Paulette Leblanc



DES CRIS VERS DIEU
UN CRI DU CŒUR

Réflexions d'un chrétien de la base

19
Les tribulations

Malgré toutes les tribulations qu'il eut à vivre, saint Paul était certain qu'il allait être vainqueur. Il est bien difficile de comprendre pourquoi celui qui travaille pour Dieu et donc, pour tous les hommes, ses frères, n'est pas à l'abri des tribulations. Il est normal que nous ne comprenions pas les façons de faire de Dieu qui, le plus souvent, nous déconcertent et nous dépassent. Mais que dire des persécutions subies par les chrétiens alors qu'ils ne cherchent que le bonheur et le salut des hommes. Non vraiment nous ne pouvons pas comprendre. Et y a pire: nous constatons que plus nous avançons dans la vie avec Dieu et pour Dieu, et moins nous comprenons. Et il nous faut admettre que le Grand Reste, qui semble grandir de plus en plus, fait partie de ces mystères.

Essayons de survoler le passé. Voici Jésus qui envoie ses apôtres "enseigner toutes les nations." Et les apôtres sont partis, et ils ont évangélisé, au péril de leur vie, une grande partie du monde connu à cette époque. Leurs successeurs ont agi de même, et parmi eux les martyrs furent innombrables. Puis profitant de périodes plus calmes et de découvertes récentes, les européens chrétiens ont traversé des océans ou des déserts, et sont arrivés en Amérique. Immédiatement les missionnaires suivirent. Ils ouvrirent des écoles, des hôpitaux, des dispensaires et les peuples découvraient Jésus. Certes, il y eut des ratés[1], voire des excès, car il y avait toujours des brebis galeuses qui accompagnaient les généreux missionnaires, mais dans l'ensemble il se fit beaucoup de bien...

On créa des colonies afin d'apporter les premiers éléments de la civilisation chrétienne à des peuples souvent gangrenés par l'anthropophagie ou des religions appelant de nombreux sacrifices humains. Les colonies étaient universellement appréciées, et ce mot ne prit un sens péjoratif que lorsque des forces non avouables cherchèrent à détruire l'Église et ses œuvres. Progressivement le monde s'évangélisait, sauf en Asie, où, malgré les nombreux martyrs, les peuples ne purent se convertir.

À la fin de la deuxième guerre mondiale, les peuples jouissant d'un développement proche de celui de l'Europe étaient des peuples globalement chrétiens[2]. On appela les autres, des pays sous-développés ou en cours de développement. Entre temps, les totalitarismes: nazisme, communisme et autres, avaient fait, ou continuaient de faire de nombreuses victimes parmi les chrétiens, (plusieurs dizaines de millions). Peu à peu une pauvreté redoutable s'installa dans ce que l'on avait coutume d'appeler les Pays de l'Est (URSS, Bulgarie, Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Lituanie, etc). Aujourd'hui, de très nombreux peuples, y compris les peuples européens, ont perdu la foi en Dieu et constituent un Grand Reste étonnamment malheureux, même si, matériellement ils ne manquent de rien; mais pour combien de temps ?...

Le Grand Reste, ce sont tous ces peuples qui sont privés de Dieu, ces peuples que l'on n'évangélise plus. Oh! Certes, Dieu est toute miséricorde et tous les hommes seront sauvés (cela on nous l'a dit des milliers de fois). Alors, pourquoi Jésus est-il venu chez nous? Pourquoi est-Il mort sur la Croix? Et pourquoi nous a-t-Il dit: "Allez, évangélisez"? Ce Grand Reste devrait être notre croix... En effet, le Seigneur ne s'amuse pas à créer tous les jours de nouveaux hommes pour, ensuite, les placer en enfer, ou dans un autre endroit loin de Lui. Ou bien, si tous les hommes doivent constituer le Corps mystique de Christ, à quoi bon se donner du mal en restant catholique puisque toutes les religions se valent. Et dans ce cas, même le Petit Reste ne vaut pas grand'chose... Jésus, nous nous perdons complètement... Nous ne comprenons plus rien... Pourquoi tant d'apôtres ont-ils donné leur vie pour le Christ pour que nous, d'un revers de main, nous effacions tout? Et pourquoi des milliards d'hommes, notamment les chinois, bien que des missionnaires soient venus chez eux, ne se sont jamais sentis proches de Jésus? Nous sommes incapables de répondre; nous pleurons, c'est tout.

Quelle est l'origine du Grand Reste, l'Asie mise à part. Le Grand Reste ne serait-il pas la conséquence de l'attitude, voire des péchés de certains grands responsables de l'Église elle-même. Pensons à Arius (3ème siècle) puis à Nestorius (4ème siècle), qui, après avoir mis en cause la divinité de Jésus, se sont séparés de l'Église véritable. Leurs fausses doctrines ont ensuite été répandues dans une grande partie du Moyen-Orient, et certains spécialistes pensent que ces erreurs concernant la non divinité de Jésus, serait à l'origine de l'attitude de Mahomet rejetant la divinité de Jésus et le renvoyant au niveau des prophètes. L'islam serait en partie né de là. Et quel Grand Reste constituent les pays musulmans !

Dans la 2ème moitié du 20ème siècle, les "fumées de Satan" pénétrèrent au cœur même de l'Église catholique. (Paul VI) Dans de nombreux pays, et surtout en France, le Concile Vatican 2 a été mal interprété. Volontairement? Probablement, car les prises de positions de certains évêques et de cardinaux eurent de quoi surprendre; et les fidèles peu à peu s'éloignèrent de l'Église... On ferma les patronages et de nombreuses écoles chrétiennes. On modifia la liturgie. L'Église catholique se protestantisait. Et maintenant nous apprenons que, peu à peu, au sein même du clergé, les mœurs se dégradaient. Comment alors, un évêque pécheur aurait-il pu inciter ses prêtres à vivre une vie de pureté et de sacrifice? Le Grand Reste pouvait grandir...

Saint Paul écrivait, dans sa 2ème lettre aux Corinthiens: "Or donc, étant ses coopérateurs (du Christ), nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il dit: 'Au temps favorable, je t'ai exaucé, au jour du salut je t'ai porté secours.' Voici, poursuit saint Paul, voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut. Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que notre ministère ne soit pas un objet de blâme. Mais nous nous rendons recommandables de toutes choses, comme des ministres de Dieu, par une grande constance, dans les tribulations, dans les nécessités, dans les détresses..." Et saint Paul d'énumérer toutes les tribulations qu'il avait déjà subies et dont il avait triomphé par la grâce du Christ, "sous les coups, dans les prisons, au travers des émeutes, dans les travaux, les veilles, les jeûnes." Paul se rend aussi recommandable "par la pureté, par la science, par la longanimité, par la bonté, par l'Esprit-Saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice."

Paul va encore plus loin, et il insiste pour que ceux qui prêchent Jésus sachent aussi garder leur honneur quand on attaque leur réputation. Et d'énumérer leurs déboires, à lui et aux siens: ils sont "traités d'imposteurs, et pourtant véridiques; d'inconnus, et pourtant bien connus; regardés comme mourants, et voici que nous vivons; comme châtiés, et nous ne sommes pas mis à mort; comme attristés, nous qui sommes toujours joyeux; comme pauvres, nous qui en enrichissons un grand nombre; comme n'ayant rien, nous qui possédons tout." (2 Corint 6, 1 à 10)

Paul et les siens obéissent à Jésus: ils vont partout enseigner toutes les nations, au péril de leur vie. Les chrétiens sont alors très peu nombreux, mais Jésus attend tous les hommes qu'Il est venu sauver. Le Grand Reste des apôtres et de Paul n'est pas un reste, mais le monde immense à conquérir pour le Christ, presque toute la population du monde de son temps. Paul marche; il s'en va "enseigner toutes les nations, et les baptiser au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit".

Voici que Paul nous donne du courage; car, du courage, il en faut pour rester toujours fidèle au milieu du Grand Reste qui n'a pas encore été évangélisé ou, s'il l'avait été, a été détourné de Dieu par l'ennemi héréditaire. Il faut aussi du courage pour accepter les lâchetés du Petit Reste et son apparente indifférence, ou son inertie réelle face à ceux qui auraient dû envoyer tous les Chrétiens vers le Grand Reste. C'était d'ailleurs ce que souhaitaient les fondateurs de l'Action Catholique, qui œuvra beaucoup dans ce sens pendant toute la première moitié du 20ème siècle.

Au temps des apôtres, le Grand Reste n'existait pas car le monde entier était à évangéliser. Pierre évangélisa la Palestine, puis Rome. Jacques le Majeur, premier évêque de Jérusalem et évangélisateur de l'Espagne, fut aussi le premier évêque martyr. On vit Jean non seulement à Éphèse, mais également courir à travers les pays méditerranéens jusqu'à l'île de Patmos. Des découvertes récentes nous montrent les actions de Thomas, d'André et de Barthélémy dans tout le Moyen Orient et l'Inde. Matthieu et Matthias seraient peut-être allés en Éthiopie et en Égypte où Marc, l'évangéliste, aurait fondé l'Église copte. Simon le zélote et Jude seraient allés porter la bonne parole dans l'empire perse, et y auraient fondé des Églises avant d'être martyrisés. Et Philippe? Il serait allé évangéliser la Phrygie et l'Anatolie occidentale, c'est-à-dire la Turquie actuelle. Parallèlement Paul évangélisait les païens grecs et romains...

Tous les apôtres sont morts martyrisés. Leur seul but: évangéliser, faire connaître Jésus et le mystère de son salut au monde entier; ils répondaient ainsi à l'ordre de Jésus: "Allez dans le monde entier; enseignez toutes les nations, et baptisez-les..."


[1] Notamment l'esclavage, qui continue toujours mais dont on ne parle plus...
[2] À l'exception du Japon.

   

 

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