Deuxième partie

La Bienheureuse Dina Bélanger
et
la Sainte Trinité

Présentation

Dina Bélanger, religieuse canadienne, fut béatifiée par le pape Jean-Paul II le 20 mars 1993. Nous connaissons son évolution spirituelle grâce essentiellement à ses poésies et à son autobiographie. Le Seigneur lui avait révélé un jour que c'est surtout par ses écrits qu'elle Le servirait. C'est réellement grâce à son autobiographie, rédigée par obéissance à sa supérieure que nous pouvons nous émerveiller de l'action du Seigneur en elle et découvrir comment, dès cette terre, des hommes peuvent vivre au sein de la Très Sainte Trinité.

Au fur et à mesure que Dina progressait dans sa vie spirituelle, plusieurs aspects de ses relations avec Dieu se manifestèrent et évoluèrent presque simultanément. Ainsi, alors que Dina était encore toute jeune  et déjà très orientée vers la Sainte Eucharistie, Jésus lui donna deux guides: l’Hostie et l’Étoile: “L’Hostie, c’était Lui-même; l’Étoile, c’était sa Sainte Mère.

Jésus, l'Hostie, la fit pénétrer de plus en plus profondément dans l'Amour de son Cœur Eucharistique. Puis Il l'invita à la souffrance avec son Cœur Agonisant. En même temps, grâce à l'Amour de Marie : l'Étoile, Dina apprenait à prier en union avec Jésus et sa tendre Mère, en esprit d'adoration et de louanges envers la Trinité sainte. Toutefois, ce fut lentement, et surtout vers la fin de sa vie que Dina découvrit les richesses infinies de la Sainte Trinité.

Nota: Les textes en italique sont tous extraits de l'Autobiographie de Dina Bélanger.

1
Évolution de la dévotion de Dina Bélanger
envers la Sainte Trinité

1-1-La vie dans le monde

1-1-1-Pour Dina, c'est d'abord  l'Eucharistie

Dina Bélanger fit sa première communion le 2 mai 1907: elle avait sept ans. Quelques mois plus tard, contemplant le Saint Sacrement exposé elle dit: "Jésus, je sais que vous êtes là, dans l'Hostie. Oh! Montrez-vous donc aux yeux de mon corps; je désire tant vous voir." Jésus répondit "à sa naïve supplique par une grande augmentation de foi en sa présence réelle au Saint Sacrement."

En juin 1913 Dina fut reçue zélatrice de l'Apostolat de la Prière dans lequel sa maman se dévouait. Elle découvrit[1] alors le règne du divin Cœur de Jésus.

1-1-2-Puis la Vierge Marie

Le 1er mai  1910, âgée de treize ans, Dina est admise dans la Société des Enfants de Marie. Elle développe alors sa dévotion envers la Sainte Vierge en pratiquant les conseils de Louis-Marie Grignion de Montfort, dévotion exposée dans Le Secret de Marie. C'est Marie "qu'il faut laisser vivre en nous pour que le Christ se substitue à notre néant."

Ses désirs de vie religieuse s'accentuent: Dieu seul pouvait satisfaire Dina. Le premier vendredi du mois d'octobre 1911, elle consacra à Dieu pour toujours, sa virginité.

1-1-3-Enfin la souffrance et l'offrande comme victime

Au début de la Grande Guerre 1914-1918, Dina Bélanger s'offrit aussitôt et s'abandonna totalement au vouloir de Jésus comme sa victime.

À partir de l’âge de vingt ans, Dina s'unit de plus en plus étroitement avec Dieu. Elle bénéficia même de quelques faveurs divines qu’elle ne comprenait pas et qui l’effrayaient un peu. Elle écrit: “À certains moments, la voix de Jésus se faisait entendre au fond de mon cœur. Sa lumière présentait aux yeux de mon imagination des tableaux que je ne connaissais pas. Au sujet de cette voix et de ces tableaux, j’ai prié beaucoup... Jésus me familiarisait avec l’idée de la souffrance. Il se servit encore d’un tableau. Sa main tenait une croix. Une première fois il entra le pied de la croix dans mon cœur. Plus tard, il l’enfonça davantage. Enfin, il la plaça en entier, avec les deux bras, en l’entrant profondément; il avait fallu déchirer. Ce dernier acte figurait que le Sauveur, avec sa croix, régnait en moi. Puis il entoura mon cœur d’une couronne d’épines, symbole de la sienne. Il m’initia à la vie d’union avec lui.

Je priais en union avec Notre-Seigneur et la Très Sainte Vierge, –et avec tous les êtres à qui je pouvais m'unir- pour tous les êtres, au nom de tous, en esprit d'adoration envers la Trinité sainte et de louanges vis-à-vis des anges et des saints, d'actions de grâces, de réparation, de demande."

1-1-4-Le Tiers-Ordre de Saint Dominique

Dina fut admise dans le Tiers-Ordre de Saint Dominique, vers l'âge de vingt ans. Nous sommes en 1920 et les désirs de vie religieuse augmentent, mais où aller? Quel ordre choisir? Dina se disait que ses études, voulues par le Seigneur, devaient la conduire dans une Congrégation enseignante. Mais laquelle? Un jour, Jésus lui dit:

-Je te veux à Jésus-Marie.

1-2-L'entrée dans la vie religieuse

1-2-1-Le postulat. Expérience intérieure

Débuts difficiles, mais Jésus lui fit comprendre que "La vie religieuse, c'est la conversion ininterrompue de l'âme avec l'Époux; c'est l'état d'oraison partout: à la prière, au travail, au repos, puisque Jésus et l'âme ne font qu'un..."

À l'occasion de son entrée au noviciat, de nouveau Jésus lui parla: "Jésus me fit entendre sa voix mystérieuse et douce; je me sentis enivrée de pures délices, c'était la paix, l'amour. Puis le Bon Maître prit mon pauvre cœur, s'en empara à la façon dont on enlève un objet de quelque endroit, et mit à la place,- ô don de l'infinie tendresse!- son Cœur sacré et le Cœur Immaculé de Marie[2]... Je n'avais plus à chercher au-dehors l'Hostie et l'Étoile: Jésus et Marie, je les possédais dans mon intérieur."

La retraite de la prise d'habit commença le 6 février 1922.

1-2-2-Le noviciat. Un grand désir du salut des âmes

Dina Bélanger, devenue Sœur Marie Sainte Cécile de Rome continua à enseigner. Elle avait une profonde affection pour ses élèves; elle voyait en elles surtout leurs âmes qu'elle considérait "comme des ciboires vivants où la Sainte Trinité résidait."

Un premier vendredi du mois, le Saint Sacrement étant exposé, durant son adoration, Dina “crut voir une multitude d’âmes qui couraient à leur perte éternelle. Quelques-unes étaient sur le bord de l’abîme; elles allaient tomber. Jésus me dit que je pouvais sauver ces dernières en priant pour elles avec ferveur, en lui offrant de petits sacrifices, par amour; ce que je fis immédiatement. Alors je vis ces âmes, vaincues par la grâce divine, abandonner le camp du démon... La miséricorde de Dieu est infinie.

Le Seigneur demanda aussi à Dina de consoler son Cœur outragé dans la Sainte Eucharistie... Dina précise: “C’est dans l’éternité seulement que nous comprendrons un peu la peine qu’éprouve Notre Seigneur à cause de nos péchés, de nos négligences, de nos manques d’amour.

Le noviciat de Dina se poursuit. Sa faim de l’Eucharistie croît toujours.

Nous sommes en 1922. Une nouvelle étape se prépare: “Vers ce temps, Notre-Seigneur me dit de le laisser agir, et qu’il allait commencer à me préparer à la mort d’une manière plus immédiate.”

1-2-3-La profession de Dina et le Cœur Eucharistique de Jésus

Le 15 août 1923 Dina fit sa profession temporaire. Elle s'abandonna au  Cœur Eucharistique de Jésus.

Ô Jésus, je veux souffrir pour me détruire en ton Cœur et te laisser vivre seul en moi; je veux souffrir pour te consoler; je veux souffrir pour sauver les âmes et pour diminuer le péché sur la terre; je veux souffrir parce que je t’aime!... Mon Dieu, je me meurs de ne pas mourir, tellement est intense mon désir d’union parfaite avec vous...” 

1-3-La vie religieuse

Comme la plupart des grands mystiques, Dina découvre le lien existant entre l’amour et la souffrance: “L’amour m’apparaissait comme unissant la souffrance et la joie; je les voyais naître toutes deux dans le Cœur de Jésus.[3]

1-3-1-Présence de la Sainte Trinité

Dès la deuxième semaine d'octobre 1923, Dina fut isolée en raison d'une maladie contagieuse. Elle s'inquièta beaucoup pour ses sœurs surchargées, obligées de la remplacer dans ses emplois, mais elle comprit que Jésus voulait lui enseigner la pratique du parfait abandon. Elle devait tout lui remettre, et Lui, Jésus, se chargerait de penser et d'agir à sa place. Il se substituait à Dina, et elle devait Le laisser faire. Jésus lui dit un matin:

— Je t'accorde la grâce que, désormais, tu ressentes intérieurement ma présence en toi, c'est-à-dire que tu jouisses de la présence sentie de Dieu.

"Aussitôt la vie de la Trinité sainte se manifesta en moi avec une douceur, une paix, un amour indicibles, écrit Dina qui continue: j'étais immobile de respect, de reconnaissance et confondue dans mon néant..."

1-3-2- Jésus se substitue à Dina: la soif des âmes

Dina continue à suivre les conseils de Louis-Marie Grignion de Montfort, rassemblés, nous l'avons dit plus haut, dans Le Secret de Marie: c'est Marie "qu'il faut laisser vivre en nous pour que le Christ se substitue à notre néant." Elle s'abandonna donc de plus en plus, laissant à Jésus le soin de se charger de tout, de penser et d'agir à sa place. Il se substituait à elle, et elle le laissait faire... Souvent aussi Jésus lui répétait sa soif des âmes:

— J’ai soif des âmes! J’ai soif d’amour! Je mendie les cœurs... On ne m’écoute pas, on me repousse, on m’insulte et on me frappe!... Oh! que j’ai soif et que je souffre!...

Dina ajoute: “Le divin mendiant me pénétra de la vérité que les hommes sur la terre sont solidaires les uns des autres, dans la vie spirituelle comme dans la vie sociale. J'avais une part de responsabilité morale envers toutes les âmes du monde entier, celles qui vivaient à l'heure actuelle, et celles qui seraient créées dans l'avenir.”

1-3-3-Dina doit écrire les œuvres de Jésus

Dina est de nouveau malade et isolée pour quarante jours, en raison de la contagion. Jésus va lui faire commencer ses travaux littéraires et se servir de sa main pour redire aux âmes "qu'il les aime d'un amour qu'elles ne comprennent pas…" Le 22 novembre 1923, fête de sainte Cécile, comme Dina ne pouvait assister à la messe, Jésus lui dit: "Tu ne peux pas asssister à la messe; eh bien! viens entendre celle du ciel, où l'on chante aussi sainte Cécile." Aussitôt Dina se crut au paradis, croyant entendre des harmonies dont la suavité et la puissance sont inconnues sur la terre..." Mais bientôt il fallut retourner sur la terre. Dina s'écrie: "Oh! Qu'elles sont ravissantes les harmonies du ciel! C'est l'amour de la Trinité qui laisse onduler en vagues pures les échos de sa charité! C'est le souffle de l'Esprit divin qui vibre en chacun de ses anges et de ses élus!" Plus tard Dina écrira: "Déjà ma joie est immense en songeant que durant l'éternité, pendant des millions de siècles qui commenceront toujours, je serai perdue en Toi seul, Jésus, en la Trinité sainte!"

1-3-4-Le vœu du plus parfait

Nous sommes en janvier 1924, Dina doit retourner à l'infirmerie. Jésus lui demanda le sacrifice de ses élèves et l'avertit qu'elle souffrirait beaucoup jusqu'au 15 août 1924. Dina garde le sentiment profond de son néant, de son indignité. Mais sa confiance en Jésus est si totale qu'elle demande à prononcer le vœu du plus parfait. Le 2 octobre 1924 elle reçut la permission de prononcer, dans toute son étendue, ce vœu du plus parfait, ce qu'elle fit le lendemain 3 octobre 1924.

L'obéissance est la grande règle du plus parfait. Quand l'obéissance lui laisse le choix, Dina choisit le renoncement. "Elle s'engage ainsi à ne rien refuser au Seigneur, à ne pas penser au passé, à ne pas prévoir l'avenir et, dans le moment présent, à ne s'occuper que de Dieu seul." Dina prononce ce vœu du plus parfait librement, avec un grand bonheur et par amour. Mais le "dragon rôde" et la lutte sera dure. Les aridités, les dégoûts, l'obscurité surviennent.

Le 23 avril 1925, Dina commence, "dans le Cœur de la Très Sainte Trinité", une grande retraite jusqu’au 30 avril. Et voici qu'elle "goûte l'Infini. Ô suavité que le langage humain ne peut pas même soupçonner!" Jésus la garde toujours anéantie en lui, au plus intime de son Cœur. Désormais Dina ne veut que ce que Jésus veut: “Rien de plus, mais rien de moins.” Son Éternité est déjà commencée, elle vit dans le Cœur de Dieu, perdue, anéantie en lui, abandonnée totalement à l’action de la Trinité Sainte en son être, car Dina avait émit ce vœu du plus parfait  “pour la plus grande gloire de la Trinité, pour le salut et la sanctification des âmes… aux intentions de Jésus, se livrant totalement à l’Amour infini comme une victime d’amour, une apôtre d’amour et une martyre d’amour…”

Elle écrit: “Depuis hier je goûte l’infini. Ô suavité que le langage humain ne peut pas même laisser soupçonner! Elle s'émerveille: "Comment puis-je définir mes oraisons? Un festin d'amour, la vue d'un rayon de Dieu, le goût de l'infini, l'anéantissement dans le Cœur des Trois, une improvisation au souffle de l'Esprit de charité. Pas d'images, pas de paroles, pas de mouvement. Du bonheur inconnu à la terre. Ah! Si le monde pouvait soupçonner les délices du paradis, il ne s'abuserait pas lui-même en cherchant vainement quelque consolation en dehors du vrai Bien."

Le Seigneur faisait progressivement passer Dina de la connaissance de son Cœur à la connaissance du Cœur de Dieu, donc à la connaissance de la très Sainte Trinité.

Noël 1928. À la messe de minuit, après la communion, Dina fait de nouveau le vœu du plus parfait, mais pour toujours.

1-3-5-Les derniers mois de la vie de Dina Bélanger

Le 30 avril 1929, Dina entre définitivement à l’infirmerie plus ne plus en sortir[4]. Le 14 mai 1929, Dina très faible, a peur de passer la nuit seule. Elle s'abandonne à Jésus dont elle sent la présence à la droite de son lit. Jésus dit:

— Je viens passer la nuit avec toi, je vais prendre soin de toi.

À partir de juillet 1929 Dina n’a même plus la force d’écrire. On ne sait d’elle que ce que ses sœurs ont rapporté, mais il semble que, malgré ses souffrances, elle ait su conserver une joie inaltérable: "on  la trouvait absorbée, gracieuse, souriante. Notre Seigneur lui avait demandé de souffrir avec joie et reconnaissance, de lui sourire dans la souffrance."

Le mercredi matin 4 septembre 1929 elle se sentit soudain plus faible. Elle conserva sa connaissance jusqu’à la fin, son regard fixé sur l’image du Cœur Eucharistique. Elle mourut vers trois heures de l’après-midi, dans sa trente-troisième année.


[1] Dina était alors dirigée par M. l'Abbé Omer Cloutier, qui devint par la suite, Mgr Omer Cloutier.
[2] Dina indique que cela était "un tableau, mais ajoute-t-elle:  il se passa certainement en moi une opération divine que la plume ne peut décrire. J'étais abîmée dans des sentiments de reconnaissance et d'humilité."
[3] Padre Pio (saint Pio) dira plus tard: "L'amour ne peut être que douleur…"
[4] Dina était atteinte de tuberculose.

   

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