

Quatrième partie
La
spiritualité de don Bosco
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Le fondateur d’ordres religieux
Nous avons brièvement exposé dans
la première partie de cet ouvrage, l’histoire des fondations religieuses de don
Bosco. Il est nécessaire d’en préciser maintenant la spiritualité.
“Les pratiques de piété nourrissent
l’âme et la rendent forte contre les tentations.” Si le salésien observe les
pratiques de piété, il sera heureux et content de sa vocation. “Au contraire, il
commencera à en douter, il éprouvera de violentes tentations quand, dans son
cœur, il se laissera aller à la négligence dans les pratiques de piété.
L’histoire de l’Église nous fait toucher du doigt que tous les ordres religieux
et toutes les congrégations ecclésiastiques furent prospères et procurèrent le
bien de la religion tant que la piété y fut en honneur. au contraire, nous en
avons vu beaucoup décliner et cesser d’exister quand l’esprit de piété s’est
ralenti, quand chacun s’appliquait à rechercher ses propres intérêts et non ceux
de Jésus-Christ...
Ayons la plus grande sollicitude de
ne jamais omettre la méditation, la lecture spirituelle, la visite quotidienne
au très Saint Sacrement, la confession hebdomadaire, le rosaire de la sainte
Vierge, la petite abstinence du vendredi... Le point fondamental des pratiques
de piété... consiste à faire chaque année des exercices spirituels, et chaque
mois la pratique de la bonne mort”
Mais en quoi consistent tous ces
exercices spirituels ?
Au cours d’une retraite en 1868,
don Bosco déclara à ses Salésiens: “Et comment le Salésien doit-il prier chaque
jour? Les pratiques quotidiennes sont la méditation, la lecture spirituelle, la
visite au Saint Sacrement et l’examen de conscience.”
La méditation est l’oraison
mentale. On pourrait la faire de la manière suivante. Choisir le sujet que l’on
veut méditer, en se mettant d’abord en présence de Dieu. Réfléchir ensuite
attentivement à ce que nous méditons et nous appliquer ce qui nous convient.
Passer à la conclusion en décidant d’abandonner certains défauts et de nous
exercer à certaines vertus, pour ensuite mettre en pratique au long du jour ce
que nous avons résolu le matin. Nous devons aussi nous exciter à des élans
d’amour, de reconnaissance et d’humilité envers Dieu, lui demander toutes les
grâces dont nous avons besoin et lui demander avec des larmes le pardon de nos
péchés... Rappelons-nous toujours que Dieu est père et que nous sommes ses
fils...
Celui qui ne pourrait pas faire de
méditation méthodique, à cause de voyages, d’emploi ou d’affaires ne souffrant
pas d’être différés, fera au moins la méditation que j’appelle des marchands.
Ils pensent toujours à leur négoce en quelque lieu qu’ils se trouvent. Ils
pensent à l’achat des marchandises, à leur revente avec profit, aux pertes
qu’ils pourraient faire, à celles qu’ils ont faites et aux moyens de les
résorber, aux gains réalisés et à ceux plus importants qu’ils pourraient
réussir, et ainsi de suite... “
Pour don Bosco c’est cela l’esprit
de prière, la vraie piété salésienne qui ne cherche qu’à gagner des âmes dans ce
saint commerce.
Don Bosco recommande aussi la
visite au Saint Sacrement “qui nous rend forts contre les tentations,” et la
lecture spirituelle, “surtout à celui qui ne serait pas capable de méditer sans
livre. Pour cela lire un passage, réfléchir à ce qui a été lu pour savoir ce que
nous devons corriger dans notre conduite. Cela servira à accroître toujours plus
notre amour du Seigneur et à reprendre souffle pour sauver notre âme.”
Don Bosco poursuit en rappelant
“que chacun est tenu par les règles à réciter chaque jour son chapelet...” Par
ailleurs, il rappelle “qu’il faut se confesser tous les huit jours, même quand
on n’a rien de grave sur la conscience. C’est un acte d’humilité des plus
agréables au Seigneur...”
Malgré toute sa bonne volonté, il
peut arriver qu’une âme qui prie, croie ne plus savoir prier, se sente
abandonnée du Seigneur, et même se désespère: cela s’appelle l’aridité. Pour
remédier à cet état douloureux, don Bosco conseille à une religieuse dominicaine
de Rome:
“La tiédeur, quand elle n’est
pas le fruit de la volonté, est totalement exempte de faute. Au contraire, je
pense que cette tiédeur, plus justement appelée aridité d’esprit, est méritoire
devant le Seigneur. Toutefois si vous désirez quelques allumettes pour allumer
des étincelles de feu, voici où je les trouve: des oraisons jaculatoires envers
le très Saint Sacrement, quelques visites à ce Sacrement, baiser sa médaille ou
son crucifix. Mais plus que toute autre chose, la pensée que les tribulations,
les peines et les aridités du temps sont autant de roses parfumées pour
l’éternité.”
Le salut des âmes fut le souci
permanent de don Bosco; aussi donnait-il à ses premiers missionnaires, comme
d’ailleurs à tous les Salésiens, une liste de recommandations dans ce sens:
“Cherchez les âmes, et non
l’argent ni les honneurs, ni les dignités. Usez de charité et d’extrême
courtoisie avec tous... Prenez un soin spécial des malades, des enfants, des
vieillards et des pauvres... Soyez respectueux envers toutes les autorités
civiles, religieuses, municipales et gouvernementales... Fuyez l’oisiveté et les
contestations. Grande sobriété dans les aliments, la boisson, le repos. Aimez,
révérez, respectez les autres ordres religieux et parlez-en toujours bien...
Ayez soin de votre santé. Travaillez, mais seulement dans la mesure de vos
forces... Aimez-vous, conseillez-vous, corrigez-vous les uns les autres, mais
n’ayez jamais ni envie, ni rancune... Recommandez constamment la dévotion à
Marie Auxiliatrice et à Jésus au très Saint Sacrement... Dans les cas de
contestation, qu’on écoute les deux parties avant de juger...”
Don Bosco a écrit: “Les vœux sont
une offrande héroïque qui accroît considérablement le mérite de nos œuvres.”
Le vœu d’obéissance : “Le vœu
d’obéissance est la réunion de toutes les vertus, selon saint Jérôme... L’homme
obéissant, dit le Saint-Esprit, remporte la victoire sur tous les vices (Prov
21, 28)... La véritable obéissance qui nous rend chers à Dieu et aux hommes
consiste à faire de bon cœur tout ce qui est prescrit par nos constitutions ou
par nos supérieurs, lesquels sont responsables de nos actions devant Dieu.”
L’obéissance au pape tenait
particulièrement au cœur de don Bosco. Quelques jours avant sa mort, don Bosco
confia à Mgr Cagliero: “Tu diras au Saint-Père ce qui jusqu’à présent a été tenu
comme un secret. La Congrégation et les Salésiens ont pour but spécial de
soutenir l’autorité du Saint-Siège, partout où ils de trouvent, partout où ils
travaillent...”
Puis don Bosco prophétise: “Vous
irez, protégés par Marie, jusqu’en Afrique... Vous la traverserez... Vous irez
en Asie, en Tartarie et ailleurs. Ne craignez rien, le Seigneur vous aidera.”
La pauvreté salésienne
Parlant du fait que les Salésiens
restent propriétaires de leurs biens, don Bosco précise: ”Il est vrai que nos
constitutions permettent la possession et l’usage de tous les droits civils;
mais en entrant dans la Congrégation, on ne peut plus disposer de ses biens ni
les administrer qu’avec le consentement du supérieur et dans les limites fixées
par lui. Si bien que dans la Congrégation on est considéré comme ne possédant
rien, s’étant fait pauvre pour devenir riche en Jésus-Christ. On suit l’exemple
du Sauveur qui naquit pauvre, vécut dans la privation de tout et mourut nu sur
la croix. Écoutons en effet ce qu’il dit: ‘Celui qui ne renonce pas à tout ce
qu’il possède n’est pas digne de moi et ne peut être mon disciple.’ À quelqu’un
qui voulait se mettre à sa suite: ‘Allez, lui dit-il, vendez tout ce que vous
possédez, donnez-le aux pauvres, venez ensuite, suivez-moi et vous aurez assuré
un trésor dans le ciel.’”
La chasteté salésienne
La chasteté est “la vertu
éminemment nécessaire, vertu grande, vertu angélique, que toutes les autres
vertus couronnent, c’est la chasteté. Le Sauveur assure que ceux qui possèdent
cette inestimable vertu, même dans cette vie mortelle, deviennent semblables aux
anges de Dieu....
Mais ce lys éclatant de blancheur,
cette rose précieuse, cette perle inestimable, est grandement jalousée par
l’ennemi de nos âmes, parce qu’il sait que s’il réussit à nous la ravir, nous
pouvons dire que l’affaire de notre sanctification est ruinée. La lumière se
change en ténèbres, la flamme en noir charbon, l’ange du ciel en démon et par
suite toute vertu s’évanouit... Les plus terribles écueils de la chasteté sont
les lieux, les personnes et les choses du siècle...
L’exacte observance de nos règles
et en particulier des pratiques de piété, donne la victoire sur tout vice et
devient la gardienne fidèle de la chasteté,... Le grand mur ou mieux les
remparts de la religion sont les préceptes de Dieu et de son Église.”
Conseils de don Bosco concernant
la chasteté
1-Qui a affaire avec la jeunesse
abandonnée doit certainement se soucier de s’enrichir de toutes les vertus. Mais
la vertu angélique, vertu si chère au Fils de Dieu, la vertu de la chasteté,
doit être cultivée à un degré éminent.
2-Celui qui n’est pas sûr de
conserver cette vertu dans les actes, les paroles, les pensées, qu’il n’entre
pas dans cette Congrégation, car à chaque pas il serait exposé à des dangers;
les paroles, les regards même indifférents sont quelquefois accueillis avec
mauvaise intention par les jeunes gens qui ont déjà été victimes des passions
humaines.
3-Pour cette raison la plus grande
prudence est requise dans les conversations et dans le comportement avec les
jeunes, quel que soit leur âge ou leur condition.
4-Fuir les conversations avec les
personnes de l’autre sexe, et même avec les gens du monde, quand on prévoit
quelque danger pour cette vertu.
5-Que personne ne se rende chez des
connaissances ou des amis sans une permission expresse du supérieur, qui lui
adjoindra un compagnon.
6-Les moyens efficaces pour garder
cette vertu sont la pratique exacte des conseils du confesseur, la mortification
et la modestie de tous les sens corporels; de fréquentes visites à Jésus dans
l’Eucharistie, de fréquentes oraisons jaculatoires à la très Sainte Vierge
Marie, à saint François de Sales, à saint Louis de Gonzague, qui sont les
protecteurs principaux de cette Congrégation.
Don Bosco délivre cinq avis
importants :
– Fuir la démangeaison
de la réforme. Appliquons-nous à observer nos règles sans avoir la pensée de les
améliorer ou de les réformer. Si les Salésiens, disait notre grand bienfaiteur
Pie IX, sans prétendre améliorer leurs constitutions, s’appliquent à les
observer ponctuellement, leur congrégation sera toujours florissante.
– Renoncer à l’égoïsme
individuel... S’aimer, s’entraider par le conseil, par la prière, procurer
l’honneur de nos confrères non comme affaire d’un seul, mais comme le noble et
essentiel héritage de tous.
– Ne pas murmurer
contre les supérieurs, ni désapprouver les dispositions qu’ils prennent...
– Que personne ne
néglige son office... Dans tout office, dans tout travail, dans toute peine et
dans tout ennui, n’oublions jamais qu’étant consacrés à Dieu, c’est pour lui
seul que nous devons nous fatiguer, et de lui seul aussi attendre notre
récompense...
D’autres conseils pour les
confrères d’une même communauté
“Tous les confrères salésiens qui
habitent dans une même maison doivent former un seul cœur et une seule âme avec
leur directeur. Qu’on retienne bien que la peste à fuir avec le plus de soin,
c’est le murmure. Que chacun souffre pour la plus grande gloire de Dieu et en
expiation de ses péchés, mais pour le bien de son âme qu’il évite les critiques
au sujet de l’administration, de l’habillement, de la nourriture, du logement,
etc. ..
Je ne vous recommande ni
pénitences, ni mortifications particulières; mais vous aurez un grand mérite et
vous serez la gloire de la Congrégation si vous savez supporter ensemble les
peines et les épreuves de la vie avec la patience chrétienne.”
Dans une lettre adressée à Mgr
Cagliero, don Bosco écrit: “Je te fais savoir l’esprit salésien que nous voulons
introduire dans les maisons d’Amérique. Charité, patience, douceur, jamais de
reproches humiliants, jamais de châtiments, faire du bien à qui l’on peut, du
mal à personne.”
À don Costamagna il résume les
normes pour devenir de vrais Salésiens: “Je voudrais faire à tous une
prédication ou mieux une conférence sur l’esprit salésien qui doit animer et
guider nos actions et toutes nos interventions.
Que le système préventif soit
proprement le nôtre; jamais de châtiment de caractère pénal, jamais de paroles
humiliantes, pas de reproches sévères en présence d’autrui. Mais que dans les
classes résonne la parole de douceur, charité, patience. Jamais de paroles
mordantes, jamais de gifle forte ou légère. Qu’on fasse usage des châtiments
négatifs (retirer sa bienveillance, un regard glacial, une parole de blâme), et
toujours de façon que ceux qui sont avertis deviennent nos amis plus qu’avant et
ne s’éloignent jamais de nous, découragés...
Que chaque Salésien se fasse l’ami
de tous, ne cherche jamais à se venger; qu’il soit prompt à pardonner, et ne
jamais revenir sur des choses antérieurement pardonnées... La douceur dans les
paroles, dans les actes, dans les avis à donner permet de gagner tout et tous...
Et que Marie Auxiliatrice vous guide tous sur le chemin du ciel.”
Don Bosco insiste beaucoup sur le
respect que l’on doit aux personnes. Lui-même donnera l’exemple, respectant en
chacun de ses fils les dons providentiels et les aspirations personnelles. Dans
ses maisons il refusera toujours l’uniformité et la standardisation, mais
conduira chacun sur son propre sentier et aidera chacun à trouver sa propre
figure de sainteté.
À une Coopératrice française, Melle
Clara Louvet, don Bosco écrit :
“... Mon but a toujours été de
faire tout mon possible pour détacher les cœurs de mes amis des choses
misérables de ce monde et les élever à Dieu, au bonheur éternel...
Je désire votre paix et votre
tranquillité de cœur... Je vous demande peu de choses, mais que ce soit observé
avec diligence :
Chaque année: une revue de
conscience annuelle en réfléchissant sur le progrès et le regret de l’année
passée.
Chaque mois: l’exercice de la
bonne mort, avec la confession mensuelle et la sainte Communion comme si elles
étaient les dernières de la vie.
Chaque semaine: La sainte
Confession; grande attention pour vous rappeler de pratiquer les avis du
confesseur.
Chaque jour: La Sainte Communion
si on peut la faire. Visite au très Saint Sacrement, méditation, lecture, examen
de conscience.
Pour toujours: considérer chaque
jour comme le dernier de votre vie.
Et surtout: Jusqu’à ce jour vous
n’avez pas la vocation à vous rendre religieuse, mais vous avez la vocation à
vous faire sainte. en continuant comme vous faites, vous êtes dans le chemin du
paradis.”
Et encore, en 1886, à une époque
politiquement difficile dans la région de Turin : “L’avenir du monde est bien
sombre, mais Dieu est Lumière et la Ste Vierge est toujours Stella Maris.
Confiance en Dieu et en Marie; ne craignez rien... Patience. La patience nous
est absolument nécessaire pour vaincre le monde et nous assurer la victoire et
entrer dans le Paradis.”

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