CHAPITRES XXIX
Malachie est doué du don de prophétie;
il opère toutes sortes de miracles

64. En passant par une certaine ville, Malachie aperçut dans la foule qui se pressait à sa rencontre un jeune homme qui avait le plus grand désir de le voir. Il était monté sur une pierre et se dressant sur la pointe des pieds il était tout yeux et tout attention pour le Saint auquel il rappela l'histoire de Zachée (Lc., XIX, 4). Malachie connut, par une révélation du Saint-Esprit, que ce jeune homme était en effet venu pour le voir dans le même esprit et les mêmes pensées qui avaient autrefois conduit Zachée au devant de Jésus; toutefois il passa devant lui sans en rien montrer, mais le soir, dans l'hôtellerie, il raconta à ses frères comment il avait vu ce jeune homme et ce qu'il prévoyait qui devait lui arriver. Trois jours après, il vint en effet, conduit par un noble de la contrée, qui était son seigneur et qui fit connaître que le plus grand désir de ce jeune homme était qu’il voulût bien le recevoir parmi ses disciples. Mais l'homme de Dieu qui le reconnaissait fort bien répondit: «Il n'est pas nécessaire que personne recommande celui que Dieu même a déjà recommandé, « et, le prenant par la main, il le remit à notre cher abbé Congan, qui lui-même le confia à ses religieux. Ce jeune homme est encore du monde, si je ne me trompe, et il est le premier laïc convers du monastère de Surrey; et tous ses frères lui rendent le témoignage qu'il mène une vie sainte parmi les religieux qui suivent la règle de Cîteaux. Les disciples de Malachie purent reconnaître en cette occasion, que leur maître était doué du don de prophétie ; ils le purent encore dans une autre circonstance dont nous allons parler.

65. Un jour, il célébrait les saints mystères, le diacre s'étant approché de lui pour lui rendre les services de son ordre, le prêtre du Seigneur le regarda et poussa un profond soupir, parce qu'il vit qu'il cachait dans son cœur quelque chose de mauvais. Lorsque le saint sacrifice fut achevé, il le prit à part et le questionna sur l'état de sa conscience; celui-ci avoua sans détour qu'il avait été, la nuit précédente, le jouet, des illusions du démon pendant son sommeil. L'homme de Dieu lui imposa une pénitence en lui disant: «Vous n'auriez pas dit remplir les fonctions de votre ordre aujourd'hui, il aurait fallu, par respect pour les choses saintes, vous tenir à l'écart et vous purifier par cet acte d'humilité, afin de revenir plus tard à l'autel, plus digne d'y servir. » Une autre fois encore, comme il offrait le saint sacrifice et qu'il priait pendant les saints mystères, avec cette sainteté et cette pureté de cœur qui lui était habituelle, le diacre qui le servait vit apparaître une colombe éclatante de lumière qui était entrée par la fenêtre. II était inondé, de la lumière quelle répandait et la basilique tout entière en était éclairée jusque dans ses recoins les plus obscurs. La colombe vole çà et là pendant quelque temps, puis va se poser enfin sur une croix qui était placée en face du célébrant. Le diacre en est frappé d'étonnement; jamais il n'avait vu lumière si éclatante, et la présence insolite de cette colombe comme il ne s'en voit point sur la terre, le pénètre d'une sorte de frayeur; il tombe la face dans la poussière; et, palpitant de crainte, c'est à peine s'il ose se relever même aux moments où les fonctions de son ministère l'exigent. Après la messe, Malachie le prit à part et lui fit promettre sur sa vie, de ne point parler de ce qu'il venait de voir tant qu'il vivrait. Une autre fois, étant à Armagh avec un autre évêque, il se leva au milieu de la nuit et se mit à visiter fun après l'autre, en priant, toutes les mémoires des saints qui se trouvent en grand nombre dans le cimetière de saint Patrie, et voilà que tout à coup un de ces autels parut tout en flammes; tous ses frères virent ce prodige et en furent frappés d'admiration. Mais Malachie, comprenant que c'était le signe des vertus extraordinaires du saint ou des saints dont les corps reposaient sous cet autel, courut, les bras étendus se précipiter dans ces flammes et embrasser cet autel. Que fit-il et qu'éprouva-t-il pendant ce temps-là, personne ne saurait le dire; mais ce que chacun de ses frères, je crois, a pu très-bien remarquer, c'est que, en sortant de ces flammes, il se montra encore plus embrassé du feu divin qu'il ne l'avait été auparavant.

66. Je n'en dirai pas davantage sur les nombreux miracles qu'il opéra. Je n'en ai rapporté qu'un très-petit nombre; encore en ai-je cité beaucoup eu égard au temps présent; on ne peut point dire en effet, de nos jours, comme le Psalmiste : « Nous ne voyons plus de miracles, et il n'y a plus de prophète (Ps: LXXIII, 9). » Mais le peu que j'ai rapporté montre quelle fut la sainteté de mon cher Malachie, qui fit tant de miracles quand il s'en faisait si peu ailleurs. En est-il un seul qui se soit fait autrefois, que Malachie n'ait point renouvelé? Si nous voulons bien passer en revue le peu que je viens de raconter, nous verrons qu'il fut doué du don de prophétie; qu'il lisait dans les âmes, punissait les méchants, guérissait les malades, changeait les cœurs et ressuscitait les morts. Dieu l'aimait, aussi l'enrichit-il de ses dons et bénit-il toutes ses entreprises; il le fit grand aux yeux des princes et il le couronna de gloire. Le Seigneur lui a prouvé son amour en le comblant de grâces; il l'a glorifié par le don des miracles, exalté en abaissant ses ennemis, et lui adonné la couronne de gloire eh récompensant ses vertus. Je vous ai montré, Lecteur diligent, dans la vie de Malachie, des œuvrés à admirer et des exemples à suivre; il ne me reste plus maintenant qu'à vous placer sous les yeux ce qui doit dans tout cela faire l'objet de vos espérances; afin que vous le considériez attentivement, car la fin de tout cela c'est une bonne mort.

   

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