Quatrième partie

Méditations préparatoires à la Grande Passion du Christ

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Jésus, qu’as-Tu fait ?

Hérode a renvoyé Jésus chez Pilate, et Pilate, de plus en plus embarrassé, a fait flageller Jésus, pour l’exemple. Cela lui permet  de gagner du temps... Et puis, ce supplice est si terrible qu’on peut en mourir. Certes, ce n’est pas ce que Pilate désire, mais si cela arrivait, il serait presque soulagé: au yeux de tous, il ne serait pas responsable de la mort d’un innocent, et les juifs seraient enfin calmés. Et sa conscience n’aurait rien à lui reprocher...

Mais l’horrible flagellation n’a pas tué Jésus, ce Jésus couronné d’épines qu’on ramène à Pilate. Jésus est devant Pilate, se tenant à peine debout. Maintenant, il faut prendre une décision. Malgré toute sa dureté, Pilate est comme ému de pitié devant ce pauvre homme qui, pour autant qu’il puisse en juger, n’en a plus pour longtemps à vivre. Il demande à Jésus: “Les chefs de ton peuple T’ont conduit à moi. Qu’as-Tu fait?”

Pilate sait que Jésus est innocent; alors pourquoi Lui pose-t-il cette question? Pilate voudrait bien sauver Jésus, mais il a peur: peur des membres du Sanhédrin qui crient comme des forcenés et qui agitent le peuple, peur de la foule qui grandit, qui hurle de haine, et dont les imprécations emplissent le ciel. Pilate a peur d’une émeute, d’un soulèvement soudain de ce peuple rebelle. Or le calme doit être maintenu coûte que coûte dans les provinces romaines: ce sont les ordres de l’Empereur. Pilate voudrait bien sauver Jésus, mais il a peur, tellement peur que, dans son cœur il a déjà condamné Jésus qu’il sait être innocent. Après tout, ce n’est qu’un juif! Et puis, ce n’est pas lui, Pilate, qui sera redevable du sang de ce juste.

Les exemples d’innocents jugés et condamnés par des juges iniques sont innombrables, et le Galiléen en est l’exemple parfait. Regardons Jésus que l’on vient d’arrêter: qu’a-t-Il donc fait de si répréhensible? A-t-Il assassiné quelqu’un? Non, Il a même ressuscité des morts. A-t-Il été complice de voleurs, de malfaiteurs, de pécheurs? Non, Il leur a montré leurs erreurs, Il les a convertis, Il a pardonné leurs fautes en leur recommandant de ne plus pécher à l’avenir.

Alors, qu’a donc fait Jésus de si répréhensible? A-t-Il laissé des malades, des lépreux, mourir seuls avec leurs souffrances et leurs désespoirs? Non, Il les a tous guéris. A-t-Il laissé son peuple mourir de faim? Non, Il a, pour lui, multiplié les pains. A-t-Il envoyé des marins affronter la mer démontée? Non, c’est Lui, au contraire qui a apaisé la tempête déchaînée. A-t-Il laissé exploiter honteusement les pauvres qu’Il rencontrait? Non, Il a ordonné qu’on leur donne des vêtements décents et qu’on les nourrisse, et surtout, que les maîtres soient justes, qu’ils ne retiennent pas le salaire du travailleur. Alors, qu’a donc fait Jésus pour qu’on Le traite maintenant comme un malfaiteur, pour qu’on Le traîne devant les tribunaux des hommes?

Jésus, qu’as-Tu donc fait? As-Tu violé la Loi, voulais-Tu l’abolir? Mais non, Tu n’es pas venu abolir la Loi, mais, au contraire, pour l’accomplir, car pas un iota de la Loi de Dieu ne doit être transgressé. Alors, Jésus, qu’as-Tu fait?

Qu’as-Tu fait, Jésus pour qu’on Te mène vers le tribunal des païens? Fomentais-Tu la guerre contre l’occupant romain? Non, Tu prêches et Tu donnes la paix. Et Tu demandes à tous les hommes de s’aimer, et d’aimer son prochain comme soi-même. Qu’as-Tu fait, Jésus, pour qu’on Te flagelle ainsi comme le plus terrible des scélérats, pour qu’on Te couronne d’épines, pour qu’on T’arrache tes vêtements? Et pour qu’on Te lie les mains, comme si, après le traitement horrible de la flagellation, Tu avais encore la force de Te sauver!

– Jésus ! Qu’as-Tu donc fait ? répétons-nous après Pilate.

– Si ce n’était pas un criminel, hurlent les chefs de ton peuple, nous ne te L’aurions pas livré.

– Qu’as-Tu fait ? insiste Pilate s’adressant encore à Jésus ?

Pilate sait que Tu es innocent, innocent de tout ce dont on T’accuse. Tu enseignes même à rendre à César ce qui est à César, et Pilate a été dûment informé que Tu payes tes impôts... Tu es innocent, Jésus, Tu es même l’Innocent venu sauver le monde, Tu es le Roi des Juifs, mais ton Royaume n’est pas de ce monde. Alors on va pouvoir Te relâcher... Ce serait d’ailleurs sans risque, car dans l’état où Tu es, Tu ne pourras pas aller bien loin.

Les juifs hurlent :

– Il s’est dit Roi. Il s’est dit Fils de Dieu ! Et d’après notre Loi, Il doit mourir ! Crucifie-Le ! Crucifie-Le !

– Tu es donc Roi ? s’inquiète Pilate.

Les juifs mentent, effrontément. Ils savent bien que Jésus avait refusé qu’on Le proclame Roi. Ils se souviennent: c’était après la multiplication des pains: “Comme la foule voulait le faire Roi, Jésus s’enfuit tout seul dans la montagne” (Jean VI, 11-15)

– Crucifierai-je votre Roi?!... reprend Pilate.

– Nous n’avons pas d’autre Roi que César!

Jésus, Tu es l’Innocent, et pour cela, à cause de cela, Tu dois être crucifié, Tu dois mourir. Tu T’es dit Dieu, Fils de Dieu, car Tu l’es. Tu aurais menti si Tu avais dit le contraire... mais Tu es la vérité. Et parce que Tu es innocent, parce que Tu es la Vérité, -mais qu’est-ce que la vérité, n’est-ce pas?- pour cela Tu dois mourir, et mourir sur une Croix. C’est ainsi, Tu le savais, et c’est seulement quand Tu auras été élevé de terre que les hommes comprendront et que Tu attireras tout à Toi...

Jésus, elle est venue l’Heure redoutable de ta Pâque, de ta Passion. Elle est venue l’Heure pour laquelle Tu étais venu, elle est venue la Pâque que Tu avais désirée d’un grand désir. Elle est venue, ton Heure, l’Heure de notre Rédemption, l’Heure de ta Gloire. Bientôt tout sera accompli. Et dans trois jours Tu ressusciteras... Et ta Royauté sera proclamée dans le monde entier...

Ta Royauté, Jésus? Pourtant, ton Royaume n’est pas de ce monde. Et la royauté sur la terre, Tu l’avais refusée dès le début de ta vie publique. C’était lors de ta tentation au désert: Satan suggérait:

– Si Tu m’adores, je Te donnerai tous les royaumes de la terre.

Mais Jésus ne veut pas des royaumes de la terre, car son Royaume n’est pas de ce monde. Et Jésus chasse Satan: “Hors d’ici, Satan, tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu n’adoreras que Lui seul !”

Pourtant Jésus est Roi, et ce sont des païens qui, sans savoir ce qu’ils faisaient, proclameront sa Royauté, dans les conditions  douloureuses de sa Passion et de sa mort sur la Croix.

– Il s’est dit Roi ? ricanent les soldats après la flagellation. Alors, il faut Le couronner, et Lui donner les insignes de son rang.

On couronne donc Jésus, avec des épines, et on met entre ses mains un sceptre de roseau, et un manteau de pourpre...

Jésus, couronné d’épines, couvert de son manteau de pourpre, est toujours devant Pilate qui doit se décider. “Alors Pilate se lava les mains, s’estimant innocent du sang de ce juste, et le livra aux juifs pour être crucifié.”

Motif de sa condamnation: “Il s’est dit roi...” Cette sentence est écrite en gros sur la pancarte placée en haut de la croix.

Oui, Jésus est Roi ! Et devant le monde entier, devant les juifs, devant les siècles, et pour les siècles des siècles, Jésus sera toujours: “Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.” C’est écrit sur la Croix, c’est le motif de sa condamnation. Et c’est Pilate le païen qui a fait écrire cela. Car c’est aujourd’hui que la Royauté de Jésus devait être manifestée.

Jésus, Tu es Roi. De toute éternité Tu es Roi, notre Roi. Mais ton Royaume n’a rien à voir avec les royaumes de la terre.

Fermons les yeux, contemplons Jésus qui meurt sur la Croix, et entendons-Le murmurer: “Tout est accompli. Père, Je remets mon âme et mon corps entre tes mains.”

Tout est accompli, le monde est régénéré, tous ceux qui accepteront d’être sauvés le seront. Dans trois jours, Jésus ressuscitera dans la Gloire, mais dans la discrétion, sans effet extraordinaire. Jésus restera humble, même dans sa Gloire. Peut-être que, rencontrant tous ceux qui L’aiment et qui avaient été tellement déstabilisés au cours de sa Passion, a-t-Il pensé à ses tentations au Désert. Peut-être s’est-Il souvenu que Dieu parle au cœur de chaque homme et que, pour se manifester, Il n’a pas besoin d’événements spectaculaires et merveilleux. La plus grande merveille, la merveille des merveilles, c’est le cœur de l’Homme doux et humble, le Cœur du Fils Bien-Aimé, c’est le Cœur de Jésus. Oh! Jésus! Quelle action de grâces !

Jésus, Tu as été condamné par les Juifs, par les Romains, par toutes les nations. Qu’as-Tu fait ?

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