Malgré toutes
les tribulations qu'il eut à vivre, saint Paul était certain
qu'il allait être vainqueur. Il est bien difficile de
comprendre pourquoi celui qui travaille pour Dieu et donc,
pour tous les hommes, ses frères, n'est pas à l'abri des
tribulations. Il est normal que nous ne comprenions pas les
façons de faire de Dieu qui, le plus souvent, nous
déconcertent et nous dépassent. Mais que dire des
persécutions subies par les chrétiens alors qu'ils ne
cherchent que le bonheur et le salut des hommes. Non
vraiment nous ne pouvons pas comprendre. Et y a pire: nous
constatons que plus nous avançons dans la vie avec Dieu et
pour Dieu, et moins nous comprenons. Et il nous faut
admettre que le Grand Reste, qui semble grandir de plus en
plus, fait partie de ces mystères.
Essayons de
survoler le passé. Voici Jésus qui envoie ses apôtres
"enseigner toutes les nations." Et les apôtres sont
partis, et ils ont évangélisé, au péril de leur vie, une
grande partie du monde connu à cette époque. Leurs
successeurs ont agi de même, et parmi eux les martyrs furent
innombrables. Puis profitant de périodes plus calmes et de
découvertes récentes, les européens chrétiens ont traversé
des océans ou des déserts, et sont arrivés en Amérique.
Immédiatement les missionnaires suivirent. Ils ouvrirent des
écoles, des hôpitaux, des dispensaires et les peuples
découvraient Jésus. Certes, il y eut des ratés,
voire des excès, car il y avait toujours des brebis galeuses
qui accompagnaient les généreux missionnaires, mais dans
l'ensemble il se fit beaucoup de bien...
On créa des
colonies afin d'apporter les premiers éléments de la
civilisation chrétienne à des peuples souvent gangrenés par
l'anthropophagie ou des religions appelant de nombreux
sacrifices humains. Les colonies étaient universellement
appréciées, et ce mot ne prit un sens péjoratif que lorsque
des forces non avouables cherchèrent à détruire l'Église et
ses œuvres. Progressivement le monde s'évangélisait, sauf en
Asie, où, malgré les nombreux martyrs, les peuples ne purent
se convertir.
À la fin de la
deuxième guerre mondiale, les peuples jouissant d'un
développement proche de celui de l'Europe étaient des
peuples globalement chrétiens.
On appela les autres, des pays sous-développés ou en cours
de développement. Entre temps, les totalitarismes: nazisme,
communisme et autres, avaient fait, ou continuaient de faire
de nombreuses victimes parmi les chrétiens, (plusieurs
dizaines de millions). Peu à peu une pauvreté redoutable
s'installa dans ce que l'on avait coutume d'appeler les Pays
de l'Est (URSS, Bulgarie, Roumanie, Pologne,
Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Lituanie, etc). Aujourd'hui,
de très nombreux peuples, y compris les peuples européens,
ont perdu la foi en Dieu et constituent un Grand Reste
étonnamment malheureux, même si, matériellement ils ne
manquent de rien; mais pour combien de temps ?...
Le Grand Reste,
ce sont tous ces peuples qui sont privés de Dieu, ces
peuples que l'on n'évangélise plus. Oh! Certes, Dieu est
toute miséricorde et tous les hommes seront sauvés (cela on
nous l'a dit des milliers de fois). Alors, pourquoi Jésus
est-il venu chez nous? Pourquoi est-Il mort sur la Croix? Et
pourquoi nous a-t-Il dit: "Allez, évangélisez"? Ce Grand
Reste devrait être notre croix... En effet, le Seigneur ne
s'amuse pas à créer tous les jours de nouveaux hommes pour,
ensuite, les placer en enfer, ou dans un autre endroit loin
de Lui. Ou bien, si tous les hommes doivent constituer le
Corps mystique de Christ, à quoi bon se donner du mal en
restant catholique puisque toutes les religions se valent.
Et dans ce cas, même le Petit Reste ne vaut pas grand'chose...
Jésus, nous nous perdons complètement... Nous ne comprenons
plus rien... Pourquoi tant d'apôtres ont-ils donné leur vie
pour le Christ pour que nous, d'un revers de main, nous
effacions tout? Et pourquoi des milliards d'hommes,
notamment les chinois, bien que des missionnaires soient
venus chez eux, ne se sont jamais sentis proches de Jésus?
Nous sommes incapables de répondre; nous pleurons, c'est
tout.
Quelle est
l'origine du Grand Reste, l'Asie mise à part. Le Grand Reste
ne serait-il pas la conséquence de l'attitude, voire des
péchés de certains grands responsables de l'Église
elle-même. Pensons à Arius (3ème siècle) puis à
Nestorius (4ème siècle), qui, après avoir mis en
cause la divinité de Jésus, se sont séparés de l'Église
véritable. Leurs fausses doctrines ont ensuite été répandues
dans une grande partie du Moyen-Orient, et certains
spécialistes pensent que ces erreurs concernant la non
divinité de Jésus, serait à l'origine de l'attitude de
Mahomet rejetant la divinité de Jésus et le renvoyant au
niveau des prophètes. L'islam serait en partie né de là. Et
quel Grand Reste constituent les pays musulmans !
Dans la 2ème
moitié du 20ème siècle, les "fumées de Satan"
pénétrèrent au cœur même de l'Église catholique. (Paul VI)
Dans de nombreux pays, et surtout en France, le Concile
Vatican 2 a été mal interprété. Volontairement?
Probablement, car les prises de positions de certains
évêques et de cardinaux eurent de quoi surprendre; et les
fidèles peu à peu s'éloignèrent de l'Église... On ferma les
patronages et de nombreuses écoles chrétiennes. On modifia
la liturgie. L'Église catholique se protestantisait. Et
maintenant nous apprenons que, peu à peu, au sein même du
clergé, les mœurs se dégradaient. Comment alors, un évêque
pécheur aurait-il pu inciter ses prêtres à vivre une vie de
pureté et de sacrifice? Le Grand Reste pouvait grandir...
Saint Paul
écrivait, dans sa 2ème lettre aux Corinthiens:
"Or donc, étant ses coopérateurs (du Christ), nous vous
exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il
dit: 'Au temps favorable, je t'ai exaucé, au jour du salut
je t'ai porté secours.' Voici, poursuit saint Paul,
voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut.
Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce
soit, afin que notre ministère ne soit pas un objet de
blâme. Mais nous nous rendons recommandables de toutes
choses, comme des ministres de Dieu, par une grande
constance, dans les tribulations, dans les nécessités, dans
les détresses..." Et saint Paul d'énumérer toutes les
tribulations qu'il avait déjà subies et dont il avait
triomphé par la grâce du Christ, "sous les coups, dans
les prisons, au travers des émeutes, dans les travaux, les
veilles, les jeûnes." Paul se rend aussi recommandable
"par la pureté, par la science, par la longanimité, par
la bonté, par l'Esprit-Saint, par une charité sincère, par
la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes
offensives et défensives de la justice."
Paul va encore
plus loin, et il insiste pour que ceux qui prêchent Jésus
sachent aussi garder leur honneur quand on attaque leur
réputation. Et d'énumérer leurs déboires, à lui et aux
siens: ils sont "traités d'imposteurs, et pourtant
véridiques; d'inconnus, et pourtant bien connus; regardés
comme mourants, et voici que nous vivons; comme châtiés, et
nous ne sommes pas mis à mort; comme attristés, nous qui
sommes toujours joyeux; comme pauvres, nous qui en
enrichissons un grand nombre; comme n'ayant rien, nous qui
possédons tout." (2 Corint 6, 1 à 10)
Paul et les
siens obéissent à Jésus: ils vont partout enseigner toutes
les nations, au péril de leur vie. Les chrétiens sont alors
très peu nombreux, mais Jésus attend tous les hommes qu'Il
est venu sauver. Le Grand Reste des apôtres et de Paul n'est
pas un reste, mais le monde immense à conquérir pour le
Christ, presque toute la population du monde de son temps.
Paul marche; il s'en va "enseigner toutes les nations, et
les baptiser au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit".
Voici que Paul
nous donne du courage; car, du courage, il en faut pour
rester toujours fidèle au milieu du Grand Reste qui n'a pas
encore été évangélisé ou, s'il l'avait été, a été détourné
de Dieu par l'ennemi héréditaire. Il faut aussi du courage
pour accepter les lâchetés du Petit Reste et son apparente
indifférence, ou son inertie réelle face à ceux qui auraient
dû envoyer tous les Chrétiens vers le Grand Reste. C'était
d'ailleurs ce que souhaitaient les fondateurs de l'Action
Catholique, qui œuvra beaucoup dans ce sens pendant toute la
première moitié du 20ème siècle.
Au temps des
apôtres, le Grand Reste n'existait pas car le monde entier
était à évangéliser. Pierre évangélisa la Palestine, puis
Rome. Jacques le Majeur, premier évêque de Jérusalem et
évangélisateur de l'Espagne, fut aussi le premier évêque
martyr. On vit Jean non seulement à Éphèse, mais également
courir à travers les pays méditerranéens jusqu'à l'île de
Patmos. Des découvertes récentes nous montrent les actions
de Thomas, d'André et de Barthélémy dans tout le Moyen
Orient et l'Inde. Matthieu et Matthias seraient peut-être
allés en Éthiopie et en Égypte où Marc, l'évangéliste,
aurait fondé l'Église copte. Simon le zélote et Jude
seraient allés porter la bonne parole dans l'empire perse,
et y auraient fondé des Églises avant d'être martyrisés. Et
Philippe? Il serait allé évangéliser la Phrygie et
l'Anatolie occidentale, c'est-à-dire la Turquie actuelle.
Parallèlement Paul évangélisait les païens grecs et
romains...
Tous les
apôtres sont morts martyrisés. Leur seul but: évangéliser,
faire connaître Jésus et le mystère de son salut au monde
entier; ils répondaient ainsi à l'ordre de Jésus: "Allez
dans le monde entier; enseignez toutes les nations, et
baptisez-les..."
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