

Troisième partie
Saint Jean Bosco - L’homme
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Don Bosco confesseur
Le sacrement de pénitence joua un
rôle très important dans la pédagogie de don Bosco qui fut, dira-t-on, le plus
grand confesseur de la jeunesse. Pendant quarante six ans, tous les matins avant
la messe, et tous les soirs, il se tenait à la disposition de ses garçons. Même
par les temps les plus extrêmes, grands froids ou fortes chaleurs, il demeurait
souvent jusqu’à dix heures de suite dans son confessionnal. À la suite de son
premier confesseur, don Cafasso, il confessait aussi dans les prisons de Turin,
chaque semaine. Il fut l’un des plus grands confesseurs de tous les temps.
Don Bosco avait beaucoup souffert,
tout au long de sa jeunesse, de l’extrême froideur que manifestaient les prêtres
vis à vis des enfants et des jeunes: cela faisait partie des règles du
savoir-vivre de l’époque. Aussi don Bosco s’était-il juré de remédier à cet
état de fait dès qu’il serait prêtre. En effet, pour combler le retard dans la
formation chrétienne des jeunes, il fallait au contraire épanouir la vie de Dieu
au fond des âmes; et cela, seuls les sacrements de pénitence et de l’Eucharistie
pouvaient le faire. La grande majorité des fils de don Bosco revenait de très
loin: il lui fallait donc donner sans cesse le pardon de Dieu.
Don Bosco confessa partout: d’abord
dans un modeste réduit près de l’Église Saint François d’Assise de Turin, puis
dans les divers lieux où son patronage devait se transporter, dans les bois,
dans les prairies, le long des haies, puis dans le hangar de Mr Pinardi, enfin
dans la chapelle Saint François de Sales, jusqu’en 1868, puis dans l’église
Notre-Dame Auxiliatrice quand elle fut ouverte au culte.
Les confessions duraient peu de
temps, mais la courte exhortation du Père tombait toujours à l’endroit le plus
sensible. L’un de ses fils qui deviendra cardinal, Mgr Cagliero dira: “Au
confessionnal, il était unique. Sa bonté se montrait constante et admirable. On
accourait à lui parce qu’on était gagné par sa douceur et sa charité patientes.
Plus indulgent que sévère, il savait éveiller tout à la fois en nos cœurs le
plus grand abandon à la miséricorde de Dieu, et la crainte salutaire du
Seigneur.”
Don Bosco rencontra parfois des
difficultés avec quelques-uns de ses enfants. Il ne réussissait pas toujours à
ouvrir les cœurs, à cause du “démon muet” qui rendait l’enfant tellement
honteux de sa faute qu’il n’osait pas l’accuser. L’art de diriger les âmes des
jeunes gens n’est pas chose aisée.
Alors qu’il était encore étudiant à
Chieri, Jean Bosco eut l’occasion de rencontrer Luis Comollo, et une amitié
profonde unit les deux jeunes gens. “Tout les rapprochait, leur piété, leur
ardeur pour l’étude, leur amour de la Sainte Vierge, leur zèle pour le bien de
leurs compagnons, leur esprit de sacrifice, et même leurs natures contraires.[1] “
Luis Comollo eut une grande
influence sur Jean Bosco. Malheureusement le 2 avril 1839, le jeune et saint
séminariste mourut...
Une expérience à éviter
Jean Bosco et son ami Comollo
“s’étaient promis que celui qui mourrait le premier viendrait tranquilliser
l’autre sur son salut éternel.”
La nuit qui suivit le décès de
Luis, le bruit d’un lourd chariot tirant son attelage se déchaîna dans le
couloir menant au dortoir où reposaient 20 séminaristes. Tout tremblait dans le
dortoir. Soudain la porte s’ouvrit, le vacarme entra dans le dortoir
accompagnant une lueur vacillante multicolore. Soudain le bruit cessa, la lueur
prit un éclat extraordinaire, et une voix répéta par trois fois: “Bosco, je
suis sauvé!”. Le dortoir était tout illuminé et bientôt le tumulte reprit;
la maison tremblait comme si elle allait s’écrouler. Puis tout s’éloigna dans le
silence de la nuit. Les séminaristes terrorisés ne dormirent plus cette nuit-là,
malgré les efforts de Bosco pour les rassurer en leur disant: “Comollo est
sauvé!”
L’amitié qui avait uni Jean Bosco
et Luis Comollo se prolongea au-delà de la mort. En 1847, une nuit, Maman
Marguerite entendit son fils converser longuement dans sa chambre: “Avec qui
parlais-tu cette nuit?” demanda la vieille maman le lendemain matin.
“Avec Luis Comollo.” répondit Jean, sans livrer les secrets qui l’unissaient
déjà à l’au-delà.
Dominique Savio, né le 2 avril
1842, est décédé le 9 mars 1857. En quinze années de vie, ce jeune garçon qui
fut un élève cher à Don Bosco, à l’Oratoire du Valdocco, réussit à devenir
saint.
Dominique Savio naquit dans le
Piémont près de Turin. Très avancé au point de vue spirituel et désireux de
s’instruire, il eut la chance de rencontrer Don Bosco qui l’accepta
immédiatement à l’Oratoire. L’enfant adopta avec enthousiasme le programme de
son maître: sainteté et salut des âmes, le tout vécu dans un climat de joie à
l’école de Saint François de Sales. Se faisant tout à tous, au milieu des autres
enfants, spécialement attentif aux plus faibles, Dominique fut un très bon
camarade, mais avec discernement. Deux événements mariaux marquèrent son
parcours à l’Oratoire: la fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1854,
jour de la proclamation du dogme par Pie IX, et 9 mois avant sa mort, la
fondation avec quelques amis de la “Compagnie de l’Immaculée”.
Il n’avait pas encore tout à fait
atteint ses quinze ans, quand il mourut le 9 mars 1857. Don Bosco écrira sa vie.
(voir Annexe 3)
Nous venons de parler de Luis
Comollo et de Dominique Savio. Don Bosco connut d’autres amitiés étonnantes,
notamment celle qu’il entretint plus tard avec le “petit COLLE”
Le comte Colle fut un grand
bienfaiteur de don Bosco. Il avait un fils, Luis, intelligent, ange de douceur
et de bonté, mais très frêle, avec qui Don Bosco fut en relation pendant deux
ans, jusqu’à sa mort, à l’âge de dix-sept ans. Don Bosco assista son ami sur son
lit de mort. Ensuite leurs relations devinrent encore plus étroites. Dès le
lendemain de sa mort, en effet, don Bosco le retrouva à chaque pas sur sa route,
dans des songes ou des apparitions, et il recueillait de lui les ordres du Ciel.
Sur ce sujet don Bosco a fait des confidences étonnantes, et plusieurs fois il
écrivit à Monsieur et Madame Colle. Voici quelques extraits de ces lettres
étonnantes. Tout d’abord une réponse mystérieuse à des parents trop tristes et
désemparés:
“Je veux vous dire en peu de
mots la substance des choses. Le cœur des parents était trop attaché à leur fils
unique. Trop de caresses et trop de petits soins, mais lui s’est conservé bon
toujours. S’il avait vécu il aurait rencontré de grands dangers qui peut-être
l’auraient entraîné au mal après la mort de ses parents. Aussi Dieu a-t-il voulu
le délivrer des dangers en le prenant au ciel avec soi, d’où, sans tarder, il
sera le protecteur de ses parents et de ceux qui ont prié ou prieront pour lui.”
Quelques jours après le décès de
Luis Colle, après la messe, don Bosco, qui confessait dans la sacristie de
Notre-Dame Auxiliatrice, eut soudain une distraction qui lui montra le petit
Colle dans un magnifique jardin, s’amusant avec d’autres enfants. Quelques
semaines après, don Bosco célébrait à Notre-Dame Auxiliatrice, une messe pour la
famille Colle. Pendant qu’il consacrait, il aperçut l’adolescent rayonnant de
splendeur et d’allégresse; à la fin de la messe, il le retrouva agenouillé près
de lui, mais cette fois il était accompagné de plusieurs autres jeunes gens
morts en odeur de sainteté dans la maison.
En mai 1881, don Bosco confia aux
parents qu’il avait vu deux fois leur fils Luis décédé, et qu’il avait parlé
avec lui. Plus tard il révéla d’autres visions :
Le 3 juillet 1881 : “... J’ai eu
la consolation de le voir (Luis) et d’écouter sa voix. Le 21 juin passé, pendant
la messe, près de la consécration, je l’ai vu avec sa mine ordinaire, mais de la
couleur rose dans toute sa beauté et d’une teinte resplendissante comme le
soleil. Tout de suite je lui ai demandé s’il avait quelque chose à nous dire. Il
répondit simplement: ‘Saint Louis m’a beaucoup protégé; il m’a fait beaucoup de
bien...’ Puis il a disparu...”
À plusieurs reprises don Bosco
écrivit à Mme Colle pour lui dire que son fils lui apparaissait de plus en plus
rayonnant de splendeur.
En 1882, à Rome, dans la sacristie
de l’église du Sacré-Cœur, Luis Colle se “révéla dans l’attitude d’un homme
qui tire de l’eau d’un puits intarissable, symbole des grâces infinies que
réserve la dévotion au Sacré-Cœur.” Et le 30 juillet 1882: “Madame, j’ai
la consolation de vous dire que j’ai eu la consolation de voir toujours cher et
aimable Luis... Une fois je l’ai vu s’amuser dans un grand jardin avec des
compagnons habillés richement mais d’une façon qu’on ne peut décrire. Une autre
fois je l’ai vu dans un jardin où il recueillait des fleurs qu’il portait dans
un grand salon sur une table magnifique. J’ai bien voulu demander:
― Pourquoi ces fleurs ?
― Je suis chargé de recueillir
ces fleurs, et avec ces fleurs de faire une couronne pour mon père et ma mère,
qui ont beaucoup travaillé pour mon bonheur.
Don Bosco termina sa lettre par ces
paroles: “J’écrirai d’autres choses dans un autre moment.”
En 1883, à Hyères, pendant la
messe, don Bosco vit Luis Colle lui indiquer une région d’Amérique du Sud qui
attendait les missionnaires salésiens, et il l’entendit lui dire:
― Faites
communier les enfants et admettez-les de bonne heure à la sainte Table. Dès
l’âge de quatre et cinq ans, montrez-leur la sainte Hostie et faites-la leur
adorer, pour les préparer à la première communion.
Le 23 août 1884, ce fut une vision
très prophétique sur l’avenir des œuvres salésiennes :
― Notre
ami Louis m’a conduit à faire une promenade dans le centre de l’Afrique, terre
de Cham, disait-il, et dans les terres d’Arphaxade ou en Chine...” Don Bosco
donna plus tard quelques détails: sous la conduite du jeune homme rayonnant de
beauté, il avait traversé l’Amérique latine, l’Afrique et la Chine où
viendraient travailler les salésiens.
Dans la nuit du 10 mai 1885, don
Bosco revit son ami, mais il ne révéla jamais rien de cette vision nocturne.
[1] Extrait
de “Un grand éducateur, Saint Jean Bosco” de A. Auffray, édité
chez E.Vitte en 1929

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