INTRODUCTION
Le cœur de Jésus
Comment Il s’est révélé à nous
De son cœur, Jésus, n’a presque rien dit tandis qu’Il
vivait encore sur la terre. Tout au plus a-t-Il fait comprendre à ses
disciples qu’ils étaient, tous, ses amis, et qu’Il les
aimait jusqu’à
donner sa vie pour eux, pour nous: “Il n’y a pas de plus grand amour que
de donner sa vie pour ceux qu’on aime.” Pourtant, un jour de plus
grande intimité, Il confie (Mt XI, 29): “Prenez sur vous mon joug et
devenez mes disciples, car Je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez le repos de vos âmes.”
La vie de Jésus tout entière est une révélation
progressive, d’abord cachée, puis éclatante, de la richesse de son cœur
brûlant d’Amour pour tous les hommes dont le Créateur fait ses délices quand
ils sont purs et marchent selon Sa Volonté. Tout est donc renfermé dans
l’Évangile, mais Jésus, pour mettre à jour toutes les richesses de son Cœur,
se sert d’instruments choisis, spécialement formés pour révéler ce qui est
nécessaire aux hommes de chaque génération.
Saint
Bernard de Clairvaux, dans ses œuvres mystiques, ainsi
que le fera plus tard Sainte Catherine de Sienne, insiste beaucoup
sur l’unicité et l’égalité du Père et du Fils : ils sont un seul et même
Dieu, et sur leur Amour mutuel. Saint Bernard contemple aussi l’Amour que le
Verbe de Dieu, Parole du Père, Époux du Cantique des cantiques, porte à
l’épouse, qui personnifie, soit le peuple de Dieu, soit l’Église, soit même
l’âme éprise de Dieu et aimée par Lui. L’Époux aime ardemment l’épouse.
Jésus, le Christ Sauveur “juste et bon, Rédempteur et Juge, parce qu’Il
aime les hommes, veut que tous soient sauvés et parviennent à la
connaissance de la vérité.”
(Commentaire du Cantique des cantiques - 55e Sermon)
L’Amour de Jésus est un feu : “L’Époux est pressé de
pénétrer en nous. Car ce n’est pas nous, c’est Lui qui nous a aimés le
premier... Le feu de Dieu consume sans causer de brûlure douloureuse; il
brûle doucement, il ravage agréablement. C’est vraiment un feu destructeur,
mais dont l’action dévorante s’exerce sur les vices en comblant de
douceur.... “ (57e Sermon)
Toutefois, malgré la connaissance et l’expérimentation
personnelle qu’il a faite de cet amour brûlant qui unit l’Époux à l’épouse,
ce n’est qu’exceptionnellement que Saint Bernard mentionnera le Cœur du
Seigneur, notamment lorsqu’il dira: “Le secret de son Cœur paraît à nu
dans les plaies de son corps.”
Angèle de Foligno, une des grandes mystiques du
Moyen-âge (XIIIe siècle), après avoir longuement évoqué la
Passion de Jésus, médite sur son humilité :
“Jésus a dit seulement : “Apprenez de moi,.. car Je
suis doux et humble de cœur.” Jésus, en effet, a véritablement posé
l’humilité de cœur et la douceur de corps pour fondement et racine de
toutes les vertus. Ni abstinence, ni austérité, ni pauvreté extérieure,...
ni miracles ne sont quelque chose sans l’humilité de cœur. Mais
l’abstinence sera bénie,... l’austérité,... les œuvres seront bénies et
vivantes si elles sont fondées sur l’humilité.”
“O mes fils, dit Angèle aux membres de sa petite
communauté, comment une créature pourrait-elle trouver le repos et la
paix, sinon en Celui qui est le repos souverain, la paix souveraine et la
tranquillité souveraine des âmes ? Aucune âme ne pourra parvenir à Lui,
Jésus, si elle n’est fondée sur cette humilité... Cette humilité de cœur que
le Dieu-homme a voulu que nous apprenions de Lui, est une lumière claire et
vivifiante qui conduit l’intelligence de l’âme à reconnaître sa bassesse et
son néant, et l’immensité de la bonté divine.”
A la même époque, une autre mystique au
cœur brûlant,
Sainte Gertrude d’Helfta, en Saxe, recevra des confidences du
Cœur de
Jésus,[2]
révélations de son amour extraordinaire pour tous les hommes. Comme Gertrude
se plaignait à Saint Jean:
– ”N’avez-vous pas senti, vous aussi, ô bien-aimé de
Dieu, les délices de ces battements très suaves, lorsqu’à la Cène vous avez
reposé sur cette poitrine très sainte ? J’en éprouve actuellement une si
grande jouissance !” Gertrude entendit la réponse de Jean: “Oui, je
l’avoue, je les ai ressenties, et profondément ressenties. Leur suavité a
pénétré mon âme jusqu’au fond, comme un hydromel doux imprègne de sa suave
douceur la bouchée de pain frais dans laquelle il pénètre. Bien plus, mon
âme est devenue aussi brûlante qu’une chaudière en ébullition échauffée par
l’ardeur d’un feu violent.”
– Et pourquoi donc, dit Gertrude, avez-vous
gardé là-dessus un si profond silence ? Dans vos écrits, on n’en peut rien
saisir, rien du tout? Nous aurions pu cependant en tirer profit.
– Ma mission, répondit Jean, était que je
manifeste à la jeune Église, par une seule parole, le Verbe incréé de Dieu
le Père, et que cette parole soit capable de satisfaire l’intelligence du
genre humain tout entier jusqu’à la fin du monde, bien que personne ne
parvienne jamais à la comprendre en plénitude. Quant à la douce éloquence de
ces pulsations, elle est réservée aux temps actuels, afin qu’en les
écoutant, le monde, déjà vieilli et engourdi dans son amour pour Dieu,
puisse retrouver sa ferveur.”
Un jour, Jésus contraint Gertrude à écrire le récit des
grâces qu’elle a reçues de Lui, car “Il l’a choisie pour révéler la douce
éloquence des pulsations de son Cœur, secret réservé aux temps actuels...”
Dieu choisit Lui-même le titre : “Le Héraut de l’Amour divin.”
Malheureusement le message de Gertrude, véritable
déclaration d’amour de Jésus aux siens, restera caché pendant deux cent
cinquante ans, et ce n’est qu’en 1536 que les Chartreux de Cologne
publieront une première édition dont l’influence fut considérable.
En se révélant à Sainte Gertrude, c’était la première
fois que Jésus révélait aux hommes tout l’amour de son Sacré Cœur. C’est
pourquoi, avant de tenter un essai de présentation des richesses du Cœur de
Jésus, telles que nous les connaissons aujourd’hui, il a semblé intéressant
de faire connaître, dès maintenant, dans ses grandes lignes, ce que Jésus a
dit de Lui-même à sa sainte confidente.
Tout d’abord Jésus révèle à Gertrude combien son
”Coeur immaculé” de médiateur est inséparablement uni à celui de sa Mère,
médiatrice elle aussi. Puis Il lui fait comprendre que depuis
l’Incarnation, le nouveau Lieu de rencontre entre Dieu et son peuple, c’est
la Personne du verbe fait chair, vrai Dieu et vrai homme. Tous les hommes
sont invités à demeurer en LUI. “Qui entre dans le Cœur du Christ trouve
véritablement sa demeure et ne désire plus en sortir.
Un jour, le Seigneur introduisit Gertrude dans son Cœur,
et lui dit : “Parce que tu t’efforces souvent de m’offrir ton cœur, J’ai
jugé opportun... de te découvrir mon propre Cœur, Moi, Dieu, qui suis tout
en tous : force, vie, science, vêtement, nourriture, et tout ce que peut
désirer une âme qui aime. Le Cœur de Jésus est l’instrument infiniment doux
de la Trinité adorable.”
Le Cœur de Jésus se montra à Gertrude d’abord comme une
“lampe ardente” qui dissipe toutes nos obscurités et nos tristesses
débilitantes, puis comme un “encensoir d’or” d’où monte vers le Père la
prière embrasée du Sauveur du monde.
A plusieurs reprises Gertrude entendit la plainte d’un
cœur blessé, méconnu, mal aimé, dévoré de passion pour tous les hommes :
“Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-Il encore la foi sur la
terre?” Après elle, Jean Eudes, Monsieur Olier, Marguerite-Marie et
bien d’autres ont transmis le même message d’amour déjà contenu dans le
Cantique des cantiques : “Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour
ni les fleuves le submerger ?” (Ct 8, 7)
Le Cœur de Jésus est un “foyer embrasé”. La “flamme du
divin amour” en jaillit, touche le cœur de Gertrude et le rend comme une
source brûlante qui reflue vers la poitrine du Seigneur. “Les voici unis
(ces deux cœurs) sans fusion ni confusion, cimentés, soudés
indissolublement. Le signe de cet amour mutuel est un arbre immense et
débordant de fruits qui s’élève des deux cœurs unis. Deux tiges
entrelacées, l’une d’or, l’autre d’argent.”
Ce bouleversant message sera, de nouveau, révélé quatre
siècles plus tard, le 27 décembre 1673, à Sainte Marguerite-Marie. Toutefois
il convient d’ajouter que le Cœur de Jésus est aussi dans l’Eucharistie.
Jésus dit :”Nulle part tu ne pourras me trouver plus affectueusement sur
terre que dans le sacrement de l’autel.”
Chacun des saints confidents du
Cœur de Jésus insistera
plus particulièrement sur une facette spécifique du Cœur du Christ, en
fonction du message à faire passer à une époque donnée. Mais le Seigneur
leur demandera toujours une très grande humilité et une extrême fidélité à
répondre à l’appel qui leur est personnellement adressé.
Comme les autres saints, et
comme on le verra plus tard, Angèle de Foligno
et
Gertrude d’Helfta ne nous ont montré que quelques
facettes du Cœur de Jésus qui ne se révélera que progressivement. Le but
de cette étude est de rassembler toutes les facettes du Cœur de Jésus, déjà
révélées au monde par l’intermédiaire de ses âmes choisies, et d’en faire
une rapide synthèse qui en montrera l’infinie richesse.
[2] Cité
par Sœur Pascale, dans l’initiation à Sainte Gertrude, publié
par les Éditions du Cerf.
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