CHAPITRE VII
Saint Malachie guérit un clerc malade de la
dysenterie.
15. Un clerc, nommé Michel, malade de la
dysenterie, se trouvait
dans un état désespéré, quand saint Malachie
lui ayant envoyé quelque chose qui avait été servi
sur sa table, le guérit sur le champ. Une autre fois, le même
clerc tomba de nouveau très dangereusement malade; Saint Malachie
lui rendit, non seulement la santé de l'âme, mais aussi celle
du corps, car cet homme revint à Dieu et s'attacha à Malachie,
son serviteur, dans la crainte qu'il ne lui arrivât quelque chose
de pire, s'il se montrait encore une fois ingrat pour un si grand bienfait
et un pareil miracle. Il se trouve maintenant, m'a-t-on dit, à la
tête d'un monastère situé en Écosse, le dernier qu'ait
fondé notre Saint. Toutes ces merveilles firent croître tous
les jours davantage la renommée et la congrégation de Malachie,
mais si grande que fut sa réputation, non seulement parmi les siens,
mais encore au dehors, les faits sur lesquels elle s'appuyait, n'étaient
pas moindres qu'elle. Devenu évêque, il continua à
demeurer dans son monastère, qui se trouvait dans le voisinage de
sa ville épiscopale.
CHAPITRE VIII
Il est ordonné malgré lui évêque
de Connerth.
16. A cette époque, le siège épiscopal de Connerth
était vacant depuis assez longtemps, attendu que Malachie refusait
toujours de s'y laisser asseoir; mais enfin, il céda aux instances
persévérantes qui lui furent faites, ainsi qu'à l'ordre
formel de son cher maître et de son métropolitain. Malachie
était âgé de trente ans environ, quand il devint évêque
de Connerth, c'était le nom de sa ville épiscopale. A peine
fut-il entré en fonctions, que cet homme de Dieu comprit qu'il allait
avoir affaire avec de véritables brutes, plutôt qu'avec des
hommes; car il n'avait jamais rien vu de semblable dans les contrées
les moins civilisées, pour le libertinage des mœurs, la brutalité
des coutumes, l'impiété en matière de foi, la barbarie
des lois, l'aversion de tout frein et le débordement des mœurs.
C'étaient des chrétiens de nom et de véritables païens
par la conduite. On ne payait plus la dîme et on n'offrait plus de
prémices au temple; la célébration des mariages avait
cessé, on ne voyait plus ni confession ni pénitence, personne
ne demandait ou n'administrait ces sacrements, car les ministres des autels
étaient en très petit nombre. D'ailleurs pourquoi auraient-ils
été plus nombreux là où le peu qui s'y trouvaient
encore n'avaient pas même trouvé à vivre de leur ministère
au milieu de ces populations mauvaises. On n'entendait plus, dans les églises,
ni chant ni prédications. Quel parti va prendre l'athlète
du Seigneur? Reculera-t-il? Il ne le peut sans honte. Engagera-t-il la
lutte? C'est s'exposer aux plus grands dangers. Mais, comme il était
un véritable pasteur, non point un mercenaire; au lieu de s'enfuir,
il résolut de demeurer à son poste et de donner sa vie s'il
le fallait pour le salut de ses brebis: il est vrai que ce n'étaient
que des loups, non point des brebis. Il resta donc au milieu de ces loups
avec un zèle intrépide, essayant avec ardeur de tous les
moyens pour les changer en brebis. Il les instruisait en public, les reprenait
en particulier, non sans verser des larmes sur chacun d'eux, et employait
tour à tour les moyens de la douceur et ceux de la sévérité,
selon que la prudence le lui dictait; puis lorsqu'il voyait que tout cela
était inutile, il répandait des larmes pour eux devant Dieu
avec un cœur contrit et humilié. Que de fois il passa des nuits
entières à prier les mains étendues en croix ! Il
allait chercher dans les rues et dans les places publiques ceux que sa
voix ne pouvait attirer à l'église ; souvent on le voyait
parcourir la ville en tous sens avec ardeur, pour trouver quelqu'un qu'il
pût gagner à Jésus-Christ.
17. Il courait avec le même zèle dans les campagnes et
par les villages, accompagné de quelques disciples fidèles
qui ne le quittaient jamais, pour distribuer le pain de vie à ces
à mes ingrates; il faisait toutes ces courses, :non à cheval,
mais à pied, comme un véritable apôtre. O bon Jésus,
que n'eut pas à souffrir, de ces peuples barbares, votre généreux
athlète, que n'eut-il point à endurer de toutes ces populations
auxquelles il venait prêcher la bonne nouvelle et pour lesquelles
aussi il vous adressait tant de vœux !Quelle plume pourrait retracer dignement
les mauvais traitements qu'il endura, les mépris qu'il essuya, les
injures dont il fut accablé, ses fatigues et ses privations, enfin
tout ce qu'il eut à souffrir du froid et de la nudité ? Mais
au milieu de tant d'ennemis, il conserva toujours la paix du cœur et ne
cessa de les presser à temps et à contre temps de se convertir;
priant pour ceux qui le maudissaient et n'opposant à leur insolence
que le bouclier de la patience, il ne se lassait point de rendre le bien
pour le mal. Comment n'aurait-il pas fini par triompher? ne se fatiguant
point de frapper à la porte des cœurs, il réussit enfin
à s'en faire ouvrir quelques-uns; comment aurait-il pu en être
autrement après l'assurance donnée par la vérité
même? Le bras de Dieu montra sa puissance comme ses lèvres
avaient dit la vérité. Ce peuple s'adoucit peu à peu
et sa barbarie finit par céder. Ces populations emportées
par les passions mauvaises, s'apaisèrent insensiblement, s'accoutumèrent
à la fin à écouter les corrections de leur pasteur,
et se soumirent au frein de la discipline. Les lois barbares disparurent
et firent place aux coutumes de l'Église Romaine, dont les usages se substituent
partout aux usages contraires. On releva les églises et on y plaça
des clercs; les sacrements furent de nouveau administrés selon les
rites, on recommença à se confesser et à fréquenter
les églises et le concubinage fit place à l'état saint
du mariage. Enfin, la face des choses changea si bien, qu'on peut aujourd'hui
appliquer à ces populations ce que le Seigneur disait par son Prophète:
« Ce peuple qui avait cessé d'être mon peuple, est redevenu
mon peuple (Ose., II, 14). »
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