FLEURS DE LA PASSION

PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIX

LA PASSION ET LE CRUCIFIX

Lorsque vous êtes seul dans votre chambre, prenez votre crucifix en main, baisez ses plaies avec un grand amour, dites-lui de vous faire un petit sermon, et écoutez les paroles de vie éternelle qu’il vous dit au cœur ; écoutez ce que disent les épines, les clous, le Sang divin. Oh ! quel sermon !

 

La fête de la Croix peut être célébrée à tout moment dans le sanctuaire intérieur des vrais amants du Crucifix ; et comment se célèbre-t-elle ? Je vais vous l’expliquer le mieux possible. On célèbre spirituellement cette fête en souffrant en silence, sans s’appuyer sur aucune créature ; et comme toute fête demande de l’allégresse, ainsi la fête de la Croix veut être célébrée par les amants du Crucifix avec le silence dans la douleur, avec un visage gai et serein, pour qu’elle soit plus cachée aux créatures et connue seulement de Dieu. Cette fête a toujours un banquet solennel ; on s’y nourrit de la volonté divine, à l’exemple de l’Amour crucifié. Oh ! quelle douce nourriture ! Elle se compose de diverses substances, tantôt ce sont des souffrances de corps ou d’esprit ; tantôt ce sont des contradictions, des calomnies, des mépris, etc. Oh ! quelle douce saveur il y a là pour le palais spirituel qui goûte tout cela dans la foi pure et dans le saint amour, en silence et avec confiance !

 

Un ange me présenta un jour une croix d’or, pour m’apprendre quel en est le prix.

 

CHANT D’AMOUR

Par la croix, le saint amour perfectionne l’âme aimante, qui lui offre un cœur fervent et généreux.

Oh ! que ne puis-je dire le trésor précieux et divin que notre grand Dieu a caché dans la souffrance !

Mais c’est un grand secret, connu seulement de celui qui aime ; et moi qui n’en ai point l’expérience, je me borne à l’admirer de loin.

Heureux le cœur qui se tient sur la croix entre les bras du Bien-Aimé, et qui n’y brûle que du saint amour !

Plus heureux celui qui souffre sans ombre de jouissance et qui est ainsi transformé en Jésus-Christ !

Heureux celui qui souffre sans attache à sa souffrance, désirant seulement de mourir à lui-même, pour aimer davantage celui qui le blesse !

Je te donne cette leçon du pied de la croix, mais c’est dans l’oraison que tu la comprendras.

 

Jésus-Christ a prié pendant trois heures sur la croix : ce fut une oraison vraiment crucifiée, sans consolation ni intérieure ni extérieure. O Dieu, quel grand enseignement ! Priez Jésus qu’il l’imprime dans votre cœur. Oh ! combien il y a à méditer là-dessus ! Pendant que Jésus-Christ agonisait sur la croix, il prononça ses trois premières paroles, qui étaient trois flèches d’amour, et ensuite il resta en silence jusqu’à la neuvième heure, priant pendant tout ce temps-là. Je vous laisse à penser combien cette prière fut désolée.

 

Reposez-vous sur la croix toute nue du doux Jésus, et ne faites pas d’autres plaintes que ce gémissement d’enfant ! Mon Père, mon Père, que votre volonté soit faite (Mt. XXVI.42.) ; et puis taisez-vous. Continuez à vous reposer sur la croix jusqu’à ce que vienne l’heureux moment de la véritable mort mystique. Cette mort précieuse est plus désirable que la vie. Alors, comme dit saint Paul, vous serez tout caché en Dieu avec Jésus-Christ (Col. III. 3.), et vous vous trouverez dans cette solitude profonde que vous aimez, et entièrement dépouillé de tout ce qui est créé.

C’est maintenant le moment de souffrir en silence et en paix ; résignez-vous à l’agonie dans laquelle vous êtes, et qui vous conduira à la mort mystique.

 

La vie des serviteurs de Dieu est de mourir tous les jours. Quotidie morimur. Mortui enim estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo [Nous mourons chaque jour. En effet vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu] (Col. III 3.). Or, c’est cette mort mystique que je vous souhaite. Nos venons de célébrer la Nativité du Sauveur, et j’ai la confiance que vous êtes né avec Jésus-Christ à une vie nouvelle et toute divine ; maintenant je désire que vous mouriez en lui d’une manière mystique et de jour en jour plus parfaite, et que vous laissiez évanouir dans l’abîme de la Divinité tous ces petits papillons qui voltigent dans votre tête : Et vita tua abscondita sit cum Christo in Deo [Et que votre vie soit cachée avec le Christ en Dieu].

Celui qui est mort mystiquement ne pense qu’à vivre de la vie divine, il ne cherche autre chose que Dieu qui est si bon et si grand, il retranche toutes les autres pensées, quoique bonnes, pour penser uniquement à Dieu ; il attend sans empressement ce que Dieu lui destine ; il retranche tout le reste, de peur que ce ne soit un obstacle au travail divin qui s’opère dans le secret de l’âme, là où ne peut approcher aucune créature, ni angélique, ni humaine ; car Dieu seul habite dans ce secret qui est l’essence, l’esprit, le sanctuaire de l’âme, où les puissances elles-mêmes sont attentives à ce divin labeur, à cette naissance divine qui a lieu à chaque moment pour celui qui a le bonheur d’être mort mystiquement sur la croix.

 

Voilà où j’étudie mon sermon : aux pieds du crucifix !

 

Que la très sainte croix de Jésus-Christ, notre Amour, reste toujours plantée dans notre cœur ! Que notre esprit soit enté sur cet arbre de vie, et qu’il produise ensuite de dignes fruits de pénitence par les mérites de la mort du véritable Auteur de la vie !...

 

Elle a grandi, votre croix !... Grâces donc à notre vrai Bien, qui vous tient sur la croix ! O Croix bien-aimée ! ô sainte Croix, arbre de vie où est suspendue l’éternelle vie, je te salue, je t’embrasse, je te presse contre mon cœur ! Ah ! voilà les sentiments qui doivent nous animer dans les circonstances douloureuses. Courage donc ! courage !... Sous un poids si lourd, la partie inférieure de l’âme fléchira, c’est vrai ; mais la partie la plus haute de l’esprit goûtera un doux repos dans le sein de Dieu. Ne regardez pas en face les travaux ou tout autre chagrin ; regardez plutôt en face le cher Amour crucifié, notre Jésus, ce Roi des douleurs et des angoisses : et alors tout vous paraîtra doux. Le cœur en haut ! le cœur en Dieu ! Pour le moment vous ne pourrez autant vous appliquer à l’oraison, ni remplir les autres exercices de piété, j’en conviens ; mais, avec ma confiance fondée sur Jésus-Christ, je vous donnerai une règle pour faire toujours oraison : Prie toujours, qui agit bien. Gardez-vous donc avec foi, je vous en supplie, gardez-vous en la présence de Dieu dans toutes vos actions. Ne laissez pas de tenir votre cœur en éveil par le souvenir de Dieu, votre Amour, votre Bien ; mais faites-le avec suavité, sans effort ; et quand Dieu inspire à votre cœur un sentiment d’amour, arrêtez-vous-y, et le savourez, comme l’abeille le miel… Ah ! quand je pense que mon âme est le temple de Dieu, que Dieu est en moi, oh ! que mon cœur se réjouit ! Toute affliction me paraît douce et légère… C’est là un moyen de faire toujours oraison ; c’est là une grande sagesse qui ne s’acquiert que par l’humilité du cœur. – Vivez dans la joie et la paix de la divine Majesté. – Vivez tout abîmé dans le saint amour ; vivez pour le saint amour et du très saint amour.

O Croix chérie ! ô la plus amère de mes amertumes, vous êtes toute pleine de grâces !

 

O âmes éprises du Saint amour, cherchez un asile, comme de pures colombes, à l’ombre du crucifix. Là, faites un deuil perpétuel en mémoire de la Passion du divin Époux ; et, tirant de vos cœurs embrasés d’amour, des ruisseaux de larmes, faites-en un baume pour oindre les plaies du Sauveur.

   

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