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La doctrine spirituelle de Paul de la Croix
2-1-Le désir
de Dieu
Paul de la Croix, avant tout, désirait Dieu. Il désirait Dieu d'une
manière passionnée, intense, presque douloureuse. Comment fut-il
conduit vers un tel désir? Pour le comprendre, il suffit de le
suivre tout au long de son développement spirituel.
Pour saint Paul de la croix, c'est l'oraison qui conduit au désir de
Dieu. Désirer Dieu, c'est le secret des saints, c'est la clé qui
ouvre la porte du Cœur de Dieu.
Incontestablement
Paul de la Croix est un homme de désir, du désir de l'esprit, du
désir de Dieu. L'âme de Paul dès sa jeunesse, fut orientée vers
Dieu, par le désir sensible qu'il en avait, et "un attrait
toujours plus puissant le portait à se retirer en solitude... pour
suivre les invitations amoureuses de Dieu dont l'infinie bonté
l'appelait à quitter le monde." Très jeune ce désir de vie
contemplative s'installa dans son cœur, en dépit de ses obligations
familiales qui le maintenaient dans le monde. Pourtant le désir
grandissait en lui de réunir des compagnons pour vivre en
communauté, dans une extrême pauvreté.
2-1-1-Désir
de partager les souffrances du Christ
Les désirs de
Paul étaient intenses, et il offrait à son Seigneur les retards qui
étaient placés sur son chemin pour réaliser ses vœux; mais, et cela
nous semble étrange, comme presque tous les grands saints, Paul
désirait l'union à Dieu "dans les souffrances du Christ et dans
le désir d'annoncer Dieu aux hommes." Il écrit dans son journal,
le 21 décembre 1720: "Dans l'intimité du cœur il y a un certain
désir secret, presque insensible, d'être toujours dans les
souffrances." Paul désire la souffrance, et les épreuves, car,
dit-il:
"Je reçus beaucoup de lumière à propos
des tourments de mon Jésus, et je fus favorisé d'un désir ardent
d'être uni à Lui à la perfection, au point de vouloir sentir
totalement ses tourments et être mis en croix avec Lui."
2-1-2-Désir
d'union à Dieu
Incontestablement
c'est Dieu Lui-même qui parlait à Paul en lui infusant ces désirs.
En fait, tous ces désirs de Paul n'étaient que les expressions d'un
unique désir: faire la volonté de Dieu: "Je n'ai d'autre désir
que de faire avec perfection la très sainte Volonté de Dieu dans la
vie, dans la mort, dans le temps et dans l'éternité." Oui, c'est
par le désir que Dieu attire notre attention et qu'Il nous manifeste
sa Volonté. Parfois ce désir devient si brûlant qu'il nous entraîne
et nous enflamme "toujours
davantage du désir de s'envoler vers le Souverain Bien... et de se
laisser embraser par le feu de l'amour divin."
2-1-3-Désir
de convertir les pécheurs
Le désir d'être
intimement uni à Dieu, le désir de souffrir les souffrances de
Jésus, et la grande ferveur qui accompagnaient ces désirs, ont
conduit Paul à pleurer souvent. Ces larmes lui venaient soudainement
surtout quand il considérait les âmes des pécheurs. Le désir de les
convertir devenait irrésistible. Il écrit encore: "Le continuel
désir de la conversion de tous les pécheurs ne m'a pas quitté, et je
me suis senti particulièrement poussé à prier mon Dieu pour cela,
parce que je voulais qu'Il ne fût plus offensé." Quelques jours
plus tard, le 26 décembre 1720, Paul précise:
"... j'avais aussi le désir de la conversion des hérétiques, surtout
de l'Angleterre, avec les royaumes voisins..."
Le désir, tel que
le comprend Paul de la Croix suscite en lui un autre désir intense
de dépassement de lui-même, de sanctification et de travail pour la
conversion du prochain. Cela commence par une vie de prière et
d'oraison. Paul donnera des avis dans la Règle de sa congrégation:
"Une des principales fins de cette humble congrégation est, non
seulement qu'ils s'adonnent eux-mêmes avec un zèle inlassable à la
sainte oraison afin de s'unir à Dieu, mais de conduire aussi notre
prochain à cette même union en l'instruisant, par une méthode aussi
accessible que possible de cet exercice si évangélique."
Il est bon de rappeler ici qu'à
l'époque de Paul de la Croix, l'Église avait été profondément
blessée d'une part par le jansénisme d'un rigorisme extrême qui
étouffait l'amour, et d'autre part, par le quiétisme qui voulait
conduire les âmes à une contemplation plus ou moins oisive
conduisant uniquement vers l'amour de soi. Paul voulait au contraire
conduire les âmes, conformément aux conseils émis par Ruysbrœck,
vers une intimité de plus en plus grande avec Dieu conduisant au
service de son prochain. Pour cela l'âme devait apprendre à se tenir
constamment en présence de Dieu, "vivant dans l'humilité et le
moment présent." D'où la recommandation:
"Je veux aimer Dieu autant que je le peux, maintenant, comme si
c'était le dernier instant de ma vie. Je veux souffrir avec joie,
maintenant, sans penser au futur."
Ainsi naît la paix intérieure, fruit éminent des dons du
Saint-Esprit. "Nous sommes à nous-mêmes la véritable cause de
toutes nos inquiétudes. C'est parce que nous ne rendons pas notre
cœur assez humble pour Dieu, que nous n'acceptons pas avec une
tranquille obéissance ce qui nous arrive, et cela dans une parfaite
union à la Volonté de Dieu à travers tous les événements..."
Paul affirmera à plusieurs reprises que l'égalité d'humeur, vertu
humble et cachée, est le véritable signe de la paix intérieure.
2-2-Rappel sur
la dévotion à la Croix de Jésus
2-2-1-Pourquoi
la dévotion à la Passion de Jésus?
S'approprier les souffrances de Jésus pendant sa Passion, cela était
l'un des plus grands désirs de Paul. Déjà, le 23 novembre 1720, il
avait écrit dans son Journal: "Je
désire seulement être crucifié avec
Jésus."
Au paragraphe 1-3-1, nous avons
rappelé comment Paul de la Croix expliquait la nécessité d'avoir une
grande dévotion envers la Croix de Jésus: il s'agit de remercier le
Seigneur pour tout ce qu'Il a fait pour nous. De plus, la Passion
de Jésus-Christ est la porte qui donne entrée dans les pâturages
délicieux de l’âme. Le divin Sauveur a dit:
"Je suis la porte" (Jean X, 9) Une âme qui entre par cette porte,
marche sûrement.
2-2-2-Comment
compatir aux souffrances de Jésus?
Paul de la Croix indique aussi comment
nous devons compatir aux souffrances du Christ:
"Figurez-vous que vous êtes gravement
indisposé; moi, qui vous aime tendrement, je viens vous faire
visite. Il est sûr qu’après vous avoir exprimé mes sentiments et dit
quelques paroles de consolation, je me mettrais à vous regarder d’un
œil de compassion et à m’approprier vos souffrances par amour.
Ainsi, quand nous méditons la Passion de Jésus-Christ, en le voyant
plongé dans la douleur, nous devons compatir à ses peines, puis le
contempler avec amour dans cet état, et nous approprier par amour et
par compassion les souffrances qu’il endure."
2-3-Saint Paul
de la Croix et l'Eucharistie
2-3-1-L'Incarnation
L'homme ne peut
voir Dieu qu'à travers l'humanité du Christ, et on ne peut
contempler Dieu qu'à travers le visage du Christ. L'Incarnation est
une incroyable merveille d'amour,
"l'Immense se
faisant tout petit, l'infinie Grandeur s'humiliant par amour de
l'homme."
Paul de la Croix reçut certainement
des lumières très profondes concernant le mystère de l'Incarnation.
Il explique en effet "que
l'âme peut être à la fois très unie amoureusement à la très sainte
humanité du Christ, et en même temps liquéfiée et élevée à la
connaissance haute et sensible de sa divinité."
La confiance de
Paul envers son "Époux présent au Saint Sacrement" ne le
quittait jamais. En effet, "Jésus étant venu non pour les
justes, mais pour les pécheurs", était venu aussi spécialement
pour Lui, Paul de la Croix, qui se croyait le plus grand des
pécheurs que la terre ait porté.
2-3-2-L'amour
de Paul de la Croix pour l'Eucharistie
On
oublie souvent que Paul de la Croix, ardent apôtre de la Croix, fut
aussi un ardent amant de l'Eucharistie. Il invitait tous ceux qu'il
rencontrait à rester longuement en adoration devant le
Saint-Sacrement. "Devenez amoureuse de ce Bien Infini, adorez-le,
embrassez-le souvent en esprit et en vérité, faites-lui beaucoup de
caresses." Paul de la Croix
fut vraiment un grand amoureux de l'Eucharistie envers laquelle il
avait de grands élans de tendresse qu'il ne renia jamais. Il écrit
dans Journal des quarante jours que, "recueilli et goûtant des
mouvements de tendresse, il offrait des affections amoureuses à
Jésus dans le Saint-Sacrement." Paul disait que l'Eucharistie
c'était la manne de Jésus; et c'était Jésus Lui-même. Il allait
jusqu'à affirmer quel "les
mouvements de tendresse (envers notre prochain) naissaient des
affections amoureuses envers l'Eucharistie."
Un jour, alors
qu’il avait été particulièrement aride dans l’oraison et distrait
dans la sainte communion,
"il eut beaucoup de larmes, et il pria Jésus de le rendre humble au
plus haut degré. Il désirait être le dernier des hommes, la lie de
la terre, et priait avec quantité de larmes la Bienheureuse Vierge
de lui en obtenir la grâce."
2-3-3-L'adoration
Pour Paul, prier
devant le Saint Sacrement, c'est ressentir la présence du Christ; en
effet l'Eucharistie, quoique mystérieusement, nous met en relation
directe avec son Cœur brûlant d'amour, son Cœur Eucharistique. Pour
Paul, vivre l'Eucharistie, c'est aussi vivre intérieurement
Gethsémani, la nuit obscure que Jésus voulut expérimenter. À
Gethsémani, comme cela sera aussi sur la Croix, le Père se cache et
semble abandonner son Fils Bien-Aimé. Tous les mystiques ont vécu
cet apparent abandon de Dieu. Paul ne fit pas exception, mais il sut
toujours dire, comme Jésus:
"Père, que ta volonté se fasse."
"Ô Seigneur, que votre esprit est doux! Je sais à qui je crois et je
suis certain; je suis certain que vous êtes au tabernacle
d’amour!... Quel bonheur de me tenir, pendant les heures les plus
silencieuses, au pied du saint autel! Oh! qui me donnera des ailes
de colombe pour prendre mon vol d’amour vers votre Cœur divin?"
"Ô Jésus-Eucharistie, vous avez dit: Si quelqu’un a soif, qu’il
vienne à moi, et je lui donnerai à boire. C’est à vous, maintenant,
de me désaltérer…"
"Mon Dieu, le tabernacle est le lieu de votre amour, préparé par
vous à qui vous aime!... Quand pourrai-je, pendant les heures de
profonde solitude, m’entretenir avec mon Amour-Eucharistie aux pieds
du saint autel? Qui me donnera les ailes de la colombe pour faire
des vols d’amour au Cœur sacré de mon Jésus?"
Parfois Paul confiait, en confidence:
"En vérité, en vérité, Jésus
me désaltérait. Une fois surtout, il étancha parfaitement ma soif."
2-3-4-La
sainte Messe
Paul de la Croix parle de la messe à
l'un de ses correspondants:
"Puisque la messe est le renouvellement du sacrifice de la Croix,
figurez-vous que vous célébrez les obsèques du Sauveur; entrez dans
les sentiments de componction et d’amour dont étaient pénétrés la
Sainte Vierge, saint Jean, Joseph d’Arimatie et Nicodème. Le cœur du
prêtre doit être le sépulcre de Jésus-Christ. Or, de même que celui
dans lequel on le mit après sa mort, était nouveau, de même votre
cœur doit être pur, animé d’une foi vive, d’une ferme confiance,
d’une charité ardente, d’un vif désir de la gloire de Dieu et du
salut des âmes. La messe est le moment favorable pour négocier avec
le Père éternel, parce qu’alors on lui offre son Fils unique,
incarné et mort pour notre salut."
Et à des prêtres:
"Avant de célébrer, revêtez-vous des
souffrances de Jésus-Christ; conversez paisiblement avec lui au
milieu même des sécheresses; portez à l’autel les besoins du monde
entier.
Chaque fois que vous célébrez la sainte messe, ou que vous vous
approchez du banquet sacré, communiez en forme de Viatique.
Ne négligez aucun soin pour célébrer avec grande piété; faites
toujours votre action de grâces; gardez jour et nuit le tabernacle
intérieur: c’est le cœur du prêtre. Qui agit de la sorte ne tardera
pas à concevoir le feu du saint amour. Gardez avec beaucoup de
précautions ce tabernacle vivant, et tenez-y les lampes allumées: ce
sont la foi et la charité. Qu’il soit toujours orné de vertus. Jésus
a célébré les divins mystères dans un cénacle bien préparé."
Paul de la Croix aimait
particulièrement les fêtes consacrées à l'Eucharistie. Il écrit,
entre autres: "La fête du
Très Saint Sacrement est la fête de l’amour. Oh! quel grand amour! Ô
charité! ô amour!... Le papillon voltige autour de la flamme et s’y
brûle. Que votre âme tourne de même autour de cette lumière divine!
Qu’elle y soit toute réduite en cendres, surtout dans cette grande
et douce octave du Saint-Sacrement! Ah! mangez, buvez, enivrez-vous,
volez, chantez, soyez dans la jubilation et dans la joie, faites
fête à votre divin Époux."
2-3-5-L'importance
de l'Eucharistie
Voici quelques
conseils que Paul de la Croix donnait aux âmes qui se confiaient
à lui:
"Ne passez pas un seul jour sans faire une visite au Dieu du
Tabernacle. Envolez-vous en esprit dans le Cœur de Jésus au
Saint-Sacrement. Là, pâmez-vous de douleur à cause des irrévérences
qu’il reçoit des mauvais chrétiens, qui ne répondent à tant d’amour
que par des ingratitudes et des sacrilèges. En réparation de tant
d’outrages, l’âme aimante doit s’offrir en victime, se consumer dans
le feu du saint amour, l’aimer, le louer, le visiter surtout aux
heures où personne ne lui fait la cour."
"Qu’ils sont immenses, les trésors que renferme la divine
Eucharistie! Je vous engage vivement, vous-mêmes qui vivez dans le
monde, à communier souvent, mais avec de grands sentiments de piété.
La sainte communion est le moyen le plus efficace pour s’unir à
Dieu. Préparez-vous toujours bien à ce saint banquet. Ayez un cœur
bien pur, et veillez beaucoup sur votre langue, car c’est elle qui
touche la première le Saint-Sacrement. Portez-le chez vous après
votre action de grâces, et faites que votre cœur soit un tabernacle
vivant pour Jésus-Christ. Visitez-le souvent au dedans de vous-même,
et offrez-lui les hommages, les sentiments et les remerciements que
vous inspirera le saint amour."
La communion fréquente
En 1679, le pape Innocent XI avait
donné aux confesseurs la possibilité d'autoriser la communion
fréquente, voire quotidienne, aux fidèles qu'ils en jugeraient
dignes. Cela avait du mal à passer dans les mœurs. Cependant Paul de
la Croix, amoureux de l'Eucharistie essayait de satisfaire la soif
d'amour de Jésus de certaines personnes qu'il dirigeait. Il écrivait
à Colomba Gandolfi, le 15 septembre 1744:
"Prenez garde de ne pas abandonner la
sainte Communion... L'effort principal du diable est de nous
éloigner de la Table des anges, où l'on reçoit cette nourriture de
vie éternelle, et où l'âme devient terrible pour les démons."
Et encore le 16 juillet 1754:
"Je vous prie fortement de ne pas
abandonner la sainte communion. Oh! Ma petite fille, n'abandonnez
jamais cette nourriture de vie éternelle..."
2-4-Le Saint
Esprit
Paul de la Croix,
tellement attaché à la Croix de Jésus, ne négligeait cependant pas
le Saint-Esprit. Il conseillait même à ses amis, à ses dirigés et à
ses religieux, d'être toujours attentifs et obéissants aux
attractions amoureuses de l'Esprit Saint, d'accepter ses dons avec
reconnaissance, mais aussi avec détachement, "en pauvreté et
nudité d'esprit... et de les faire disparaître dans le feu du Saint
Amour, sans autre réflexion que de se perdre toujours plus en
Dieu..." Paul insistait:
"Vous ne devez, en aucun cas, forcer
l'esprit pour retenir les envols que vous fait faire l'Esprit
d'Amour... Et qui peut résister à cette divine opération qui est
toute de Dieu?... Je vous redis d'obéir promptement à cet envol
d'amour pur... Il est vrai que ce sont là des choses très hautes,
parce que ce sont des choses de Dieu... mais qui pourra jamais
s'attribuer à lui-même des choses aussi sublimes?..."
Quelques mois
plus tard, il recommanda à la même personne de laisser l'Esprit
Saint être son directeur spirituel.
"Le véritable directeur spirituel, c'est le Saint-Esprit, l'Esprit
de la vraie liberté, le mystère de l'Amour qui unit le Père et le
Fils. Lui seul inspire les âmes, Lui seul les élève jusqu'à Dieu,
Lui seul conduit les âmes à 'l'abandon d'amour'. L'Esprit-Saint est
le souffle de la vie qui nous conduit à nous perdre dans l'infini de
l'Être divin."
Et, parlant de Jésus-Eucharistie, Paul écrit à Agnès Grazi le 17
janvier 1738: "...
Plongez-vous toute en ce feu qui brûle en son très saint Cœur, et
laissez-vous réduire en cendre. Puis laissez au souffle d'amour de
l'Esprit-Saint la liberté de répandre le rien de cette cendre dans
le Tout infini de la Divinité..."
À une religieuse,
Paul écrit: "Par-dessus tout
laissez-vous guider par l'Esprit-Saint. Tenez-vous dans votre
anéantissement, et quand vous sentez les attractions et les
impressions divines, suivez cette invitation que Dieu vous fait.
Restez alors tout abîmée en Lui dans un silence sacré, ou en vous
tenant tout absorbée dans la contemplation des perfections divines
par une profonde stupeur amoureuse, ou bien en exultant dans les
divines louanges, ou bien pénétrée par l'amour et les douleurs de
peines de Jésus, etc. Mais tâchez de le faire avec dépouillement de
votre imagination, vous tenant en pure foi, sans image..."
Pour cela il faut savoir se laisser
faire par Dieu. Peu de temps avant une fête de la Pentecôte, pour
que sa correspondante puisse recevoir pleinement les dons du
Saint-Esprit, il conseille:
"Pour cela préparez-vous par un profond dépouillement de toute chose
créée, un total abandon au bon plaisir divin, sans attache aucune à
la dévotion sensible... Tenez-vous dans la solitude intérieure,
adorant Dieu en esprit et en vérité... sans vouloir autre chose que
son Saint amour, très pur et très purifiant, et sa plus grande
gloire en toutes ses œuvres..."
Ce qui compte, c'est "de se laisser
perdre et disparaître dans l'Immense Dieu..." Car l'Esprit-Saint,
c'est le Bien infini: "Les assauts d’amour que la bonté divine
vous livre, conservez-les soigneusement dans votre intérieur,
puisque, après la sainte communion, Jésus possède votre cœur. Vous
ne pourriez l’aimer, si vous n’aviez avec vous la source vive du
saint et pur amour, c’est-à-dire le Saint-Esprit. C’est le divin
Rédempteur qui nous l’apprend. Celui qui croit en moi, dit-il, verra
sortir de son sein des fleuves d’eau vive, selon l’expression de
l’Écriture. (Jean VII. 38)
Or, ajoute l’Évangéliste, il faisait allusion à l’Esprit-Saint que
les fidèles devaient recevoir. C’est pourquoi, quand Dieu vous livre
ses assauts qui sont des faveurs particulières de l’amour divin,
amour qui est saint, pur et sans tache, laissez-vous disparaître
dans le Bien infini par la grâce, et là, agissez en enfant, et
endormez-vous d’un sommeil de foi et d’amour dans le sein du céleste
Époux."
2-5-L'union à
Dieu
C'est par
l'oraison que l'âme s'unit à Dieu et marche vers la sainteté et
l'amour envers Dieu. Mais cela doit être partagé: d'où le double
aspect de la vocation passioniste: la vie contemplative dans les
Retraites, et l'action apostolique lors des missions.
2-5-1-Quelques
faveurs divines
Paul de la Croix
connut de grandes faveurs divines, que l'on appelle mystiques. Il
savait qu'on ne pouvait pas les expliquer; aussi, tout en les
contrôlant, était-il apte à comprendre ceux qui bénéficiaient de ces
faveurs. Ainsi, à Colomba Gandolfi, il pouvait écrire, le 21 août
1756: "J'aimerais encore
savoir si votre âme fait son envol vers Dieu avec les ailes de la
foi et le feu de l'amour, et si ce haut vol se réalise en passant
par la porte qui est le Christ Notre Seigneur, vous anéantissant
dans la mer de sa très sainte Passion qui est l'œuvre la plus grande
et la plus étonnante de l'Amour Divin..."
2-5-2-Des
mises en garde
Nous venons de
voir que Paul de la Croix ne rejetait pas les expériences mystiques
des personnes qui le consultaient. Toutefois il mettait parfois en
garde les personnes qui se confiaient à lui. Ainsi, au sujet des
locutions, paroles intérieures entendues au cours de la prière, il
conseillait une grande prudence et beaucoup d'humilité: il faut
d'abord les repousser, quelles qu'elles soient; si elles sont bonnes
et vraies, elles produiront leurs effets. Il écrivit: "Apprenez
donc bien cette règle qui consiste à vous tenir en garde. Oh! Si
vous saviez les effets merveilleux
que produisent
les véritables locutions, et quelle impression d'infaillible
certitude elles font dans l'âme. On peut les chasser autant qu'on
veut, mais l'impression et l'effet sont infaillibles, avec d'autres
effets étonnants..."
2-5-3-Et
quelques conseils
Le 2 juillet 1748, Paul écrit à Sœur
Gandolfi: "Désormais il est
temps d'avoir davantage confiance en Dieu et de vous approcher
davantage de Lui dans l'oraison et dans les sacrements... Sachez que
pour arriver à une grande union avec Dieu, par le moyen de la sainte
charité, il faut passer par de grandes épreuves. Les âmes les plus
chères à Dieu sont les plus éprouvées, affligées et tentées..."
Et en 1753, afin que l'âme puisse
rester dans la solitude intérieure de la contemplation de la
Passion, il complète: "...
Devenez une véritable adoratrice du Très-Haut, en esprit et en
vérité, puisqu'en cette divine école, où le Souverain Maître est l'Esprit-Saint,
avec les lumières de la foi l'âme comprend en Dieu, sans comprendre
par les sens, des choses très hautes, étonnantes, qui nous échappent
et que l'on ne peut traduire... S'anéantissant toute avec une haute
stupeur amoureuse dans cette grande Mer (Dieu, la Mer immense de
perfection), l'âme adore, se tait, aime, est stupéfiée... se trouve
hors du temps dans l'éternité de Dieu... On se réjouit et on aime,
en bas on aime et on peine... Continuez de prier... avec les
sentiments d'un amour douloureux et d'une douleur amoureuse. La
Sainte Passion est une œuvre d'amour..."
Sœur Gandolfi a progressé dans l'union
à Dieu. Paul de la Croix reconnaît, dans sa lettre du 21 décembre
1754, "l'envol que la Divine Bonté faisait faire à son âme..."
Aussi lui affirme-t-il qu'elle est maintenant une véritable
adoratrice du Très haut, en esprit et en vérité.. Mais il faut
qu'elle "continue à se tenir
en haute pauvreté et nudité d'esprit... peinant sans
comprendre la peine, parce que c'est une peine purement spirituelle
produite par le pur amour en Dieu... Oh! Tout ce que je voudrais
dire! Mais je ne sais si je peux m'expliquer... Ô Sœur Colomba...
demeurez toujours en ce profond désert sacré où l'âme perdue toute
en Dieu... élevée par amour hors du temps dans l'éternel Bien, se
repaît, sans le comprendre, de charité, d'amour très pur en Dieu,
liée et unie par saint amour au Divin Verbe Christ Jésus... Là, en
cet abîme d'amour, on ne peut plus rien de temporel, mais tout est
de l'Amour Souverain et Incréé... Si vous ne vous souvenez plus de
vous-même, peu importe. Obéissez aux divines inspirations; moins
vous comprendrez, plus vous serez ignorante, et plus, à cette école,
vous deviendrez docte... Soyez donc une vraie victime sacrifiée pour
toujours dans le feu de la divine charité pour le Souverain Bien;
mais soyez une victime enfant, ainsi le sacrifice sera plus
rapidement réduit en cendres par le feu sacré..."
2-5-4-Les
nuits spirituelles
Toutes les âmes qui aiment Dieu
connaîtront de douloureuses épreuves, les nuits des sens ou de
l'esprit. Paul de la Croix rassure:
"Ne doutez pas, sœur, ne
doutez pas; Dieu se trouve au milieu de votre cœur, et vous aime; et
en permettant de telles tempêtes, il le fait pour votre plus grand
bien, jusqu'à ce que vous arriviez à la véritable humilité de cœur
et à l'anéantissement de vous-même... La route sûre que l'on doit
maintenir en de telles batailles... c'est de demeurer soumise à la
volonté de Dieu et se laisser flageller par cette main amoureuse qui
permet de telles tribulations... Ne dîtes jamais: pour moi, c'est
fini, Dieu m'a abandonnée... Non ma fille, ne parlez pas ainsi...
c'est une vérité de foi, que qui est plus aimé de Dieu est aussi
plus corrigé. Donc pour horribles que soient les tempêtes, ne
détachez pas les bras de l'ancre de l'espérance en Dieu, que jamais
vous ne ferez naufrage... Jésus-Christ tient dans ses bras très
puissants, au milieu de son divin cœur, la petite barque qu'est la
pauvre âme."
2-6-La Vierge
MARIE
Paul de la Croix
eut des relations privilégiées avec la Vierge Marie. Déjà, étant
enfant il était, avec son frère Jean-Baptiste, en grand danger
d’être noyé quand une "Dame, belle et gracieuse leur donnant la
main avec bonté, les délivra des eaux et de la mort." Plusieurs
autres apparitions de Marie lui indiquèrent qu’il était destiné à
fonder une nouvelle congrégation. Marie lui montra aussi ce que
serait le costume des futurs passionistes.
Un des premiers
compagnons de Paul raconte une de ses confidences, alors qu'il était
encore à Castellazzo. Il se promenait dans la campagne quand il se
sentit appelé par Marie qui lui dit: "Paul, Paul, je suis seule.
Viens sur le mont Argentario." Paul était encore indécis sur
l'orientation à donner à sa vocation; il "prit" donc son
frère Jean-Baptiste, avec lui, dans l'ermitage saint Antoine sur l'Argentario.
Un peu plus tard, tandis qu'il cherchait un endroit convenable sur
l'Argentario pour en faire le noviciat, il s'arrêta avec
Jean-Baptiste sur une colline au pied d'un olivier; là il fut ravi
en extase et Marie lui révéla que c'était l'endroit qu'elle désirait
pour y construire le chœur de la chapelle de la deuxième Retraite.
En 1737 Paul
dédia à Marie la première chapelle de l’Institut sous le titre:
"Présentation de Marie au
temple"
L’humilité est
l’unique chemin qui permet de vivre conformément à la foi, car elle
est directement rattachée à la pauvreté intérieure et extérieure.
L’humilité était une des caractéristiques de Marie dans son
Immaculée Conception; aussi Paul de la Croix, si humble, vivra-t-il
constamment en suivant l’exemple de Marie.
2-7-Le zèle
Nous savons que
Paul de la Croix fut non seulement un grand spirituel, mais
également un grand apôtre. Comme Ruysbrœck le conseillait à tous ses
amis, Paul entrait en Dieu dans sa contemplation, mais il devait
ensuite sortir pour évangéliser. Ces dons spirituels: l'oraison et
le zèle, Paul sut les transmettre à tous ses amis et à ses fils
passionistes, surtout par la contemplation de la Passion et de la
Croix.
D'une manière
générale, les missions que Paul, Jean-Baptiste et les religieux
passionistes prêchaient, bousculaient les gens et amenaient beaucoup
de conversions. Il convient d'ajouter que l'aspect de ces religieux
ascètes, pauvrement vêtus, pieds nus en toutes saisons, amaigris en
raison de leurs jeûnes fréquents, et au regard plein de bonté, comme
tourné vers l'invisible et les vérités divines, impressionnait
favorablement les foules en leur faveur. Les missions que Paul
prêchait étaient de grands succès apostoliques; elles duraient
quinze jours, et généralement plusieurs de ses religieux
l'assistaient.
Durant ces
missions Paul, et ses compagnons, puis plus tard ses religieux,
abordaient le thèmes suivants:
– l'appel de la
miséricorde de Dieu,
– la noblesse des
âmes et la gravité des péchés mortels,
– la confession,
le jugement particulier et l'enfer,
– l'amour des
ennemis, et le pardon,
– la persévérance
et la vie éternelle,
– l'Eucharistie.
Paul et ses
religieux rappelaient sans cesse l'immense dignité de l'homme et la
nécessité de rendre grâce au Seigneur. Paul disait: "Dieu a créé
l'homme pour que celui-ci Le serve, Le loue, et L'aime en cette vie;
et qu'il Le goûte éternellement dans l'autre." La louange envers
Dieu est un devoir pour l"homme et la manifestation de sa liberté.
Paul pouvait alors expliquer le but de ses missions apostoliques et
la grandeur de notre liberté: "Je désire, ô fidèle que tu te
concentres sur ce qui fut mis dans ta main par Dieu: le choix entre
le bien et le mal, envers le vice et la vertu... Dieu laisse à notre
volonté le soin de choisir entre le salut ou la damnation
éternelle." Nous pourrions ajouter: entre le bonheur ou le
malheur.
Paul ira plus
loin encore, et parfois il se faisait virulent quand il abordait le
thème du péché mortel: car pécher, c'est vendre son âme au Démon:
"Cette âme... qui coûta la vie d'un Homme-Dieu... cette âme, tu la
donnes, tu la livres entre les mains de ton pire ennemi, le
Diable!... Oh! Stupidité! Oh! Déraison sans pareille!" Mais pour
quel prix?
"Pour des riens, pour des miettes de
jouissances brutales et de plaisirs mondains, et combien de fois
pour rien du tout?"
Pour Paul, le péché mortel coupe l'homme de Dieu, conduit à la mort
spirituelle, c'est-à-dire au non-amour.
Et il
s'exclamait:
"Ah! Pécheurs
aveugles!... Savez-vous ce que veut dire un péché mortel? Cela
signifie être l'ennemi impitoyable de soi-même. Pire, être l'ennemi
de Dieu. Existe-t-il un mal plus grand? Avoir Dieu pour ennemi?"
D'où la nécessité
de la confession qui n'est autre que le pardon de Dieu. Paul peut
alors faire comprendre à son auditoire combien le péché a blessé
Dieu, non seulement dans son Corps sur la Croix, mais surtout dans
son Cœur. Il convient donc de se rapprocher de Dieu avant la mort
qui nous montrera soudain ce que nous valons vraiment. Paul peut
alors aborder le thème de l'enfer, la peine du damné, "car Dieu
abandonne finalement le pécheur obstiné". Quel mystère que la
liberté de l'homme! Mais Dieu ne nous laisse pas seuls dans nos
épreuves, et Jésus, le Fils bien-Aimé du Père, nous a donné le plus
grand des cadeaux: son Eucharistie.
La mission se
terminait par une invitation pressante à la conversion et à la
persévérance dans cette conversion.
La mission
d'apôtre de Paul de la Croix était parfois aidée par quelques
charismes extraordinaires. Ainsi, tout en haïssant le péché, Paul
qui avait pitié des pécheurs, pouvait leur révéler leurs fautes ou
des événements connus d'eux seuls. Ces personnes, touchées au plus
profond d'elles-mêmes se convertissaient généralement sur le champ.
Par exemple on raconte qu'un jeune homme, Valentino, passant à
Latera où Paul prêchait sur la Passion de Jésus, s'approcha pour se
moquer du prédicateur. De loin, Paul lui dit les seules paroles
qu'il réussit à comprendre compte tenu des clameurs de la foule:
"Oh! Pécheur indigne! Avec ton péché, comme le ferait une épée, tu
as percé le Cœur de Jésus et celui de Marie." Bouleversé
Valentino acheva son voyage mais revint deux jours plus tard écouter
le Père. Paul, qui apparemment ne pouvait voir Valentino, semblait
s'adresser à lui, sans ménagement. Soudain, se tournant vers lui, il
déclara "C'est à toi que j'en ai, à toi scandaleux!"
Valentino se convertit et devint Père passioniste...
Lorsqu'il parlait
de l'enfer, Paul tremblait, d'un tremblement irrésistible. À un
témoin qui s'étonnait, Paul répondit: "Je suis épouvanté
d'horreur! Ah! S'ils voyaient! Je ne sais rien dire, je ne puis
montrer qu'une ombre de la réalité." Paul de la Croix voyait-il
l'enfer?
Il arrivait aussi
que, emporté par son discours, la main de Paul pouvait toucher un
mur. Souvent l'empreinte de sa main sur la pierre restait visible
durant plusieurs années.
Paul de la Croix,
dont la prédication était exceptionnellement vivante, réaliste et
animée par le Saint-Esprit, ainsi que ses compagnons, se donnaient
beaucoup de mal pendant les missions; les résultats étaient
remarquables et les conversions nombreuses. Mais il faut préciser
que Paul "voyaient" les offenses faites à Dieu et les immenses
besoins du monde. Il écrivit en 1750 à l'archiprêtre d'Agnani:
"Oh! Comme sont extrêmes les
besoins du monde! Oh! Combien Dieu est offensé! Oh! Combien
d'irrespect envers les sacrements! Oh! Dieu! Je n'en peux plus et je
crois que dans ces campagnes je me suis trouvé au point culminant.
Grand fut le fruit de la mission et immense le nombre des
conversions... Et j'ai pu toucher du doigt que la Passion fait céder
les pécheurs les plus obstinés et les plus durs..."
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