11. Pendant que tout cela se passait, il perdit cette sueur dont nous
avons parlé plus haut. Nous ne saurions passer sous silence les
visions qu'il eut à son sujet. Il avait conçu une telle aversion
pour son genre de vie toute charnelle, qu'il avait fait le vœu de ne plus
la revoir jamais en ce monde. Mais quand elle fut morte, délié
de son veau, il revit en esprit celle qu'il n'avait plus voulu voir dans
sa chair. Une nuit il entendit en songe une voix qui lui disait que sa
sueur était là, dans le vestibule, et n'avait rien pris depuis
déjà trente jours entiers; il s'éveille à ces
mots, et, comprenant de quel genre de nourriture elle était privée,
il supputa le nombre de jours qu'il venait d'entendre nommer et il trouva
qu'ils répondaient exactement au temps qui s'était écoulé
depuis qu'il n'avait point offert pour elle le pain de vie descendu du
ciel. Alors, comme il ne détestait que le péché, non
point lame de sa sueur, il reprend sa bonne œuvre, qu'il avait interrompue.
Ce ne fut pas en vain; car peu de jours après, il lui sembla la
voir arrivée à la porte de l'église, mais elle n'y
pouvait point encore entrer, et la robe qu'elle portait était de
couleur sombre. Il persévéra de son côté et
ne passa point un jour sans lui faire l'aumône accoutumée
; il la revit encore, sa robe était presque blanche, elle était
entrée dans l'église, mais il ne lui était pas encore
permis de toucher à l'autel. Enfin, il la revit une troisième
fois; mais alors elle était mêlée à la troupe
de ceux qui portaient des robes blanches et elle en avait une elle-même
de la même couleur. Vous voyez cher lecteur ce que peut la prière
assidue du juste. On peut donc bien dire en vérité que le
royaume du ciel souffre violence et qu'il n'y a que les violents qui l'emportent.
Ne vous semble-t-il pas, en effet, que la prière de Malachie brisa
en quelque sorte, les portes du ciel, quand vous voyez une femme pécheresse
obtenir, par la force des armes de son frère, ce qu'elle ne pouvait
espérer de ses propres mérites? Mais c'est vous, ô
bon Jésus, qui, par les souffrances de votre passion, faites violence
an ciel; vous ôtes bon et puissant pour nous sauver, vous faites
miséricorde, vous montrez la puissance de votre bras et en conservez
la vertu dans votre sacrement pour les saints qui sont sur la terre jusqu'a
la consommation des siècles. Car c'est bien ce sacrement qui a la
force de consumer le péché, de terrasser les puissances ennemies
et de porter aux cieux les âmes qui quittent la terre.
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