

Quatrième partie
La
spiritualité de don Bosco
Don Bosco fut incontestablement
l’un des grands maîtres spirituels de la deuxième moitié du XIXe
siècle. Sa vie, extraordinaire en raison de ses nombreux songes prémonitoires,
de sa capacité à lire dans les âmes, et de ses nombreux miracles, fut
entièrement orientée vers le salut des âmes, d’abord celles des jeunes pauvres
et abandonnés de Turin, et plus tard d’autres régions d’Italie, d’autres pays y
compris les pays de mission, au moyen d’une éducation pleine d’amour tout en
étant exigeante. Son œuvre est immense, mais don Bosco eut toujours la profonde
conviction qu’il n’était qu’un instrument, que Dieu s’était choisi, pour
répandre l’Évangile dans les milieux populaires de Turin et de sa région[1].
Don Bosco ne s’appuyait que sur
Dieu seul. Cependant, il n’était pas ce que l’on pourrait appeler un
théologien-théoricien; sa spiritualité fut simplement celle d’une homme d’action
au service du peuple.
La spiritualité de don Bosco
s’adresse au peuple pauvre et peu instruit. Cette spiritualité est celle de la
vie active: aussi s’est-elle manifestée surtout par des conseils pratiques, des
exemples concrets, ordinaires, capables d’être vécus dans la vie de tous les
jours.
La mystique de don Bosco est celle
du service de Dieu à travers les pauvres et les abandonnés. Son angoisse de tous
les instants, ce fut le salut de toutes les âmes faibles et trop souvent
délaissées: la jeunesse abandonnée à elle-même, le petit peuple, et les païens.
Aussi, ses actions empreintes d’un grand réalisme, sont-elles caractérisées par:
– une grande sensibilité face à la
souffrance,
– une grande bonté jointe à une
extrême douceur qui, cependant, n’excluaient pas le réalisme et la vérité,
– l’amour des pauvres et de la
jeunesse,
– l’amour de la pureté qu’il
s’efforçait d’inculquer à ses jeunes à qui il montrait la valeur libératrice de
la chasteté, pour aimer comme on doit aimer,
– une grande dévotion au saint
Sacrement et à la Vierge Marie, invoquée souvent sous le vocable de Notre-Dame
Auxiliatrice, et
– une immense joie: la bonne humeur
de don Bosco était proverbiale.
Don Bosco manifestait une très
grande estime envers les chrétiens. Dans l’un de ses sermons du mois de Marie,
il traita de la dignité du chrétien, non pas à cause des qualités de “l’âme
créée à l’image et ressemblance du Créateur” mais en raison de la grande
dignité acquise par le Baptême.
S’adressant alors plus
personnellement à chacun des ces chrétiens baptisés qui l’écoutaient, il
déclara, entre autres: “Avant d’être régénéré dans les eaux saintes du
baptême, tu étais l’esclave du démon, l’ennemi de Dieu, exclu à jamais du
paradis.”
Mais, par le baptême, “tu es
devenu l’objet d’un amour privilégié de la part de Dieu; en toi ont été infusées
les vertus de la foi, de l’espérance et de la charité. Ainsi, devenu chrétien,
tu as pu lever tes regards vers le ciel et dire: ‘Le Dieu créateur du ciel et de
la terre est aussi mon Dieu. Il est mon Père, il m’aime, il me demande de
l’appeler par ce nom: Notre Père qui es aux cieux. Jésus sauveur m’appelle son
frère, et comme frère je lui appartiens, je partage ses mérites, sa passion, sa
mort, sa gloire, sa dignité. Les sacrements, institués par ce Sauveur plein
d’amour, ont été institués pour moi....’
Reconnais donc, ô chrétien, ta
grande dignité... Maintenant, je te prie de reporter ta pensée sur tant d’hommes
qui ont été eux aussi rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, mais qui,
malheureusement, vivent encore plongés ou dans l’idolâtrie ou dans l’hérésie...
Mais à la grande bonté dont Dieu a usé envers toi, dis-moi comment tu as
correspondu?... Viens donc, ô chrétien, et prends la ferme résolution de mieux
correspondre désormais à la dignité à laquelle tu as été élevé...”
Dès le début de sa vie sacerdotale,
don Bosco avait choisi la devise: “Da mihi animas, caetera tolle: Seigneur,
donne-moi des âmes, et garde tout le reste.” Cette phrase devint en 1884 la
devise de la Congrégation Salésienne. Don Bosco citait aussi très souvent la
devise de Saint Ignace de Loyola: “Ad majorem Dei gloriam et ad salutem
animarum: Pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.”
Voici ce qu’écrivit don Bosco à ses
garçons, en 1847[2] :
“Mes chers garçons, je vous aime
de tout mon cœur, et il suffit que vous soyez jeunes pour que je vous donne
toute mon affection; je puis vous assurer que vous pouvez trouver bien des
livres écrits pour vous par des personnes de loin plus vertueuses et plus
savantes que moi; mais difficilement vous trouverez quelqu’un qui plus que moi
vous aime en Jésus-Christ et qui désire davantage votre bonheur. Le Seigneur
soit donc toujours avec vous...”
D’ailleurs le chrétien est un
homme joyeux :
Voici quelques conseils que don
Bosco donna très vite à ses jeunes: une des ruses du démon c’est de faire croire
aux jeunes que le “service du Seigneur condamne à une vie plutôt triste et
privée de tout divertissement et plaisir. Or ce n’est pas vrai, mes chers
garçons. Je veux vous enseigner une méthode de vie chrétienne qui puisse aussi
vous rendre joyeux et vous épanouir, vous indiquant où sont les divertissements
et plaisirs véritables, de sorte que vous puissiez dire, avec le saint prophète
David: ‘Servons le Seigneur dans une sainte allégresse.’ Le petit livre[3]
que je vous offre n’a pas d’autre but: vous apprendre à servir le Seigneur et à
vivre dans l’allégresse.”
Et aussi :
“Ô mes chers fils, vous êtes
tous créés pour le paradis. Donc, ce Père plein d’amour éprouve une grande
douleur lorsqu’il est contraint d’envoyer quelqu’un en enfer. Ah ! combien le
Seigneur vous aime et désire vous voir accomplir des œuvres bonnes pour vous
rendre ensuite participants de cet immense bonheur qu’il a préparé pour tous
dans le Paradis... Bien sûr, il aime tous les hommes qui sont l’ouvrage de ses
mains, mais il porte une affection toute spéciale aux adolescents, jusqu’à
trouver en eux ses délices... Oui, vous êtes les délices et l’amour de ce Dieu
qui vous a créés...”
Il est incontestable que derrière
ces paroles, c’était aussi don Bosco qui se cachait pour manifester tout l’amour
qu’il portait à ses enfants.
Après la mort de don Bosco, on
trouva, dans son bréviaire, un certain nombre de pensées écrites sur des signets
ou des images, et qu’il aimait relire. En voici quelques-unes:
– Le Seigneur est bon, il
réconforte au jour de la détresse (Nahum I, 7)
– Cœur Sacré de mon Jésus, faites
que je vous aime toujours davantage.
– Bienheureux ceux qui se donnent à
Dieu au temps de leur jeunesse !
– J’ai reconnu qu’il n’y avait rien
de meilleur que d’être joyeux et de faire du bien dans sa vie.
Don Bosco conseillait aussi
fortement :
– Consacre-toi à la lecture de
l’Écriture, à l’exhortation et à l’enseignement (1 Tim IV, 13)
– Des choses divines, la plus
divine est de coopérer avec Dieu à sauver les âmes.
– Il faut avoir soin des enfants
parce que c’est à eux qu’appartient le royaume des cieux.
– Tu as de l’intelligence ? Réponds
à qui t’interroge. Tu n’en as pas ? Mets un doigt sur ta bouche pour retenir le
mot malheureux qui te discréditerait.
– Empressez-vous de faire de bonnes
œuvres, car le temps peut vous manquer, et vous resteriez déçus. À la fin de sa
vie, on récolte le fruit de ses bonnes œuvres.
– Les exemples ont plus de force
que les paroles, et on enseigne mieux par des œuvres que par des discours.
– Qui protège les pauvres sera
largement récompensé par Dieu à son divin tribunal. Qui protège les orphelins
sera béni de Dieu dans les dangers de la vie et protégé par Marie au moment de
la mort. Mon fils, ne prive pas le pauvre de l’aumône que tu lui dois et ne
détourne pas tes yeux de l’indigent.
[1] En
1875, don Bosco écrivait: “Dieu plein de bonté a souvent l’habitude
de se servir des instruments les plus vils pour promouvoir sa gloire
parmi les hommes, afin qu’à lui seul, et non à l’homme, en revienne
l’honneur, et qu’à lui seul les hommes soient tenus de rendre grâces des
bienfaits reçus. C’est ainsi qu’a agi la main du Seigneur dans la
fondation, la croissance et la propagation de la pieuse Société
salésienne. Privé de moyens matériels, pauvre de moyens d’ordre moral et
scientifique, le prêtre Jean Bosco, appuyé sur l’aide de Dieu se sentit
le courage d’affronter la perversité des temps et des difficultés
innombrables et fort graves qui, à chaque instant, se présentaient, et
il donna naissance à une œuvre qui a pour but de venir en aide à la
jeunesse en péril.”
[2] Extrait
du livre “Le garçon instruit de la pratique de ses devoirs de piété
chrétienne”
[3] Il
s‘agit de la première édition du livre paru à Turin en 1847: “Le
garçon instruit de la pratique de ses devoirs de piété chrétienne”

|