

FLEURS DE LA PASSION
PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIX
LA PASSION
ET LES SOUFFRANCES.
Le Seigneur me fit entendre un
jour, au pied du tabernacle, ces paroles :
« Mon fils, celui qui m’embrasse,
embrasse des épines. »
O quelle grâce ! O quel don ! Par
le travail divin que la Bonté infinie fait dans votre âme, vous appelez doux
maintenant ce qui véritablement est très doux ; viendra un temps où vous
prendrez votre nourriture sur la croix, sans pouvoir vous nourrir, sinon de ce
qui fut la nourriture du Sauveur… Nourrissez-vous en âme généreuse, et dormez
bien, parce que ce genre d’aliment demande un sommeil prolongé dans la solitude
intérieure.
La méditation de Jésus-Christ
crucifié est un baume précieux qui adoucit toutes les peines.
Quel honneur Dieu nous fait, quand
il nous appelle à passer par le même chemin que son divin Fils !
Faites grand cas des précieuses
peines, intérieures et extérieures : c’est ainsi que le jardin de Jésus se
couvre de fleurs, c’est-à-dire des actes de vertus.
Quand la croix pénètre davantage,
c’est tant mieux ; plus la souffrance est privée de consolation, plus elle est
pure ; plus les créatures nous sont contraires, plus nous sommes près de nous
unir au Créateur.
Dans les grandes douceurs et les
ravissements d’esprit, il y a toujours danger que le diable ne joue un mauvais
tour.
Celui-là n’est pas digne de la
contemplation divine, qui n’a pas souffert et vaincu quelque grande tentation.
Les adversités nous apprennent et
nous aident beaucoup à tenir la balance juste.
Dans les consolations, l’enfant
fait le brave ; mais c’est dans les grandes tribulations que l’on distingue les
âmes viriles d’avec celles qui sont efféminées.
Croyez-m’en, les afflictions, les
craintes, les désolations, les aridités, les délaissements, les tentations et
les autres persécutions, sont un magnifique balai qui emporte de votre âme toute
la poussière et la boue des imperfections cachées. Travailler, souffrir, se
taire, ne pas se justifier, voilà les maximes des saints, maximes d’une haute
perfection.
Avez-vous remarqué comment les
rochers de la mer sont battus par la tempête ? Une vague furieuse arrive et se
brise contre le rocher ; il demeure rocher. Arrive une autre vague, plus
furieuse encore, qui le couvre de toutes parts ; il n’en demeure pas moins
rocher. Mais regardez-le après la tempête, et vous verrez que les flots n’ont
fait que le polir et lui enlever la rouille qu’il avait contractée pendant le
calme. Désormais, je veux que vous soyez rocher. Une vague vient-elle à vous
frapper ?... Silence ! Il en vient dix, cent, mille ?... Silence ! Je vous
permets tout au plus de dire au milieu de la tempête : Mon Père, mon Père, je
suis tout à vous ! O chère, ô douce volonté de Dieu, je vous adore !
La statue doit être martelée et
taillée avec des ciseaux aigus, avant d’être placée dans la grande galerie.
Le saint Évangile dit que si le
grain qu’on sème, ne meurt pas, il reste seul et ne fructifie pas. Mais le
pauvre grain qu’on sème, combien n’a-t-il pas à souffrir pour mourir et
fructifier ! Il faut qu’il endure pluie, neige, vent, soleil. L’âme est un grain
que Dieu sème dans le champ de la sainte Église ; pour qu’elle fructifie, il
faut qu’elle meure à force de peines, de contradictions et de persécutions.
Toutes les petites peines de corps
et d’esprit sont les premiers degrés de cette échelle sublime et sainte sur
laquelle montent les âmes grandes et généreuses ; de degré en degré elles
parviennent à la cime, là où se trouve la souffrance toute pure, sans
consolation aucune ni du ciel ni de la terre. Si elles sont fidèles à ne point
chercher de satisfaction dans les créatures, elles passent de la souffrance
pure, au pur amour de Dieu sans aucun mélange… Mais elles sont bien rares, les
âmes fortunées qui parviennent jusque-là ! Ah ! une âme qui a été favorisée des
caresses du ciel, se voit ensuite longtemps dépouillée de tout ! bien plus, en
venir au point de se croire abandonnée de Dieu, de croire que Dieu ne veut plus
d’elle, qu’il est courroucé contre elle, tellement qu’elle voit du mal dans tout
ce qu’elle fait… Ah ! je ne puis m’expliquer comme je voudrais ! Qu’il vous
suffise de savoir que c’est là une sorte d’enfer, une peine qui surpasse toute
peine. Mais si l’âme est fidèle, oh ! que de trésors elle acquiert ! La tempête
finit par s’évanouir, et l’âme arrive aux embrassements pleins de douceurs de
Jésus, son véritable ami ; alors Dieu la traite en épouse ; alors il se fait
entre Dieu et elle une sainte alliance d’amour. Oh ! quel trésor ! Pour vous,
vous n’êtes pas encore au premier degré de cette échelle ; j’ai voulu pourtant
vous écrire ceci, pour que vous ne soyez pas épouvanté, quand Dieu vous placera
sur un degré quelconque de la souffrance pure sans consolation ; alors, plus que
jamais, soyez fidèle à Dieu et n’abandonnez pas vos exercices ordinaires.
Les souffrances sont de riches
présents que la divine Majesté vous fait. Elle veut que, semblables à des
pierres précieuses, vous soyez plus profondément et plus fortement enchâssés
dans l’anneau d’or de la charité. Elle veut que vous soyez des victimes, des
holocaustes sacrifiés à la gloire du Très-Haut dans le feu sacré de la
souffrance. Elle veut que, par ce sacrifice, vous répandiez toujours la suave
odeur des vertus.
L’âme que Dieu veut attirer à une
très haute union avec lui par le moyen de l’oraison, doit passer, dans l’oraison
même, par le chemin de la souffrance, de la souffrance sans consolation : l’âme,
en quelque sorte, ne sait plus où elle est ; néanmoins par une très haute
intelligence infuse, elle comprend qu’elle est toujours dans les bras du céleste
Époux, nourrie du lait de son amour infini.
Je voudrais que le monde entier pût
comprendre la grande grâce que Dieu fait dans sa bonté, quand il envoie la
souffrance, et surtout la souffrance sans consolation : car, alors, l’âme se
purifie comme l’or dans le creuset brûlant, et devient belle, légère, s’envole à
son souverain Bien, sans même s’en apercevoir.
Que vous serez heureux si vous êtes
fidèle à combattre et à vaincre, à ne pas vous laisser attendrir par les
sentiments de la nature, mais à regarder en face Jésus crucifié, qui vous invite
à le suivre par une faveur si spéciale.



|