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Le culte rendu au cœur de Jésus
Historique
Avertissement important
L’auteur de cette étude, comprenant l’importance de mettre en
évidence
l’historique et le lent développement du culte rendu au Cœur de Jésus,
avait commencé sa quête des ouvrages les plus importants concernant la
révélation,
au cours des siècles, du Cœur de Jésus et de toutes les richesses
qu’elle contenait, quand il eut la chance de découvrir deux ouvrages importants,
signés Bertrand de Margerie:
– l’Histoire doctrinale du culte au Cœur de
Jésus – Lumières sur l’Amour – édité chez Mame, ouvrage dé-nommé ci-dessous:
tome 1, et
– l’Histoire doctrinale du culte au Cœur de
Jésus – L’Amour devenu lumières - publié par les Éditions Saint-Paul,
ouvrage dénommé ci-dessous: tome 2
Le travail historique étant déjà réalisé, et magistralement,
il n’était pas nécessaire de le recommencer. Aussi l’auteur de la présente étude
renvoie-t-il le lecteur intéressé à ces deux volumes très documentés.
En conséquence, tout ce qui constitue le présent chapitre 1
est un très bref résumé des deux livres ci-dessus référencés. Parfois, pour plus
de clarté, ou en raison de l’intérêt des textes cités, quelques extraits ont été
intégralement rapportés et indiqués en caractères italiques.
Pour aider le lecteur qui aimerait se reporter aux ouvrages
de Bertrand de Margerie, les références des tomes et des chapitres sont indiquée
en bas de page.
Le mystère du Cœur de Jésus, c’est la révélation de l’Amour
miséricordieux de la Trinité tout entière – Père, Fils et Saint-Esprit – pour
l’humanité pécheresse, amour qui s’est manifesté dans l’œuvre rédemptrice du
Verbe Incarné. Le signe proposé à notre adoration, c’est donc le Cœur bien
vivant de Jésus de Nazareth. En vertu de la logique de l’Incarnation, si le
Verbe s’est fait chair, alors l’Amour s’est fait Cœur
[1]. Le Concile Vatican II précise:
“Il a
aimé avec un cœur d’homme.” (GS 22,2)
Pour bien comprendre ce qu’est le Cœur de Jésus et quelle
doit être la nature du culte qui lui est dû, il est bon d’en faire rapidement
l’historique. En effet, si la révélation du Cœur de Jésus se retrouve souvent
dans l’Écriture, mais comme en filigranes, le culte rendu au Cœur de Jésus, tel
que nous le connaissons aujourd’hui, est né de révélations privées. “Ces
révélations privées n’ajoutent rien au dépôt de la foi: la Révélation est close
depuis la mort du dernier apôtre. Ces révélations privées ont pour but d’attirer
l’attention sur un aspect connu mais négligé du dépôt... Elles tendent à faire
croître dans la foi,... et à mieux faire pénétrer dans le mystère de Dieu, de la
manière qui convient le mieux à la vie de charité, ou encore à mettre en lumière
quelque vérité oubliée ou trop peu connue, qu’elles font saisir de manière
vivante dans le but de susciter dévotion, ferveur, zèle. “
[2]
Le cœur de Jésus dans l’Ancien Testament
[3]
Remarque préliminaire
Chez les anciens sémites, le cœur est
le centre de toute la vie psychologique et morale de la vie intérieure.
Aujourd’hui, sous la plume de Jean-Paul II, le cœur, symbole de l’amitié et de
l’amour, affectivité profonde, est toujours symbole d’intériorité. C’est la
synthèse de ces deux sens que nous considérerons toujours dans la suite de cette
étude. Cœur : pôle d’intériorité de la personnalité, mystère intérieur de
l’amour, symbole de la charité envers les hommes. Le Cœur de Jésus, le Seul
Maître véritable, doux et humble au plus intime de Lui-même, a aimé et souffert
avec un cœur d’homme.
C’est essentiellement l’encyclique du
pape Pie XII,
Haurietis Aquas in Gaudio, publiée en 1956, qui a attiré l’attention
vers les passages de l’Ancien Testament décrivant l’amour infini et
miséricordieux du Créateur pour le genre humain, notamment les passages
considérant la venue future du Messie. On peut citer, entre autres :
– le psaume 39 (versets 7 à
9) qui décrit l’oblation du Cœur du Messie lors de son entrée en ce monde :
“Tu ne
désires, ni sacrifice, ni offrande...,
“Alors j’ai
dit: “Voici, je viens...
“Mon plaisir
est de faire ta volonté, ô mon Dieu,
“et ta loi
est au fond de mon cœur.
– le psaume 22 verset 15 qui
nous introduit dans la prière du Messie mourant :
”Mon cœur est
comme de la cire, il se fond au milieu de mes entrailles.” Ces mots sont une
prophétie des souffrances que Jésus endurera à Gethsémani. Son cœur frémit et se
brise dans les angoisses de la mort. Pour Saint Thomas d’Aquin, le cœur fondu du
Messie c’est le Cœur qui, surmontant la crainte de la mort, se liquéfie d’amour
sacrificiel pour le genre humain à sauver par elle.
– le psaume 21 verset 27
“Que votre
cœur revive à jamais, car toutes les extrémités de la terre se souviendront et
se tourneront vers Yahvé.” Le cœur brisé, anéanti, donne la vie aux cœurs
des hommes. Ce psaume 21 met en évidence l’humilité intime du Messie, sa
patience, son refus de la vengeance. Ce Cœur a pitié de l’aveuglement des hommes
et prie pour eux
– le psaume 69 verset 21
“L’opprobre
m’a brisé le cœur et je languis ;
“J’attendais
de la compassion, et rien !
“Des
consolateurs: je n’en ai point trouvé.”
Ces paroles ont enflammé d’amour des
générations d’âmes religieuses, désireuses de consoler le Seigneur affligé. Dans
ce psaume, le Messie demande compassion et constate l’absence de consolateurs.
Bertrand de Margerie note, par ailleurs, l’importance du psaume 69 (versets 21
et 22) comme évocation de la Passion: “Ils m’ont abreuvé de vinaigre.”[4]
Pourtant, de sa mortelle angoisse, ce Cœur fera jaillir un cri de joie dans les
autres cœurs : “Vous tous qui cherchez Dieu, que votre cœur revive.”
(Psaume 69-verset 33), ou encore, rappelant l’aube de la Résurrection : “Je
Te rends grâce Seigneur, de tout mon cœur” et: “Combien ton salut me
comble mon Cœur d’allégresse; tu as accordé le désir de mon Cœur.”
(Psaume 21 versets 2 et 3)
Le Cœur du Messie – humain et divin –
est soumis au Dieu qui l’envoie. (Ps 39) Il s’offre dans une angoisse mortelle
(Ps 22 et 69) et éclate d’une sainte allégresse (Ps 15)
Dans l’Ancien Testament on peut encore
citer :
[5]
– le Livre d’Osée. L’épouse
infidèle du prophète est le symbole du peuple infidèle à Dieu qui le cherche
sans cesse dans le désert de ses péchés. Le prophète, instruit par sa propre
expérience, comprend mieux l’amour méprisé de Dieu pour Israël. Le jugement
divin est orienté vers le pardon.
– Jérémie 31, (31 à 33)
L’annonce de l’Amour éternel de Dieu pour Israël est intimement lié à la
promesse d’une Alliance nouvelle, éternelle et efficace parce qu’intérieure.
Cette Alliance nouvelle dans le Cœur du Christ, offerte à toutes les nations,
est sans cesse proposée à Juda et à Israël.
– Le Cantique des cantiques
dans sa quasi intégralité. On peut notamment citer ici quelques expressions
particulièrement explicites : “Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à
lui.” (II, 16) et: "Tu m’as blessé au cœur par un seul de tes regards.”
(IV,9) ou encore: “Unique est ma colombe, unique est ma parfaite. (VI, 9)
“Pose-moi comme un sceau sur ton cœur ; car l’amour est puissant comme la
mort... ses ardeurs sont des flammes de feu, ses feux, le feu du Seigneur. Des
torrents ne pourraient l’éteindre, des fleuves ne le pourraient noyer.” (VIII,
6-7)
– Et enfin, le véritable
Serpent dressé annoncé par le prophète Zacharie (Za XII,10) : “Dressé, le
Transpercé” vers qui ils regarderont.
Cependant on peut dire que, selon le
résumé de l’enseignement d’Haurietis Aquas, présenté par Bertrand de
Margerie, l’Ancien Testament, même s’il fait parfois allusion au Cœur de Dieu,
ne présente pas d’une façon explicite le devoir de rendre un culte spécial au
Cœur, symbole de l’amour du Messie pour Israël et tout le genre humain; il nous
présente simplement des prophéties avec des images propres à nous émouvoir.
Ces images, ces signes avant-coureurs du
symbole suprême de l’amour divin: le Cœur du Christ, peuvent être considérés
comme un gage du plus noble témoin de cet amour divin, à savoir, l’adorable Cœur
du divin Rédempteur. Car l’Ancien Testament ne nous présente jamais le Dieu
aimant, immatériel et transcendant sans lui associer son Christ, son Oint. Ce
Cœur transcendant s’incline vers l’homme (Jb 7,17). Le Cœur de Dieu renverse
déjà la justice pour la traduire en miséricorde.[6]
Le Nouveau Testament ne suggère nulle
part, de manière explicite, la
nécessité de rendre un culte au Cœur de Jésus,
symbole de son Amour. Et pourtant, le cœur humble et aimant de Jésus est présent
partout dans les Évangiles, même si c’est seulement dans l’Évangile de Saint
Matthieu que l’on peut lire : “Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez
sous le fardeau et je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug... car je suis
doux et humble de cœur et vous trouverez soulagement pour vos âmes.” (Mt
11, 25-30)[8] Jésus
est doux et humble... c’est seulement par l’humilité qu’on peut pénétrer dans le
Cœur doux et humble de Jésus.
Plus tard Saint Paul écrira :
“Je vous porte en mon
cœur... Je vous aime tendrement dans les entrailles du Christ.” (Ph 1, 7-8)
car, pour Saint Paul, les Chrétiens sont les bien-aimés du Père à l’image de son
Fils unique, et les grandes épîtres exaltent l’amour gratuit du Christ Jésus
pour les hommes pécheurs.[9]
“Le Christ, alors que nous étions
encore pécheurs est mort pour nous.” (Rm 5,8)
“Je vis dans la foi au Fils de Dieu
qui m’a aimé et s’est livré pour moi.” (Ga 2,20)
“L'amour du Christ pour nous en son
Église surpasse toute connaissance.” (Ép 2, 4-5; 3, 18-19; 5, 1-2; 5, 25-29)
“Ce n’est pas par des œuvres... mais
selon sa miséricorde que le Christ nous a sauvés.” (Tt 3, 3-6)
L’ensemble de la pensée paulinienne est
bien résumé dans les deux phrases qui suivent: “L’Incarnation révèle le vrai
Dieu qui est charité.” et “le Christ est une épiphanie de la
philanthropie divine.”
Plus tard, Saint Jean explicitera
clairement, par les symboles du côté ouvert de Jésus et de l’Eau vive qui
jaillit de son Cœur transpercé, l’immensité de l’Amour de Jésus pour nous.
Bertrand de Margerie
[10] nous dit notamment :
“Le chapitre 7 de Saint Jean
nous présente la promesse d’Eau vive qui jaillira du Cœur transpercé du
Christ : “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Des
fleuves d’Eau vive, c’est-à-dire d’amour, couleront de son sein.” Mais c’est
du sein de l’Église hiérarchique, c’est-à-dire tout à la fois du côté transpercé
du Christ, principe de cette Église, et des cœurs, des volontés aimantes des
apôtres auxquels sont confiés les sacrements de Baptême et de l’Eucharistie, que
sortent ces fleuves d’Eau vive.”
Mais il faut noter que la promesse de
Jésus est conditionnée par la soif, la soif d’une révélation portant sur l’Amour
divin, la soif d’aimer cet Amour : “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi,
et qu’il boive.”
“Au Chapitre 19, Saint Jean
dévoile la manifestation suprême du Cœur du Christ dans la Nouvelle Alliance,
fondement par excellence du culte qui lui est rendu par l’Église. Jésus meurt
comme victime sacrificielle. Sa mort est un volontaire sacrifice d’amour... La
transfixion du côté est orientée vers la manifestation d’un amour unificateur...
C’est la révélation de tous les mystères de notre foi qui convergent et
culminent en Lui. “ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé.”
Le signe évangélique suprême c’est le
Cœur transpercé du Seigneur. Peu à peu, l’Église découvrira le devoir d’adorer
le Père dans et par le Cœur du Fils.[11]
La doctrine trinitaire et
christologique, distinguant trois personnes dans
l’unique nature divine de
Jésus-Christ: trois sujets aimant le monde d’un unique amour et deux natures
dans l’unique personne divine du Christ, doctrine élaborée par les Pères de
l’Église, a été comme récapitulée dans les Conciles de Nicée, de Chalcédoine, et
de Constantinople I et II qui exposent les fondements du culte catholique au
Cœur de la personne du Verbe incarné.
Dès le IIe siècle, Saint
Justin, Saint Irénée, Tertullien, Saint Hippolyte, Saint Apollinaire insistent
sur la plaie du côté de Jésus d’où jaillissent les eaux spirituelles qui
purifient toutes choses: l’Eau et le Sang, c’est-à-dire le Logos et le Pneuma
(la Parole et l’Esprit)
[13]. A partir d’Origène au IIIe siècle,
les Pères insisteront sur l’attitude de Jean pendant la Cène : “Le disciple que
Jésus aimait était couché dans le sein de Jésus.” Jean est le témoin de l’Amour
du Christ crucifié pour son Église. Les commentaires d’Origène sur le disciple
bien-aimé sont proches de ce que l’on a appelé par la suite la dévotion envers
le Cœur du Seigneur. On peut dire qu’Origène fut l’initiateur d’un culte privé
au Cœur de Jésus sous différents vocables.
Saint Augustin et Saint Paulin de Nole
reprendront ces données: Jésus veut bien admettre l’âme choisie à la
connaissance de ses secrets, et c’est là un insigne témoignage d’amour.
Ensuite, Saint Jean Chrysostome, Saint Ambroise et leurs successeurs auront les
yeux fixés sur la transfixion, réalisant la prophétie de Zacharie: “Ils
regarderont Celui qu’ils ont transpercé.” Pour Chrysostome, boire au côté du
Christ, c’est recevoir son Sang eucharistique. Pour Ambroise de Milan, de la
blessure du Seigneur sont sortis le Sang et l’Eau, et Jésus a exhalé le
souffle : l’Eau en vue du Baptême, le Sang pour la boisson, le Souffle pour la
résurrection.[14]
Pour conclure, on peut dire que ce sont
les Pères de l’Église, dont la pensée a été recueillie par Saint Thomas d’Aquin,
qui ont préparé le culte rendu au Cœur de chair du Christ Jésus, comme symbole
de son Amour.
De la fin du premier millénaire aux XIe
et XIIe siècles, à travers la méditation du Cantique des cantiques,
l’Église passe, de la plaie du côté, au cœur transpercé du Seigneur.
Le Cantique des cantiques, c’est
l’expression de l’amour réciproque entre Dieu et son peuple. Mais à partir
d’Origène, le Cantique révèle le Cœur de Jésus et le culte qui lui est dû, grâce
à des images de l’amour conjugal : “Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé
est à moi... Pose-moi comme un sceau sur ton cœur... car l’amour est fort comme
la mort... Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé... Avec un
seul de tes regards, sœur fiancée, tu as blessé mon Cœur.
[15]
Saint Bernard évoquera avec tendresse le
Cœur mystérieux de Jésus mais ne l’invoquera pas encore. “Ils ont percé de
clous ses mains et ses pieds, et son côté d’une lance, et par ce trou... je puis
goûter combien le Seigneur est doux... Ces clous... sont devenus pour moi comme
des clés qui m’ont ouvert le trésor de ses secrets et fait voir la volonté du
Seigneur. Et pourquoi ne la verrais-je pas au travers de ses plaies ?... Ce fer
a traversé son âme et touché Son Cœur, afin qu’Il sût compatir à mes
infirmités... Comment Seigneur, pouviez-Vous faire éclater davantage l’excès de
votre bonté et de votre miséricorde, que par les blessures cruelles que Vous
avez souffertes pour moi ?”
Saint Bernard fit école
[16].
Son disciple Guillaume de Saint-Thierry (mort en 1149) écrit dans
ses “Oraisons méditatives” : “Les richesses inestimables de votre gloire,
Seigneur, étaient cachées profondément dans le ciel de votre secret, jusqu’à ce
que la lance d’un soldat ouvrît le côté du Fils de Dieu... Par la porte qui nous
est ouverte, nous devons pénétrer tout entiers jusqu’à votre Cœur, Jésus, siège
certain de votre miséricorde, et jusqu’à votre âme sainte, pleine de toute la
plénitude de Dieu... Le Cœur de Jésus, le Saint des saints, l’Arche du
Testament, l’Urne d’or...”
Autre disciple cistercien de Saint
Bernard, Guerric d’Igny (mort en 1157) écrit: “...Bon et plein de pitié, Il a
ouvert son côté pour que le sang de sa blessure te donne la vie, que la chaleur
de son corps te réchauffe, que le souffle de son Cœur t’aspire...”
A la fin du XIIe siècle, la
symbolisation de l’amour par le cœur étant enfin dégagée, le cœur apparaissant
comme l’exclusif centre et sujet de l’amour, la théologie chrétienne sera prête
à accueillir le culte au Cœur de Jésus dont la révélation sera en grande partie
une des missions des grandes mystiques du XIIIe siècle.
Lutgarde (1182-1246), oblate bénédictine
d’origine flamande puis moniale
cistercienne, eut une vision des plaies, du sang
et de la supplication du Christ, prêtre et victime pour le salut des pécheurs.
Elle avait dû renoncer à un amour humain, légitime, pour s’offrir tout entière
au Christ, à son amour expiateur pour les hommes et pour la gloire du Père. Nous
sommes ici en présence de l’aspect essentiel du culte au Cœur du Christ. Mais si Lutgarde a reçu la révélation de la mission corédemptrice des baptisés : s’unir
à la Passion du Cœur de Jésus pour le salut du monde, elle n’a pas reçu mission
de faire connaître au peuple chrétien le mystère du Cœur divin.[17]
Mechtilde de Magdebourg (1210-1282)
entra au monastère cistercien d’Helfta en 1270. Elle exprimera dans ses
élévations pieuses des accents réparateurs proches de ceux de Lutgarde, mais en
manifestant pour la première fois le Cœur glorieux de Jésus. Lorsque Mechtilde
s’étonna de tous les maux que Jésus avait dû souffrir, le sang qu’Il avait
répandu ayant certainement été suffisant pour racheter tout le monde, le
Seigneur répondit : “Non, mon Père n’était pas satisfait: la pauvreté, les
travaux, toutes les souffrances et les mépris, ne furent qu’un coup frappé à la
porte du ciel jusqu’à ce que le sang de mon Cœur eût été répandu sur la terre;
alors seulement fut ouvert le Royaume des cieux.” On comprend que pour
Mechtilde de Magdebourg, le mystère du Cœur et de la plaie du Christ est
étroitement lié à la Croix eucharistique et au Mystère pascal.
Deux autres grandes mystiques d’Helfta
suivirent : Gertrude la Grande (1252-1303) et
Mechtilde de Hackeborn (1241-1299)
son amie et confidente. La pensée de Gertrude affine celle de Mechtilde de
Magdebourg, la dévotion au Cœur de Jésus étant pour elle la conséquence du
Mystère pascal dans ses aspects crucifixion et transfixion de Jésus.
– Le Cœur de Jésus blessé demande amour
et réparation. Mechtilde de Hackeborn, auditrice des battements du Cœur de
Jésus, contemple les perfections de l’Amour divin du Sauveur et la bonté de son
Cœur humain.[18] Elle
raconte comment, dans une extase ineffable, Jésus lui donna son Cœur :
“...
Je te donne mon Cœur, dit Jésus, afin de penser par Lui, et de M’aimer Moi-même
et toutes choses par Moi-même. A ce dernier mot, le Seigneur absorba mon âme
tout entière et se l’unit de telle sorte qu’il semblait qu’elle vît par les yeux
de Dieu, qu’elle entendît par ses oreilles, qu’elle parlât par sa bouche, et
qu’elle ne se sentît pas d’autre cœur que celui de Dieu Lui-même.”
– De son côté Gertrude peut dire
au Christ : “Ouvrez-moi votre Cœur tant aimé comme un asile de salut. Quant
au mien, je ne l’ai plus: c’est Vous, ô mon cher Trésor qui me l’avez déjà pris
et le gardez en Vous-même. C’est de Vous qu’il vit uniquement: Vous l’avez
transformé, tout chétif qu’il était, en votre divine essence.” Jésus lui
répondit :
“Mon Cœur divin, connaissant
l’inconstance et la fragilité humaines, désire avec une ardeur incroyable et
attend continuellement que vous L’invitiez, sinon par vos paroles, du moins par
quelque autre signe, à opérer et à accomplir en vous ce que vous n’êtes pas
capable d’y opérer et accomplir par vous-même.”
Dans ses Exercices, Gertrude laisse
parler son cœur :” O Amour, ta divine ardeur m’a ouvert l’entrée du Cœur très
tendre de mon Jésus. O Cœur, source de douleur! O Cœur débordant de bonté
aimante ! O Cœur, d’où la suavité distille en rosée ! O Cœur rempli de
Miséricorde! De grâce, faites-moi mourir d’amour et de tendresse ! O Cœur objet
de ma plus vive tendresse, daignez absorber mon propre cœur en vous-même... o
Cœur aimé plus que toutes choses, le cri de mon propre cœur s’élève vers
Vous...”
Angèle de Foligno (1248-1309) vit le
Cœur du Christ pendant son sommeil, et il lui fut dit : “Dans ce Cœur, il n’y
a pas de mensonge : tout y est vérité.”
Remarque importante
Les révélations privées n’ajoutent rien
à la Révélation publique donnée par Jésus. Ces révélations privées n’ont qu’un
but: inviter d’une manière urgente à y adhérer plus pleinement et avec plus
d’amour.
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