Chapitre III
Entré dans les ordres,
Malachie remplit les fonctions de vicaire de son évêque

6. Dès lors le jeune lévite du Seigneur s'appliqua à toutes sortes d'œuvres de piété mais plus particulièrement à celles qui lui semblaient les plus pénibles. Ainsi il se voua, avec un zèle extraordinaire, au soin d'ensevelir les morts parce que ce genre de bonnes œuvres lui semblait aussi plein d'humilité que de charité. Riais notre nouveau Tobie vit renaître pour lui, d'une femme, ou plutôt du serpent malin, par la bouche d'une femme, la tentation qui avait éprouvé le premier Tobie. Sa sœur, dans son horreur pour cet office de piété, qui lui paraissait indigne d'une personne de son rang, lui en faisait des reproches et sou vent lu; répétait ces mots de l'Evangile: «Laissez les morts ensevelir leurs morts;» mais lui, répondant à cette insensée comme il convenait de le faire, lui disait: malheureuse femme que vous êtes, vous vous servez là de paroles saintes, mais vous n'en comprenez pas le sens et la portée. Il remplit donc avec un zèle infatigable et sans se relâcher un seul instant les fonctions de l'ordre qu'il avait été contraint d'accepter. Aussi jugea-t-on à propos de l'élever au sacerdoce; c'est ce qui se fit en effet. Il avait à peu près vingt-cinq ans lorsqu'il fut ordonné prêtre. Si on trouve que, dans ces deux ordinations, on a violé les saints canons (a), — ce qui est vrai, puisqu'il fut fait diacre avant l'âge de vingt-cinq ans et prêtre avant celui de trente, — il faut l'attribuer au zèle de celui qui les fit et à la sainteté de celui qui les reçut. Toutefois, si je suis bien éloigné de blâmer en cette circonstance, la conduite d'un saint je me garderai bien de conseiller à quiconque n'est pas saint, de l'imiter. Non content de cela, son évêque —  Celse, — le chargea d'une partie de ses fonctions et l'envoya semer la semence de la sainteté dans une nation qui n'était pas sainte, et lui fit porter à des populations grossières qui vivaient sans connaître de loi, la loi même de la vie et de la discipline. Malachie reçut avec joie cette mission; car, dans la ferveur de son âme, il ne savait ce que c'était que d'enfouir le talent et de se coucher dessus au lieu de travailler avec ardeur à lui faire produire de bons intérêts. On le vit donc alors, avec le hoyau de la parole, renverser, détruire, disperser et travailler tous les jours davantage à redresser les chemins tortueux et à aplanir les sentiers raboteux. Il s'élançait comme lin géant, et se prodiguait de tous côtés, on aurait dit un feu dévorant qui consumait les ronces du péché, une hache, une scie mordante qui jetait bas toutes les plantes mauvaises; il détruisit toutes les coutumes barbares et les remplaça par celles de l'Église, et déracina toutes les vieilles superstitions, qui subsistaient encore partout, et toutes les pratiques coupables dont les mauvais anges avaient couvert le pays.

7. Son œil n'épargnait ni désordre, ni abus, et de même que la grêle fait tomber les figues de l'arbre et que le vent soulève la poussière dans les champs, ainsi on le voyait abattre ou enlever, de toutes ses forces tout ce qui souillait son peuple. Mais à la place de ce qu'il détruisait, cet excellent législateur rétablissait les droits du ciel et promulguait des lois pleines de justice, de modestie et d'honnêteté, mettait en vigueur les règlements apostoliques, les décrets des saints Pères et particulièrement les usages de l'Église Romaine qu'il introduisait dans toutes les églises, où on commença alors à célébrer et à chanter les heures canoniales selon les rites reçus dans le reste du monde, ce qui n'avait pas eu lieu auparavant, pas même dans la ville épiscopale. Il avait appris le chant pendant son enfance, aussi ne tarda-t-on point à chanter dans son monastère, quand on ne savait ou ne voulait point encore le faire dans le reste du diocèse; il rétablit aussi la pratique très-salutaire de la confession, remit en usage le sacrement de la confirmation et le contrat de mariage qui étaient ou négligés ou même complètement inconnus parmi ces peuples. Mais il faut nous borner à ces quelques exemples de son zèle; il nous arrivera même bien souvent dans le cours de cette histoire, de passer ainsi bien des choses sous silence de peur d'être trop long.


(a) Plusieurs conciles, entre autres ceux de Néocésarée, d'Agde, en 506, le Ive d'Arles et plusieurs autres avaient réglé qu'on ne pourrait être ordonné prêtre avant l'âge de trente ans. Le dix-septième canon du concile d'Agde est conçu en ces termes:  « Nul métropolitain ne devra prendre sur lui d'ordonner prêtre ou évêque, quiconque ne sera pas âgé dé trente ans, qui est l'âge de l'homme parfait, ni de faire diacre tout sujet n'ayant pas atteint sa vingt-cinquième année, etc. . Telle est la leçon donnée par Bochel; le passage qui concerne les diacres, et auquel saint Bernard fait allusion en cet endroit, manque dans Sirmon ; mais cette loi n'en était pas moins en vigueur du temps de saint Bernard, comme on le voit par le contexte de notre Saint : Toutefois, les évêques en dispensaient quelquefois en faveur de sujets d'une piété remarquable.

   

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