22. La mort de Maurice ne s'était pas fait attendre ; mais un
certain Nigel, ou plutôt un véritable nègre, s'empara
de son siège. D'ailleurs Maurice avant de mourir l'avait désigné
pour son successeur, continuant ainsi, même après sa mort,
son œuvre de damnation. C'était un membre de la race maudite de
Maurice et son proche parent. Mais le roi du pays, les évêques
et les fidèles ne s'en concertèrent pas moins pour placer
Malachie dans la chaire épiscopale. Le parti contraire entreprit
de s'y opposer. Un vrai fils de Bélial, un homme prompt au mal,
puissant pour l'iniquité qui connaissait parfaitement la disposition
des lieux où les partisans de Malachie devaient se réunir,
se fait suivre d'une nombreuse troupe de gens et se porte secrètement
sur une colline située dans le voisinage et en face de l'endroit
où on devait se réunir, pour fondre de là à
l'improviste, sur l'assemblée occupée à tout autre
chose qu'à se préparer à la lutte et en massacrer
les membres innocents. Ils avaient en effet résolu de tuer le roi
lui-même en même temps que Malachie, afin qu'il ne pût
venger le meurtre de ce saint évêque. celui-ci informé
de ce qui se tramait, entre dans l'église qui était près
de là, et, levant les mains au ciel; il adresse une prière
à Dieu. A l'instant le ciel se couvre d'une nuée épaisse
et l'obscurité devient si profonde roue la clarté du jour
fit place aux ténèbres de la nuit: la foudre et te tonnerre
éclatent dans les airs, le souffle de la tempête se déchaîne;
on se serait cru au dernier jour du monde, tant les éléments
conjurés semblaient menacer tout d'une destruction prochaine.
23. On ne peut douter, en lisant ces choses, que ce ne fut à
la prière de Malachie que les éléments se soulevèrent
ainsi; la tempête n'atteignit en effet que ceux qui en voulaient
à ses jours, la foudre et les ténèbres n'enveloppèrent
que ceux qui avaient machiné, dans leur âme, des œuvres de
ténèbres. En effet, celui qui s'était mis à
la tête d'une si noire entreprise, mourut foudroyé avec trois
des siens, en sorte que ceux qui avaient pris part à son crime partagèrent
son sort. Le lendemain, on trouva leurs corps à demi consumés
par la foudre, et déjà tombant en lambeaux, suspendus aux
branches des arbres contre lesquels le souffle de la tempête les
avait lancés. On en retrouva aussi trois autres à demi-morts,
le reste s'était dispersé. Quant à ceux qui étaient
avec Malachie, bien que se trouvant tout près de l'endroit où
sévissait la tempête, ils n'en furent ni atteints ni même
incommodés. Dans ce miracle nous reconnaissons l'accomplissement
de cette parole de l'Écriture : «La prière du juste
pénètre les Cieux (Eccl., XXXV, 21). » C'est le renouvellement
de l'antique miracle qui plongea toute l'Égypte dans des ténèbres
épaisses, tandis que le peuple d'Israël était dans la
lumière, selon ce que rapporte l'historien sacré quand il
dit : « Partout où était Israël, on jouissait
de la lumière du jour (Ex., X, 23). » Ce fait me rappelle
ce qui se passa du temps du prophète Élie, qui tantôt rassemblait
les nuées du bout du monde, et les faisait tomber en pluies abondantes
sur la terre, et tantôt appelait feu du ciel sur les blasphémateurs
(IV Reg., I, 10 et seq.). C'est de la même manière que le
Seigneur fit éclater sa gloire, en cette circonstance, dans son
serviteur Malachie.
|