CHAPITRES XIII -XIV

CHAPITRE XIII

Dieu punit les détracteurs de Malachie.
 

28. Ce ne sont pas seulement les malfaiteurs de Malachie, mais aussi ses détracteurs que Dieu punit. Ainsi il y eut un homme qui jouissait de la faveur des princes, des grands et du roi lui-même, parce qu'il savait les flatter, leur débiter des choses agréables, et les captiver par les charmes de ses paroles; se déclarant en toute occasion pour les ennemis de Malachie, il embrassait chaudement leur parti. Quant à notre Saint, cet homme ne craignait pas de lui résister en face, de parler mal de lui en arrière, de s'élever sans respect en tous lieux contre lui, surtout quand il savait qu'il assistait à quelque grande assemblée. Mais il ne tarda point, à recevoir la récompense due à sa mauvaise langue; en effet, cet organe de détraction s'enfla et se corrompit; elle devint le siège d'une multitude de vers qui s'en échappaient pour remplir sa bouche blasphématrice. Après en avoir rendu pendant près de sept jours, il finit par rendre avec eux sa malheureuse âme.

29. Une fois que Malachie parlait en public, une malheureuse femme osa l'interrompre par ses clameurs impies, sans aucun respect pour le prêtre du Seigneur et pour l'Esprit-Saint qui parlait par sa bouche. Elle était de la race impie des anciens archevêques d'Armagh; la colère lui sortait par tous les pores; elle ne cessait de vomir des calomnies et des injures atroces contre le Saint, l'appelant hypocrite, usurpateur de l'héritage d'autrui, et ne craignait pas d'insulter même à sa tête chauve. Mais lui, plein de réserve et de douceur, ne lui répondait pas un mot. Le Seigneur se chargea de répondre pour lui. En effet, par une permission du ciel, elle devint folle, et ne cessait de crier, dans ses transports, que Malachie l'étranglait; elle finit par expier ses blasphèmes par une mort horrible. Voilà comment cette malheureuse femme qui n'avait pas craint de traiter Malachie comme Élisée avait été traité jadis (IV Reg., II, 24), sentit par sa propre expérience qu'il n'était rien moins lui-même qu'un second Élisée.

30. Un jour, comme la peste, sévissait dans la ville, tout le clergé et tous les fidèles sortirent en procession portant solennellement les reliques des saints ; elle cessa tout à coup pendant que Malachie était en prière; c'est un miracle que je ne devais point passer sous silence. Aussi à partir de ce moment-là, n'entendit-on plus personne l'attaquer en paroles; tous ceux qui étaient de la race de Chanaan disaient: évitons Malachie, car le Seigneur combat pour lui. Mais il n'en fut ainsi que plus tard, car le zèle de Dieu pour son ministre poursuivant partout ses ennemis, ne leur donna point de repos qu'il ne les eût tous anéantis. Aussi avec quel éclat leur mémoire a péri en peu de jours Comme ils sont tombés dans la dernière désolation! Ils ont disparu tout d'un coup et ils ont péri de la sorte à cause de leur iniquité. C'est encore de nos jours un miracle admirable que le prompt anéantissement de leur race impie, surtout pour ceux qui ont connu son orgueil et sa puissance. Il y a eu encore beaucoup d'autres miracles par lesquels le Seigneur a glorifié son nom et fortifié son serviteur au milieu de ses fatigues et de ses dangers. Qui est-ce qui pourrait les raconter comme il convient? Je ne saurais pourtant les passer sous silence quoique je ne pusse suffire à les rapporter tous. Mais pour ne point interrompre la marche de mon récit je réserve pour la fin de cette histoire, ceux que je me propose de raconter encore.
 

CHAPITRE XIV

Malachie se démet de l’archevêché d'Armagh quand il y eut rétabli la paix.
 

31. Il n'avait donc fallu que trois ans à Malachie pour punir les superbes comme ils le méritaient, rendre la liberté à l'église d'Armagh, détruire la barbarie de ce peuple et réformer partout les mœurs des chrétiens: lorsqu'il vit que tout était en paix il songea à la paix pour lui-même. Se souvenant alors de ce qu'il avait décidé de faire il se choisit pour successeur d’un homme de bien, nommé Gélase, digne de cet honneur: le clergé, d'accord avec le peuple non seulement entra dans ses vues, mais même y donna les mains pour demeurer fidèle aux conventions passées, bien que d'ailleurs il lui parut bien pénible de s'y tenir. Après donc qu'il eut sacré Gélase évêque et qu'il l'eut recommandé aux rois et aux grands du pays, il retourna à ses anciennes ouailles, plein de la gloire des triomphes qu'il avait remportés et des miracles qu'il avait opérés. Il ne rentra pourtant pas à Connerth; la cause mérite d'en être connue, On rapporte que ce diocèse formait jadis deux évêchés et deux diocèses distincts. Malachie pensa qu'il était préférable de revenir à cet ancien état de choses; il sépara donc de nouveau les deux évêchés que l'ambition avait fait réunir en un seul en céda un à un autre évêque et garda le second pour lui. Comme il avait déjà pourvu le diocèse de Connereth d'un évêque, il ne put y revenir lui-même; il alla à Down et remit ainsi les choses dans l'état où elles étaient autrefois. Quelle pureté d'intention ! Quel œil de véritable colombe! Il cède à un autre évêque le siège qui paraissait le plus honorable et le plus important, celui même qu'il avait jadis occupé. Où sont-ils à présent ceux qui disputent sur les limites de leurs diocèses et qui sont en querelles perpétuelles pour un misérable hameau ? Je ne sais pas s'il est une race d'hommes dont on puisse dire avec autant de vérité que de ces évêques-là, en empruntant l'antique langage du Prophète: « Ils ont fendu en deux le ventre des femmes de Galaad pour étendre les limites de leur pays (Am., I, 13). » Mais nous reviendrons sur ce sujet dans un autre endroit.

32. Devenu évêque de Down, il n'eut rien de plus pressé que de faire venir auprès de lui pour se consoler, quelques-uns de ses enfants, dans la pensée de fonder un couvent de clercs réguliers. On le vit alors se préparer de nouveau au combat spirituel, comme une nouvelle recrue du Christ, reprendre les armes qui tirent leur puissance du Seigneur, l'humilité de la sainte pauvreté, la rigueur de la discipline cénobitique, le calme de la contemplation, l'assiduité de la prière; il est vrai qu'il ne put se servir de ces armes autant qu'il l'aurait voulu, car une foule de gens venaient à lui, non seulement de la classe moyenne, mais même de celle des nobles et des grands, pour recevoir de lui des leçons de sagesse et de sainteté, et lui confier le soin de les corriger et de       les diriger. Lui-même sortait quelquefois de sa retraite pour aller semer la bonne semence, disposant et réglant toutes les choses ecclésiastiques avec une pleine autorité, comme s'il eut été lui-même un des douze apôtres. Et personne ne lui demandait en vertu de quelle autorité il faisait ces choses (Mt., XXI, 23); car on voyait toutes les merveilles et tous les miracles qu'il opérait: Or là où est l'esprit de Dieu, là aussi est la liberté (II Co., III, 17).

   

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