Gertrude d’Helfta
(1256-1302)

dEUXièMe partie

 

4-La vie de prière de Gertrude d’Helfta

Moniale astreinte à chanter tous les jours, avec ses sœurs, les sept heures canoniales, Gertrude d’Helfta priait beaucoup. Cependant comme tous ceux qui aiment Dieu, elle savait prier vocalement, et surtout, très unie à Dieu, elle vivait une oraison presque continuelle. Cependant, il était inévitable que Gertrude, comme ses compagnes ait eu des distractions, et nous savons qu’elle s’en accusait souvent.

4-1-Les prières vocales et les  oraisons jaculatoires

La lecture du HÉRAUT nous apprend que Gertrude priait souvent vocalement, et le nombre de ses prières vocales peut nous paraître effrayant. En effet, c’est souvent que Gertrude fait mention de prières, par exemple de Je vous salue Marie qu’elle s’astreint à réciter jusqu’à deux cents, trois cents fois, voire davantage, comme pénitence, pour suppléer à ses distractions, ou à l’intention des personnes qui lui ont demandé de prier pour elles. Il est également rapporté dans le chapitre 1 du Livre 4: À ce moment, elle récita pour tous les membres du Corps du Christ, deux cent vingt-cinq fois : Laudo, adoro etc.,

Les confidences de Gertrude nous apprennent aussi l’importance des oraisons jaculatoires: nous donnerons plusieurs exemples.

L’auteur du Livre 3 raconte: Comme elle s'écriait, selon son habitude, et dans toute l'ardeur de son âme: “moi, petite et vile créature, je vous salue, ô très aimé Seigneur”, elle reçut cette ineffable réponse:

 — À mon tour je te salue, ô ma très aimée! 

Et Gertrude comprit que si une âme dit à Dieu: “Mon Bien-Aimé, mon très doux, mon très aimé Seigneur”, ou d’autres paroles de ce genre, à chaque fois elle recevra ici-bas la même réponse, et elle jouira au ciel d'un privilège spécial, analogue à celui de Jean l'Évangéliste, qui obtint sur la terre une gloire particulière parce qu'il était appelé le disciple que Jésus aimait. (Livre 3 ch. 29)

4-2-Prières d’offrandes

4-2-1-Nos œuvres offertes à Dieu le Père par son Fils lui sont très agréables.

Comme celle-ci éprouvait un jour de la difficulté pour un travail, elle dit au Père éternel:

— Seigneur, je vous offre cette action par votre Fils unique, dans la vertu de votre Esprit-Saint, et pour votre éternelle gloire.

Elle comprit aussitôt que cette offrande donnait à son œuvre une valeur extraordinaire et l'élevait au-dessus d'un acte simplement humain. (Livre 3 Ch. 30)

4-2-2-On peut tout offrir au Seigneur, même ses insomnies

Gertrude venait de passer une nuit presque entière sans dormir, ce qui lui enleva toute vigueur. Selon sa coutume, elle offrit sa souffrance à Dieu comme une éternelle louange, pour le salut du monde.

Le Seigneur, compatissant avec bonté à sa peine, lui apprit à l'invoquer en ces termes:

— Par la très tranquille douceur avec laquelle vous reposez de toute éternité dans le sein du Père, par le très agréable séjour que vous avez daigné faire pendant neuf mois dans le sein de la Vierge, par les joies que vous goûtez en prenant vos délices dans une âme aimante, je vous prie, ô Dieu plein de miséricorde, de daigner, non pour ma satisfaction, mais pour votre éternelle louange, m'accorder un peu de repos afin que mes membres fatigués retrouvent l'usage de leur force.

Pendant cette prière, celle-ci voyait les mots prononcés lui servir comme de degrés pour s'élever jusqu’à Dieu. Le Seigneur lui montra alors, préparé à sa droite, un siège magnifique et lui dit:

— Viens, ô toi que j’ai élue, repose sur mon Cœur, et vois si mon amour, toujours en éveil, te permettra de goûter le repos. 

4-2-3-Que veulent dire les battements du Cœur de Jésus?

Lorsqu'elle se fut ainsi reposée sur le Cœur du Seigneur, et qu'elle en eut senti avec plus de force les doux battements, elle dit:

— Ô très doux Amant, que veulent me dire ces battements?

— Ils disent, reprit le Seigneur, que si l'on se trouve épuisé par les veilles et privé de forces, ou peut m'adresser la prière que je viens de t'inspirer, afin de retrouver la vigueur nécessaire pour chanter mes louanges. Si je n'exauce pas cette personne et qu'elle supporte sa faiblesse avec patience et humilité, ma Bonté divine l’accueillera avec d'autant plus de joie. Un ami n'est-il pas rempli de reconnaissance s’il voit son ami le plus intime, encore tout accablé de sommeil, se lever promptement à son appel et s'imposer une gêne, uniquement pour lui procurer le plaisir de s'entretenir avec lui? (Livre 3 Ch. 52)

4-3-Les effets de la prière

Un jour, sainte Gertrude invoquait le Seigneur pour une personne qui, par elle-même ou par des intermédiaires, avait demandé ses prières avec une dévote humilité. À ce moment elle vit le Seigneur se pencher avec bonté vers cette âme, l'envelopper d'une splendeur céleste et, dans cette lumière, lui communiquer sa grâce avec tout ce qu'elle espérait obtenir. (Livre 3 Ch. 73)

Une autre fois, elle priait pour plusieurs personnes qui lui avaient été recommandées; elle se souvint de l'une d'elles avec une spéciale affection:

— Ô Seigneur plein de bonté, dit-elle, que votre paternel amour veuille bien m'exaucer quand je l'invoque pour cette personne.

Le Seigneur répondit:

— Je t’exauce fréquemment lorsque tu pries pour elle.

Elle objecta:

— Pourquoi donc alors parle-t-elle toujours de son indignité, et réclame-t-elle si souvent mon secours, comme si vous ne lui donniez jamais aucune consolation?

Le Seigneur dit:

— La manière délicate pour cette épouse d'exciter mon amour envers elle, et l'ornement qui lui convient le mieux, c'est surtout qu'elle se déplaise dans son propre état; cette grâce s'accroît quand tu pries davantage pour elle. (Livre 3 Ch. 72)

Mais il est consolant de savoir que plus on prie pour une âme, plus on lui procure de bonheur. La prière persévérante ne demeure pas sans fruit, quoique les hommes ne puissent toujours apercevoir ici-bas la manière dont ils sont exaucés.

4-4-Prières sans effet apparent

4-4-1-Le manque de foi retarde l'effet de la prière.

Un jour, elle se prosterna dévotement aux pieds du Seigneur, afin de prier pour plusieurs personnes et pour diverses intentions qui lui avaient été recommandées. Après avoir imprimé sur les plaies sacrées du Sauveur les baisers les plus fervents, elle lui exposa ses demandes. Au même moment elle vit une source jaillir du Cœur même du Fils de Dieu et répandre ses eaux tout alentour, comme pour lui montrer que ses prières étaient exaucées. Elle dit alors:

— À quoi servira-t-il que j'aie prié pour ces personnes, puisqu'elles n'en ressentent aucun effet, et n'ont par conséquent aucune confiance ni aucune consolation? 

Le Seigneur répondit par cette comparaison:

— Lorsqu un roi conclut la paix, après une longue guerre, ceux qui sont au loin ignorent cette heureuse nouvelle jusqu'au moment où il est possible de la leur annoncer; de même ceux qui restent loin de moi, par défiance ou d'autres défauts, ne peuvent sentir qu'on prie pour eux. (Livre 3 Ch. 73)

Parfois Gertrude s’étonne et s’inquiète auprès du Seigneur: pourquoi ses prières restent-elles souvent sans effet? Le Seigneur répondit par cette comparaison:

— Si la reine occupée à filer dit à son serviteur: donnez-moi le fil qui est suspendu en arrière sur mon épaule gauche, croyant qu'il en est ainsi parce qu'elle ne peut voir derrière elle. Mais si le serviteur voit ce fil suspendu à droite et non à gauche, il le prend où il se trouve et le présente â sa reine, sans avoir idée, par exemple, de tirer un fil au côté gauche de la tunique afin d'obéir à la lettre. De même, moi qui suis la Sagesse insondable, si je n'exauce pas ta prière dans le sens désiré, c’est que j'en dispose d'une manière plus utile, eu égard à la fragilité humaine qui t'empêche souvent de discerner ce qui est le meilleur. (Livre 3 Ch. 33)

4-4-2-Il se peut aussi que la prière soit exaucée plus tard

Une personne se plaignait souvent de ne retirer aucun profit des prières faites pour elle. Celle-ci porta cette plainte au Seigneur et lui demanda pourquoi il en était ainsi...

— Qu'elle soit persuadée que je garde pour un temps propice et fixé d'avance, les fruits de toutes les prières que l'on m'a adressées pour elle; je les lui remettrai intégralement lorsque rien ne pourra plus les corrompre ou les amoindrir. Cette disposition lui sera beaucoup plus salutaire, car, si elle éprouvait de la consolation aussitôt après une prière faite en sa faveur, cette joie serait peut-être bientôt troublée par la vaine gloire et desséchée par l'orgueil. Ou bien, si je lui donnais la prospérité temporelle, son âme y pourrait trouver une occasion de chute. (Livre 3 Ch. 80)

4-4-3-Ou bien l’âme n’est pas en mesure de recevoir les grâces

Celle-ci priait pour une âme qui désirait obtenir le secours des consolations divines, et elle reçut du Seigneur cette réponse: 

— Cette âme met elle-même obstacle à l'effusion de la grâce. Lorsque j'attire mes élus par le goût très suave de mon amour, celui qui tient obstinément à son propre sens, agit comme un homme qui se couvrirait le nez avec son vêtement pour ne pas respirer le doux parfum des aromates. Mais celui qui, pour mon amour, renonce à ses propres lumières, afin de suivre celles d'autrui, acquiert d'autant plus de mérites qu'il s'est fait plus de violence. Il a en effet pratiqué l'humilité et remporté une complète victoire. C'est pourquoi l'Apôtre a dit, dans 2 Timoth, 2, 5: “nul ne sera couronné s'il n'a légitimement combattu”.   (Livre 3 Ch. 88)

4-5-La prière pour les malades

Ce qu'il faut demander pour les malades.

C'est un devoir d'humanité de prier souvent pour les malades. Celle-ci, voulant un jour s'en acquitter, supplia le Seigneur de lui indiquer ce qu'elle devait demander pour un infirme.

Le Seigneur répondit:

— Prononce seulement pour lui avec dévotion deux paroles:

            1-demande que je lui conserve la patience,

            2-demande que tous les instants de sa maladie servent à procurer ma gloire et le bien de son âme, comme l'a ordonné de toute éternité mon amour paternel. (Livre 3 Ch. 73)

4-6-La prière pour les ennemis et les persécuteurs

Gertrude priait un jour pour certaines gens[1]  qui, après avoir causé beaucoup de tort au monastère par leurs pillages, continuaient à le ruiner. Le Seigneur bon et miséricordieux lui apparut alors: il semblait souffrir d'un bras, et ce bras était plié en arrière, à tel point que les nerfs paraissaient presque détendus. Il lui dit:

— Regarde quelle cruelle douleur me causerait celui qui me frapperait du poing sur ce bras ; et je suis traité de la sorte par tous ceux qui n'ont pas pitié du péril de damnation où se trouvent vos persécuteurs, et publient les torts et les injures dont vous êtes victimes, en oubliant que les méchants sont aussi mes membres. Tous ceux au contraire qui, touchés de compassion, implorent ma clémence pour que, miséricordieusement, elle retire  ces âmes de leurs désordres et les amène à une vie meilleure, ceux-là semblent appliquer sur mon bras des onguents très doux. Quant à ceux qui, par leurs conseils et leurs avis, les conduisent avec charité à l'amendement et à la réconciliation, ils ressemblent à d'habiles médecins qui, maniant mon bras avec adresse et douceur, le remettent dans sa position naturelle.

Concernant ceux qui sont séparés de l’Église par un anathème, le Seigneur déclara:

— Ils peuvent encore, par le pardon de l’Église, obtenir leur réconciliation... Et je souhaite, d’un incroyable désir, qu'ils se convertissent et reviennent à moi par la pénitence.

Celle-ci ayant ensuite prié le Seigneur de défendre la Congrégation contre leurs insultes, et de la prendre sous sa paternelle protection, Jésus lui dit:

— Si vous vous humiliez sous ma toute puissante main, et si vous reconnaissez que vous méritez d'être châtiés à cause de vos négligences, ma paternelle miséricorde vous préservera de toute invasion des ennemis. Mais si par orgueil vous vous emportez contre vos persécuteurs, en leur désirant ou en leur souhaitant le mal pour le mal: alors, par un juste décret de ma justice, je permettrai qu'ils prévalent contre vous et vous nuisent encore davantage. (Livre 3 Ch. 67)

5-La vie d’oraison

5-1-Les consolations divines

Suite à une question de Gertrude, le Seigneur déclara:

— Qui donc, à moins d'être insensé, ignore que la douceur infiniment puissante de ma divinité surpasse d'une manière incompréhensible toute délectation humaine et charnelle? Toutes les consolations terrestres auprès des consolations célestes sont comme une goutte de rosée comparée à l'immense étendue des mers. Les hommes se laissent tellement entraîner par l'attrait des plaisirs sensibles, qu'ils mettent parfois en péril non seulement la santé de leur corps, mais aussi le salut éternel de leur âme. À plus forte raison, un cœur tout pénétré de la suavité divine se trouve dans l'impossibilité de réprimer la ferveur d'un amour qu'il sait devoir lui procurer une félicité éternelle. Je suis le créateur et le réformateur de l'univers et je me complais infiniment plus dans une âme aimante que dans n'importe quel exercice ou travail corporel qui peut être accompli parfois sans amour ni pureté d'intention.  (Livre 3 Ch. 44)

5-1-1-Pourquoi Dieu nous accorde-t-il parfois quelques consolations?

Le Seigneur prit alors Gertrude dans ses bras, comme un tout petit enfant, et lui fit toutes sortes de caresses: il approcha ses lèvres divines pour murmurer ces paroles à l'oreille de sa bien-aimée:

— Une tendre mère cherche à adoucir par ses baisers les chagrins de son petit enfant; ainsi je veux par de douces paroles d'amour calmer tes peines et tes chagrins. 

Puis, après qu'elle eut goûté durant un moment, dans le sein du Seigneur, la douceur infinie des consolations divines, Jésus lui présenta son Cœur et lui dit:

— Considère, ô ma bien-aimée, les profondeurs cachées de mon Cœur. Remarque avec quelle fidélité j'y ai déposé toutes tes actions faites pour me plaire, et à quel point je les ai enrichies pour le plus grand profit de ton âme. Vois ensuite si tu peux me reprocher de t'avoir manqué de fidélité, même par une seule parole. 

Après cela, elle vit le Seigneur lui faire une parure de fleurs dorées d'un éclat merveilleux, à cause de sa peine.. (Livre 3 Ch. 63)

5-1-2-Les consolations, la Croix et la souffrance[2] 

Tandis que la maladie la reprenait pour la septième fois et que, durant une nuit, Gertrude s'occupait du Seigneur, il daigna s'incliner vers elle et lui dire avec une tendresse infinie: 

— Ô mon Amie, dis-moi que tu languis d'amour pour moi.

— Mon Bien-Aimé, répondit-elle, comment oserais-je dire, moi indigne, que je languis d'amour pour vous?

Le Seigneur reprit:

— Celui qui s'offre volontiers à souffrir pour mon amour, peut se glorifier, et proclamer en se glorifiant, qu'il languit d'amour pour moi, pourvu que durant l'épreuve il garde la patience et dirige vers moi l'attention de son âme.

Elle ajouta:

— Très aimé Seigneur, quel avantage vous procurera ce message?

II répondit:

— Un tel message fait les délices de ma Divinité, il honore mon Humanité; il est un charme pour mes yeux, une agréable louange pour mes oreilles.

Il dit encore:

— Celui qui viendra m'apporter ce message recevra une grande consolation. En outre, la tendresse de mon cœur s'émeut avec une telle force, à cette annonce, qu'elle me contraint à guérir ceux qui ont le cœur brisé par le regret de leurs fautes, c'est-à-dire ceux qui désirent la grâce du pardon; à prêcher aux captifs, c'est-à-dire à annoncer la miséricorde aux pécheurs; à délivrer les prisonniers, c'est-à-dire les âmes enfermées dans le Purgatoire. (Livre 3 Ch.50)

Gertrude essayait de rechercher, parmi les lumières spéciales que la bonté divine lui avait accordées, celle qu'il serait le plus utile de manifester aux hommes pour leur profit spirituel. Le Seigneur, entrant aussitôt dans ses vues et ses désirs, lui dit:

— Les hommes trouveront un grand avantage à se souvenir, que moi, le Fils de la Vierge, je me tiens sans cesse devant Dieu le Père afin de plaider la cause du genre humain. S'ils viennent à souiller leur cœur par suite de la fragilité humaine, j'offre mon Cœur sacré en réparation à Dieu le Père. S'ils pèchent par la bouche, j'offre ma bouche très innocente. S'ils offensent Dieu par leurs œuvres, je présente mes mains transpercées pour eux. Ainsi, quelle que soit leur faute, toujours par mon innocence, j'apaise le Père tout-puissant afin que les cœurs touchés de repentir obtiennent facilement miséricorde. C’est pourquoi je voudrais que les âmes, après avoir reçu si aisément le pardon désiré, m'en rendissent de vives actions de grâces. (Livre 3 Ch. 40)

5-1-3-D’où l’importance d’un regard d’amour porté sur le Crucifix

Un vendredi soir, tandis qu'elle regardait l'image du Dieu crucifié, son cœur fut pénétré de douleur et d'amour. Elle dit au Seigneur:

— Ô très doux et très aimé Seigneur, comme vous avez souffert en ce jour pour mon salut! Et moi, infidèle que je suis, j'ai été occupée d'autres choses, et j'ai laissé s'écouler les heures sans me souvenir que vous avez supporté pour moi tant de supplices et que vous, ô mon Salut éternel, vraie vie qui vivifiez toute chose, avez daigné mourir pour vous assurer mon amour!

Le Seigneur lui répondit du haut de la croix:

— J'ai suppléé à ta négligence, car à tout moment je réunissais dans mon cœur les sentiments que le tien aurait dû produire, et bientôt mon Cœur sacré en fut tellement rempli que j'attendais avec un ardent désir l'heure où tu m'adresserais la prière que tu viens de faire. Maintenant j'offre cette prière à Dieu le Père, l'unissant aux sentiments que j'ai eus aujourd'hui en ton nom, car si tu n'avais pas tourné ton intention vers moi, tu n'aurais pas ressenti ces effets de salut.

Reconnaissons ici l'amour de Dieu pour les hommes: aussitôt que l'âme négligente a formulé une seule pensée de regret, il offre satisfaction pour elle à Dieu le Père, et, avec une plénitude que nous ne pouvons comprendre, il répare tous ses manquements. Aussi est-ce à bon droit que les hommes bénissent cette infinie miséricorde.

Gertrude reçut aussi cet enseignement: quand un homme regarde le crucifix, il doit penser en son cœur que le Seigneur Jésus lui dit avec bonté: “Voici que par amour pour toi j'ai été attaché à la croix, nu et méprisé, après avoir supporté une dure flagellation et la dislocation de mes membres. Mon cœur est tellement épris d'amour, que si cela était indispensable pour ton salut, je voudrais supporter pour toi seul les inexprimables douleurs que j'ai souffertes pour le monde entier.”

...La contemplation du signe auguste de notre salut apporte toujours un grand profit; aussi, bien coupable serait-il, le chrétien ingrat, s'il négligeait de vénérer Celui qui s'est offert comme le prix inestimable de son rachat...

Car l'intention d'une personne qui pense souvent à la Passion du Christ est plus fructueuse que les plus nombreuses intentions d'une autre qui ne s'en occupe jamais.

Efforçons-nous donc d'entretenir dans notre esprit ce souvenir sacré, afin qu'il nous devienne un rayon de miel à la bouche, une mélodie à l'oreille, une allégresse au cœur. (Livre 3 Ch. 41)

5-2-Paroles du Seigneur

Et le Seigneur lui enseigna ensuite que l'homme doit envelopper dans la très sainte Passion du Seigneur toutes ses peines et ses adversités, comme on introduirait une petite branche de fleurs au milieu d'un faisceau de myrrhe: si le nombre et l'intensité de ses maux portent l’homme à l'impatience, il doit se rappeler la douceur admirable du Fils de Dieu qui, semblable à un doux agneau, se laissa prendre et immoler pour notre salut sans proférer une seule plainte.

Si l'homme trouve l'occasion de se venger du mal qu'on lui a fait, qu'il se souvienne avec quelle douceur le Dieu très aimant ne rendit jamais le mal pour le mal, et ne se vengea par aucune parole. Au contraire, en retour des maux qu'il a endurés, il racheta par ses souffrances et par sa mort ceux qui l'avaient persécuté jusqu'à le faire mourir.

Enfin, si l'homme ressent de la haine contre ses ennemis, qu'il se souvienne de l'excessive mansuétude avec laquelle le très aimant Fils de Dieu, au milieu même des douleurs indicibles de sa Passion et des angoisses de sa mort a prié pour ceux qui le crucifiaient, disant: Père, pardonnez leur... S'unissant à cet amour, qu'il prie à son tour pour ses ennemis. (Livre 3 Ch. 42)

Une autre fois, comme on priait le psaume 117, le Seigneur Jésus lui apparut, laissant échapper des plaies d'un crucifix, placé selon l'usage devant la communauté, des flammes ardentes qui montaient vers Dieu le Père afin de le prier pour le monastère tout entier.

Cette vision était la preuve de l'extrême amour et des désirs ardents du Cœur de Jésus en faveur de cette congrégation. (Livre 3 Ch. 49)

6-La souffrance

6-1-Valeur de la souffrance et des épreuves

6-1-1-Dieu broie ses élus pour les guérir.

Gertrude méditait sur un texte d’Isaïe: “Spiritus Domini super me: L'Esprit du Seigneur est sur moi.” (Isaïe, 61, 1), et sur: “ut mederer contritos corde: pour guérir les coeurs brisés”. Elle vit que le Fils de Dieu, ayant été envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, a coutume d'éprouver ses élus par une souffrance, souvent légère ou même extérieure, pour avoir occasion d'y porter remède. Dans ce cas, il s'approche de l'âme et n'enlève pas l'épreuve, car si cette épreuve brise le coeur, elle n'est pas nuisible, mais il s'applique au contraire â guérir dans sa créature tout ce qu'il juge devoir lui être dangereux ou funeste. (Livre 3 Ch. 30)

6-1-2-Mais les souffrances ne servent à rien si elles ne sont pas unies à la Passion du Christ.

En la fête de l'apôtre saint Matthieu, pendant la messe, comme le prêtre élevait le calice du précieux Sang, elle-même présenta cette offrande à Dieu en actions de grâces. Elle réfléchit ensuite que cette oblation sainte lui servirait peu, si elle ne s'unissait au Christ, en s'exposant à souffrir pour son amour toutes sortes de tribulations. (Livre 3 Ch.5)

Par ailleurs, il lui fut montré, un jour que la répugnance naturelle que nous sentons pour la souffrance peut nous donner un accroissement de gloire, ...Elle comprit par là que, plus nous sommes abandonnés des hommes, plus Dieu nous regarde dans sa miséricorde. (Livre 3 Ch.3)

6-1-3-D’où l’importance de la vie mortifiée

Dans les jours qui suivirent la fête de saint Barthélemy, elle se trouva envahie par une tristesse profonde et indéfinissable qui lui fit perdre la patience. À la suite de cette faiblesse, son âme fut plongée dans des ténèbres si profondes qu'il lui semblait avoir perdu les joies de la divine présence.

Le Seigneur lui dit:

— Lorsque je vois les âmes de mes élus plongées dans les joies d'ici-bas, la délicatesse de ma bonté infinie me porte à exciter en eux le remords, afin que cet aiguillon puissant restreigne pour eux les agréments de la vie, et qu'ils soient ainsi amenés à les rejeter.  (Livre 3 Ch.4)

6-2-Utilité de la souffrance

Gertrude pensait parfois à diverses souffrances qu’elle avait supportées jadis; un jour, elle demanda au Seigneur pourquoi il les avait permises.

Le Seigneur répondit:

— Quand la main d'un père veut corriger son enfant, la verge ne saurait lui résister. Aussi mes élus ne devraient-ils jamais attribuer les maux qu'ils souffrent aux hommes qui ne sont que les instruments dont je me sers pour exercer leur patience. Mes amis devraient plutôt considérer mon paternel amour qui ne permettrait jamais au moindre souffle de les atteindre, s'il n'avait dessein de leur donner les joies éternelles après leurs souffrances. Que mes élus aient plutôt compassion des hommes qui, en les persécutant, souillent leurs propres âmes. (Livre 3 Ch. 30)

Le Seigneur est auprès de ceux qui ont le coeur dans la tribulation. Il est  avec celui qui est dans la tribulation. (Livre 3 ch. 30) Une inspiration divine  fit encore comprendre à notre sainte, que si le Seigneur, dont les délices sont d'être avec les fils des hommes[3] ne trouve rien dans une créature qui la rende digne de sa présence, il lui envoie diverses tribulations corporelles et spirituelles, afin d'avoir occasion de résider en cette âme. Il réalise alors ces paroles de la sainte Écriture: le Seigneur est auprès de ceux qui ont le coeur dans la tribulation, et je suis avec lui dans sa peine. (Livre 3 Ch. 32)

6-2-1-Pour les élus, la souffrance peut-être le symbole des fiançailles spirituelles.

Un jour, le Seigneur lui fit comprendre que les souffrances corporelles et spirituelles sont le signe infaillible de l'élection divine et des fiançailles de l'âme avec Dieu. Le symbole de ces fiançailles, ce sont les anneaux, enrichis de brillants et passés à ses doigts divins, que le Seigneur lui montra, en lui faisant comprendre que l'anneau est le signe des noces, comme les souffrances corporelles et spirituelles sont le signe infaillible de l'élection divine et des fiançailles de l'âme avec Dieu...  En vérité celui qui souffre peut dire avec confiance: “Il m'a donné son anneau comme gage.”  (Livre 3 Ch. 2)

6-2-2-La maladie peut également amender les défauts.

À une époque où son état de faiblesse l'empêchait de suivre toute la règle, Gertrude comprit que l'âme marche en public, revêtue de ses parures, lorsqu'elle s'adonne aux bonnes œuvres afin de procurer la gloire de Dieu;  mais elle se repose avec l'Époux, dans la chambre nuptiale, quand les infirmités du corps lui interdisent ces occupations extérieures. Privée des jouissances du dehors, elle s'abandonne entièrement à la divine volonté et le Seigneur met plus ses complaisances dans une âme qui trouve en elle-même moins de satisfaction et de vaine gloire.(Livre 3 ch. 22)

Nous pouvons en conclure à quel point le Père plein de bonté a pour agréable l'offrande de la très sainte vie de son Fils. (Livre 3 ch. 23)

6-2-3-Les aridités spirituelles

            — Pourquoi est-on souvent privé de la grâce de la dévotion au moment de la communion?

Gertrude exposait au Seigneur, dans l'oraison, les plaintes d'une personne qui sentait moins la grâce de la dévotion quand elle devait communier qu'à certains autres jours:

— Ce n'est pas un effet du hasard, répondit le Seigneur, mais une disposition providentielle, car si j'accorde la grâce de la dévotion aux jours ordinaires et à des moments imprévus, je force le cœur de l'homme à s'élever vers moi lorsqu'il resterait peut-être plongé dans sa torpeur. Tandis qu'en soustrayant ma grâce aux jours de fête et à l'heure de la communion, mes élus conçoivent de saints désirs ou s'exercent à l'humilité, et leur ardeur et leur contrition avancent plus l’œuvre de leur salut que la grâce de la dévotion . (Livre 3 ch. 18)

            — Pourquoi les aridités

Il faut craindre que l'usage des sens nuise en nous à la grâce.

Celle-ci demanda un jour au Seigneur par quel secret jugement il faisait goûter à certaines âmes la douceur des consolations, tandis que d'autres demeuraient dans l'aridité. Elle reçut cette instruction: le cœur de l'homme a été créé par Dieu pour contenir les délices spirituelles, comme le vase a été fait pour contenir l'eau. Si le vase plein d'eau la laisse échapper par quelques fissures, il se videra entièrement et demeurera sec. De même si le cœur qui renferme les délices spirituelles les perd par les sens extérieurs, soit en regardant ou écoutant ce qui lui plaît, soit en suivant ses convoitises, il peut arriver qu'il laisse évaporer pour ainsi dire ces douceurs célestes et demeure tellement vide qu'il devienne incapable de trouver sa joie en Dieu. C'est ce que chacun peut expérimenter par soi-même: lorsqu'il plaît à l'homme de regarder quelque chose ou de dire une parole dont le profit sera nul ou presque nul, s'il suit aussitôt son mouvement naturel, c'est qu'il n'apprécie pas les divines délices: il les laisse donc s'échapper comme l'eau. Si au contraire il résiste, pour plaire à Dieu, à l'impulsion des attraits sensibles, aussitôt les délices spirituelles croissent en lui à tel point qu'il peut à peine les contenir. C'est pourquoi celui qui a appris à se vaincre en ces occasions prend l'habitude de se délecter en Dieu, et ses délices sont d'autant plus grandes, qu'il les a acquises au prix d'un plus rude labeur.

De même Dieu seul connaît l'intention de chacun et il juge d'après cette intention, à l'inverse des hommes qui souvent ne jugent que d'après les dehors. (Livre 3 Ch. 30)

6-3-Les souffrances peuvent aussi être collectives: l’interdit

Pendant une vacance du siège épiscopal d’Halberstadt, peu avant 1296, le chapitre des chanoines lança un interdit contre le monastère d’Helfta, à cause d’un litige concernant des droits relatifs aux biens temporels[4]  du monastère, convoités par les chanoines. Avant que les conséquences douloureuses de l’interdit se fasse sentir, Jésus, en utilisant le symbole des noix, enseigna à sa bien-aimée la bienfaisance envers ceux qui la persécutaient: ces fruits, à l'écorce dure et amère, se trouvaient placés sur l'arbre de l'Amour parmi les pommes et autres fruits savoureux, pour donner à entendre que la Charité envers les ennemis doit se pratiquer au milieu des douceurs de l'amour de Dieu, amour qui rend l'homme prêt à souffrir la mort elle-même pour le nom de Jésus-Christ.

6-3-1-La douleur des religieuses devait, en effet, être fort grande: elles seraient tout simplement privées des sacrements!

Pendant le chant de la messe conventuelle, le dernier jour avant la mise en place de l’interdit, pendant qu’on chantait la messe Salve sancta Parens en l'honneur de la Mère de Dieu, Gertrude  dit au Seigneur:

— Ô Dieu plein de bonté, comment nous consolerez-vous dans la désolation actuelle?

— Je puiserai en vous, dit le Seigneur, des délices plus abondantes. Comme l'époux jouit de son épouse dans le secret de la chambre nuptiale plus volontiers qu'en présence de la foule, de même je trouverai mes délices dans vos soupirs ardents et dans les gémissements de vos cœurs. Mon amour prendra en vous des accroissements nouveaux, comme un feu qui se trouvant enfermé, redouble de vigueur. Les complaisances que je trouverai dans vos âmes et l'amour que vous aurez pour moi monteront comme une eau qui s'élance avec plus de force après avoir été retenue par des digues.

Celle-ci[5]  demanda alors:

— Et combien de temps durera cet interdit?

— Aussi longtemps qu'il durera, répondit le Seigneur, aussi longtemps je ferai durer cette abondance de grâces.  (Livre 3 ch. 16)

Le Seigneur profita de cette situation pour faire un enseignement sur l’humilité:

— Dans la contemplation je te découvre parfois mes secrets; d'autres fois je les tiens cachés afin de te maintenir dans l'humilité: quand je te les découvres, tu constates ce que tu deviens par ma grâce; quand je te les caches, tu vois ce que tu es par toi-même .

Gertrude dit:

— Comment, ô Seigneur, votre grâce peut-elle habiter dans l'âme de ceux qui nous font tant souffrir par cet interdit?

Et il lui fut répondu:

— Ne t'occupe pas d'eux, je me réserve leur jugement.

Le jour de l'Assomption, à l'élévation de l'hostie, comme elle entendait ces paroles du Seigneur: “Je viens m'offrir à Dieu le Père et m'immoler pour ceux qui sont mes membres. “ elle répondit:

— Permettrez-vous, ô mon très aimant Seigneur, que nous qui sommes vos membres, nous soyons séparées de vous par l'anathème dont nous menacent ceux qui veulent prendre nos biens?

Le Seigneur lui dit:

— Que celui qui pourrait enlever des profondeurs de mon âme l'amour qui m'unit à vous, que celui-là vous sépare de moi!

Puis Jésus ajouta:

— Cet anathème ne vous atteint pas plus qu'un couteau de bois ne trancherait un corps solide: il ne peut le pénétrer et y imprime à peine une trace légère de son passage.

— Ô mon Dieu qui êtes la vérité infaillible, dit-elle, ne m'avez vous pas révélé que nous sentirions croître notre amour pour vous dans ces jours de souffrance et que vous-même prendriez dans les coeurs de vos épouses de plus abondantes délices? Comment donc plusieurs se plaignent-elles du refroidissement de leur amour pour vous?

Le Seigneur répondit:

— Je renferme dans mon sein la source de tous les biens, et je distribue à chacun en temps convenable ce qui lui est nécessaire.

6-3-2-La valeur des épreuves: l’envahisseur

Le monastère craignait, un jour, l'approche d'ennemis que l'on disait fortement armés[6]. Dans une telle extrémité il fut décidé de réciter le psautier en disant à la fin de chaque psaume le verset: ”Ô Lux beatissima”, avec l'antienne: “Veni sancte Spiritus”. Celle-ci[7]  pria avec dévotion comme les autres soeurs et comprit que par cette prière, faite sous l'action du Saint-Esprit, le Seigneur touchait de componction quelques-unes de ses sœurs. Dieu voulait en effet, qu'après avoir reconnu leurs propres négligences, elles en conçussent du regret avec un ferme propos de s'amender et d'éviter le plus possible de pécher à l'avenir.

Tandis que des soeurs éprouvaient ce mouvement de componction, celle-ci vit comme une vapeur qui s'élevait de leurs coeurs touchés par l'Esprit divin. Cette vapeur répandue par tout le monastère et les lieux alentour, chassait au loin tous les ennemis. Plus un coeur était plein de regret et de bonne volonté, plus aussi la vapeur qui s'en échappait avait de force pour repousser au loin la puissance hostile. Elle connut alors que par cette impression de crainte, et par les menaces des ennemis[8], le Seigneur voulait attirer à lui les coeurs de cette congrégation privilégiée, afin que, brisés par la douleur et purifiés de leurs fautes, ils se réfugiassent sous sa protection paternelle pour y trouver le secours plus abondant des divines consolations. (Livre 3 Ch. 58)

7-Questions diverses

7-1-Utilité de la tentation

Elle priait un jour le Seigneur pour une personne assaillie par la tentation, et reçut la réponse suivante:

— Je permets cette tentation pour lui faire connaître et déplorer son défaut; elle s'efforcera ensuite de le vaincre, elle sera humiliée de n'y pouvoir parvenir, et cette humiliation effacera presque entièrement à mes yeux d'autres défauts qu'elle n'a pas encore remarqués. L'homme qui voit une tache sur sa main, ne lave pas seulement la tache, mais lave ses deux mains. Il les purifie ainsi de toutes les souillures qu'il n'eût peut-être pas enlevées, si cette tache plus visible ne lui en avait fourni l'occasion.

Que de bons sens dans les paroles du Seigneur! (Livre 3 Ch. 77)

Gertrude reçut un admirable conseil de la bonté divine pour le salut des hommes: afin d'augmenter la récompense éternelle des âmes, Dieu permet qu'elles soient fortement attaquées par l'aiguillon du péché. II ajoute ainsi à la gloire et à l'honneur de leur triomphe. C'est par l'amour que l'âme arrive à me plaire.  (Livre 3 Ch. 30)

Bon résultat de la tentation.

Il arriva souvent à Gertrude d’Helfta de demander à Dieu de déraciner le vice en elle et dans les autres. Mais elle vit que la bonté divine ne pouvait mieux l'exaucer qu'en atténuant la fatale nécessité qui résulte des mauvaises habitudes. L'âme parvient alors à résister facilement au mal, car la difficulté cesse de s'accroître par l’habitude, appelée justement une seconde nature. Elle reconnut l'admirable conseil de la bonté divine pour le salut des hommes: afin d'augmenter la récompense éternelle des âmes, Dieu permet qu'elles soient fortement attaquées par l'aiguillon du péché. II ajoute ainsi à la gloire et à l'honneur de leur triomphe. (Livre 3 Ch. 30)

7-2-La confession

7-2-1-Importance de la confession même quand elle est particulièrement difficile

Gertrude rappelle: le Seigneur, est toujours désireux d'augmenter le mérite des âmes qui lui sont chères et d'assurer leur salut; aussi permet-il, quelquefois, qu'elles trouvent d'énormes difficultés pour se confesser, devoir normalement très facile en lui-même. Et de raconter ce qui lui arriva un jour: la confession de ses fautes lui parut ce jour-là si pénible, qu'elle était persuadée de ne pouvoir la mener à bien par ses propres forces. Alors elle se souvint que l'âme est purifiée de tous ses péchés par deux moyens principaux:

— l'amertume de la pénitence et tous les sentiments dont elle est la source, c'est ce que signifie le bain, et

— par le doux embrasement du divin amour avec ses conséquences, symbolisées, pour Gertrude, par la vision d’un jardin délicieux. (Livre 3 Ch. 11)

 

Une prière de contemplation

 

Gertrude contemple Dieu

 

”Vers Vous, Vie de mon âme, vers Vous se tourne mon cœur
Qu’une force d’ardent amour a fondu en un seul désir.
S’il se porte vers quelqu’autre hors de Vous
Qu’il soit aussitôt sans vie.

 Car en Vous est l’éclat de toutes les couleurs,
La saveur de tous les goûts,
Le parfum de toutes les odeurs,
Le charme de toutes les harmonies
La fraîche suavité des intimes étreintes.

En Vous quelle volupté délicieuse!
De vous jaillissent les eaux généreuses!
Vers Vous quelle attraction irrésistible!
Par Vous l'âme est remplie de saintes affections!

Vous êtes Abîme débordant de la Divinité!
Ô Roi le plus noble des rois,
Souverain suprême,
Prince très illustre,
Maître très doux,
Protecteur très puissant !

Vous êtes perle féconde, richesse de l’humanité,
Ouvrier d’infini savoir,
Maître d’infinie patience,
Conseiller d’infinie sagesse,
Gardien d’infini dévouement,
Ami d’infinie fidélité.

Vous êtes douce Saveur de totale intimité,
Caresse d’infinie délicatesse,
Tendresse d’infinie bonté,
Amour d’infinie ardeur,
Étreinte d’infinie douceur,
Jalousie d’infinie pureté.

Vous êtes Fleur printanière de la beauté native,
Ô frère d’infinie tendresse,
Adolescent d’infinie beauté,
Compagnon d’infinie gaieté,
hôte d’infinie munificence,
serviteur infiniment empressé!

Je Vous préfère à toutes les créatures,
Pour Vous je renonce à tous les plaisirs,
Pour Vous j'affronte toutes les adversités.
Je ne veux être approuvée et louée
que par vous seul.
Car Vous êtes le Principe de tout bien,
Mes lèvres et mon coeur l'attestent.

Sous l’impulsion de votre amour,
Je joins la force de ma dévotion à votre prière efficace,
Afin que la pureté de cette divine union,
Où sera dissipé tout mouvement de la nature rebelle,
me conduise au sommet
De la plus haute perfection
Par une complète union à Dieu.
(Livre 3 Ch. 66)


[1]  II s'agit probablement de Ghébard de Mansfeld, qui envahit le monastère d'Helfta en 1284 et fut excommunié pour cette raison.
[2] Les termes utilisés Gertrude ou ses compagnes peuvent étonner nos mentalités du 21ème siècle. En lisant les textes de sainte Gertrude, il ne faut jamais oublier qu’il ont été écrits au 13 e, dans un monastère de religieuses contemplatives ayant offert leur vie à Dieu pour le rachat et le salut de toutes les âmes.
[3] (Prov 8, 31).
[4] Voir le Livre 1 ch.27 (Note de l’Édition  latine).
[5] Nous rappelons que chaque fois que l’auteur du Livre 3 utilise cette expression: “celle-ci”, il s’agit toujours de sainte Gertrude.
[6] Il s'agit sans doute du roi Adolphe dont nous avons parlé, et qui l'an 1291 occupa la région d'Eisleben en marchant contre les fils d'Albert. (Note de l'édition latine.)
[7] Nous rappelons ici que chaque fois que l’auteur du Livre 3 emploie cette expression “celle-ci” il s’agit toujours de Gertrude.
[8] Il s'agit sans doute du roi Adolphe dont nous avons parlé, et qui l'an 1291 occupa la région d'Eisleben en marchant contre les fils d'Albert. (Note de l'édition latine.)

    

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