CHAPITRE 17.

ILS VONT DE NOUVEAU EN LOMBARDIE A CAUSE DU DÉCÈS DE LEUR PÈRE.
LEUR RETOUR A L'HÔPITAL DE SAINT-GALLICAN.

Les enfants ont envers leurs parents des devoirs qui correspondent en partie aux bienfaits qu'ils en ont reçus. Jamais un homme sage et vraiment éclairé de Dieu n'a pu  croire que la piété, ni même l'austérité de la vie dussent les en dispenser. Paul et Jean-Baptiste passaient saintement leurs jours dans l'hôpital de Saint Gallican, lorsqu'ils reçurent la nouvelle de la mort de leur vieux père. Paul écrivit aussitôt à sa mère une lettre de condoléance dans laquelle il exprime les sentiments les plus vifs de confiance touchant le salut de son hère.

« VIVE JÉSUS !

Très chère mère !

La nouvelle de la mort de notre père nous a causé, vous n'en doutez pas, une grande, affliction, d'autant plus qu'elle nous est arrivée sans détails. Il est vrai que nous avons à l'instant même adoré la sainte volonté de Dieu. Nous venons vous prier de vous en consoler. Chère mère, réjouissez-vous, car nous avons la ferme confiance qu'il est en paradis. Faites partager cette joie à toute la famille. Je ne vous écris pas plus longuement; je vous dis seulement que bientôt nous partirons tous les deux et que nous aviserons aux moyens de vous assister dans vos besoins pour la gloire de Dieu. Aujourd'hui, que nous avons reçu votre lettre, nous irons demander la permission, et puis nous verrons ce qu'il sera le plus expédient de faire et nous partirons aussitôt. Nous espérons que ce sera au commencement de septembre: Priez pour nous demain, et les jours suivants, nous dirons la messe pour l'âme de notre défunt père.

Rome, le 16 août 1727.

Vos serviteurs et fils très affectionnés, Paul-François et Jean-Baptiste ».

Paul partit donc pour Castellazzo, afin de porter à sa bonne mère les consolations dont elle avait besoin, et de donner à toute la famille la direction convenable. A son arrivée, il écrivit à son ami : « La mort de notre père, que Dieu le reçoive dans sa gloire! Nous a amenés en Lombardie pour affaires de charité. Après deux mois de voyage, nous avons été attaqués de la fièvre tierce dès notre arrivée. J'ai été dix-huit jours sans pouvoir célébrer... » Après avoir mis toutes choses en bon ordre, les deux frères retournèrent à Rome, laissant leur mère consolée et remplie de sentiments de piété qui ravivèrent son courage, laissant toute la famille plus résolue que jamais de vivre chrétiennement. Paul ne manqua pas de lui donner à l'occasion des avis dignes de son grand cœur. Il recommandait surtout à sa famille de ne pas négliger l'oraison, d'aimer la vie de retraite et d'humilité, disant que c'était une excellente règle de fuir le monde, de veiller sur soi et d'exciter son coeur à des actes fréquents d'amour de Dieu. Il ajoutait à cela : « Je connais de pauvres gens vivant dans le siècle, qui font de grandes choses pour Dieu, qui n'omettent jamais l'oraison, malgré qu'ils soient affligés, pauvres et délaissés: Ah! qu'ils sont heureux ! Ils connaissent la vérité et fuient le mensonge dont le monde est tout rempli ». Voilà bien le langage d'un homme qui désire voir tous ses parents se sanctifier.

Lorsque, plusieurs années après, il apprit que son excellente mère était aussi décédée, voyant le besoin plus pressant qu'avait la famille de ses sages conseils, il ne se contenta pas de faire l'éloge mérité de la défunte, et de la donner pour modèle à ses enfants, mais il y joignit des avis importants, disant avec une vive affection au plus âgé de ses frères :

« Mon cher Joseph, je vous recommande de veiller avec soin sur nos bonnes sœurs. Qu'elles se souviennent qu'elles sont plus obligées que les autres de donner le bon exemple et de se sanctifier, en se conformant aux instructions que je leur ai données de vive voix et par écrit. Qu'elles vivent retirées, qu'elles travaillent, qu'elles fassent oraison et qu'elles fréquentent les sacrements. Surtout, qu'on ne permette pas aux étrangers l'entrée de la maison, quand même ce serait des gens d'église, parce que, bien qu'on doive penser que tout le monde est pieux et saint, il ne faut cependant se fier à personne. Oh ! Quelle expérience j'ai acquise depuis tant d'années que je donne des missions! Oh! Avec quelle instance je le recommande au peuple ! Il faut veiller sur soi, il faut avoir la confiance la plus filiale en Jésus-Christ, en la très sainte Vierge, aux Anges et aux Saints; mais pour les hommes, il faut les fuir. C'est le conseil de l'Ange à saint Arsène. J'ai toute confiance que nos bonnes sœurs deviendront saintes et qu'elles feront l'exemple des autres. Croyez-moi, mes bien-aimés, vous êtes les gens les plus fortunés du monde : pauvres en cette vie, mais riches de foi, vous serez riches dans l'éternité. Savez-vous pourquoi Dieu vous soumet à tant de misères et de peines? Parce qu'il veut vous donner les richesses du ciel. C'est par ce moyen qu'il vous assure le salut éternel. La souffrance est courte, et ne dure qu'un moment; la jouissance sera éternelle. Dites-moi : que voudriez-vous avoir fait, si vous deviez mourir à cet instant même? Voudriez-vous avoir vécu dans les richesses qui, d'ordinaire, entraînent à de grands péchés et puis être jetés dans l'enfer, ou bien avoir mené une vie pauvre, comme celle que vous avez à présent, et vous envoler au ciel? Ayez donc bon courage. Tenez pour certain que jamais Dieu ne vous abandonnera, mais qu'il vous assistera et vous donnera le nécessaire ».

Nous voyons ici la vraie manière d'aimer ses parents en Dieu, qui est le centre de toutes les unions. Elle consiste à les aider à se sanctifier dans leur état.

   

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