Vision I
1
1. Mon maître m'avait vendu à une
certaine Rhodè à Rome. Bien des années après, je la revis et me mis à l'aimer
comme une soeur. 2. Quelque temps après, je la vis se baignant dans le Tibre, je
lui tendis la main et la sortis du fleuve. Voyant sa beauté, je réfléchissais,
me disant en mon coeur : je serais bien heureux si j'avais une femme de cette
beauté et de ce caractère. Voilà uniquement ce que je pensai, sans aller plus
loin. 3. Quelque temps après, je marchais vers Cumes et je réfléchissais que les
oeuvres de Dieu sont grandes, remarquables et fortes : tout en marchant, je
m'endormis : l'esprit me saisit et m'emmena par une route non frayée, où l'homme
ne pouvait marcher. L'endroit était escarpé, tout déchiqueté par les eaux. Je
traversai le fleuve qui était là et arrivé dans la plaine, je m'agenouille et me
mets à prier Dieu et à lui faire l'aveu de mes péchés. 4. Pendant ma prière, le
ciel s'ouvrit et je vois cette femme que j'avais désirée : elle me salue du ciel
et me dit : " Bonjour, Hermas. " 5. Je la regarde et lui dit : " Maîtresse, que
faites-vous là ? " Et elle me répond : " J'ai été transportée (au ciel) pour
dénoncer tes péchés au Seigneur. " 6. Je lui dis : "Vous êtes maintenant ma
dénonciatrice ? - Non, dit-elle, écoute les paroles que je vais te dire : Dieu,
qui habite dans les cieux (cf. Ps. 2,4 ; 123, 1), qui du néant, a créé les
êtres, les a multipliés et les a fait croître (cf. Gn 1, 28 ; 8, 17 ; etc.) en
vue de sa sainte Église, est irrité contre toi parce que tu as commis une faute
à mon égard. " 7. Je lui réponds en ces termes : " J'ai commis une faute à votre
égard ? En quel endroit, quand vous ai-je jamais dit une parole déplacée ? Ne
vous ai-je pas toujours tenue pour une déesse ? Ne me suis-je pas toujours
comporté envers vous comme envers une soeur ? Pourquoi, femme, m'accuser
faussement de vice et d'impureté ? " 8. Elle rit et me dit : " Le désir du vice
est monté à ton coeur. Et ne te semble-t-il pas que pour un homme juste, c'est
chose vicieuse que le désir du vice monte à son coeur ? C est une faute, et une
grande, dit-elle, car l'homme juste pense juste. C'est par ses justes pensées
qu'il accroît sa réputation dans les cieux et qu'il se rend le Seigneur
indulgent pour tous ses actes. Mais ceux dont les pensées sont mauvaises en leur
coeur ne s'attirent que mort et captivité, surtout ceux qui jouissent de cette
vie-ci, s'enorgueillissent de leurs richesses et ne s'attachent pas aux biens
futurs. 9. Elles connaîtront le repentir, les âmes de ceux qui n'ont pas
d'espérance, qui ont renoncé à eux-mêmes et à leur vie. Mais toi, prie Dieu : il
guérira tes péchés (cf. Dt 30, 3) et ceux de toute ta maison et de tous les
saints. "
2
1. Quand elle eut dit ces mots, les
cieux se fermèrent et moi, j'étais tout tremblant et affligé. Je me disais : Si
ce péché est inscrit contre moi, comment pourrai-je faire mon salut ? Comment
apaiserai-je Dieu pour mes péchés réellement accomplis ? Par quelles paroles
demanderai-je au Seigneur de me devenir favorable ? 2. Voilà quelles étaient mes
réflexions et mes hésitations lorsque je vois en face de moi un siège garni de
laine, blanc comme neige et grand. Et vint une vieille femme en habits
resplendissants, tenant un livre dans ses mains ; elle s'assit seule et me salue
: " Bonjour, Hermas. " Et moi, affligé, en pleurs, je lui dis : " Bonjour,
Madame. " 3. Et elle me dit : " Pourquoi cet air renfrogné, Hermas, toi patient,
calme, toujours souriant ? Pourquoi es-tu à ce point abattu et sans gaieté ? "
Et moi, je lui dis : " C'est parce qu'une femme excellente dit que j'ai commis
une faute à son égard. " 4. Et elle : " Une telle chose n'arrive pas à un
serviteur de Dieu ? Mais de toute façon, un désir t'est monté au c_ur à son
sujet. Pour les serviteurs de Dieu, une telle intention entraîne le péché :
intention mauvaise, stupéfiante, pour un esprit très saint et déjà éprouvé, de
désirer une mauvaise action, et surtout si c'est Hermas le continent qui
s'abstient de tout mauvais désir, qui est plein de parfaite simplicité et de
grande innocence.
3
" 1. Ce n'est d'ailleurs pas pour
cela que Dieu est irrité contre toi ; mais il entend que tu ramènes à lui tes
enfants qui se sont mal conduits à l'égard du Seigneur et de vous, leurs
parents. Tu aimais trop tes enfants, tu ne les reprenais pas ; au contraire, tu
les laissais se corrompre terriblement. Voilà pourquoi le Seigneur t'en veut.
Mais il guérira tous les dommages qu'a subis ta maison, car c'est à cause de
leurs péchés et de leurs fautes que tu es ruiné dans tes affaires temporelles.
2. La grande miséricorde du Seigneur a eu pitié de toi et de ta maison, et il te
donnera la force et il t'assiéra tans sa gloire. A toi, il te suffit de ne pas
te laisser aller : aie du courage et raffermis ta maison. Le forgeron, par le
marteau, vient à bout de l'objet qu'il veut : de même, un langage quotidien de
justice vient à bout de la pire turpitude. Ne cesse donc pas de reprendre tes
enfants, car je sais que s'ils font pénitence du fond de leur coeur, ils seront
inscrits sur les livres de la vie avec les Saints. " 3. Ce discours fini, elle
me dit : " Veux-tu m'entendre lire ? - Oui, dis-je, oui, Madame. " Elle dit : "
Fais bien attention et écoute les louanges de Dieu. " J'entendis de grandes
choses, des choses admirables, mais je n'ai pu en garder le souvenir : toutes
ces paroles donnent le frisson, l'homme n'a pas la force de les supporter. Les
dernières cependant, je me les rappelle : elles étaient à notre portée et
douces. 4. " Vois, le Dieu des Puissances (cf. Ps 58, 6 ; etc.), celui qui, par
son pouvoir invisible et supérieur, par sa grande intelligence, a créé le monde
(cf. Ac 17, 24), qui, par sa glorieuse volonté, a revêtu de charme ses
créatures, qui, par son verbe puissant, a solidifié le ciel (cf. Is 42, 5) et a
assis la terre sur les eaux (cf. Ps 135, 6), qui, par une sagesse et une
prévoyance particulières, a fondé sa sainte Église et l'a aussi bénie, vois, il
déplace les cieux et les montagnes (cf. Ps 45, 3) et les monts et les mers et
toute route devient unie pour ses élus ; ainsi il accomplit la promesse qu'il
leur a faite dans la gloire et la joie, si du moins ils observent les
commandements du Seigneur, qu'ils ont reçus avec une grande foi. "
4
1. Quand elle eut fini de lire et
qu'elle se fut levée de son siège, vinrent quatre jeunes gens qui enlevèrent le
siège et s'en allèrent vers l'Orient. 2. Elle m'appelle, me touche la poitrine
et me dit : " Ma lecture t'a-t-elle plu ? " Et je lui dis : " Madame, les
dernières paroles me plaisent, mais les précédentes sont pénibles et dures. "
Elle me répondit : " Les dernières sont pour les justes, les précédentes, pour
les gentils et les apostats. " 3. Elle me parlait encore quand deux hommes
apparurent, la prirent par les bras et s'en allèrent, dans la direction du
siège, vers l'Orient. Elle eut pour partir un air joyeux et en se retirant, elle
me dit : " Sois un homme, Hermas. "
Vision II
5. (1)
1. J'allais à Cumes, à la même
époque que l'année précédente ; tout en marchant, je me souvins de ma vision de
l'année précédente et, de nouveau, un esprit m'enlève et me transporte au même
endroit que l'année précédente. 2. Arrivé là, je m'agenouille, me mets à prier
le Seigneur et glorifier son nom (cf. Ps 85, 9, 12 ; Is 24, 15 ; 2 Th 1, 12) de
ce qu'il m'a jugé digne et m'a fait connaître mes péchés antérieurs. 3. k
m'étais relevé de ma prière quand je vois en face de moi cette femme âgée que
j'avais déjà vue l'année précédente : elle marchait et lisait un petit livre. Et
elle me dit : ~ Peux-tu annoncer ceci aux élus de Dieu ? " Je lui dis : "
Madame, je ne puis retenir tant de choses ; donnez-moi plutôt le livre, que je
le recopie " --Prends, dit-elle, et tu me le rendras. " 4. Je le pris et allai à
l'écart dans le champ, où je le recopiai tout, lettres après lettres, car je ne
distinguais pas les syllabes. Quand j'eus fini (de recopier) les lettres du
petit livre, soudain il me fut arraché de la main. Par qui ? Je ne le vis point.
6. (2)
Après quinze jours de jeûne et
beaucoup de prières au Seigneur, le sens du texte me fut révélé. Voici ce qui
était écrit : 2. " Tes fils, Hermas, se sont révoltés contre Dieu, ils ont
blasphémé le nom du Seigneur et ont trahi leurs parents avec beaucoup de malice,
et ils se sont entendus appeler traîtres à leurs parents, et leur trahison ne
leur profita pas, mais ils ajoutèrent encore à leurs péchés la débauche et les
ravages du vice et ils ont ainsi mis le comble à leurs iniquités. 3. Fais
connaître ces paroles à tous tes enfants et à ta compagne, qui, désormais, te
sera une soeur. Car elle ne domine pas sa langue : c'est par là qu'elle pèche ;
mais après avoir entendu ces paroles, elle la dominera et obtiendra miséricorde.
4. Quand tu auras fait connaître ces paroles que le Maître m'a enjoint de te
révéler, tous les péchés antérieurs leur seront remis ainsi qu'à tous les saints
qui ont péché jusqu'à ce jour, s'ils se repentent du fond de leur coeur et en
arrachent les hésitations. 5 Car le Maître l'a juré par sa gloire à propos des
élus : si, après ce jour fixé, il se commet encore un péché, ils n'obtiendront
plus le salut. Car, pour les justes, la pénitence a une limite, les jours de la
pénitence seront révolus pour tous les saints ; mais pour les gentils, la
pénitence peut se faire jusqu'au dernier jour. 6. Tu diras donc aux chefs de
l'Église de marcher droit dans les voies de la justice, pour recevoir
pleinement, avec grande gloire, ce qui leur fut promis 7. Persévérez donc, vous
qui pratiquez la justice (cf. Ps 15, 2 ; He 11, 33), bannissez toute hésitation
pour prendre place parmi les saints anges. Bienheureux, vous qui endurerez
l'épreuve qui arrive, la grande épreuve, et tous ceux qui ne renieront pas leur
vie ! 8. Car le Seigneur l'a juré par son Fils : ceux qui renieront le Seigneur
seront rejetés de la vie, ceux du moins qui le renieront dans les jours qui
viennent ; car ceux qui l'ont renié antérieurement, dans sa grande miséricorde,
le Seigneur leur est redevenu favorable.
7. (3)
"1. Et toi, Hermas, ne garde plus
rancune à tes enfants, ne renvoie pas ta s_ur : ainsi, ils se purifieront de
leurs péchés antérieurs. Ils recevront une éducation convenable, si tu
abandonnes ta rancune à leur égard. La rancune provoque la mort. Toi, Hermas, tu
as subi de grandes tribulations personnelles à cause des errements de ta maison
: c'est que tu ne te souciais pas d'elle, tu l'as négligée et tu t'es enlisé
dans tes mauvaises affaires. 2. Ce qui te sauve, c'est de n'avoir pas abandonné
le Dieu vivant (cf. He 3, 12) et aussi ta simplicité et ta grande continence.
Voilà ce qui te sauve si tu persévères ; voilà ce qui sauve tous ceux qui
agissent ainsi et marchent dans la voie de l'innocence et de la simplicité.
Ceux-là l'emporteront sur toute méchanceté et tiendront bon jusqu'à la vie
éternelle. 3. Bienheureux, tous ceux qui pratiquent la justice (cf. Ps 106, 3) ;
ils ne périront pas, de toute éternité. 4. Tu diras à Maxime : " Vois, une
épreuve arrive : si bon te semble, renie de nouveau. Le Seigneur est tout près
de ceux qui se convertissent, comme il est dit dans le livre d'Eldad et Modat,
qui ont prophétisé pour le peuple dans le désert. "
8. (4)
1. Une révélation, frères, me fut
faite quand je dormais, par un jeune homme très beau qui me dit : " La femme
âgée de qui tu obtins le petit livre, qui est-elle, à ton avis ? " Moi, je dis :
" La Sibylle. - Tu fais erreur, dit-il, ce n'est pas elle. - Qui donc est-ce ?
dis-je. - L'Église ", dit-il. Je repartis : " Et pourquoi est-elle si âgée ? -
Parce que dit-il, elle fut créée avant tout (le reste). Voilà pourquoi elle est
âgée ; c'est pour elle que le monde a été formé. " 2. Ensuite, j'eus une vision
chez moi. La femme âgée vint et me demanda si j'avais déjà donné le petit livre
aux presbytres. Je dis que non. " Tu as eu raison, dit-elle. J'ai certains mots
à ajouter. Quand j'aurai achevé l'ensemble, tu le feras connaître à tous les
élus. 3. Tu feras donc deux copies du petit livre et tu en enverras une à
Clément, l'autre à Grapté. Et Clément l'enverra aux autres villes : c'est sa
mission. Grapté, elle, avertira les veuves et les orphelins. Toi, tu le liras à
cette ville, en présence des presbytres qui dirigent l'église. "
Vision III
9. (1)
1. La vision que je vis, frères, la
voici. 2. J'avais jeûné souvent et demandé au Seigneur de m'accorder la
révélation qu'il avait promis de me faire par l'entremise de cette femme âgée ;
la nuit même, je la vis et elle me dit : " Puisque tu as un désir si vif de tout
connaître, viens dans le champ où tu cultives de l'épeautre, et vers la
cinquième heure, je t'apparaîtrai et te montrerai ce qu'il te faut voir. " 3. Je
lui demandai : " Madame, à quel endroit du champ ? - Où tu veux ", dit-elle. Je
choisis un bel endroit écarté. Mais avant que je lui réponde et lui indique
l'endroit, elle me dit : " Je viendrai là où tu veux. " 4. J'allai donc, frères,
dans le champ et je comptais les heures ; j'arrivai à l'endroit où je lui avais
dit de venir et j'aperçois un banc en ivoire et sur le banc, un coussin de lin
et au-dessus, une fine gaze de lin déployée. 5. De voir ces objets sans aucun
être humain à cet endroit, je fus frappé de stupeur et comme un tremblement me
prit et mes cheveux se dressèrent. Et une sorte de frisson me saisit, d'être
ainsi tout seul. Mais je rentrai en moi-même, je me souvins de la gloire de
Dieu, je repris courage : je m'agenouillai et de nouveau, comme antérieurement,
je fis au Seigneur l'aveu de mes fautes. 6. Et elle vint, avec six jeunes gens
que j'avais vus auparavant, s'approcha de moi, m'écouta prier et avouer mes
fautes au Seigneur. Et me touchant, elle me dit : " Hermas, cesse de prier
seulement pour tes fautes ; prie aussi pour la justice, afin d'en obtenir un peu
pour ta maison. " 7. Alors, de la main, elle me relève, me conduit près du banc
et dit aux jeunes gens : " Allez-vous en construire (la tour). " 8. Les jeunes
gens se retirèrent, nous laissant seuls ; elle me dit : " Assieds-toi ici. " Je
lui réponds : " Madame, faites d'abord asseoir les presbytres. - Assieds-toi,
dit-elle, comme je le dis " 9. Je voulus alors m'asseoir à droite, mais elle ne
me le permit pas et me fit signe de la main de m'asseoir à gauche. Je
réfléchissais et m'affligeais de ce qu'elle ne m'avait pas permis de m'asseoir à
droite, quand elle me dit : " Tu t'affliges, Hermas ? A droite, c'est le lieu
réservé à d'autres, à ceux qui ont déjà plu au Seigneur et qui ont souffert à
cause du Nom. Il s'en faut encore de beaucoup que tu puisses t'asseoir avec eux.
Mais persévère, comme jusqu'ici, dans la simplicité et tu t'assiéras avec eux et
aussi tous ceux qui feront ce qu'ils ont fait et subiront ce qu'ils ont subi. "
10. (2)
1. " Et qu'ont-ils subi ? " dis-je.
" Écoute, dit-elle : les coups, la prison, de grandes catastrophes, la croix,
les fauves, à cause du Nom. C'est pour cela que leur est réservé le côté droit
du lieu saint, à eux et à quiconque souffre pour le Nom. Les autres ont le côté
gauche. Mais pour les deux catégories --qu'ils soient assis à gauche ou à
droite-- ce sont les mêmes dons, les mêmes promesses ; seulement, ceux-là sont
assis à droite et jouissent d'une certaine gloire. 2. Toi, tu désires t'asseoir
à droite avec eux, mais tes défauts sont nombreux. Tu devras être purifié de tes
défauts et tous ceux qui n'auront pas hésité seront purifiés de tous leurs
péchés jusqu'à ce jour. " 3. Après ces paroles, elle voulut s'en aller. M'étant
jeté à ses pieds, je la suppliai par le Seigneur de m'accorder la vision qu'elle
m'avait promise. 4. Elle, de nouveau, me saisit la main, me relève et me fait
asseoir à gauche. Elle-même s'assit à droite. Elle lève un bâton éclatant et dit
: " Vois-tu une grande chose ? - Madame, je ne vois rien, dis-je. - Tiens,
dit-elle, tu ne vois pas en face de toi une grande tour bâtie sut les eaux avec
de brillantes pierres carrées ? " 5. Elle était bâtie en carré par les six
jeunes gens venus avec elle. Des myriades d'autres hommes apportaient des
pierres, les uns, du fond (de l'eau), les autres, de la terre, et ils les
passaient aux six jeunes gens. Eux, les recevaient et bâtissaient. 6. Ils
plaçaient telles quelles dans la construction toutes les pierres retirées du
fond de l'eau, car d'avance, elles s'agençaient et s'emboîtaient parfaitement
aux jointures avec les autres pierres ; elles se soudaient si bien entre elles
qu'on ne voyait pas les joints. La construction paraissait bâtie d'un seul bloc.
7. Parmi les pierres qu'on amenait de la terre ferme, on rejetait les unes, on
utilisait les autres ; on en brisait d'autres encore et on les jetait loin de la
tour. 8. Beaucoup d'autres pierres gisaient autour de l'édifice ; on ne les
utilisait pas à la construction : les unes étaient effritées, d'autres, fêlées,
d'autres, mutilées ; d'autres encore, blanches et rondes, ne pouvaient
s'emboîter dans la construction. 9. Je voyais d'autres pierres jetées loin de la
tour, tombant sur la route et sans s'y arrêter, roulant dans des endroits
impraticables ; d'autres tombaient dans le feu et brûlaient, d'autres tombaient
près de l'eau et ne parvenaient pas à y rouler, malgré leur désir.
11. (3)
1. Après m'avoir montré cela, elle
voulut s'en aller. Je lui dis : " Madame, quelle utilité pour moi de voir ces
choses, si je n'en connais pas le sens ? " Elle me répond : " Tu t'acharnes à
vouloir connaître ce qui concerne la tour. - Oui, dis-je, Madame, pour
l'annoncer aux frères, les rendre joyeux et par ce récit, leur faire connaître
Dieu dans toute sa gloire. " 2. Elle me dit : " Beaucoup l'entendront. Mais
après l'avoir entendu, les uns se réjouiront, d'autres, en revanche, pleureront
; mais même ces derniers, s'ils y font attention et se repentent, se réjouiront
eux aussi. Écoute donc les paraboles de la tour. Car je te dévoilerai tout ;
seulement, ne me harcèle plus dorénavant à propos de révélations : elles ont un
terme. Mais tu ne cesseras pas de m'en demander : tu es insatiable. 3. La tour
que tu vois construire, c'est moi, l'Église, que tu as vue maintenant et
auparavant. Demande ce que tu veux à propos de la tour : je te le dévoilerai
pour que tu te réjouisses avec les saints. " 4. Je lui dis : " Madame, puisque
vous m'avez jugé digne de toutes révélations, faites-les moi. " Et elle me dit :
" Ce qu'il convient de te révéler te sera révélé. Seulement, que ton c_ur soit
tourné vers Dieu et ne doute de rien de ce que tu verras. " 5. Je lui demandai :
" Pourquoi la tour est-elle bâtie sur les eaux, Madame ? - Je t'ai dit
auparavant, dit-elle, que tu es curieux des Écritures et que tu recherches avec
soin. Et en cherchant, tu trouves la vérité. Écoute pourquoi la tour a été
construite sur les eaux : parce que votre vie a été sauvée par l'eau et qu'elle
le sera encore. La tour a été érigée par la parole du Nom tout-puissant et
glorieux, et elle est maintenue par la force invisible du Maître. "
12. (4)
1. Je lui dis en réponse : "
Madame, la chose est grande et admirable. Et les jeunes gens qui travaillent,
qui sont-ils, Madame ? - Ce sont les saints anges de Dieu, les premiers créés à
qui le Seigneur a confié toute la création à développer, à bâtir, à gouverner.
C'est par eux donc que sera achevée ia construction de la tour. 2. - Et les
autres qui amènent les pierres, qui sont-ils ? - Ce sont aussi des saints anges
de Dieu. Mais les six premiers leur sont supérieurs. Quand donc la construction
de la tour sera achevée, tous ensemble, ils se réjouiront autour d'elle et
glorifieront le Seigneur de ce qu'elle sera achevée. " 3. Je lui demandai : "
Madame, je voudrais connaître la destination et la signification des pierres. "
Elle me répondit : " Ne va pas croire que tu sois entre tous digne de cette
révélation, car d'autres sont avant toi et meilleurs que toi ; c'est à eux que
devraient être révélées ces visions. Mais pour que soit glorifié le nom du
Seigneur (Ps 86, 9, 12), tu as reçu et recevras encore ces révélations, pour les
hésitants, ceux qui se demandent en leur coeur si tout cela est réel ou non.
Dis-leur que tout cela est vrai, que rien de tout cela n'est en dehors de la
vérité, mais que tout est sûr, solide et bien fondé.
13. (5)
"1. Écoute maintenant ce qui
concerne les pierres qui entrent dans la construction. Les pierres carrées
blanches, s'agençant bien entre elles, ce sont les Apôtres, les évêques, les
docteurs, les diacres qui ont marché selon la sainteté de Dieu et qui ont exercé
leur ministère d'évêque, de docteur, de diacre avec pureté et sainteté, pour les
élus de Dieu ; les uns sont morts, les autres vivent encore. Et toujours ils se
sont accordés entre eux, ont maintenu la paix entre eux et se sont écoutés
mutuellement : c'est pour cela que dans la construction de la tour leurs joints
sont bien agencés. 2. - Les pierres qu'on tire du fond de l'eau, qu'on pose sur
la construction et qui s'agencent bien par leurs joints aux autres déjà
utilisées, qui sont-elles ? - Ce sont ceux qui ont souffert pour le nom de Dieu.
3. - Et les autres, celles qu'on apporte de la terre ferme, je voudrais savoir
qui elles sont, Madame. " Elle dit : " Celles qui entrent dans la construction
sont équarries, ce sont ceux que le Seigneur a approuvés, parce qu'ils ont
marché dans la voie droite du Seigneur et qu'ils ont respectés parfaitement ses
commandements. 4. - Et celles qu'on amène et qu'on place dans la construction,
qui sont-elles ?--Des nouveaux venus à la foi, et fidèles ; les anges leur
rappellent de faire le bien et on n'a trouvé en eux aucun mal. 5. - Et celles
qu'on repoussait et qu'on rejetait, qui sont-elles ? - Ce sont ceux qui ont
péché et qui veulent faire pénitence ; c'est pourquoi on ne les a pas rejetés
très loin de la tour : ils seront utiles à la construction s'ils se repentent.
Ceux donc qui sont enclins au repentir, s'ils font pénitence, seront fermes dans
la foi, à la condition qu'ils se repentent maintenant, pendant que la tour est
encore en construction. Quand elle sera achevée, il n'y aura plus de place pour
eux : ils seront rejetés ; il ne leur restera qu'une faveur : celle de rester
près de la tour.
14. (6)
"1. Tu veux connaître les pierres
qu'on brise et qu'on jette bien loin de la tour ? Ce sont les fils d'iniquité ;
ils n'ont eu qu'une foi hypocrite et ne se sont pas dépouillés de tout mal.
C'est pourquoi ils n'obtiennent pas le salut : ils sont inutiles à la
construction a cause de leurs vices ; ils ont donc été brisés et rejetés au
loin, par la colère du Seigneur, car ils l'avaient irrité. 2. Parmi les autres
que tu as vues joncher le sol sans entrer dans la construction, celles qui sont
effritées sont ceux qui ont connu la vérité, mais qui ne persévèrent pas en elle
et qui ne fréquentent pas assidûment les saints : d'où leur inutilité. 3. - Et
celles qui ont des fêlures, qui sont-elles ? - Ce sont ceux qui, dans leur
coeur, gardent une rancune mutuelle et ne font pas régner la paix entre eux (1
Th 5, 13 ; cf. Mc 9, 50), tout en gardant un masque de paix. Et quand ils se
séparent, leurs vices persistent dans leur coeur : voilà les fêlures que
présentent ces pierres 4. Les pierres mutilées, ce sont ceux qui ont la foi et
qui pour l'essentiel s'en tiennent à la justice, mais en qui subsistent des
restes d'iniquité : c'est pourquoi elles sont mutilées et tronquées. 5. - Et les
pierres blanches, rondes, qui ne peuvent s'adapter à la construction, qui
sont-elles, Madame ? " Elle me répondit : " Jusques à quand faudra-t-il que, par
stupidité et balourdise, tu demandes tout sans rien comprendre par toi-même ? Ce
sont ceux qui possèdent la foi, mais aussi les richesses de ce monde. Et quand
arrive l'épreuve, à cause de leurs richesses et de leurs affaires, ils renient
leur Seigneur. " 6. Je lui dis en réponse : " Madame, quand seront-ils donc
utilisables pour la construction ? - Quand, dit-elle, on aura rogné la richesse
qui les entraîne, alors, ils seront utilisables. Une pierre ronde, sans être
taillée, sans rejeter un morceau d'elle-même, ne peut devenir carrée : de même,
les riches de ce monde, si on ne rogne pas leurs richesses, ne peuvent être
utiles au Seigneur. 7. Instruis-toi d'abord d'après toi-même : lorsque tu étais
riche, tu étais inutile ; c'est maintenant que tu es tout à fait utilisable pour
la vie. Devenez utilisables pour Dieu ! Car toi-même tu as été une de ces
pierres.
15. (7)
"1. Les autres pierres que tu as
vues jetées loin de la tour, tombant sur le chemin et roulant dans des endroits
impraticables, ce sont ceux qui ont eu la foi, mais qui, à cause de leurs
doutes, abandonnent la voie de vérité. Ils se figurent trouver une meilleure
voie, ils errent et ils se traînent lamentablement par des chemins non frayés.
2. Celles qui tombent dans le feu et brûlent, ce sont ceux qui à jamais se sont
écartés du Dieu vivant (Hé. 3, 12) et l'idée de la repentance n'est plus montée
à leur coeur : ils n'ont plus que le goût de la débauche et des turpitudes
qu'ils ont commises. 3. Et celles qui tombent près des eaux, mais qui ne
parviennent pas à rouler dans l'eau, tu veux savoir qui elles sont ? Ce sont
ceux qui ont entendu la parole de Dieu (Mc 4, 18 ; Mt 13, 20, 22) et qui veulent
être baptisés au nom du Seigneur (Ac 19, 5 ; cf. 2, 38 ; 10, 48). Seulement,
lorsqu'ils se rappellent la sainteté qu'exige la vérité, ils changent d'avis et
se mettent de nouveau à la remorque de leurs passions mauvaises " (Qo 18, 30).
4. Elle avait fini l'explication de la tour. 5. Je m'enhardis et lui demandai si
toutes ces pierres rejetées et impropres à la construction pouvaient faire
pénitence et trouver place dans la tour. " Elles peuvent, dit-elle, faire
pénitence, mais non pas s'agencer dans cette tour. 6. Elles s'agenceront dans un
autre lieu beaucoup plus petit, et cela, lorsqu'elles auront été éprouvées et
auront expié leurs péchés pendant le temps fixé. Et ils seront délivrés pour
avoir eu part à la Parole de Justice. Et cette délivrance leur arrivera au
sortir de leurs épreuves, quand montera à leur coeur la pensée des turpitudes
qu'ils ont commises. Sinon, ils ne seront pas sauvés, vu la dureté de leur
coeur. "
16. (8)
1. Quand j'eus fini de lui poser
toutes ces questions, elle me dit : " Veux-tu voir autre chose ? " Moi, très
désireux de voir, j'en fus fort réjoui. 2. Me fixant des yeux, elle me sourit et
me dit : " Tu vois sept femmes autour de la construction ? - Oui, dis-je,
Madame. - La tour est supportée par elle, sur l'ordre du Seigneur. 3. Écoute
maintenant leurs fonctions. La première, qui de ses mains domine (les autres),
s'appelle la Foi ; c'est par elle que sont sauvés les élus du Seigneur. 4. La
suivante, qui a une ceinture et un air viril, s'appelle Continence : c'est la
fille de la Foi. Quiconque s'attache à elle est heureux pendant sa vie, parce
qu'il s'abstient de toute mauvaise action, car il a confiance que, s'il
s'abstient de tout désir pervers, il héritera de la vie éternelle. 5. - Et les
autres, Madame, quelles sont-elles ? Elles sont filles l'une de l'autre et
s'appellent Simplicité, Science, Innocence, Sainteté, Charité. Si tu accomplis
toutes les oeuvres de leur mère, tu pourras vivre. 6. - Je voudrais savoir,
dis-je, Madame, quel est le pouvoir de chacune d'elles. - Écoute, dit-elle,
quels sont leurs pouvoirs. 7. Il sont subordonnés les uns aux autres et se
suivent selon l'ordre de naissance de chacune. De la Foi naît Continence ; de
Continence, Simplicité ; de Simplicité, Innocence ; d'Innocence, Sainteté ; de
Sainteté, Science ; de Science, Charité. Leurs oeuvres sont pures, saintes,
divines. 8. Quiconque se fait leur serviteur et a la force de persévérer dans
leurs oeuvres aura sa demeure dans la tour avec les saints de Dieu. " 9. Je lui
demandai au sujet des temps, si c'était déjà la fin. Mais elle s'écria d'une
voix forte : " Insensé, ne vois-tu pas que la tour est encore en construction ?
Dès qu'elle sera achevée, ce sera la fin. Et elle sera vite achevée. Ne me
demande plus rien : il vous est suffisant, à toi et aux saints, de vous rappeler
cela et de renouveler vos esprits. 10. Mais ce n'est pas pour toi seul que tout
cela a été révélé : tu dois le faire connaître à tous, dans trois jours ; 11. tu
dois en effet d'abord réfléchir toi-même. Je t'enjoins premièrement, Hermas, de
répéter à la lettre pour les saints toutes les paroles que je vais te dire, pour
qu'après les avoir écoutées et observées ils soient purifiés de leurs péchés et
toi avec eux.
17. (9)
"1. Écoutez-moi, mes enfants. C'est
moi qui vous ai élevés en toute simplicité, innocence et sainteté, par la
miséricorde du Seigneur, qui a fait tomber sur vous goutte à goutte la justice
pour vous justifier et vous sanctifier de tout vice et de toute perversité. Mais
vous, vous ne voulez pas vous corriger de vos vices. 2. Maintenant donc,
écoutez-moi et faites la paix entre vous (1 Th 5, 13), rendez-vous visite et
secourez-vous les uns les autres (cf. Ac 20, 35) et n'accaparez pas pour vous
seuls les biens que Dieu a créés, mais donnez-en aussi en abondance aux
indigents. 3. Car les uns, à force de ripailles, finissent par affaiblir leur
corps et miner leur santé. D'autres, qui n'ont pas à manger, voient leur santé
ruinée par l'insuffisance d'aliments, et leur corps dépérit. 4. Cette
intempérance vous est nuisible, à vous qui possédez et qui ne donnez rien aux
indigents ! 5. Voyez le jugement qui arrive. Vous qui avez de trop, cherchez
ceux qui ont faim, tandis que la tour n'est pas encore achevée ; car après son
achèvement, même si vous voulez faire le bien, vous n'aurez plus l'occasion. 6.
Faites donc en sorte, vous qui tirez orgueil de vos richesses, que les indigents
n'aient pas à se lamenter (Lc 5, 4), que leurs lamentations ne montent pas
jusqu'au Seigneur et qu'avec tous vos biens, vous ne trouviez fermée la porte de
la tour. 7. Je m'adresse maintenant aux chefs de l'Église et à ceux qui occupent
les premiers rangs. Ne vous rendez pas semblables aux empoisonneurs : eux, ils
portent leurs poisons dans des boîtes ; vous, votre poison et votre venin, vous
les avez dans le coeur. 8. Vous êtes endurcis et vous refusez de purifier votre
coeur et de réaliser l'accord de votre pensée, dans la pureté du coeur pour
obtenir miséricorde du grand Roi (Ps 47, 3 ; etc.). 9. Veillez donc, mes
enfants, à ce que ces divisions ne vous privent pas de la vie. 10. Comment
prétendez-vous former les élus du Seigneur, sans avoir vous-mêmes de formation?
Formez-vous donc les uns les autres et faites la paix parmi vous (1 Tb 5, 13),
afin que moi aussi, me tenant joyeuse en face du Père, je puisse rendre de vous
tous à votre Seigneur un compte favorable. "
18. (10)
1. Quand elle eut fini de causer
avec moi, arrivèrent les six jeunes gens occupés à la construction : ils
l'emportèrent près de la tour et quatre autres enlevèrent le banc et
l'emportèrent aussi près de la tour. Je ne vis pas leur visage, car ils me
tournaient le dos. 2. Comme elle se retirait, je lui demandai de me faire une
révélation au sujet des trois formes sous lesquelles elle m'était apparue. Elle
me répondit : " À ce sujet, c'est à un autre qu'il faut demander une révélation.
" 3. Je l'avais vue, frères, dans la première vision de l'année précédente, très
âgée et assise dans un fauteuil. 4. Dans la suivante, elle avait l'aspect plus
jeune, mais le corps et les cheveux (encore) vieux, et elle me parlait debout ;
elle était plus joyeuse qu'auparavant. 5. Lors de la troisième vision, elle
était entièrement jeune et très belle : d'une vieille, elle n'avait plus que les
cheveux ; elle fut extrêmement joyeuse et était assise sur un banc. 6. Ces
détails, j'étais fort intrigué de les comprendre par la révélation promise. Et
la nuit, je vois en vision la femme âgée qui me dit : " Toute demande exige
l'humilité. Fais donc jeûne et tu obtiendras ce que tu demandes au Seigneur. "
7. Je fis donc jeûne un jour et la nuit même m'apparut un jeune homme qui me dit
: " Pourquoi demandes-tu continuellement des révélations dans ta prière ? Prends
garde, en demandant trop, de nuire à ton corps. 8. Les révélations précédentes
doivent te suffire. Es-tu capable de supporter des révélations plus fortes que
celle que tu as déjà eues? ~ 9. Je lui réponds : " Seigneur, je ne demande qu'un
détail, concernant les trois formes de la femme âgée, pour compléter la
révélation. " Il me répond : " Jusqu'à quand serez-vous insensés ? Hélas ! Ce
qui vous rend insensés, c'est de douter et aussi de ne pas tourner votre coeur
vers le Seigneur. " 10. Je lui réponds de nouveau : " Mais par vous, Seigneur,
nous connaîtrons ces points plus exactement. "
19. (11)
1 "Écoute, dit-il ; voici ce que tu
cherches à propos des trois formes. 2. Dans la première vision, pourquoi la
femme âgée t'est-elle apparue âgée et assise dans un fauteuil ? Parce que votre
esprit était déjà vieilli, déjà flétri et sans force, de par votre mollesse et
vos doutes. 3. Les vieillards, parce qu'ils n'ont plus l'espoir de rajeunir, ne
s'attendent plus à rien autre qu'à la mort : de même, vous, amollis par les
affaires du siècle, vous vous êtes laissés aller à l'abattement et vous ne vous
en êtes pas remis de vos soucis au Seigneur (Ps 54, 23 ; cf. 1 P. 5. 7) ; aussi
votre coeur a été brisé et les chagrins vous ont vieillis 4. - Pourquoi
était-elle assise dans un fauteuil ? Je voudrais le savoir, Seigneur. Parce que
tout homme faible, à cause de sa faiblesse, est obligé de s'asseoir pour
réconforter son corps débile. Voilà le sens général de la première vision.
20. (12)
"1. Lors de la seconde vision, tu
la vis debout, l'air plus jeune et plus gai qu'auparavant, mais avec le corps et
les cheveux d'une vieille. Écoute, dit-il, la comparaison suivante. 2. Un
vieillard qu'ont déjà conduit au désespoir la faiblesse et l'indigence, n'attend
plus rien que le dernier jour de sa vie ; mais voici que brusquement lui échoit
un héritage ; à cette nouvelle, il s'est levé et tout à la joie, il s'est revêtu
de force. Il n'est plus couché, mais debout ; son esprit déjà flétri par ses
peines antérieures, rajeunit ; il n'est plus toujours assis, mais agit en homme
: il en va de même pour vous, une fois entendue la révélation que le Seigneur
vous a faite. 3. Il a eu pitié de vous, il a rajeuni votre esprit ; vous, vous
avez rejeté votre mollesse et la force vous est revenue et vous vous êtes
affermis dans la foi. Et voyant votre force, le Seigneur s'est réjoui ; c'est
pourquoi il vous a montré la construction de la tour et il vous fera encore
d'autres révélations, si du fond du coeur vous faites la paix entre vous (1 Th
5, 13).
21. (13)
1. “Lors de la troisième vision, tu
la vis plus jeune, belle, gaie, d'un physique charmant. 2. Si un affligé reçoit
une bonne nouvelle, tout de suite il oublie ses misères antérieures ; il n'est
plu sensible qu'à cette nouvelle, et il reprend force désormais pour le bien et,
par la joie éprouvée, son esprit redevient jeune. Il en va de même pour vous :
la vue de ces biens a rajeuni vos esprits. 3. Quant au fait que tu l'as vue
assise sur un banc, c'est là une position stable, puisque le banc a quatre pieds
et qu'il tient ferme. Le monde aussi est soutenu par quatre éléments. 4. Ceux
qui auront fait pénitence seront complètement rajeunis et raffermis - ceux du
moins qui du fond du coeur auront fait pénitence. Tu as reçu ainsi la révélation
complète. Ne demande plus dorénavant de révélations : si tu en as besoin, tu en
recevras une. "
Vision IV
22. (1)
1. Voici la vision que j'eus,
frères, à vingt jours de la précédente, préfiguration de l'épreuve qui arrive.
2. Je m'en allais par la voie Campanienne à ma propriété de campagne située à
peu près à dix stades de la voie publique. Le chemin est cependant facile. 3.
Marchant seul, je demande au Seigneur de parfaire les révélations et visions
qu'il m'a envoyées par sa sainte Église, pour m'affermir et accorder pénitence à
ses serviteurs pris au piège : ainsi sera glorifié son nom sublime (Ps 86, 9, 12
; cf. 99, 3) et glorieux, puisqu'il m'a jugé digne de me montrer ses merveilles.
4. Je le glorifiais et lui rendais grâces, quand un bruit de voix me répondit :
" Rejette le doute, Hermas. " Je me mis alors à réfléchir et me dis : " Quelles
raisons aurais-je de douter, moi qui ai été affermi à ce point par le Seigneur
et qui ai vu ces merveilles ? " 5. Et je m'avançai un peu, frères, et voilà que
je vois un nuage de poussière qui a l'air de monter au ciel. Je me dis : "
Serait-ce un troupeau qui approche et soulève la poussière ? " C'était éloigné
de moi d'un stade à peu près. 6. Mais il grandissait de plus en plus et j'y
devinai quelque chose de divin. Le soleil parvint a percer quelque peu et voilà
que jc vois une bête énorme comme une baleine et de sa gueule sortaient des
sauterelles de feu. Le monstre avait bien cent pieds de long et sa tête avait le
calibre d'une grosse jarre 7. Je me mis à pleurer et à demander au Seigneur de
me délivrer du monstre. Et je me souvins de la parole entendue : " Rejette le
doute, Hermas ! " 8. Alors, frères, je me remplis de la foi du Seigneur, me
rappelai son enseignement sublime, et dans un accès de courage, je me livrai au
monstre. Il s'avançait avec un ronflement à anéantir une ville. 9. Je m'avance
tout près de lui et voilà cette énorme bête qui s'étend à terre et ne projette
plus rien que sa langue : elle ne fit plus aucun mouvement jusqu'à ce que je
fusse passé. 10. Le monstre avait sur la tête quatre couleurs : noir, puis feu
et sang, puis or et puis blanc.
23. (2)
1. J'avais dépassé la bête et
m'étais avancé d'environ trente pas et voilà que vient à ma rencontre une jeune
fille parée comme si elle sortait de la chambre nuptiale (Ps 19, 5 ; Ap 21, 2),
tout en blanc, avec des souliers blancs, voilée jusqu'au front et avec un bonnet
comme coiffure. Elle avait les cheveux blancs. 2. Je sus, d'après mes visions,
que c'était l'Église et mon contentement s'en accrut. Elle me salue ainsi : "
Bonjour, l'homme. " Et moi, je lui rendis son salut : " Bonjour, Madame. " 3.
Elle me répond : " Tu n'as rien rencontré ? - Madame, lui dis-je, j'ai rencontré
un monstre tel qu'il pourrait anéantir des peuples ! Mais par la puissance du
Seigneur et sa miséricorde, je lui ai échappé. 4. - Tu as eu le bonheur
d'échapper, dit-elle, parce que tu t'en es remis à Dieu de tes soucis (Ps 55,
23), que tu as ouvert ton coeur au Seigneur (Ps 62, 7) et que tu as cru ne
pouvoir être sauvé que par son nom grand et glorieux. Voilà pourquoi le Seigneur
t'a envoyé celui de ses anges qui a charge des bêtes sauvages. Son nom est
Thegri : il lui a fermé la gueule pour éviter qu'il te fasse du mal (Dn 6, 23 ;
Hé 11, 33). Tu as échappé à une grande catastrophe par ta foi : la vue d'un tel
monstre ne t'a pas ébranlé. 5. Maintenant donc, retire-toi et va expliquer à ses
élus les exploits glorieux du Seigneur et dis-leur que ce monstre est la
préfiguration de la grande épreuve qui arrive. Si vous vous y préparez et que,
du fond d'un coeur repentant, vous reveniez vers le Seigneur, vous pourrez y
échapper, mais il faut que votre coeur soit pur et irréprochable et que le reste
de vos jours, vous serviez le Seigneur sans mériter de blâme. Vous vous en êtes
remis de vos soucis au Seigneur (Ps 55, 23) et il les dissipera. 6. Croyez au
Seigneur, vous qui doutez : il peut aussi bien détourner sa colère de vous que
vous envoyer des châtiments, à vous qui doutez. Malheur à ceux qui ont entendu
ces paroles sans les comprendre. Il vaudrait mieux pour eux n'être pas nés " (Mt
26, 24 ; Mc 14, 21).
24. (3)
1. Je lui posai une question sur
les quatre couleurs que la bête avait sur la tête. Elle me répondit : " De
nouveau cette minutie déplacée pour de tels sujets ! - Il est vrai, dis-je,
Madame ; mais faites-moi savoir ce que c'est 2. - Écoutez, dit-elle. Le noir,
c'est ce monde où vous habitez ; 3. Le feu et le sang veulent dire que le monde
doit périr par le feu et le sang ; 4. la partie dorée, c'est vous, qui avez fui
ce monde (2 P 2, 20). En effet, l'or est éprouvé par le feu (1 P 1, 7 ; cf. Qo
2, 5 ; Pr. 17, 3 ; Jb 23, 10) et devient par là utilisable ; c'est ainsi que
vous êtes éprouvés, vous qui habitez avec les gens d'ici. Vous qui aurez tenu
bon et subi de leur part l'épreuve du feu, vous serez purifiés. L'or rejette
ainsi ses scories ; de même, vous rejetterez toute affliction et toute angoisse,
vous serez purifiés et utilisables pour la construction de la tour. 5. La partie
blanche, c'est le monde qui arrive, où habiteront les élus du Seigneur : car ils
seront sans tache et purs, les élus de Dieu pour la vie éternelle. 6. Toi donc,
ne cesse pas d'en parler aux saints. Vous tenez là la préfiguration de la grande
épreuve qui vient. Mais si vous le voulez, elle ne sera rien. Rappelez-vous ce
qui fut écrit antérieurement. " 7. Sur ce, elle s'en alla et je ne vis pas par
où elle était partie : car il y eut un nuage et moi, je fis demi-tour, pris de
peur : j'avais l'impression que le monstre revenait.
VISION V
25.
1. J'avais prié dans ma maison et
je m'étais assis sur le lit quand je vis entrer un homme d'apparence glorieuse,
en costume de berger, enveloppe d'une peau de chèvre blanche, une besace sur les
épaules et un bâton à la main. Il me salua et je lui rendis son salut. 2. Tout
de suite, il s'assit près de moi et me dit : " J'ai été envoyé par le plus
vénérable des anges, pour habiter avec toi tout le reste de tes jours. " 3. Il
me sembla qu'il était là pour m'éprouver et je lui dis : " Mais toi, qui es-tu ?
Car moi, dis-je, je sais bien à qui j'ai été confié. " Il me dit : " Tu ne me
reconnais pas ? - Non, dis-je. - Je suis, dit-il, le Pasteur à qui tu as été
confié. " 4. Il parlait encore que son aspect changea et alors je le reconnus :
c'était bien celui à qui j'avais été confié ; et tout de suite, rempli de
confusion, la peur me saisit et la douleur m'accable : ne lui avais-je pas
répondu de façon méchante, insensée ? 5. Mais il me répondit : " Ne te trouble
pas ; au contraire, raffermis-toi dans les préceptes que je vais te donner. Car
j'ai été envoyé, dit-il, pour te montrer encore une fois tout ce que tu as vu
précédemment, les principaux points qui vous sont utiles. Toi donc, prends note
tout d'abord des Préceptes et des Similitudes. Le reste, tu l'écriras comme je
te l'indiquerai ; si je t'ordonne, dit-il, d'écrire d'abord les Préceptes et les
Similitudes, c'est pour que, les ayant sous la main, tu puisses les lire et les
observer. " 6. J'ai donc écrit les Préceptes et les Similitudes, comme il me
l'avait ordonné. 7. Et si vous les écoutez, si vous les observez, si vous
marchez dans cette voie et les mettez en pratique avec un coeur pur, vous
obtiendrez du Seigneur tout ce qu'il vous a promis. Mais si, après les avoir
entendus, vous ne faites pas pénitence, si vous ajoutez encore à vos péchés,
vous recevrez du Seigneur tout le contraire. Voici tout ce que m'a ordonné
d'écrire le Pasteur, l'ange de la pénitence.
|