CHAPITRES XVII - XVIII

CHAPITRE XVII

Malachie rend la santé à plusieurs personnes.
 

40. Après nous avoir quittés, Malachie poursuivit heureusement son voyage jusqu'en Écosse. Il alla voir le roi David, qui vit encore maintenant et qui était dans un de ses châteaux avec son fils malade à la mort. Reçu avec honneur par ce prince, qui le pria avec humilité de vouloir bien rendre la santé à son fils, il prit de l'eau, la bénit et en aspergea l'enfant en lui disant: « ayez confiance, mon fils, vous ne mourrez point de cette fois. » Il avait dit et le lendemain, selon sa parole prophétique, l'enfant recouvra la santé, à la joie de son père et aux démonstrations bruyantes d'allégresse de sa maison tout entière. Le bruit s'en répandit partout; il était impossible, en effet, que ce qui était arrivé dans le palais du roi et à son propre fils, demeurât secret. Aussi n'entendit-on de toutes parts que des actions de grâces et des bénédictions, non seulement pour la santé qui avait été rendue au fils du roi, mais encore pour. le miracle auquel il la devait. Ce jeune prince, qui vit encore et qui est fils unique, se nomme, Henri, C'est un chevalier plein de bravoure et de prudence et qui marche sur les pas de son père, comme ou dit, car il a hérité de son zèle pour la justice et partage son amour pour notre Saint, qu'ils affectionnèrent l'un et l'autre d'une façon toute particulière tant qu'il vécut, comme celui à qui ce, jeune prince devait la vie. On le pria de rester quelques jours à la cour, mais lui, fuyant la gloire et l'éclat, partit sans retard et se remit en route dès le lendemain matin. Comme il passait par une ville nommée Crugeld, on lui présenta une jeune fille qui était muette ; il pria pour elle, le lien de sa langue se dénoua à l'instant même et elle se mit à parler sans difficulté. Etant allé, après cela, dans une autre ville, qu'on appelle l'Église de Saint-Michel, on vint lui présenter une femme frénétique qu'on avait eu le soin de garrotter avec des cordes; il la guérit en présence de tout le monde et l'ayant renvoyée pleine de santé, il partit et se rendit à Port-Patrick afin d'y attendre pendant quelques jours, le départ d'un bateau pour l'Irlande, mais il ne passa point ce temps-là dans l'oisiveté. Sous sa direction, et même avec son aide on construisit, en cet endroit un oratoire en branchages entrelacés, On l'entoura d'un fossé, ainsi qu'un espace de terrain destiné à faire un cimetière qu'il bénit. Les miracles qui n'ont cessé, dit-on, de s'opérer en cet endroit, montrent assez de quelle valeur était cette bénédiction.

41. Aussi tous les pays voisins ont-ils l'habitude d'apporter en cet endroit leurs malades et leurs infirmes, qui n'en reviennent presque jamais sans avoir obtenu leur guérison. Ainsi, une femme dont les membres étaient tout disloqués et qu'on avait amenée dans une voiture, s'en retourna à pied chez elle, après avoir attendu de Dieu la grâce de sa guérison une nuit seulement, qu'elle passa dans ce saint lien. Il y avait avec elle, dans le même endroit, une autre femme qui y passait aussi la nuit ; un homme, un vrai barbare, la voyant seule, se sentit enflammé de mauvais désirs et dans le transport de la passion, se précipita comme un forcené sur elle. Celle-ci se retournant toute tremblante et voyant cet homme, que l'esprit mauvais possédait tout entier, s'écria: O malheureux, que fais-tu ? rappelle-toi donc en quel lieu tu te trouves; pense à Dieu, pense à son serviteur Malachie, aie pitié de toi-même. » Mais lui ne cessait pas ses violences, tant il était poussé par d'iniques transports. Alors, — chose horrible à raconter, — on vit sortir d'entre les cuisses de cette femme, un gros animal venimeux qu'on appelle crapaud. Bref, cet homme saisi d'horreur fait un bond en arrière, et le crapaud, après avoir fait quelques sauts, sort de l'oratoire. Quant à l'agresseur, il se retira la confusion dans l'âme et laissa cette femme sans avoir attenté à son honneur, grâce à Dieu et à la protection miraculeuse de Malachie, qui empêchèrent une action honteuse et horrible par le moyen d'un animal horrible et dégoûtant lui-même. Il n'y avait rien de mieux, en effet, pour éteindre cette ardeur bestiale que de faire apparaître un crapaud, qui est un animal froid, et il convenait que ce fût par le moyen d'une bête aussi repoussante qu'inutile que la téméraire entreprise de cet homme fut entravée et ses efforts réduits à néant. Qu'il nous suffise d'avoir rapporté ces quelques merveilles entre beaucoup d'autres qui se sont opérées dans cet endroit; reprenons maintenant le fil de notre histoire.
 

CHAPITRE XVIII

De retour dans sa patrie, Malachie s’applique tout entier au soin du ministère pastoral et à la réforme des mœurs.
 

42. Malachie s'étant embarqué, arriva, après une heureuse traversée, à son cher monastère de Benchor ; il voulait que ses premiers enfants reçussent sa première bénédiction. Quel furent, pensez-vous, leurs sentiments quand ils virent revenir au milieu d'eux, en bonne santé, après un si long voyage, un père tel que celui-là? Il n'est pas étonnant que leurs entrailles aient tressailli d'allégresse quand on sait que la nouvelle de son retour remplit de joie tous les pays d'alentour. Aussi vit-on accourir au-devant de lui les habitants des villes, des bourgs et des châteaux, et partout où il s'arrêtait, il était reçu avec tous les témoignages d'une joie universelle. Mais tous ces honneurs n'étaient pas faits pour l'endormir; il se mit donc à remplir ses fonctions de légat et multiplia partout les assemblées pour qu'il n'y eût pas une contrée, pas même un canton, qui ne recueillit quelque fruit et quelque avantage de sa légation. Il répandit la bonne semence sur toutes les eaux et il n'est personne qui échappa à sa sollicitude; ni le sexe, ni l'âge, ni la profession, ni la condition ne put se soustraire à son action. Partout il répandit à pleines mains la semence du salut, partout il emboucha la trompette céleste; on le vit tantôt ici, tantôt là se précipiter avec le glaive de la parole pour châtier les nations et réprimander les peuples. Il fut la terreur des méchants. Aux hommes injustes, il criait: Cessez vos injustices ; et aux coupables: Cessez de lever la tête avec orgueil. Partout il allait plantant, propageant et cultivant l'arbre de la foi. Il avait les yeux sur tout le monde et pourvoyait aux besoins de tous. Dans les conciles qu'il assemblait partout, il remettait en vigueur les anciennes traditions quand elles étaient jugées bonnes et qui ne s'étaient perdues que par la négligence des prêtres. Mais non content de faire revivre les anciens usages, il en établit de nouveaux, et toutes les lois qu'il promulgua furent reçues comme venant du ciel, acceptées et mises en écrit pour passer à la postérité. Après tout, pourquoi hésiterait-on à croire inspirés d'en haut tous ces règlements que le Ciel même à sanctionnés par de si nombreux miracles? pour montrer quelle foi méritent mes paroles, je vais en rapporter brièvement quelques-uns, car il serait bien impossible de les raconter tous ici. et d'ailleurs, je l'avoue, je suis plus disposé à m'arrêter sur le récit des choses qu'on peut imiter que de celles que nous ne pouvons qu'admirer.

   

pour toute suggestion ou demande d'informations