Nous venons de voir
qu'immédiatement après la mort de Marie-Catherine de
Saint-Augustin, son culte se répandit très vite dans la province
du Québec. Mgr de Laval lui-même avait demandé au Père Ragueneau
d'écrire la vie de celle qu'il considérait comme une grande
sainte. Le Père Ragueneau s'empressa de rassembler tous les
documents nécessaires, et il écrivit, dans tous ses détails, la
vie de son ancienne dirigée. Puis, ce fut le silence... On ne
recommença à parler de la Mère de Saint-Augustin que lors de la
publication, au Canada, en 1878, de "L’Histoire de
l’Hôtel-Dieu de Québec" de l’abbé Henri-Raymond Casgrain.
Dès lors, certaines personnes se demandèrent si Catherine de
Saint-Augustin, la sainte hospitalière de Québec, "victime"
immolée pour sauver la Nouvelle-France des désordres des années
1660, ne pourrait pas assurer aussi le salut de l’Ancienne
France déchristianisée des années 1870.
On demanda au
chanoine normand, le Père Le Cacheux de reprendre l’ouvrage du
père Ragueneau qui avait été méprisé, pour présenter l'histoire
d'une famille chrétienne du 17ème siècle de
Saint-Sauveur-le-Vicomte, la famille de Catherine de Longpré. Le
Chanoine Le Cacheux publia son article, de janvier à mars 1878,
dans la Semaine religieuse du diocèse de Coutances et Avranches.
Bientôt on fit de Catherine une héroïne normande, et l'on se mit
à espérer la glorification par le Saint-Siège de cette fidèle
Amante de Jésus-Christ.
Dès lors, comme en
écho, la renommée de Mère Marie-Catherine de Saint-Augustin ne
cessa de grandir au Québec. Comme on avait appris qu’elle avait
eu pour directeur secret le père Jean de Brébeuf massacré et
torturé en 1649, sa cause profita de celle des saints Martyrs
canadiens. En effet, le mensuel canadien "le Messager canadien
du Sacré-Cœur de Jésus", fondé en 1892, cherchait à faire
canoniser les missionnaires jésuites victimes de la fureur
iroquoise. En 1907, le directeur de cette revue, le père
Léonidas Hudon, publia une Vie de la Mère Marie-Catherine de
Saint-Augustin, qui devait beaucoup à l’ouvrage du père
Ragueneau.
Le dossier du
procès apostolique des saints Martyrs canadiens fut remis à la
sacrée congrégation des rites en 1923; le procès informatif de
Catherine de Saint-Augustin commença la même année à Québec,
puis à Bayeux. Mais la cause de Catherine de Saint-Augustin
avançait peu, alors que les saints Martyrs canadiens furent
canonisés dès 1930. Un regain d’intérêt fut suscité au Québec en
1941, pendant que l'on travaillait sur la béatification et la
canonisation de François de Laval, Marguerite Bourgeoys, Marie
de l’Incarnation. Incontestablement Marie-Catherine de
Saint-Augustin ne devait pas être oubliée.
En Normandie,
malgré l’occupation allemande, le clergé fut tenu informé, et,
en 1942, une étude intitulée "Une Normande héroïque"
était publiée. En raison de la guerre et du débarquement en
Normandie, il fallut encore attendre... Malgré la
mobilisation des fidèles, la cause ne poursuivit son chemin que
lentement puisque c’est seulement en 1980 qu’elle fut portée à
Rome. Encore fallut-il, à partir du dossier constitué, bien
mettre en évidence la sainteté de Catherine de Saint-Augustin. À
la demande des Augustines de Québec, ce travail fut confié au
moine bénédictin Guy-Marie Oury. Le 9 juin 1984, l’Église
proclamait enfin l’héroïcité des vertus de Catherine de
Saint-Augustin et, le 23 avril 1989, le pape Jean-Paul II
béatifia cette amoureuse de Dieu qui s’était sacrifiée par
charité. |