

Don Bosco fatigué, malade, ne
pouvant plus se déplacer qu’en fauteuil roulant pensait pouvoir respirer au
moins un petit peu. Hélas! Le pape Léon XIII allait lui imposer un nouveau et
redoutable fardeau: le financement de l’église du Sacré-Cœur de Rome, dont la
construction, sur l’Esquilin, avait été décidée, en 1878, par son prédécesseur
Pie IX. Mais les travaux avaient été interrompus en raison des augmentations
imprévues du coût de la construction, car, contrairement à toute attente, il
avait fallu descendre les fondations à une profondeur de 18 mètres pour ne pas
reposer sur les anciennes galeries de mines de kaolin.
Comment faire ? C’est alors que le
cardinal Alimonda suggéra au pape Léon XIII : “Confiez l’entreprise à don
Bosco, il en viendra à bout.” Aussitôt dit, aussitôt fait.
Don Bosco consulta son conseil,
lequel refusa l’opération compte tenu des infirmités et de la fatigue de leur
Père. Mais don Bosco leur dit, entre autres:
― ... Croyez-moi, si vous votez
pour, je puis vous assurer que le Cœur de Jésus à qui ce temple sera dédié, nous
enverra des ressources, paiera nos dettes et par-dessus le marché, nous fera un
joli cadeau.
Le conseil, cette fois, vota pour
le projet et don Bosco accepta une entreprise qui pesa lourd sur ses vieilles
épaules. Les travaux avançaient, mais lentement, car le financement manquait.
C’est alors que don Bosco eut l’idée de solliciter la générosité française, et
il entreprit un étonnant voyage.
Depuis longtemps don Bosco désirait
établir ses fils à Paris, là où il y avait une nombreuse jeunesse pauvre et
abandonnée. Nous sommes en 1883. Jean Bosco avait 68 ans et c’était un vieillard
usé.[1]
Son corps était las, ses jambes très malades, et ses yeux presque aveugles. Et
pourtant une force étrange le poussait vers Paris. Vers 1880 le pape Léon XIII,
comme nous l’avons dit ci-dessus, se trouvant dans l’impossibilité financière de
poursuivre les travaux de construction de l’église du Sacré-Cœur de Rome,
s’était adressé à don Bosco. Les travaux reprirent, mais de nouveau ce fut
l’impasse. Don Bosco s’adressa d’abord au comte Colle, de Toulon, puis résolut
de solliciter “la généreuse France”. L’occasion tant attendue se
présentait pour lui... Le 21 janvier 1884 il entreprenait le grand voyage qui
lui ferait traverser la France puis atteindre Paris.
Don Bosco passa par Nice, Toulon,
Marseille, Avignon, et gagna Lyon. Partout les foules se précipitaient sur son
passage. Le 8 avril 1884 il fit un pèlerinage à N.D. de Fourvière, puis visita
de nombreuses églises lyonnaises.
Le samedi 14 avril il se passa un
étrange événement: don Bosco avait été invité à donner une conférence à la
Société de Géographie de Lyon. Or voici qu’il se révéla un surprenant érudit,
donnant de multiples détails sur la faune, la flore, les richesses géologiques
et les paysages de Patagonie et d’Amérique du Sud. Les savants bientôt, ne
suivirent plus la carte, mais fixèrent don Bosco qui semblait véritablement
inspiré. Comment connaissait-il toutes ces choses?
― Mon Père, à quelles sources
vous êtes-vous documenté?
Don Bosco ne répondit pas. C’était
en rêve qu’il avait contemplé ces terres inconnues, guidé par son cher ami Louis
Colle.
Enfin, le 19 avril 1884 don Bosco
arriva à Paris. Cela se sut presque instantanément: les foules accoururent, et
les miracles se multiplièrent.
Paris se montra incroyablement
généreux: 150 000 francs furent récoltés pour les œuvres de don Bosco, et en
particulier pour la fondation de la maison salésienne de Ménilmontant, qui
s’ouvrira deux ans plus tard. Le 26 mai 1884 don Bosco quittait Paris pour
rejoindre Turin, mais en passant par Lille, Dijon et Dôle.
Le 14 mai 1887, l’édifice dédié au
Sacré-Cœur était consacré par le cardinal Parocchi.
Le 24 septembre 1885, don Bosco
annonça à toute sa congrégation que son successeur serait don Michel Rua. Don
Bosco aurait pu se reposer un peu, mais au printemps de 1886 il entreprenait un
voyage triomphal en Espagne, ponctué, comme en France, de nombreux miracles.
Et don Bosco bénissait Notre-Dame
Auxiliatrice, si bonne, si compatissante.
Sa tâche achevée, don Bosco pouvait
mourir: il le désirait vivement, car, disait-il : “Je désire aller en
paradis, car là je pourrai travailler bien mieux pour mes fils. Sur terre, je ne
puis plus rien pour eux.”
[1] À
cette époque on vieillissait beaucoup plus vite que maintenant.

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