HUITIÈME
CONSIDÉRATION
DE LA SAINTE MESSE
I - Comme on doit
dire la Messe
Comme il n'y a point de
culte sur la terre qui rende plus d'honneur à Dieu que le saint
Sacrifice de la Messe, nous devons considérer cette action comme la
plus importante de notre vie, et la faire avec toute la perfection
qui nous est possible.
Si le prêtre connaît son état et la grandeur de 'son ministère, il
ne s'approchera jamais des autels qu'avec une horreur sacrée , et
n'en sortira qu'avec une reconnaissance infinie.
II - Qu'est-ce qu'un
prêtre à l'autel ?
Le prêtre à l'autel est
le médiateur de Dieu et des hommes. C'est l'agent de la nature
humaine et le député de l'Église, choisi de tout son corps pour
traiter avec Dieu au nom de toutes les créatures ; pour lui rendre
de leur part leurs soumissions et leurs hommages ; pour adorer sa
grandeur infinie ; pour le remercier de ses bienfaits ; pour apaiser
sa justice et obtenir grâce à tous les pécheurs ; enfin, c'est pour
lui demander les nécessités corporelles et spirituelles de tous les
hommes.
Ceux qui entendent la
Messe se doivent persuader qu'il y a deux prêtres à l'autel : l'un
visible, l'autre invisible ; l'un qui est principal, l'autre qui est
subordonné ; l'un qui est Dieu et homme, l'autre qui est pur homme.
Ou plutôt ils doivent croire qu'il n'y a qu'un prêtre en chef, qui
est Jésus-Christ, lequel s'immole lui-même et se sacrifie par les
mains de son ministre ; car il est en ces divins ministères le
prêtre et la victime ; il sacrifie et il est sacrifié.
III - Le prêtre doit
être le sacrificateur et la victime
Comme l'instrument doit
avoir la même fin que la cause principale, et que l'ambassadeur
représente la personne de son maître, le prêtre étant l'agent de
toute la nature, choisi par autorité publique pour reconnaître la
grandeur souveraine de Dieu par ses humiliations, par ses
abaissements, par sa mort, et par un entier anéantissement de
soi-même, il ne doit monter à l'autel que pour se sacrifier avec
Jésus-Christ, et s'il manque h ce devoir, il trahit les intentions
de toute la nature humaine qui l'a choisi pour cet effet, et il doit
être puni comme un prévaricateur infidèle.
En effet, dans un
parfait sacrifice, celui qui fait l'office de prêtre en doit être
aussi la victime, parce qu'il représente le corps de l'Église, qui
prétend par cette action s'anéantir soi-même devant son Souverain et
se détruire avec la victime qui lui est substituée.
C'est pourquoi le prêtre doit s'immoler soi-même en qualité de chef
de la république humaine, et protester par sa destruction qu'il n'y
a que Dieu qui soit le principe et la fin de tous les êtres.
Il est vrai qu'il n'y a
que le Fils de Dieu qui puisse à proprement parler être le prêtre et
la victime, et posséder ces deux qualités en chef. Toutefois comme
l'homme qui est ordonné de l'Église fait une même chose avec
Jésus-Christ et compose une personne morale avec Lui, si le prêtre
n'est pas victime aussi, on peut dire qu'il manque quelque chose à
la perfection de son Sacrifice.
IV - Sa modestie à
l'autel
Il faut qu'allant à
l'autel, il ne se considère plus comme un homme, niais comme
Jésus-Christ qui va parler par sa bouche et s'immoler par ses mains.
Ensuite il ne doit faire aucune action de corps dont on ne puisse
dire : 1 voilà une action de Jésus-Christ. Il doit garder exactement
toutes les rubriques. Eu nu mot il doit célébrer d'une manière si
grave, si modeste, si dévote, si respectueuse, que Dieu en soit
honoré, les assistants édifiés, Jésus-Christ reconnu eu la personne
et en la modestie de son prêtre.
V - Son entretien
avec Dieu
Quoiqu'avant d'aller à
l'autel il doive dresser ses intentions et se rendre autant qu'il
peut digne de faire une action si auguste, si est-ce que c'est
principalement en son mémento et avant que de consacrer,
qu'il doit s'acquitter de sa commission et traiter avec Dieu comme
l'agent et le député de la nature humaine ; c'est-à-dire lui rendre
ses adorations, le remercier de ses bienfaits, apaiser sa colère et
implorer sa miséricorde. C'est là qu'il doit comme Moïse lier les
mains à la Justice ; c'est là qu'il doit reconnaître la grandeur
infinie de ce premier être et s'anéantir devant lui comme fait le
Fils de Dieu sur l'autel. C'est là qu'il doit lui représenter toutes
les nécessités de son peuple, et se persuader qu'il obtiendra
infailliblement ce qu'il demande, s'il fait cette action avec le
respect, l'attention et la dévotion qu'il doit. Au reste, comme le
prêtre représente la personne de Jésus-Christ, il doit aller à
l'autel chargé comme lui des hommages, des remerciements, des
nécessités, et des péchés de tous les hommes ; de leurs hommages,
qu'il doit rendre à Dieu ; de leurs remerciements, qu'il lui doit
faire ; de leurs nécessités, qu'il lui doit représenter; de leurs
péchés et de leurs dettes, qu'il doit acquitter.
VI - Des prêtres qui
célèbrent
sans dévotion et sans révérence
À la vérité, c'est une
chose bien déplorable de voir des prêtres à l'autel traiter ces
mystères terribles comme des actions profanes, sans gravité, sans
dévotion, sans crainte, sans modestie. On les voit regarder de côté
et d'autre, faire tout avec empressement, et n'avoir qu'un soin, qui
est d'avoir bientôt fait. Vous diriez que l'église pour eux est un
enfer, et que leur paradis est d'en être dehors. Hélas ! est-il
possible qu'il n'y ait que Dieu avec qui on s'ennuie ? On passe les
journées entières avec plaisir dans des conversations d'hommes et de
femmes, et on a de la peine à demeurer une demi-heure avec
Jésus-Christ ; on se contente d'être un quart d'heure à l'autel, et
on y serait moins si cela se pouvait faire.
Si un péché véniel
commis volontairement en célébrant, ou avant que de célébrer,
empêche qu'on ne retire tous les fruits du Sacrifice, quel profit en
doivent espérer ceux qui. vont brusquement et inconsidérément à
l'autel, qui ne se préparent point à ces divins mystères, qui ne
gardent point les règles prescrites par l'Église, qui édifient mal
les assistants, et qui sont déterminés à n'y point employer le temps
qu'ils y doivent mettre ?
Ce que nous avons dit
jusqu’à présent est principalement pour les prêtres qui disent la
Messe. Voici pour ceux qui y assistent.
VII - Comment il
faut entendre la messe
Les laïques qui
entendent la Messe doivent se persuader qu'il n'y a point d'action
en la vie qu'ils doivent faire avec plus de respect, d'attention et
de dévotion que celle-là. Ils doivent regarder le prêtre comme la
propre personne du Fils de Dieu, qui va présenter à son Père toutes
leurs nécessités, et donner sa vie pour les délivrer de la mort
temporelle et éternelle qu'ils ont méritée ; et comme le Fils de
Dieu prend leur place, meurt et s'immole pour eux, ils doivent aussi
mourir pour lui.
VIII - Si les
pécheurs peuvent y assister
J’avoue qu'il serait à
désirer que tous ceux qui assistent à ces divins mystères fussent en
la grâce de Dieu ; mais il ne faut pas pour cela que ceux qui sont
en péché croient qu'il leur est défendu d'y assister ; beaucoup
moins, qu'ils commettent un péché, y assistant avec respect. Ce
sentiment serait hérétique. Au contraire, comme ils sont dans de
plus grandes nécessités et que c'est pour leurs péchés qu'il est
offert, s'ils veulent faire pénitence et se convertir, ils y doivent
fréquemment assister.
Car enfin c'est
une vérité de notre foi, que le sacrifice de nos autels est un
sacrifice de propitiation, qui remet de très grands péchés et les
peines qui leur sont dues, et que son propre effet est d'obtenir la
grâce de pénitence à ceux qui y assistent avec foi, révérence et
respect intérieur et extérieur. C'est la doctrine du concile de
Trente, qu'il énonce en ces termes : « Le saint concile déclare que
ce sacrifice est véritablement propitiatoire, et que si nous
approchons de Dieu avec un coeur sincère et une foi droite, avec
crainte et révérence, contrits et repentants, nous obtenons par son
moyen miséricorde, et nous trouvons grâce avec les secours qui nous
sont nécessaires. Car Dieu Notre-Seigneur, apaisé par cette
offrande, accorde la grâce et le don de pénitence, et remet des
crimes et des péchés même très grands à ceux pour lesquels il est
offert ».
Voilà ce que dit le
concile, dont j'ai bien voulu rapporter les paroles, parce qu'elles
sont capables de donner de la dévotion pour ces divins mystères à
ceux qui n'en ont point. Or si ce Sacrifice remet de très grands
péchés et la peine qu'ont méritée ceux qui y assistent, s'il leur
obtient la grâce et le don de pénitence, il est évident que les
pécheurs n'en doivent point être exclus, et que c'est n'avoir pas
des sentiments catholiques de dire qu'ils pèchent, assistant
humblement et respectueusement à ce divin Sacrifice. Il ne faut donc
point manquer un seul jour d'y assister. Mais comment
l’entendez-vous ?
IX - Pratique pour
bien entendre la Messe
Il y a quantité de
belles pratiques pour bien entendre la Messe ; vous vous servirez de
celle-ci si vous n'en trouvez pas de meilleure.
1)
Allez à l'église, comme les pasteurs en Béthléem pour voir l'Enfant
Jésus nouvellement né ; ou comme la sainte Vierge au Calvaire, pour
assister à sa mort, et pour l'offrir en sacrifice à Dieu pour le
salut de tout le monde.
2)
Au commencement de la Messe, considérez-vous comme un criminel qui
veut recevoir sa grâce, et faites avec douleur devant Dieu la
déclaration de vos péchés, disant le Confiteor avec le prêtre.
3)
Au Gloria in excelsis, entrez dans le sentiment des anges
quand ils entonnèrent ce divin cantique, et dans celui des apôtres
qui l'ont achevé ; louez, adorez, bénissez Dieu avec le prêtre.
Désirez que son Nom
soit connu et sanctifié et que son royaume s'étende par toute la
terre. Invitez les anges et les saints du paradis, et généralement
toutes les créatures, à le louer avec vous. Cette invitation se peut
faire d'esprit, ou par des oraisons vocales, récitant lentement le
Pater noster, ou le Te Deum laudamus, ou le cantique des
trois enfants : Benedicite omnia opera.
4)
Pendant que le prêtre récite l'épître et l'évangile, si vous
entendez les paroles, écoutez-les avec attention ; si vous ne les
entendez pas, ou que vous soyez éloigné de l'autel, priez Dieu qu'il
éclaire tous les infidèles de la lumière de la foi, et qu'il ramène
tous les hérétiques à l'obéissance de l'Église, récitant l'oraison
Ecclesiæ tuæ, etc., et les autres ordonnées pour ce sujet.
5)
Au Credo, faites profession de foi ; croyant un Dieu en trois
personnes : le Père votre Créateur, le Fils votre Rédempteur, le
Saint-Esprit votre sanctificateur, et désirez qu'il soit connu,
servi, aimé et adoré de tout le Inonde.
6)
À l'offertoire, mettez votre corps, votre âme, votre esprit, votre
coeur, vos biens, vos espérances, vos parents, vos amis, et
généralement tous vos désirs sur la patène du prêtre.
Présentez tout à Dieu pour lui être immolé avec le Corps de son Fils
unique en parfait holocauste et en odeur de suavité. Priez aussi
Dieu de vous changer et de vous transformer en son Fils, comme le
doit être le pain et le vin qu'on lui présente.
7)
À la Préface, élevez votre coeur au ciel, préparez-vous au
Sacrifice. Louez et remerciez Dieu avec l’Église, et chantez avec un
respect infini le cantique des anges : Saint, Saint, Saint, est
le Seigneur des armées. Le ciel et la terre sont remplis de sa
gloire. Béni soit celui qui est venu, et qui doit venir au
nom du Seigneur pour nous sauver.
8)
Après le Sanctus, jusqu'à la consécration, il faut considérer
le prêtre comme la personne de Jésus-Christ, Médiateur entre Dieu et
les hommes, qui traite de votre salut et de votre réconciliation
avec Dieu. Songez à la Passion, et la divisez en sept parties ou
stations pour les sept jours de la semaine, comme nous enseignerons
à la fin de cette pratique.
9)
À l'élévation de la sainte Hostie, ne demeurez pas droit et
immobile, mais adorez Notre-Seigneur de corps et d'esprit, vous
inclinant doucement et accompagnant cette inclination du respect le
plus profond de votre âme. Regardez votre Sauveur entre les bras de
la croix, qui s'immole par un excès d'amour et se sacrifie pour
vous. La vue du serpent d'airain guérissait ceux qui étaient mordus
des serpents ; et la vue de notre Rédempteur, qui avait en croix la
figure du serpent, mais qui n'en avait pas le venin, guérit tous les
pécheurs qui sont mordus par le dragon infernal, pourvu qu'ils le
regardent avec foi, espérance et douleur de leurs péchés.
10)
Entre l'élévation du Corps et du Sang de Notre-Seigneur, demeurez
dans un profond silence, respect et modestie intérieure et
extérieure, vous persuadant que c'est là le temps que la victime est
immolée ; que le Sang, en vertu des paroles sacramentelles, est
séparé du Corps, quoique l'un et l'autre demeurent réellement unis
ensemble sous chacune des espèces ; qu'ensuite le ciel s'ouvre, que
les anges en descendent avec leur Seigneur, et que Dieu répand un
déluge de grâces dans le coeur de ceux qui sont disposés à les
recevoir : grâces de sainteté pour les justes, grâces de pénitence
pour les pécheurs. Enfin, c'est dans ce sacré moment qu'on obtient
de Dieu tout ce qu'on lui demande par la mort et par les souffrances
de son Fils.
11)
Après l'élévation, offrez à Dieu cette Victime adorable pour les
quatre fins du Sacrifice ; et c'est ici la principale dévotion de la
Messe. Premièrement, pour la gloire de Dieu, faisant des actes de
foi qu'il est votre premier principe et votre dernière fin, votre
Père, votre Roi, votre Créateur, votre Rédempteur, votre
Sanctificateur, votre gloire, votre consolation, votre force, votre
appui, votre paix, et généralement tout votre bien. D'espérance,
qu'il vous pardonnera tous vos péchés en considération des mérites
de son Fils qui s'immole pour vous sur les autels, et qui offre son
sang pour votre salut ; qu'il vous donnera son paradis, et qu'il
vous assistera dans toutes vos nécessités spirituelles et
corporelles. De charité, vous donnant vous-même et vous sacrifiant
entièrement à lui, pour accomplir les desseins qu'il a Sur vous, si
contraires qu'ils puissent être à vos inclinations ; vous
anéantissant avec son Fils, qui est votre Chef, et dont vous êtes
membre, et vous offrant à vivre et à mourir pour sa gloire. Voilà la
première fin du Sacrifice.
Secondement, vous
remercierez Dieu de tous les biens qu'il vous a faits, généraux et
particuliers, corporels et spirituels ; non seulement à vous, mais
encore aux saints qui sont honorés ce jour-là dans l'Église ;
offrant le corps et le sang de Jésus-Christ à Dieu son Père pour
suppléer aux défauts de vos reconnaissances. C'est la seconde fin.
Troisièmement,
présentez cette sainte Victime en sacrifice de propitiation pour les
péchés de tous les hommes, et spécialement pour ceux que vous avez
commis et fait commettre. Vous ne sauriez faire de pénitence qui
puisse égaler la satisfaction que vous donnez à la justice de Dieu
par et grand et adorable sacrifice, qui est le même que celui du
Calvaire.
Enfin, vous l'offrirez
pour impétrer toutes vos nécessités corporelles et spirituelles à
vous et à votre prochain. Pour aider votre mémoire, vous pouvez
appliquer toutes vos demandes à chacune de ses Plaies, en cette
manière :Regardez Jésus en croix, et considérant la tête, priez pour
la sainte Église, pour notre saint Père le Pape, pour le roi, la
reine, etc., et généralement pour tous vos supérieurs
ecclésiastiques et séculiers.
À la main droite, priez
pour tous vos parents, amis et bienfaiteurs.
À la gauche, priez pour
tous les ennemis de l’Église, et pour les vôtres en particulier,
disant avec Notre-Seigneur en croix : lion Père, pardonnez-leur, car
ils ne savent pas ce qu'ils font.
Au pied droit, priez
pour vos inférieurs, vos domestiques, et généralement pour tous ceux
qui dépendent de vous.
Au pied gauche,
priez pour tous les fidèles qui sont au Purgatoire, spécialement
pour ceux que vous avez offensés et scandalisés, pour les enfants de
la Vierge,
pour vos parents et amis, et pour ceux qui ont le plus besoin de vos
prières.
Pour le côté,
vous entrerez dedans,
et vous trouvant dans le Cœur de Jésus percé pour votre amour, vous
lui donnerez le vôtre et vous le prierez de le remplir de sa grâce
et de son esprit. Ensuite, vous demanderez à Dieu, dans le Coeur et
par le Coeur de son Fils, toutes vos nécessités corporelles et
spirituelles ; principalement la grâce de bien mourir, et vous
accepterez la mort pour sa gloire, pour son amour et pour la
satisfaction de vos péchés.
12)
Cet entretien doit durer jusqu'à l’Agnus Dei, et alors
il faudra vous préparer à la communion spirituelle, désirant être
digne de communier pour participer plus abondamment à ce divin
Sacrifice, comme parle le concile de Trente.
Demandez pardon à Dieu de vos péchés, mais recevez invisiblement la
sainte Hostie de la main des anges, qui l'ont donnée réellement et
visiblement à quelques saints.
Faites ensuite votre action
de grâces, vous
entretenant avec Notre-Seigneur comme si vous l'aviez reçu
sacramentellement.
13)
Les oraisons étant achevées, recevez la bénédiction du prêtre comme
celle de Dieu même. Entendez le dernier évangile avec grande
dévotion, principalement ces paroles sacrées : Verbum caro factum
est, le Verbe s'est fait chair. Si vous avez communié,
persuadez-vous que cette Incarnation s'est renouvelée, que le Verbe
s'est fait chair en vous, et qu'il veut demeurer avec vous.
14)
La messe étant finie, adorez et remerciez Notre-Seigneur ; retournez
chez vous rempli de la grandeur de ce mystère ; et récitez en action
de grâces le Te Deum laudamus, ou le cantique de Zacharie,
Benedictus Deus Israël, etc.
X - Comme il faut
méditer la Passion de Notre-Seigneur pendant la Messe
Le Sacrifice de
nos autels étant le même que celui de la croix, et le Fils de Dieu
l'ayant institué en partie pour nous faire souvenir de la Passion,
il ne faut jamais entendre la Messe sans l'honorer
et sans l'accompagner de quelque station de ses souffrances. Voici
comment vous les méditerez à chaque jour de la semaine.
Le lundi, considérez le
Fils de Dieu au jardin des Olives, où il sue le sang et l'eau ; puis
chez Anne et Caïphe, où il est souffleté et traité indignement.
Demandez à Dieu, par les mérites de son Fils, la grâce de surmonter
vos passions, et de souffrir toutes les injures qui vous seront
faites.
Le mardi, considérez
Jésus méprisé par Hérode, qui le traite comme un insensé, et par
Pilate qui le compare à un voleur et à un meurtrier. Aimez
l'abjection de vous-même, et ne vous fâchez point de l'élévation des
autres au-dessus de vous.
Le mercredi,
représentez-vous Notre-Seigneur flagellé et couronné d'épines.
Vengez-vous sur votre corps des plaies qu'il a faites à votre
Sauveur,
et sur votre ambition des douleurs ignominieuses dont elle a
couronné sa tête. Songez qu'il faut porter la couronne d'or après la
couronne d'épines, ou la couronne d'épines après la couronne d'or.
Le jeudi, suivez Jésus
portant sa croix, et portez la vôtre après lui. Si vous portez bien
la vôtre, vous lui aiderez à porter la sienne. Étendez-vous de tout
votre long sur l'autel, comme sur le Calvaire, pour y être cloué et
sacrifié le reste de vos jours en qualité de Victime.
Le vendredi, entendez
les sept dernières paroles que Jésus vous prononce en croix, et les
prononcez avec lui. Après avoir recommandé à Dieu votre corps et
votre âme, vos biens, votre réputation, votre santé et tout ce que
vous avez de plus cher, mourez spirituellement avec lui, et vivez
ensuite comme un mort, sans soin et sans désir de toutes les choses
créées.
Le samedi, entrez dans
le tombeau de Jésus et vous y ensevelissez avec lui. Persuadez-vous
que le monde est mort pour vous, et que vous êtes mort pour lui.
Descendez aux enfers avec la sainte Âme de Notre-Seigneur pour tirer
quelque âme du Purgatoire, ou bien entrez dans le cœur de la Vierge
pour prendre part à sa douleur.
Le dimanche, considérez
Jésus ressuscité avec les plaies glorieuses, entrez dans son Cœur
par la communion, et n'en sortez jamais.
S'anéantir, se détruire, « pour protester qu'il n'y a que
Dieu qui soit le principe et la fin de tous les êtres » ;
ces façons de concevoir l'adoration dans le sacrifice
s'appliquent au seul prêtre visible. L'immolation existe
mystiquement à l'autel sans la destruction. Le Christ ressuscité
ne meurt plus.