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Une divine inspiration
Dieu, qui préparait Paul-François à une
tâche particulièrement difficile, l'avait doté d'une grande
intelligence, capable d'acquérir de vastes connaissances. À
plusieurs reprises Il lui fit connaître à quel genre de vie Il le
destinait, et lui fit voir plusieurs fois une tunique noire, mais
sans lui donner pour le moment l'explication du mystère.
Un jour, enfin, le Seigneur lui en révéla
le secret. Paul-François raconte :
"Moi, Paul-François, pauvre et indigne
pécheur, et le dernier des serviteurs des pauvres de Jésus-Christ,
environ deux ans après que l'infinie bonté de Dieu m'eut appelé à la
pénitence, passant vers le soir par la rivière de Gênes, je vis une
petite église située sur une montagne au-dessus de Sestri, et
appelée la sainte Madone du Gazzo, et en la voyant, j'éprouvai un
désir sensible de me fixer dans cette solitude; mais obligé par
devoir de charité d'assister mes parents, je ne pus jamais en venir
à l'exécution, et je dus me contenter de le garder dans mon cœur.
Quelque temps après, (je ne me souviens plus au juste ni du mois ni
du jour), j'eus une nouvelle inspiration, mais beaucoup plus forte
de me retirer dans la solitude; et ces inspirations, le bon Dieu me
les donnait avec une grande consolation intérieure.
Dans ce même temps, la pensée me vint de
prendre pour vêtement une tunique noire de gros drap fait de la
laine la plus commune du pays, de marcher nu-pieds, de vivre dans la
plus grande pauvreté, en un mot, de mener avec la grâce de Dieu une
vie pénitente. Cette pensée ne me quitta plus; un attrait toujours
plus puissant me portait à me retirer, non plus auprès de la petite
église dont j'ai parlé, mais en n'importe en quelle solitude, et
cela pour suivre les invitations amoureuses de mon Dieu dont
l'infinie bonté m'appelait à quitter le monde. Mais comme je ne
pouvais donner suite à cette pieuse inspiration, parce que j'étais
nécessaire à ma famille, c'est-à-dire à mon père, à ma mère et à mes
frères, je tenais toujours ma vocation secrète, excepté que j'en
conférais avec mon père spirituel.
Je ne savais pas ce que Dieu voulait de
moi; c'est pourquoi je ne songeais à autre chose qu'à me dégager des
embarras domestiques pour pouvoir me retirer ensuite. Mais le
Souverain Bien qui, dans sa bonté infinie, avait d'autres vues sur
ce misérable ver de terre, ne permit jamais que j'eusse ma liberté
en ce temps-là. Quand j'étais sur le point de me dégager
entièrement, il s'élevait de nouvelles difficultés; elles ne
faisaient qu'augmenter mes désirs.
Quelquefois, il me vint aussi la pensée
de réunir des compagnons pour vivre en communauté et promouvoir la
crainte de Dieu dans les âmes: c'était là mon plus ardent désir;
mais pour ce projet de réunir des compagnons, je n'en tenais pas
compte, et cependant il restait fixé au fond de mon cœur.
En somme, pour ne pas m'étendre
davantage, je dirai combien de temps durèrent ces désirs et ces
inspirations, jusqu'à ce que je reçusse la nouvelle lumière dont je
vais parler. Je ne saurais le dire précisément, parce que je n'en ai
pas tenu note; je dirai du plus au moins: deux ans et demi environ.
L'été dernier, je ne sais à quelle
époque, car je ne me souviens ni du mois ni du jour, ne l'ayant pas
écrit, je sais seulement que c'était le moment de la moisson; un
jour de la semaine, je fis la sainte communion dans l'église des
capucins de Castellazzo, et je me rappelle que j'entrai alors dans
un profond recueillement. Après cela, je partis pour retourner à la
maison et je marchais par les rues, aussi recueilli que dans
l'oraison. Quand je fus au coin de la rue voisine de la maison, je
fus élevé en Dieu avec un recueillement très profond, un oubli de
toutes choses et une très grande suavité intérieure, et dans ce
moment, je me vis, en esprit, revêtu de noir jusqu'à terre avec une
croix blanche sur la poitrine; sous la croix, je portais écrit le
saint nom de Jésus eu lettres blanches. Dans ce même instant je
m'entendis adresser ces propres paroles: 'Ceci est un signe pour
marquer combien doit être pur et sans tache le cœur qui doit porter
écrit le Très Saint Nom de Jésus.'
Cette vue et ces paroles me firent
répandre des larmes, et puis je m'arrêtai. À peu de temps de là, je
vis en esprit qu'on me présentait la sainte tunique avec le nom
sacré de Jésus et la croix toute blanche; la tunique toutefois était
noire, et je l'embrassai dans l'allégresse de mon cœur."
3-1-Quelques
précisions sur les grâces mystiques
Paul-François continue son récit: "Le
lecteur saura que lorsque je me vis présenter la sainte tunique, je
ne vis point de forme corporelle, comme par exemple, la figure d'un
homme; pour cela, non; mais je le vis en Dieu; l'âme en effet
connaît que c'est Dieu, parce que lui-même le lui fait comprendre
par les mouvements intérieurs du cœur et par les lumières qu'il
répand dans l'esprit, mais d'une manière si sublime qu'il est très
difficile de l'expliquer. Ce que l'âme entend alors est quelque
chose de si grand qu'on ne saurait le dire ni l'écrire. Pour être
mieux compris, je dirai que c'est là une sorte de vision
spirituelle, comme Dieu a daigné m'accorder plusieurs fois dans sa
bonté, lorsqu'il a voulu m'envoyer quelque épreuve particulière.
Pendant que j'étais en oraison, je vis un
fouet entre les mains de Dieu, et ce fouet avait des cordes comme
les disciplines. Au-dessus était écrit ce mot: 'Amour'; dans le même
instant, le Seigneur m'éleva à une très haute contemplation: mon âme
comprit que Dieu voulait la flageller, mais par amour. Elle
s'élançait avec vitesse vers ce fouet pour l'embrasser et le baiser
en esprit.
Dans le fait, chaque fois que Dieu a
daigné m'accorder cette vision, il ne tardait pas à m'arriver
quelque tribulation très sensible, et je savais d'une manière
certaine qu'il en serait ainsi, parce que Dieu m'en donnait
l'intelligence infuse.
J'écris ces choses pour m'expliquer et
pour dire d'après l'intelligence que Dieu me donne, que je tiens ce
que je vois en esprit, par la lumière sublime de la foi, pour plus
assuré que si je le voyais des yeux du corps: ceux-ci pourraient me
séduire par quelque fantôme; au contraire, dans ce que je vois en
esprit, je ne vois aucun danger d'erreur, en raison de
l'intelligence que Dieu me donne, et cela d'autant plus que je m'en
réfère au jugement de mes supérieurs, me soumettant aux décisions
que le Saint-Esprit leur inspirera.
Ainsi, quand j'ai dit que j'avais 'vu'
dans les mains de Dieu, je ne veux pas dire que j'ai vu, je veux
dire seulement que l'âme sent d'une manière très relevée qu'elle se
trouve dans Celui qui est immense, et c'est ce qui m'est arrivé à
propos de la sainte tunique. Qu'on sache en outre que depuis qu'il a
plu à Dieu de me retirer des exercices de la méditation qui consiste
à discourir sur les mystères, en passant d'un point à un autre, je
n'ai plus de formes imaginaires."
3-2-Les
merveilles de Dieu
"Or, pour poursuivre mon récit des
merveilles de Dieu, après la vision de la sainte tunique et du signe
sacré, Dieu me donna un désir et un attrait plus grands de réunir
des compagnons et de fonder avec l'approbation de la sainte Église
une congrégation qui aurait pour titre: 'Les pauvres de Jésus.'
Après cela, Dieu a imprimé dans mon esprit la forme de la sainte
règle qui devait être observée par les Pauvres de Jésus et par moi,
son très humble et très indigne serviteur. On m'a ordonné de
l'écrire; et je vais le faire par obéissance avec le secours du
Saint-Esprit.
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