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Livre premierChapitre VIIAutres preuves tirées de Joël. Le saint Prophète Joël prévoyant les grands malheurs dont le peuple d’Israël était menacé, criait d’une voix terrible : Pleurez comme une jeune personne, couverte d’un sac, pleure son époux qu’elle a perdu. Et vous, Prêtres, revêtez-vous de cilices et de sacs; pleurez, poussez de grands cris, vous qui approchez de l’Autel, car le sacrifice et l’oblation sont abolis dans la maison de votre Seigneur; allez au Temple, couvrez-vous de sacs, ô Ministres de mon Dieu. Puis adressant à tous sa parole : Sonnez, dit-il, de la trompette en Sion; faites retentir de vos cris ma sainte Montagne; que tous les peuples de la terre tremblent d’effroi, parce que le jour du Seigneur est proche, ce jour de ténèbres et d’obscurité, ce jour de nuée et de tourbillon. Après cela il fait parler Dieu même en ces termes : Convertissez-vous à moi de tout votre cœur; jeûnez, pleurez, gémissez. Et plus bas encore il ajoute : Entre le parvis et l’Autel, les Ministres du Seigneur verseront des ruisseaux de larmes, et diront : Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple. Tout ce discours qui ne tend qu’à exciter à pleurer et à gémir, fait bien voir qu’il n’est pas aisé d’adoucir un Dieu en colère, ni d’en obtenir des grâces par des prières toutes simples, et souvent accompagnées de peu de ferveur; que pour cela il est nécessaire de jeûner, de porter le sac et le cilice, et surtout d’avoir une vraie douleur de ses fautes. Mais remarquons avant toutes choses, que quoique le peuple d’Israël eût beaucoup de maux à craindre, et pour le corps et pour l’âme, les maux spirituels étaient pourtant ceux qu’il appréhendait le plus. Rien en effet n’inquiétait plus et les Prêtres et le peuple, que le danger où ils se voyaient de ne plus avoir de Sacrifices, soit pour honorer le Seigneur, soit pour apaiser sa colère. De là vient que le Prophète ayant dit au peuple : Pleurez comme une jeune veuve pleure son premier époux; il en apporte la raison : parce que le sacrifice et l’oblation sont abolis dans la maison du Seigneur. Et après avoir dit aux Prêtres : Couvrez-vous de sacs, pleurez; criez les hauts cris, vous qui servez à l’Autel; il ajoute aussi : parce qu’il ne se fait plus de Sacrifices ni d’oblations dans la maison de votre Dieu. On connaît par-là que des choses aussi viles et d’aussi peu de durées que le sont les biens temporels, ne méritent pas que l’on en pleure la perte; mais qu’on ne saurait assez déplorer celle des biens spirituels, surtout de la grâce; puisque le péché qui nous en dépouille, attire après lui la mort éternelle. Remarquons de plus que pour satisfaire pleinement à la Justice divine, ce n’est pas assez de verser des pleurs; mais qu’avec les pleurs, il faut joindre les instruments et les œuvres de pénitence, le sac et le jeûne. Il n’est pas croyable combien ces deux choses plaisent à Dieu. qui les considère comme des marques d’un parfait changement de vie. Il n’en faut point d’autre preuve que ce que Jonas raconte de la pénitence des Ninivites : Un héraut cria dans Ninive : De la part du Roi et de ses Princes, que les hommes, les chevaux, les bœufs, les moutons ne prennent aucune nourriture, et qu’on ne mène les troupeaux ni à l’herbe ni à l’eau; que les hommes se couvrent de sacs, et qu’ils en couvrent les bêtes; qu’ils crient au Seigneur de toute leur force; que chacun se convertisse, et qu’il sorte du mauvais chemin où il est, qu’il renonce à ses œuvres criminelles. Qui sait si Dieu ne changera point à notre égard, et si sa colère étant apaisée, il n’oubliera point nos offenses, et si enfin nous ne serons point sauvés de la mort? Dieu eut égard à leurs oeuvres, et les voyant convertis, il eut pitié d’eux, et ne les châtia pas, comme il les en avait menacés. Remarquons enfin que le Prophète n’exige pas seulement des pécheurs une médiocre douleur de leurs crimes; mais qu’il veut qu’elle soit vive et égale à celle d’une Épouse qui a perdu son Époux dans la fleur de ses années. Cependant plusieurs parmi nous se confessent sans jeter une seule larme, ni un seul soupir, et sans songer seulement ni à jeûne ni à cilice. Mais on ne se moque point de Dieu. Les Ninivites et tant d’autres peuples nourris dans l’idolâtrie s’élèveront au Jugement contre ces lâches Chrétiens, et demanderont leur condamnation.
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