Première partie

La vie de Saint Jean Bosco

8
Les épreuves

Le soir du jour où don Bosco célébra sa première messe, maman Marguerite lui avait dit: “Mon fils, retiens bien ceci: commencer à dire la messe c’est commencer à souffrir.”

Toute la vie de don Bosco fut l’illustration de cette remarque.

            – Jean fut orphelin dès l’âge de deux ans.

            – Sa petite enfance s’écoula dans une grande gêne matérielle.

            – Durant toute sa jeunesse il ne cessa de rencontrer une multitude d’obstacles comme pour l’empêcher de répondre à sa vraie vocation.

8-1-Les défections

Enfin voilà don Bosco prêtre; les épreuves décuplent et on le chasse de partout: la marquise de Barolo le congédie, ses amis doutent de lui et de la solidité de son cerveau, l’autorité le tracasse, la maladie l’éloigne de ses enfants. Et maman Marguerite meurt, et les défiances se multiplient autour de ses œuvres, et l’argent manque toujours. Par ailleurs, la souffrance physique fut aussi pour lui une compagne fidèle et cruelle...

Et puis, même si des sujets d’élite l’assistèrent sans faillir, d’autres, hélas! firent défection, tentés par le monde ou par des promesses d’avenir brillant.

8-2-Les calomnies

Mais ce n’est pas tout: la calomnie s’abattit sur l’œuvre naissante de don Bosco, et l‘on tenta même de la ruiner. En 1860 des perquisitions brutales furent opérées dans les locaux de l’Oratoire saint François de Sales dont les cours d’humanités comptaient plus de 300 élèves. Motif: l’Oratoire était un foyer de conspirations... À neuf reprises don Bosco dut subir la fatigue et la honte de visites domiciliaires, qui, on s’en doute, ne donnèrent aucun résultat.

8-3-Les guet-apens

Incontestablement le succès des œuvres et des publications de don Bosco dérangeait trop; aussi, à plusieurs reprises fut-il affronté à des groupes de malfaiteurs qui le volèrent ou même cherchèrent à attenter à sa vie. La protection dont il bénéficia fut souvent, comme nous allons le voir maintenant, véritablement extraordinaire. Nous allons rapporter ici quelques exemples, puis nous parlerons de son chien El Grigio.

De 1852 à 1856 don Bosco fut plusieurs fois attaqué par des adeptes de la secte vaudoise qui avaient décidé de se débarrasser de lui.

            – un dimanche soir, alors qu’il était en train de donner une leçon de catéchisme, quelqu’un tira sur lui; la balle passa entre ses côtes et son bras et s’arrêta sur le mur d’en face. Affolement général des jeunes auditeurs :

“Allons, dit don Bosco, continuons notre leçon... la Sainte Vierge lui a fait manquer sa cible. L’ennuyeux, c’est que c’est ma belle soutane, et la voilà déchirée!”

            – Un autre soir on vint le chercher pour, soi-disant, administrer un mourant. Méfiant, Don Bosco prit avec lui quatre de ses garçons, sous prétexte de leur faire prendre l’air. Chez le mourant, don Bosco trouva une bande de joyeux lurons qui faisaient semblant de manger de châtaignes:

— Quelques châtaignes, monsieur l’Abbé ?

— Non je ne mange jamais entre les repas

— Alors un petit verre de vin ?

— N’insistez pas, je ne bois pas plus que je ne mange.

— Voyons, pour nous faire plaisir.

Don Bosco prit le verre, mais après avoir porté un toast avec les autres, il reposa le verre. Il avait remarqué qu’on avait pris pour lui, une bouteille non entamée. Don Bosco renouvela son refus, mais les hommes révélèrent enfin leur mortel projet :

— Si vous ne le prenez pas de bon gré, vous le prendrez de force.

D’un bond don Bosco fit entrer ses quatre gaillards et le calme se rétablit. Il n’y avait pas de moribond à administrer dans la maison, et notre saint remercia Dieu de l’avoir protégé.

8-4-Le chien : el Grigio

Les attaques ne se terminaient pas toujours aussi bien, et don Bosco fut parfois blessé. Quand il rentrait tard le soir, don Bosco était toujours sur la défensive; cependant jamais il ne porta plainte: il oubliait l’offense et continuait son chemin. Vraiment, les œuvres de don Bosco gênaient trop l’enfer; mais le ciel veillait. Lorsque la situation devenait critique, un chien, le Grigio, était là, prêt à défendre son maître. Comment don Bosco et le Grigio firent-ils connaissance ?

C’était un soir d’automne de 1852. L’endroit était dangereux et soudain don Bosco vit un énorme chien arriver près de lui et cheminer à côté de lui. D’abord effrayé, don Bosco s’aperçut que la bête était sympathique et qu’elle acceptait ses caresses. Désormais, tous les soirs, quand il rentrait tard, don Bosco avait un compagnon. Lorsqu’ils étaient arrivés à la porte du patronage, la bête s’en allait. Cette compagnie lui fut, comme nous allons le voir,  parfois très précieuse.

Un soir d’hiver, un individu embusqué derrière un arbre tira deux fois sur don Bosco, mais manqua sa cible. Alors l’homme se précipita sur le prêtre et l’aurait probablement assommé, si une bête furieuse et  hurlante ne s’était précipitée sur le dos de l’agresseur qui s’enfuit sans demander son reste.

Une nuit, deux personnes à l’aspect louche cheminaient devant don Bosco, à quelques pas de lui. Méfiant, don Bosco rebroussa chemin pour rentrer en ville, mais les deux hommes se précipitèrent sur lui, le bâillonnèrent et lui enfermèrent la tête dans un sac. Don Bosco était à la merci des malfaiteurs quand, soudain, un aboiement furieux retentit: c’était encore el Grigio, qui, en quelques secondes, délivra son maître.

Une autre fois, Don Bosco suivait l‘avenue qui le conduisait à son logis. Soudain sortit d’un buisson un individu qui se précipita sur lui avec un bâton. Plus rapide que l’éclair, don Bosco décocha à l’homme un formidable coup de poing qui le renversa hurlant de douleur. À ses cris, toute une bande de voyous émergea des buissons. Don bosco était perdu: dans deux secondes il serait assommé. C’est alors que l’aboiement de Grigio se fit entendre. Les crocs menaçants du chien ne laissant aucun doute sur ses intentions, les voyous s’enfuirent...

Curieuse bête, si douce avec don Bosco et toujours prête à le défendre! Un jour pourtant, el Grigio ne voulut pas laisser sortir son maître de chez lui. La bête était déterminée, hargneuse, et même menaçante. Maman Marguerite, d’abord étonnée, déclara à son fils:

— Si tu ne veux pas m’écouter, écoute au moins cette bête: elle a plus de raison que toi.

Don Bosco resta à la maison. Moins d’un quart d’heure après, un voisin vint supplier don Bosco de ne pas sortir ce soir-là: il avait surpris une conversation indiquant que l’on préparait un mauvais coup contre lui.

Enfin, peu à peu, les persécutions sectaires cessèrent, s’éteignant par lassitude. El Grigio disparut aussi, et personne ne revit plus jamais ce sympathique animal.

8-5-Les épreuves physiques

8-5-1-Les infirmités

Don Bosco fut un travailleur acharné, et pourtant il fut souvent éprouvé physiquement. En juillet 1856 un coup de foudre endommagea fortement son œil droit qui fut définitivement perdu en 1878. Et son œil gauche n’était pas bon... Puis, dès 1846 des varices gonflèrent ses jambes et la marche lui devint très difficile et pénible. Parfois même les varices éclataient...

Puis il y eut les migraines et les névralgies dentaires. Il y avait aussi l’arthrite, et parfois des hémoptysies... Ses trois dernières années furent un constant martyre: on était même obligé de le soutenir dans tous ses déplacements.

Et pourtant... Don Bosco était complètement épuisé lorsque l’ordre lui fut donné de Rome, en février 1884, d’achever la construction de l’église du Sacré-Cœur, et d’en payer les travaux. C’est alors qu’il se mit en route pour la France.  (voir ci-dessous)

8-5-2-Les songes

Deux songes étonnants avaient averti don Bosco que ses souffrances étaient voulues par Dieu:

            – En 1847[1] , une nuit, il aperçut la  Vierge Marie qui l’invitait à  marcher sur un long berceau de roses. Les roses descendaient des pilastres, et jonchaient le sol en répandant un parfum délicieux. Don Bosco retira ses chaussures pour ne pas écraser les roses, mais il s’aperçut vite que ces merveilleuses fleurs cachaient bien des épines.. Il retourna se rechausser, mais il était maintenant suivi d’un groupe de compagnons. Le parfum était enivrant, mais les épines mettaient les jambes en sang. Les prêtres et les jeunes clercs qui suivaient don Bosco gémissaient; il rebroussèrent vite chemin.

Et don Bosco se mit à pleurer :

— Est-ce possible que je doive arriver seul au but ?

C’est alors qu’un autre groupe arriva : prêtres, jeunes clercs et laïcs. Ils lui dirent:

— Prends-nous; nous sommes disposés à te suivre partout.

Don Bosco se mit à la tête de ses nouveaux compagnons, et ils atteignirent la tonnelle, mais épuisés, amaigris, ensanglantés. Alors un vent léger se leva qui cicatrisa toutes les plaies. Une forte brise souffla ensuite, et don Bosco se trouva au milieu d’une foule de jeunes gens que ces prêtres, ces clercs et ces laïcs guidaient et éduquaient.

            – Trente ans plus tard en 1880, don Bosco se vit dans sa  chambre, entouré du Conseil de la congrégation salésienne. Soudain un orage épouvantable et un coup de foudre ébranlèrent les airs:

— Oh ! Une pluie d’épines !

Un second coup de tonnerre: le temps semblait s’éclaircir un peu, et don Bonetti de s’écrier :

— Voilà que les épines font place à des boutons de fleurs.

Un troisième coup de tonnerre, le ciel était devenu clair, et don Bonetti constata:

— Bon, ce sont des fleurs qui pleuvent maintenant.

Un dernier coup de tonnerre, et du ciel devenu clair et brillant tombèrent des roses aux parfums pénétrants:

— Ce n’est pas trop tôt, soupira don Bosco.

8-6-Don Bosco et l’enfer

Don Bosco sauvait décidément beaucoup trop d’âmes; cela mettait l’enfer en fureur. Il n’est pas dans notre propos de raconter tout ce que Don bosco a souffert. Il suffit de savoir que Satan se comportait vis à vis de lui comme il l’avait fait avec le saint Curé d’Ars.

À partir de 1862, les persécutions devinrent vraiment infernales, infestant la plupart de ses nuits. Don Bosco sortait épuisé de ces sabbats nocturnes. Cela dura deux ans, jusqu’en 1864.

Comment ces attaques cessèrent-elles? Nous ne le savons pas. Un étrange dialogue avec l’un de ses protégés nous révèle seulement qu’il réussit à terrasser l’ennemi. C’était un soir, et, familièrement, à des intimes, don Bosco disait l’effroi que lui causait la seule pensée de ces nuits de sabbat. L’un des jeunes gens déclara:

― Oh ! moi, je n’aurais pas peur de lui.

― Tais-toi, coupa don Bosco d’une voix dure qui étonna tout le monde. Tais-toi, tu ne sais pas jusqu’où peut aller, avec la permission de Dieu, le pouvoir de Satan.

― Mais si je le sais. Tenez, si je le voyais, je le prendrais au cou, et l’on verrait bien.

― Tu dis des sottises, mon enfant. Rien que la peur te ferait mourir à son premier contact.

― Mais je ferais le signe de la Croix.

― Ça l’arrêterait une minute.

― Alors comment faisiez-vous pour le repousser ?

― Le moyen de le mettre en fuite, je le connais bien maintenant. Depuis que je l’emploie, il me laisse tranquille.

― Et quel est-il? L’eau bénite ?

-À certaines minutes l’eau bénite elle-même ne suffit pas.

― Oh ! dites-le-nous, ce remède, supplièrent en chœur les jeunes gens.

― Je le connais, je l’ai employé, il fut efficace, oh ! Combien !...

Puis don Bosco se tut, gardant pour lui, définitivement, ce secret... Mais le serviteur de Dieu avait terrassé l’enfer.


[1] Don Bosco n’avait que 32 ans.

 

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