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Livre premierChapitre IXAutres preuves tirées des Épîtres de saint Paul, et de celle de saint Jacques. L’apôtre saint Paul dans sa première Épître aux Corinthiens, les reprend très sévèrement de ce qu’un d’eux ayant commis un horrible inceste, ils n’en avaient pas assez fait paraître d’indignation et de déplaisir. On apprend, dit-il, qu’il se commet parmi vous une sorte d’impudicité, inouï même parmi les Païens; c’est qu’un homme abuse de la femme de son père. Cependant vous êtes encore aussi orgueilleux que jamais, au lieu que vous devriez pleurer et bannir de vos assemblées celui qu a commis une telle abomination. Les premiers Chrétiens avaient tellement à cœur la pureté, qu’ils ne pouvaient même souffrir qu’on nommât le vice contraire. Que chacun, disait saint Paul, prenne garde à ne pas seulement parler de fornication, ni d’aucune autre sorte d’impureté; des Saints, comme vous, en devriez ignorer le nom. Comme donc on avait su que quelqu’un entretenait dans Corinthe un commerce si honteux, l’apôtre voulait que tout le peuple en marquât publiquement sa douleur, et parce qu’il ne semblait pas qu’on en fut beaucoup touché, il se plaignit de cette indolence : il écrivit à tous ceux de cette Église une lettre foudroyante, il leur en écrivit encore une seconde, où il témoigne qu’en l’écrivant, il avait beaucoup gémi et versé de larmes. Il leur dit donc qu’il a appris que dans leur Ville il se commettait une horrible espère d’impureté; comme s’il disait : Il y a beaucoup de choses à reprendre dans vos mœurs ; car premièrement on parle d’impudicité et d’une étrange impudicité, déjà commise parmi vous, qui ne devriez seulement pas en savoir le nom, puisque parmi les Païens à peine sait-on ce que c’est. Secondement ce péché qu’on laisse impuni, n’est pas une impureté commune, mais un effroyable inceste. Il est vrai qu’il s’est trouvé des nations chez qui l’inceste était toléré; mais les plus barbares avaient peu à peu reconnu que c’était un de ces crimes qui sont contre la nature, et dont la nature même a de l’horreur. Cependant, continue l’apôtre, vous ne laissez pas d’avoir de l'orgueil, au lieu que vous devriez gémir. C’est ici la troisième chose que l’on condamne dans les Corinthiens. Le point d’honneur était leur passion dominante : ils disputaient éternellement entre eux sans jamais pouvoir s’accorder. Ainsi partagés et tout occupés du sujet de leurs disputes, ils ne songeaient point à ôter un si grand scandale. Sachant ce qui se passait, ils auraient dû s’assembler, ordonner des jeûnes et des prières publiques, joindre leurs larmes, implorer ensemble la miséricorde divine, et si ce pécheur ne se convertissait au plus tôt, le retrancher de leur Communion. Ô que nous sommes éloignés de la ferveur et de la sévérité des premiers Disciples de Jésus-Christ! Que le don des larmes si commun en ce temps-là, est rare aujourd’hui! Alors pour un seul pécheur tout le peuple gémissait; et à force de prières on tachait d’apaiser le Ciel. Maintenant pour plusieurs pécheurs, à peine se trouve-t-il un seul homme qui s’afflige de voir qu’on offense Dieu, et que les âmes se perdent. La dernière preuve que nous tirons des Écritures pour montrer la nécessité de pleurer et de gémir en cette vie, se trouve dans l’Épître de saint Jacques : Mortifiez-vous, dit ce saint Apôtre, reconnaissez votre misère, pleurez, changez votre ris en deuil, et votre joie en tristesse. Il parle généralement à tous les Fidèles, dont il avait dit peu auparavant : Nous péchons tous tant que nous sommes, en beaucoup de choses. Il veut que nous confessions que nous sommes misérables, que par conséquent nous avons besoin de la miséricorde de Dieu, et qu’afin de nous l’attirer, il ne suffit pas de pousser des cris vers le Ciel; mais qu’il faut entrer dans des sentiments d’une componction qui change notre ris en pleurs, et notre joie en tristesse. Car que nous servirait-il de répandre quelques larmes, si incontinent après nous recommencions à rire et à nous abandonner à la vaine joie du monde ? O que nous pratiquons mal ce que le Saint-Esprit nous enseigne! Il nous déclare si souvent par la bouche des Prophètes et des Apôtres, qu’il faut nécessairement pleurer en ce monde pour être à jamais bienheureux en l'autre, et néanmoins la plupart sont sourds à sa voix. Ils pleurent, et rien n’est capable de les consoler sur la mort de leurs amis, sur le mauvais succès d’une affaire qui les regarde, ou sur quelque autre pareil accident; quoiqu’ils ne puissent ignorer qu’il n’y a point de comparaison des biens temporels aux biens éternels. Peut-on s’étonner de voir périr ce qui est périssable, de voir passer ce qui est passager, de voir mourir ce qui est mortel ? Mais ne faut-il pas avoir perdu la raison et être stupide ou insensé, pour ne point pleurer la mort d’une âme que Dieu destine à vivre éternellement, et pour mépriser la perte d’un Royaume aussi grand et aussi beau qu’est celui du Ciel ? Cependant le nombre de ces gens stupides et insensés est presque infini. Mais si la parole de Dieu ne les touche pont, voyons si les exemples les toucheront davantage.
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