagrinait et qu’on était fâché, qu’elles perdaient leur force avec le chagrin.” Benoîte priait aussi beaucoup pour les âmes du Purgatoire. Avec discrétion elle commençait sa difficile mission, d’abord auprès des deux directeurs peu expérimentés, leur conseillant de faire bon accueil aux pèlerins, d’être cordiaux avec les grands pécheurs pour les inciter à la conversion et à se confesser, et surtout, de ne s’approcher de la table de communion qu’après une bonne préparation.”

Marie poursuivait son œuvre de formation en demandant à Benoîte de communier plus souvent, au moins tous les huit jours, et de se confesser encore plus souvent.

9-2-Benoîte et les pécheurs

Benoîte lisait dans les consciences et dans les cœurs. Elle était chargée d’avertir les pécheurs de leurs fautes afin de les inciter à aller se confesser. Mais Benoîte, surtout au début de sa mission, n’osait pas toujours. Marie intervenait alors pour soutenir son courage; parfois même, elle la punissait.

Qui Benoîte devait-elle avertir ?

Benoîte devait avertir tous les pécheurs, y compris les membres du clergé, très peu formés à l’époque (il n’y avait pas encore de séminaires) et qui se laissaient parfois aller à des conduites répréhensibles. Par ailleurs, la Vierge demandait aussi à Benoîte d’insister auprès des religieux pour qu’ils reviennent à la discipline conventuelle, à l’oraison et à la prière de l’office.

9-3-Les exigences de la Vierge Marie envers Benoîte

En 1666, Benoîte s’engage dans le Tiers-Ordre dominicain. Dès lors, la Vierge Marie conduit Benoîte vers une vie sacramentelle plus intense. Dorénavant, elle devra passer de la communion mensuelle à la communion hebdomadaire, et elle devra se confesser chaque semaine, et surtout, “se soumettre à l’obéissance”.

De 1668 à 1671, la Vierge Marie continua à venir, de temps en temps, visiter Benoîte,  pour lui donner des consignes ou des punitions. Ainsi, le 26 mars 1670, Marie, éblouissante de clarté, apparut à Benoîte, mais pour l’avertir qu’elle serait privée de sa présence maternelle parce qu’elle n’avait pas été patiente avec son entourage.

Benoîte était aussi “reprise pour avoir trop conversé avec les gens...” Marie exigeait que Benoîte ne soit plus inquiète, qu’elle soit fidèle à prier son chapelet, qu’elle obéisse plus vite à ses consignes, c’est-à-dire à l’obligation qui était la sienne, de dire la vérité aux pécheurs qu’elle devait avertir pour qu’ils se convertissent.

Benoîte pouvait maintenant approfondir le Mystère de la Rédemption. Cela se concrétisa en juillet 1673, lors de la première vision, sur la Croix d’Avençon, de Jésus crucifié. Benoîte comprit que, pour sauver les âmes, elle devait participer au sacrifice du Seigneur Jésus-Christ. Cette vision de Jésus sanglant se renouvellera six ans plus tard.  Benoîte sera alors mystiquement crucifiée pendant quarante heures, du jeudi soir au samedi matin, mais sans trace visible.

Avec l’aide de la Vierge Marie, Benoîte connaît mieux l’âme des pécheurs qu’elle doit avertir en vue de leur conversion. Découvrant aussi dans quel esclavage Satan les a placés et les maintient, elle comprend toute l’importance et le but du sacrement de Pénitence. Mais Marie, toujours vigilante, fait le nécessaire pour que sa “dirigée” devienne spirituellement adulte et parfaitement équilibrée et charitable. Ainsi, au fil des âges, Benoîte saura de mieux en mieux avertir les gens et les encourager. Souvent même, elle leur indiquait le confesseur qui leur conviendrait le mieux.

La grande épreuve pouvait commencer : ce sera ce que l’on a appelé l’“éclipse du Laus”. Les deux grands appuis de Benoîte, Jean Peytieu et Barthélémy Hermitte sont décédés : l’un en 1689 et l’autre en 1693. Les nouveaux chapelains, jansénistes, veulent lui faire quitter le Laus. Benoîte est calomniée; on ira jusqu’à lui interdire de rester dans l’église, en dehors de la messe. Les destructions causées par la guerre ne sont pas réparées. Le pèlerinage s’effondre... Mais Benoîte est assistée par un ange, et la Vierge lui demande d’écarter de son cœur toute amertume envers ceux qui lui font tant de mal, et de prier beaucoup pour eux.

1712, verra la fin de la grande l’épreuve; de nouveaux directeurs arrivent suivis des pèlerins. en 1716, Benoîte s’inscrit dans le Tiers-Ordre de saint François de Paule, approfondissant encore sa vie d’oraison. Benoîte pourra bientôt rejoindre son Seigneur.

9-4-La vie mystique de Benoîte

Sous la conduite de Marie, Benoîte Rencurel entre dans la vie mystique et contemplative en méditant les mytères du Rosaire et en les mettant en pratique. Jean Peytieu écrit que dès que Benoîte eut atteint l’âge de quatorze ans, “Dieu commença à faire reluire en elle quelque chose de particulier.” Jean Peytieu estime aussi que Benoîte a reçu, à cette époque, auprès de La Mère de Miséricorde”  des lumières mystiques très profondes sur le Cœur de Dieu, sur le cœur de l’homme, sur le péché et sur la grâce de Dieu. Marie la conduit, “lui servant de Maîtresse qui l’enseigne, de Directrice qui la conduit, et de Mère qui la corrige.”

La Croix d’Avançon apparaît comme le sommet de la vie spirituelle de Benoîte. Mais les persécutions diaboliques et l’opposition des prêtres venus du diocèse d’Embrun, souffrances annoncées par la Vierge Marie lorsque cessèrent les crucifixions, lui font comprendre que “mourir à soi-même est plus agréable à Dieu que tout ce qu’on peut faire  de sa propre volonté qui est toujours assaisonné de son amour-propre, lequel ternit la meilleure partie de nos actions et nous en ôte tout le mérite.”[1]  


[1] rapporté par Pierre Gaillard

    

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