3-Les vertus de saint Paul de la Croix
liées à sa spiritualité
3-1-Tout d'abord,
les deux principales vertus
La Passion du
Christ a été causée par l'orgueil des hommes, d'où la nécessité de
l'humilité. Dieu veut l'amour: Amour de Dieu et amour des hommes,
d'où la mansuétude, la charité.
3-1-1-L'humilité
et la spiritualité du désert
Un jour, Paul de
la Croix "priait son Jésus de le rendre humble au plus haut
degré. Jésus lui dit, dans son cœur: 'Quand tu te jettes en esprit
sous les pieds de toutes les créatures, et jusque sous les pieds des
démons, voilà ce qui me plaît le plus.'
La profonde
humilité de Paul de la Croix nous semble souvent exagérée. En effet,
il estime "qu’il n’est qu’un abîme de misères , qu'il se tient en
désolation et iniquité dans les ténèbres et dans l’horreur de ses
misères, sous des eaux profondes, amères et en furie..." Il se
croit "dans l’indignation de Dieu"… Cependant, il dira qu'il
était curieusement content intérieurement. Il écrit:
"Il m’est difficile de m’expliquer
davantage, parce que cela est délicat à comprendre pour qui ne
l’éprouve pas."
Il faut se
souvenir que Paul est un grand mystique, séduit par le Seigneur et
enseigné par ce Maître intérieur. Paul n'a de cesse de contempler et
de méditer la Passion de Jésus. Or, c'est à cause de nos péchés, les
péchés de tous les hommes, donc de lui aussi, Paul de la Croix, que
Jésus a souffert et est mort sur la Croix. Paul de la Croix qui se
considère comme un des plus grands pécheurs au monde, ne peut que
s'humilier profondément devant Jésus étendu sur la Croix. Cependant,
la consolation de Paul "est
un certain contentement que soit faite la volonté très sainte de
notre cher Dieu."
Parfois Paul
s'expliquera. Dans une lettre du 3 septembre 1735, adressée à une
religieuse,
il déclare: "Les choses de
Dieu et ses dons causent une grande connaissance de cette infinie
Majesté et une grande connaissance de notre propre néant, au point
que l'âme s'abaisserait jusque sous les pieds (si l'on peut dire)
des démons, tant est bas le sentiment qu'elle a d'elle-même."
Un jour, à Agnès
Grazi il avouera sa totale impuissance à la conseiller. Il lui
écrit, le 9 juillet 1739:
"Ce soir, je ne puis pas vous répondre... parce que je suis toujours
davantage dans un terrible état d'abandon et dans d'horribles
misères, et en vérité, je n'ai aucune lumière de Dieu... je suis
incapable de la moindre bonne pensée et je ne saurais dire une
parole de spiritualité... C'est pourquoi je voudrais que Dieu vous
envoie quelqu'un qui puisse vous conseiller... Dieu sait combien je
le voudrais, mais mon état est si déplorable... Je ne puis, moi, ni
ne sais vous dire autre chose que de vous humilier beaucoup... Ne
vous fiez pas à vous-même; craignez Dieu; qui sera humble ne sera
pas trompé."
Attention!
L'humilité devant Dieu, c'est la reconnaissance de sa petitesse,
mais ce n'est pas de la lâcheté. Un jour, il écrivit à Sœur Gandolfi:
"Dieu veut l'humilité et non la lâcheté qui abat et fait se
retirer de Lui. Soyez obéissante aux attractions de l'Esprit-Saint,
recevant tout avec humilité..." Car il ne faut pas non plus,
sous prétexte d'humilité, refuser les grâces et les dons que Dieu
nous envoie. Mais encore une fois, attention! En 1747, toujours à
Sœur Gandolfi, le Père Paul écrit:
"Si les lumières et les élévations,
pour hautes qu'elles soient, ne produisent pas une humilité profonde
avec une haute connaissance de son propre néant, la haine de
soi-même, le mépris de soi, et l'amour du pâtir... si elles ne
produisent pas ces effets, en partie ou complètement, et dans tous
les cas, l'humilité, alors ce sont des illusions...
Lorsque l'âme
se sent élevée, elle doit courir vers les parfums divines puis,
aussitôt qu'elle le peut, retourner à son ensevelissement en son
véritable néant, en vraie nudité d'esprit... afin que vive en nous
la très sainte Volonté du souverain Bien...
Souvenez-vous que seules
les âmes humbles, occultes et dépouillées d'elles-mêmes plaisent à
Dieu... Et n'oubliez pas de jeter souvent un regard sur vos misères
passés..."
3-1-2-L'amour
de la pauvreté
La pauvreté vécue
par Paul de la Croix et son frère Jean-Baptiste, dans les débuts de
leur vie consacrée fut assez exceptionnelle. D'ailleurs, Paul fera
de la pauvreté le troisième pilier des Retraites: il faut "fuir
au désert pour fuir les plaisirs du monde et le luxe qui les sert...
et celui qui a goûté les choses d'en haut méprise facilement celles
du bas." D'ailleurs la pauvreté religieuse n'est-elle pas la
manière de vivre des Pauvres de Jésus?
3-2-Les autres
vertus de Paul
3-2-1-La
mansuétude
Souvent Paul de
la Croix parle de la mansuétude et de la miséricorde de Dieu pour
ses enfants si petits, si imparfaits, si fragiles, voire si
pécheurs. Mais la mansuétude de Dieu vis à vis des hommes ne
s'applique pas seulement à notre nature humaine, mais également à
nos relations intimes avec le Seigneur. Ainsi, à propos de
l'oraison, il écrit à Sœur Colomba Gandolfi, le 7 mai 1756:
"...il vous faut une grande
fidélité envers Dieu... l'oraison étant plus passive qu'active...
Laissez purement disparaître votre néant dans le Tout infini de
Dieu. Recevez de la main à la main ses divines miséricordes, sans
vous contempler vous-même... Voyez si l'amour s'accroît avec la
souffrance: si celle-ci produit un effet dans la véritable humilité
du cœur, ainsi qu'à l'extérieur, par une patience héroïque et
silencieuse, par une vraie charité et une vraie mansuétude envers le
prochain... et si vous êtes toute portée à faire toujours la volonté
de Dieu. Tels sont les principaux fruits de l'oraison..."
Parfois, même le
silence de Dieu est signe de sa mansuétude. Répondant aux angoisses
de sa correspondante, le Père Paul rapporte une parole de Jean
concernant Jésus: "mais Jésus se taisait..." Et Paul s'écrie:
"Ô silence si riche de vertus, et surtout de charité, de patience
et de mansuétude. Il convient donc de faire mourir ces craintes dans
le feu de l'amour de Dieu, parce que la charité chasse la
crainte..." En 1766, il écrit à la même personne:
"La lamentation... n'a jamais été une
vertu. La vertu de Jésus est souffrir et se taire... Au milieu des
douleurs les plus atroces, au milieu des opprobres, blasphèmes,
injures, gifles, coups de fouet, épines, croix et mort, le doux
Jésus se taisait..."
3-2-2-L'admiration
de la création
Nous avons vu
ci-dessus, au paragraphe 1-2-1, que pour Paul de la Croix,
l'admiration de la création était essentielle: car lorsqu'on admire
la création, on admire Dieu, et par voie de conséquence, on Le loue,
et l'on se prépare tout naturellement à l'oraison. Curieusement, à
l'inverse de tant de nos contemporains qui sont pourtant assoiffés
de sensations charnelles, mais qui estiment que l'on n'a pas besoin
"de sentir" Dieu, Paul de la Croix ne rejette pas les distractions
sensibles "qu'offre le spectacle des fleurs, des champs, du ciel
et du soleil, d'où se déduisent la grandeur, la beauté et la majesté
de notre Dieu." Il parlait aux fleurs, aux plantes qui lui
répondaient: "Aime ton Dieu, aime ton Dieu comme nous l'aimons
nous-mêmes." Oui, les choses créées ravivaient la foi de Paul et
alimentaient sa prédication.
La nature, pour
Paul de la Croix était vraiment la source de grands émois
spirituels. Un témoin qui l'accompagnait raconte qu'un jour,
"le serviteur de Dieu, découvrant
une campagne toute revêtue de fleurs et de plantes, car nous étions
au printemps, commença à discourir du charme et de la douceur de la
nature. Puis, il prit prétexte de cela pour considérer et parler de
la beauté et de la grandeur de Dieu, auteur et créateur de toutes
choses. Il s'exclama: 'Oh! quel grand Dieu! Oh! Grandeur de Dieu!'
Et par ces paroles, élevant les bras, son corps se souleva dans les
airs, à environ cinq palmes, au-dessus du sol, demeurant en extase
quelques instants."
Une autre fois,
le transport de son cœur était tel qu'il faisait des enjambées d'au
moins sept mètres! Paul trouvait vraiment Dieu dans les beautés de
la création, et il demandait souvent à ses auditeurs
"d'écouter le sermon que leur feront
les fleurs, les arbres et l'herbe, le ciel et le soleil, et le monde
entier. Ils feront un sermon tout d'amour, de louange de Dieu et
inviteront à magnifier les grandeurs du Souverain Créateur."
Paul ne craignait
pas de goûter la beauté par ses sens autant que par son
intelligence. Pour lui, la promenade solitaire dans la nature, qu'il
conseillera souvent, quand cela est possible,
c'est comme la marche du cœur vers la volonté du Père. Il écrira à
l'une de ses dirigées: "Que voulons-nous faire de ce monde où
l'on ne respire qu'un air empoisonné par tant de crimes? Je vous
prie de fermer la porte à toutes les créatures et de vous bien
enfermer dans le secret de votre cœur, pour traiter seule à seul
avec le Bien-aimé."
Curieusement Paul
de la Croix rejoint les scientifiques du XXIème siècle.
L'intelligence mathématique mesure l'univers et le met en équations.
Mais là n'est pas toute la connaissance: la structure du monde est
une chose que nous constatons, que nous voyons; mais sa finalité
nous fait entrer en Dieu. Déjà, à son époque, la grandeur et la
beauté du cosmos disaient à Paul la grandeur et la beauté du
Créateur. De nos jours, dans notre monde athée, elles nous révèlent
l'existence de Dieu. Merci à Paul de la Croix de l'avoir pressenti!
3-2-3-L'ascète
La vie spirituelle n'est jamais
parfaite sur la terre; c'est un chemin vers Jésus, donc vers Dieu,
et ce chemin est toujours semé d'embûches et de tentations. L'homme
est fragile; aussi doit-il désirer constamment la sainteté et
combattre vigoureusement les tentations suscitées par le démon. Les
combats contre les tentations, souvent violents, doivent être
accompagnés de l'oraison, de la prière à la Vierge Marie, mais
aussi de sacrifices véritables sans cesse renouvelés, ce que nous
appelons fréquemment l'ascétisme. Paul de la Croix et son Frère
Jean-Baptiste furent de très grands ascètes qu'il nous serait fort
difficile d'imiter aujourd'hui. Toute sa vie, Paul de la Croix
préconisa l'ascèse purificatrice, disant: "Si l'on ne mortifie
pas les passions, surtout l'irascibilité, (par le jeûne, la
discipline, etc, choses qui étaient fortement recommandées à son
époque) il est inutile
d'espérer la paix ou le progrès spirituel..."
Toutefois, vers la fin de sa vie il comprit qu'il était
indispensable, surtout pour ceux qui avaient des tâches importantes
à accomplir, de se conserver une santé convenable.
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