LIVRE TROISIÈME

Chapitre V

Cinquième fruit des larmes : La réformation du Clergé.

Le cinquième fruit des larmes est la réforme des Ecclésiastiques qui par leur relâchement causent toujours aux Prélats zélés un sensible déplaisir. Car donnez-moi un Évêque qui s’applique, comme il doit, aux fonctions de sa charge, et qui observe de près la conduite des Chanoines qui composent son conseil, des Curés qui composent son conseil, des autres Prêtres, destinés à tenir le Chœur, ou à célébrer la Messe, et enfin des Diacres et des Sous-diacres, en un mot de tout le Clergé; je suis sûr qu’on verra bientôt dans son Église les désordres cesser, et la discipline refleurir. Car comment serait-il possible qu’un Prélat jaloux de l'honneur de Dieu et de la gloire de sa maison, pût voit le vice régner en tous les Ordres de l’Église, sans faire d’effort pour y remédier?

La cause de tous les dérèglements est que parmi plusieurs bons Évêques, il y en a toujours quelques-uns qui se mettent peu en peine de savoir de quelle manière les Ecclésiastiques se gouvernent dans leur Diocèse; soit parce qu’ils n’y résident que rarement, soit parce qu’ils emploient tous leurs soins à augmenter leurs revenus, à embellir leurs Palais, à enrichir leurs parents, à acquérir quelque nouvelle dignité. Qui s’étonnerait après cela si les Églises sont comme des terres abandonnées et en friche, si l’on chante les louanges de Dieu sans respect et sans attention, si l’on célèbre les divins Mystères avec des vases et des vêtements qui font horreur : si l’on administre les Sacrements en mauvais état et à des gens qui en sont indignes; si les fidèles, par la négligence des Pasteurs, ne sont point instruits des choses nécessaires au salut; s’il périt ainsi une infinité d’âmes, pour qui Jésus-Christ est mort; et si enfin les Ecclésiastiques corrompus gâtent le peuple, et perdent ceux qu’ils devraient sauver?

Que tant de gens qui par leur mauvaise vie scandalisent le prochain, écoutent et méditent bien ces paroles de Notre-Seigneur : Si quelqu’un vient à scandaliser un de ces petits qui croient en moi, il serait plus avantageux pour lui qu’on lui attachât une meule de moulin au col, et qu’on le jetât dans la mer. Si c'est une chose souhaitable à un homme du commun que d’être noyé plutôt que de scandaliser un enfant, que doit-on penser d'un Prêtre qui au lieu de préserver du scandale les gens du siècle, leur en est lui-même un sujet? Ne vaudrait-il pas mieux pour lui qu’il mendiât son pain ou qu’il le gagnât à bêcher la terre, que de vivre de l’Autel, avec un si grand péril, ou d’abuser du Sacerdoce pour s’élever ou pour s’enrichir? Que sert à l’homme de conquérir toute la terre, s’il se perd lui-même?

La manière de négocier, propre des Prêtres et des Prélats, n’est pas comme celle des marchands qui trafiquent dans le monde. car ceux-ci dans leur négoce, peuvent quelquefois ne rien perdre et ne rien gagner : mais pour ceux-là, il est impossible, ou qu’ils ne gagnent beaucoup, ou qu’ils ne perdent beaucoup, puisque le Sauveur aime infiniment les âmes qu’il a rachetées de son sang, et que comme il réserve à ceux qui sacrifient pour elles, des couronnes qui ne flétriront jamais, il prépare aussi d’effroyables châtiments à ceux qui les négligent et les abandonnent. Malheur donc à vous, Pasteurs lâches ou intéressés, puisque pour la perte d’une seule âme, qui aura péri par votre faute, vous serez punis horriblement et à jamais dans l’Enfer. Afin donc de prévenir un si grand malheur, appliquez-vous avec un extrême soin à la réforme de votre Clergé; ayez sans cesse les yeux sur votre troupeau; veillez particulièrement sur les Ministres de l’Église, dont la vie doit servir de règle aux gens du monde, afin que travaillant tous comme à l’envi au salut des âmes vous receviez tous un jour la récompense de vos travaux dans le Royaume éternel.

     

 

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