64. En passant par une certaine ville, Malachie aperçut dans
la foule qui se pressait à sa rencontre un jeune homme qui avait
le plus grand désir de le voir. Il était monté sur
une pierre et se dressant sur la pointe des pieds il était tout
yeux et tout attention pour le Saint auquel il rappela l'histoire de Zachée
(Lc., XIX, 4). Malachie connut, par une révélation du Saint-Esprit,
que ce jeune homme était en effet venu pour le voir dans le même
esprit et les mêmes pensées qui avaient autrefois conduit
Zachée au devant de Jésus; toutefois il passa devant lui
sans en rien montrer, mais le soir, dans l'hôtellerie, il raconta
à ses frères comment il avait vu ce jeune homme et ce qu'il
prévoyait qui devait lui arriver. Trois jours après, il vint
en effet, conduit par un noble de la contrée, qui était son
seigneur et qui fit connaître que le plus grand désir de ce
jeune homme était qu’il voulût bien le recevoir parmi ses
disciples. Mais l'homme de Dieu qui le reconnaissait fort bien répondit:
«Il n'est pas nécessaire que personne recommande celui que
Dieu même a déjà recommandé, « et, le
prenant par la main, il le remit à notre cher abbé Congan,
qui lui-même le confia à ses religieux. Ce jeune homme est
encore du monde, si je ne me trompe, et il est le premier laïc convers
du monastère de Surrey; et tous ses frères lui rendent le
témoignage qu'il mène une vie sainte parmi les religieux
qui suivent la règle de Cîteaux. Les disciples de Malachie
purent reconnaître en cette occasion, que leur maître était
doué du don de prophétie ; ils le purent encore dans une
autre circonstance dont nous allons parler.
65. Un jour, il célébrait les saints mystères,
le diacre s'étant approché de lui pour lui rendre les services
de son ordre, le prêtre du Seigneur le regarda et poussa un profond
soupir, parce qu'il vit qu'il cachait dans son cœur quelque chose de mauvais.
Lorsque le saint sacrifice fut achevé, il le prit à part
et le questionna sur l'état de sa conscience; celui-ci avoua sans
détour qu'il avait été, la nuit précédente,
le jouet, des illusions du démon pendant son sommeil. L'homme de
Dieu lui imposa une pénitence en lui disant: «Vous n'auriez
pas dit remplir les fonctions de votre ordre aujourd'hui, il aurait fallu,
par respect pour les choses saintes, vous tenir à l'écart
et vous purifier par cet acte d'humilité, afin de revenir plus tard
à l'autel, plus digne d'y servir. » Une autre fois encore,
comme il offrait le saint sacrifice et qu'il priait pendant les saints
mystères, avec cette sainteté et cette pureté de cœur
qui lui était habituelle, le diacre qui le servait vit apparaître
une colombe éclatante de lumière qui était entrée
par la fenêtre. II était inondé, de la lumière
quelle répandait et la basilique tout entière en était
éclairée jusque dans ses recoins les plus obscurs. La colombe
vole çà et là pendant quelque temps, puis va se poser
enfin sur une croix qui était placée en face du célébrant.
Le diacre en est frappé d'étonnement; jamais il n'avait vu
lumière si éclatante, et la présence insolite de cette
colombe comme il ne s'en voit point sur la terre, le pénètre
d'une sorte de frayeur; il tombe la face dans la poussière; et,
palpitant de crainte, c'est à peine s'il ose se relever même
aux moments où les fonctions de son ministère l'exigent.
Après la messe, Malachie le prit à part et lui fit promettre
sur sa vie, de ne point parler de ce qu'il venait de voir tant qu'il vivrait.
Une autre fois, étant à Armagh avec un autre évêque,
il se leva au milieu de la nuit et se mit à visiter fun après
l'autre, en priant, toutes les mémoires des saints qui se trouvent
en grand nombre dans le cimetière de saint Patrie, et voilà
que tout à coup un de ces autels parut tout en flammes; tous ses
frères virent ce prodige et en furent frappés d'admiration.
Mais Malachie, comprenant que c'était le signe des vertus extraordinaires
du saint ou des saints dont les corps reposaient sous cet autel, courut,
les bras étendus se précipiter dans ces flammes et embrasser
cet autel. Que fit-il et qu'éprouva-t-il pendant ce temps-là,
personne ne saurait le dire; mais ce que chacun de ses frères, je
crois, a pu très-bien remarquer, c'est que, en sortant de ces flammes,
il se montra encore plus embrassé du feu divin qu'il ne l'avait
été auparavant.
66. Je n'en dirai pas davantage sur les nombreux miracles qu'il opéra.
Je n'en ai rapporté qu'un très-petit nombre; encore en ai-je
cité beaucoup eu égard au temps présent; on ne peut
point dire en effet, de nos jours, comme le Psalmiste : « Nous ne
voyons plus de miracles, et il n'y a plus de prophète (Ps: LXXIII,
9). » Mais le peu que j'ai rapporté montre quelle fut la sainteté
de mon cher Malachie, qui fit tant de miracles quand il s'en faisait si
peu ailleurs. En est-il un seul qui se soit fait autrefois, que Malachie
n'ait point renouvelé? Si nous voulons bien passer en revue le peu
que je viens de raconter, nous verrons qu'il fut doué du don de
prophétie; qu'il lisait dans les âmes, punissait les méchants,
guérissait les malades, changeait les cœurs et ressuscitait les
morts. Dieu l'aimait, aussi l'enrichit-il de ses dons et bénit-il
toutes ses entreprises; il le fit grand aux yeux des princes et il le couronna
de gloire. Le Seigneur lui a prouvé son amour en le comblant de
grâces; il l'a glorifié par le don des miracles, exalté
en abaissant ses ennemis, et lui adonné la couronne de gloire eh
récompensant ses vertus. Je vous ai montré, Lecteur diligent,
dans la vie de Malachie, des œuvrés à admirer et des exemples
à suivre; il ne me reste plus maintenant qu'à vous placer
sous les yeux ce qui doit dans tout cela faire l'objet de vos espérances;
afin que vous le considériez attentivement, car la fin de tout cela
c'est une bonne mort.
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